PAGE870 •LAREVUEPRESCRIRENOVEMBRE2011/TOME31 N° 337
Je suis interne en médecine géné- rale à l’université Paris VI depuis deux ans et demi. Dans notre faculté, chaque interne se voit désigner, en début de 3èmecycle, un tuteur qui l’ac- compagnera durant les trois années d’internat, et dont les missions sont multiples : être à l’écoute de l’interne, le conseiller dans ses choix, discuter des problèmes rencontrés par les étu- diants en stage hospitalier ou ambula- toire, corriger et valider les récits de cas cliniques concrets que l’interne doit élaborer chaque semestre...
Une méthodologie ancrée dans la réalité
J’ai la chance d’avoir deux tutrices qui prennent très à cœur leur rôle d’accompagnement et qui nous font avidement partager leur passion de la médecine générale (a). Depuis deux ans elles organisent régulièrement des séances de tutorat réparties sur deux soirées. Lors de la première soirée, elles nous exposent un cas clinique sur le thème de leur choix (lombalgies, dysthyroïdies, contraception…), puis nous discutons tous ensemble des questions que nous nous posons autour de ce cas. Chaque interne propose de réfléchir à l’une des questions soule- vées pour la soirée suivante. Lors de la deuxième soirée quinze jours plus tard, tour à tour, nous présentons nos recherches et nos sources à l’aide d’un diaporama.
Ces sessions étaient déjà très inté- ressantes, mais depuis peu Mady et Marie, nos deux tutrices, ont voulu tenter une nouvelle expérience en or- ganisant des séances de tutorat plus atypiques. Pour remettre les choses dans leur contexte, il faut savoir qu’elles souffrent toutes deux d’ad- diction sévère à Prescrire. Elles appar- tiennent d’ailleurs à un cercle de lec- ture Prescrire qui se réunit tous les deux mois. Lors de ces réunions mul- tidisciplinaires (médecins généralistes, pharmaciens), un des lecteurs de Pres- crireprésente à ses confrères quelques articles qui l’ont intéressé.
De là leur est venue l’idée originale de nous distribuer à chacun et chacune un exemplaire de Prescrireet de nous faire travailler l’article de notre choix.
Un apprentissage
à la lecture critique d’un texte
Ainsi, nous lisons la revue, puis nous choisissons un article qui nous intéresse particulièrement pour le présenter la fois suivante. Peu importent la rubrique ou la longueur de l’article, tout est permis. Nous envoyons un mail à tous les internes du groupe en précisant notre choix afin que le même article ne soit pas présenté plusieurs fois. Le jour de la séance de tutorat, chacun présente l’article étudié à ses camarades avec quelques diapositives en toile de fond. Nous expliquons brièvement la raison pour laquelle ce sujet nous in- téresse, nous résumons l’article et, dans la mesure du possible, nous es- sayons de lire et critiquer les études ayant servi à l’élaboration de l’article, de comparer les données avec les re- commandations connues ou de discuter l’avis de Prescrire par rapport à nos pratiques. Durant deux heures, nous discutons d’une dizaine d’articles.
Parfois le débat est animé car chacun donne son opinion, fait par- tager ses connaissances antérieures ou explique les pratiques hospitalières ou ambulatoires qu’il a observées.
Ainsi par exemple, lors d’une séance récente, un article portant sur l’objectif d’HbA1C à atteindre dans le diabète de type II a été l’objet d’une vive dis- cussion : l’interne qui présentait l’article avait lu les études citées et demandé conseil à son chef de service d’endo- crinologie (b). Ce dernier n’était pas du tout en accord avec l’avis de Prescrire et avait expliqué à l’interne que les études référencées dans l’article n’étaient pas correctement interprétées par la revue. Les explications de l’en- docrinologue rapportées par l’interne étaient difficiles à comprendre, nos tutrices souhaitaient plus de précisions sur le point de vue du chef de service et notre camarade s’est retrouvée au centre d’un échange virulent dont tout le monde se souvient bien. Heu- reusement nous savons tous que ces séances du tutorat sont un moment d’échange et de partage dans le respect de chacun.
Violaine Calcine Interne en médecine générale (75)
Un tutorat pédagogique en équipe
Parfois le débat est animé
« A. fait part de son irritation contre Prescrire : Ils sont « excessifs » ; elle a un maître de stage, lecteur de Prescrire, qui ne prescrit que du para- cétamol dans la grippe. Le praticien chez qui elle est en stage donne des AINS et quand même cela marche mieux et les gens sont soulagés ».
« B. nous parle de la pression des visi- teurs médicaux à l’hôpital : ils s’inté- ressent plus à nous qu’aux seniors ».
« C. a choisi la kinésithérapie dans la bronchiolite. Elle est ébranlée par l‘article de Prescrire, car elle est en pédiatrie et fait faire de la kiné à tous les petits enfants qui ont une bron- chiolite. Elle nous présente en paral- lèle les recommandations de la HAS ».
« D. parle de la kinésithérapie après cancer du sein : elle est allée chercher l’article original, décrit et critique l’étude, note la gêne du lymphœ- dème, se demande si une cohorte de 116 femmes, c’est sérieux mais admet que l’étude est intéressante».
a-NDLR : Marie Chevillard et Mady Denantes, géné- ralistes, exercent leur tutorat en équipe. Leur groupe d’internes à encadrer est de l’ordre de 15 personnes, à des stades différents dans leur cursus d’internat.
b-Prescrire Rédaction “Diabète de type 2 : viser une HbA1c entre 7 % et 7,5 %“ Rev Prescrire 2010 ; 30 (325) : 846-847.
Reproduction interdite, sauf pour les abonnés individuels dans le cadre d'une diffusion limitée, en petit nombre, à but non commercial.
Reproduction interdite, sauf pour les abonnés individuels dans le cadre d'une diffusion limitée, en petit nombre, à but non commercial.