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Les allégories et métaphores maternelles dans les discours publics en France (1789-1914)

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Brigitte Demeure

To cite this version:

Brigitte Demeure. Les allégories et métaphores maternelles dans les discours publics en France (1789- 1914). Histoire. Université d’Avignon, 2017. Français. �NNT : 2017AVIG1176�. �tel-02182942�

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UNIVERSITÉ d’AVIGNON et des PAYS de VAUCLUSE ECOLE DOCTORALE 537 Culture et patrimoine Laboratoire équipe HEMOC – Centre Norbert Elias,

UMR 856 C (EHESS-UAPV-CNRS-AMU)

Thèse pour obtenir le grade de docteur de l’Université Discipline : Histoire

Présentée et soutenue par Brigitte Demeure Le 17 mars 2017

LES ALLÉGORIES et MÉTAPHORES MATERNELLES dans les DISCOURS PUBLICS en FRANCE (1789-1914)

Thèse dirigée par Mme Françoise Thébaud et M. Jacques Guilhaumou Jury :

Mme Françoise Thébaud, codirectrice, Université d'Avignon M. Jacques Guilhaumou, codirecteur, CNRS

Mme Sophie de Mijolla-Mellor, Université Paris Diderot-Paris 7 Mme Yannick Ripa, Université Paris 8

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UNIVERSITÉ d’AVIGNON et des PAYS de VAUCLUSE ECOLE DOCTORALE 537 Culture et patrimoine Laboratoire équipe HEMOC – Centre Norbert Elias,

UMR 856 C (EHESS-UAPV-CNRS-AMU)

Thèse pour obtenir le grade de docteur de l’Université Discipline : Histoire

Présentée et soutenue par Brigitte Demeure Le 17 mars 2017

LES ALLÉGORIES et MÉTAPHORES MATERNELLES dans les DISCOURS PUBLICS en FRANCE (1789-1914)

Thèse dirigée par Mme Françoise Thébaud et M. Jacques Guilhaumou

Jury :

Mme Françoise Thébaud, codirectrice, Université d'Avignon M. Jacques Guilhaumou, codirecteur, CNRS

Mme Sophie de Mijolla-Mellor, Université Paris 7 Mme Yannick Ripa, Université Paris 8

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En mémoire de Danièle Rougé, qui a inspiré le sujet de thèse,

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Résumé

Brigitte Demeure, « Les allégories et métaphores maternelles dans les discours publics en France (1789-1914) »

C.G. Jung et ses proches collaborateurs ont souligné l’importance de l’imago maternelle aussi bien pour les individus que pour les groupes et les sociétés. Si cette thématique n’a guère été développée dans l’œuvre de Freud, cela n’est pas la cas pour les psychanalystes freudiens des générations suivantes, citons à cet égard Mélanie Klein ou D.W. Winnicott par exemple. Il revient tout particulièrement aux travaux des psychanalystes français Didier Anzieu et René Kaës d’avoir tenté d’articuler l’individuel et le collectif dans leurs travaux sur les groupes, et d’avoir confirmé l’équivalence du groupe et du complexe ou de l’imago maternels.1 Dans cette thèse j’ai souhaité examiner et évaluer l’importance de cette représentation maternelle dans la vie politique française tout au long de ce qui constitue une période fondatrice pour la vie politique française contemporaine, de la Révolution à la Première guerre mondiale. J’ai choisi de procéder à cette étude à partir des métaphores et allégories maternelles que l’on trouve dans les discours publics, ceux-ci incluant aussi bien les discours politiques proprement dits que les discours prononcés lors de distribution de prix à l’école, par exemple. Je ne procède pas, ou très peu, à des interprétations psychanalytiques, sauf lorsque cela me semble évident. Le cadre de référence actualisé de ma thèse est constitué par la recherche historique, mais la psychanalyse en représente « le cadre fantôme ou complémentaire», pour reprendre l’heureuse expression de René Kaës. A la suite de cette recherche, force est de constater l’emploi généralisé des métaphores et allégories maternelles dans la plupart des discours publics de cette période, sous des formes multiples : citons par exemple la Nature pendant la Révolution, la Jérusalem céleste puis la Vierge Marie dans le camp conservateur et d’autres représentations créés par les premiers socialistes, dont la Communauté (Etienne Cabet), ou bien encore la France maternelle et messianique de Michelet, la patrie des Républicains, la religion de l’Humanité du positivisme, celle de la Terre et des Morts de Barrès, etc.. La métaphore et l’allégorie maternelle constituent alors la promesse d’un idéal et/ou la demande de soumission. Ces figures maternelles ont des enfants, et dans les discours publics principalement des fils. Cette thèse constate l’importance de la relation privilégiée entre la mère et ses fils au niveau politique. Le « premier » de ces fils se

1 René Kaës Le groupe et le sujet du groupe, Dunod, 1993, p. 243

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pose le plus souvent en tant que porte-parole ou interprète de la métaphore à laquelle il se réfère : Robespierre, Napoléon Ier et Gambetta en sont quelques exemples. Dans le contexte imaginaire et idéologique induit par ces métaphores et allégories maternelles, l’individu et la femme en tant que tels, n’existent guère, la relation entre la Mère et son Fils constitue le principal modèle d’identification proposé.

Summary

Brigitte Demeure, « Maternal metaphors and allegories in public discourses (France, 1789- 1914)»

C.G. Jung and his followers have emphazised the importance of the maternal imago for indivuals, groups and societies. This topic was barely developped by Freud, which is not the case for Freudian analysts of the following generations ; one might cite for example Melanie Klein or D.W. Winnicott. Didier Anzieu and René Kaës, both French psychoanalysts, have made an attempt to articulate the individual and the collective in their studies about groups and have confirmed the equivalence of the group and the maternal imago. In this doctoral thesis, I have attempted to examine and assess the importance of this maternal representation in French political life during this formative period for French politics which lasts from the Revolution to WWI. I have chosen to study this issue through maternal metaphors and allegories in public discourses, which include political speeches and other discourses, like award speeches at school, for example. I do not give psychoanalytical interpretation, unless it seems obvious. The reference framework of this thesis is historical research, but psychoanalysis is its complementary or shadow framework. The results of the research show that maternal metaphors and allegories were widely used in most public speeches of that time, in many different forms. Nature (during the Revolution), heavenly Jerusalem or Virgin Mary in the conservative camp, and other maternal representations which were created by the early socialists – among which the “Community” (Etienne Cabet) – as well as Michelet’s maternal and messianic France. The Republicans’ father - or rather motherland, the religion of Humanity as seen by Auguste Comte and the positivists, the religion of the Earth and the Dead (Maurice Barrès) are some examples... Maternal metaphors and allegories constitute a promise of happiness, an ideal and/or a submission request. These mother figures have children, mainly sons. This doctoral thesis confirms the importance of the privileged relationship between mother and son on the political level. Very often the “first” of these sons establishes himself as the spokesman or the interpreter of this metaphor or allegory. Robespierre, Napoléon, the first

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emperor of France, or Gambetta are some examples. In the ideological or fictional context which these metaphors and allegories induce, there is hardly any room for the individual or for the woman as such, the relationship between Mother and Son is the main identification model which is proposed.

Mots clés :

Histoire française - Allégorie métaphore imago maternelle – discours politiques – idéologie – psychohistoire –psychanalyse.

Keywords :

French History - Maternel allegory, metaphor, imago – political discourses – ideology – psychohistory – psychoanalysis.

Stichworte :

Französische Geschichte - Mütterliche Allegorie, Metapher, Imago – politische Reden – Ideologie – Psychohistorie – Psychoanalyse.

UNIVERSITÉ d’AVIGNON et des PAYS de VAUCLUSE ECOLE DOCTORALE 537 Culture et patrimoine

Laboratoire équipe HEMOC – Centre Norbert Elias, UMR 856 C (EHESS-UAPV-CNRS-AMU)

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TABLE

MATIERES DES

INTRODUCTION GENERALE (p 23)

I - Définition du sujet (p 24)

1. Allégorie et métaphore, une définition préalable (p. 24) 2. Les bornes chronologiques (p. 25)

3. Choix du corpus et des sources (p. 27) 4. Discours publics et politiques (p. 29) a)Définition

b)Le rôle du porte-parole (p. 31)

II – Allégories et métaphores maternelles : bilan historiographique (p 32)

1. En France : une histoire des femmes et du genre peu intéressée par les allégories et métaphores maternelles (p. 33)

2. La figure tutélaire de Maurice Agulhon (p. 36)

3. La Révolution française, la période la mieux documentée à ce sujet (p. 37) a)Lynn Hunt (p. 38)

b)Les travaux d’autres historienNEs pour cette même période (p. 39) 4. Peu de travaux pour le XIX° siècle (p. 42)

III – Allégories et métaphores maternelles : l’apport d’autres disciplines(p. 43)

1. Entre anthropologie dogmatique et philosophie : Pierre Legendre et Dany-Robert Dufour 2. La psychanalyse et l’amour de la mère-patrie ou de la Nation (p. 45)

IV – Méthodologie et problématique 1. Méthodologie

2. Problématique historique

(p. 47)

(p. 50)

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3. Problématique issue du « cadre fantôme » de cette thèse, à savoir la psychanalyse 4.) Analyse du discours et psychanalyse

a)Qu’est-ce donc qu’un mythe et qu’une parole mythique ? (p. 54)

b)La parole mythique, une formation articulaire entre l’intra psychique et le social ? (p. 54) c)La fonction du porte-parole en psychanalyse (56)

PREMIERE PARTIE

LES ALLÉGORIES ET MÉTAPHORES MATERNELLES DE 1789 Å LA CHUTE DE NAPOLÉON Ier : UNE RÉVOLUTION

CHAPITRE I

LES AVATARS DES MÉTAPHORES ET ALLÉGORIES MATERNELLES DE 1789 Å LA CHUTE DE LA ROYAUTÉ(p. 60)

I - Premiers remaniements de la représentation de la mère-patrie (p. 61)

1. La différenciation des différents discours politiques jusqu’à la Révolution française 2. Contre la division et pour l’union des fils de la mère-patrie (p. 64)

a)La crise de 1789 et les discours d’ouverture des Etats Généraux : tous unis pour la prospérité de la mère-patrie

b)La nuit du 4 août 1789 : La fin des privilèges et l’avènement de l’égalité des enfants de Dieu et de la patrie (p. 68)

c)Des frères qui se veulent solidaires (p. 70)

d)Les mauvais fils de la mère commune sont désignés : les aristocrates (p. 71) 3. Du code de l’Evangile au code de la Nation et de la Loi (p. 73)

a)Le dévouement et l’obéissance à la mère-patrie dans le respect du code de l’Evangile b)Amour et obéissance à l’égard de deux allégories maternelles : la Nation et la Loi (p. 77) c)Reconnaissance à l’égard des « pères de la patrie » et du roi (p. 80)

d)Paradoxe d’une exhortation à la fusion et d’une atomisation progressive de la société (p.81) 4. Fêtes révolutionnaires : un programme pédagogique à l’antique pour l’amour de la patrie et l’obéissance aux lois (p. 82)

(p. 52) (p. 53)

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a)Condamnation de la constitution civile du clergé et de la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen an mars 1791 : la première fracture entre la Patrie et l’Eglise

b)Contre l’Eglise, le recours à l’Antiquité (p. 83)

5. 1792 – la guerre, la défense de la mère-patrie et la subordination à la Loi (p. 86) II - La Nature, nouvel emblème de la Mère-patrie (p. 88)

1. Les discussions théologiques et philosophiques concernant les lois et droits naturels - Des lois divines et naturelles au temps de la chrétienté (p. 89/90)

- Locke et Hobbes : deux conceptions différentes des lois et du droit naturel (p. 91) - Les physiocrates et les lois naturelles voir sacre du citoyen (p. 92)

- Le « Code de la Nature » de Morelly : la Nature, mère commune et « merveilleuse machine » (. 93) - Mably : la Nature doit être articulée à la Raison et à l’Egalité (p. 94)

- D’Holbach : l’homme est soumis à l’ordre bienveillant de la Nature (p. 95)

- Rousseau : les lois de la Nature sont celles de la conservation et de l’empathie (p. 99) - Diderot : la volonté générale décide du juste et de l’injuste (p. 100)

- Sieyes : la relation de réciprocité entre les êtres humains est plus importante que la question des droits naturels. (p. 100/101)

- Les droits naturels et la Déclaration de 1789 (p. 101)

2. Le culte et la fable de la déesse Isis, déesse de la nature : une longue tradition en France (p. 103) a)Isis, sa religion à mystères et son culte.

b)Isis et la Franc-maçonnerie (p. 106)

c)Nicolas de Bonneville et le Cercle Social (p. 107)

3. la Nature, charte de la Révolution, et condition préalable à la liberté (p. 110) a)La loi de la Nature contre la loi de la Force

b)Des fêtes antagonistes à Paris : Simoneau contre les mutins de Nancy (p. 114) - Fête pour les gardes Suisses de Chateauvieux

- Fête en l’honneur de Simoneau (p. 115)

c)1792, l’année décisive : pour la Liberté, par la Loi de la nature (p. 117/118) d)L’exaltation de la Nature et de ses lois, conditions de la liberté (p. 120)

Conclusion chapitre I (p. 125)

(11)

CHAPITRE II

TRIOMPHE ET DÉCLIN DE LA NATURE, MÈRE SOUVERAINE ? (1793-1794) (p. 126)

I - La loi et le droits naturels en débat (p. 128)

1. Les partisans d’un droit naturel associé à la raison

2. La Raison contre les séductions de l’imagination (p. 133)

3. Les laudateurs de la Nature, de ses lois et des droits naturels (p. 135/136) a)Robespierre et la nature, législateur suprême

b)Saint-Just et la Nature, référence suprême (p. 138) c)Les sans-culottes et Marat, les fils de la Nature (p. 142) d)La constitution de 1793 et la Nature (p. 146)

e)La métaphore maternelle dans les écrits de Sade (p. 147) -La fraternité selon Sade (p. 150/151)

-Les lois de la nature (p. 151)

-Quels droits pour les femmes ? (p. 152/153)

II - Les allégories et métaphores maternelles dans les fêtes révolutionnaires (p. 154)

1. Le peintre Jacques-Louis David (1748-1825), grand ordonnateur des fêtes nationales (p. 155) 2. La fête du 10 août 1793 : triomphe de la Nature, déesse-mère et Hathor égyptienne (p. 158) 3. Rousseau, la religion et la référence à la mère en politique. (p. 165)

4. Essai d’interprétation (p. 168)

III - Août 1793- 9 Thermidor (juillet 1794) : le rêve brisé de l’union des fils de la Nature (p. 171)

1. Le culte de la Nature et la déchristianisation (p. 171/172)

2. L’élimination des factions et des traîtres à la mère-patrie (p. 177) 3. La régénération par l’éducation du peuple (p. 182)

4.Fêtes révolutionnaires jusqu’à Thermidor (p. 191) Conclusion chapitre II (p. 195)

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CHAPITRE III

DES FILS ÉGAUX DE LA NATURE Á NAPOLÉON, LE PREMIER DE TOUS LES FILS DE FRANCE(p. 198)

I - Les métaphores et allégories maternelles dans la dernière phase de la Révolution (p. 198/199)

1. Effacement de la métaphore de la Nature au profit de la patrie et de la République

a)La République, une mère, qui accompagne le citoyen de l’école au champ de bataille (p. 199/200) b)Les fêtes civiques et les nouveaux champions de la mère-patrie (p. 201)

2. La transformation de la déesse Isis en Cérès, la déesse des propriétaires (p. 202/203) a) Les insurrections populaires d’avril et mai 1795 (12 germinal et 1-4 prairial) (p. 203) b) La fin des droits naturels et la métamorphose de l’allégorie maternelle de la Nature (p. 204) c) La religion « théophilanthropique » (p. 205)

3. Du manifeste de Dame nature à l’Assemblée nationale à la conspiration des Egaux (p. 206) 4. Les allégories maternelles et l’idéologie monarchiste du vicomte de Bonald (p. 210)

II - Napoléon Bonaparte, le premier de tous les fils de France (p. 213)

1. Napoléon : du fils de la nature au premier fils de la République, de la patrie et de la nation 2. Napoléon, premier fils et premier lieutenant de l’Eglise (p. 219)

3.Napoléon et la Vierge-Marie (p. 224) 4. Napoléon, Isis et Cybèle (p. 226) Conclusion chapitre III (p. 228)

DEUXIEME PARTIE (1814-1870) (p. 231)

LES MÉTAPHORES ET ALLÉGORIES MATERNELLES : ENTRE GRANDES IMAGES DE L’IDÉAL ET EXIGENCES DE SOUMISSION

CHAPITRE IV

UNE MÈRE IDÉALE PROTÉIFORME (p. 232)

(13)

I - Le roi et la religion, le roi fils de l’Eglise et père des ses peuples (p. 232)

1. Monseigneur de Boulogne et les références au mythe de la Jérusalem céleste (p. 233) a)La France châtiée et les responsables désignés (p. 234)

b)Menace mais aussi promesse de prospérité (p. 237)

2. Le comte de Frayssinous, grand-aumônier et grand-maître de l’Université, et les enfants de l’Eglise (p. 238)

3. La cérémonie du sacre de Charles X : le devoir d’obéissance en vue de la prospérité (p. 241) II - La Monarchie de Juillet : de la liberté retrouvée au règne de la Providence (p. 243)

1. Le « moment Guizot » sous l’égide de la Nature et de la Liberté des Supériorités - Les allégories révolutionnaires réapparaissent. Elles aussi expriment leur exigence.

2. De l’exigence de soumission à la religion au renouveau du culte marial (p. 247) III - Les allégories et métaphores maternelles chez les premiers socialistes (p.255) 1. Saint-Simon, l’Eglise saint-simonienne et la quête de la mère (p. 255)

a)Saint-Simon

b)Le saint-simonisme (p. 259)

- Les saint-simoniens et les révoltes des canuts (1831-1834) (p. 259/260) - Les saint-simoniens et la femme, la quête de la « Mère » (p. 263/264)

2. Les socialistes utopiques et la référence à la Nature et aux droits naturels (p. 267)

3. Les nouvelles métaphores et allégories maternelles de la société et de la « communauté » (p. 271) a)Victor Considérant

b)Etienne Cabet : la Communauté idéale, allégorie d'une mère parfaite (p. 273) c)Alexandre Théodore Dézamy (p. 278)

IV - Les allégories et métaphores maternelles dans le Romantisme littéraire et politique (1830-1848) (p. 280)

1. la poésie de Victor Hugo : la Nature et la Charité, deux allégories maternelles bienfaisantes (p. 281) 2. Michelet et les grandes déesses-mères (p. 285)

a) La grande mère universelle (p. 289)

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b) Cérès, Isis et Thémis, les trois déesses de l’origine (p. 290) 3. Michelet et le grand récit de la patrie, mère au superlatif (p. 291) a) la France, mère et déesse

- La fraternité dans la patrie maternelle (p. 292)

- Pour les hommes mûrs, la mère-patrie est aussi une maîtresse

b) La mère-patrie de Michelet et la Vierge Marie, une comparaison (p. 294/295)

Conclusion chapitre IV (p. 297)

CHAPITRE V

DE L’ÉCHEC DE MARIANNE AU TRIOMPHE DE LA VIERGE-MARIE (p. 301)

I - La deuxième République : une mère idéale ou redoutable ? (p. 302)

1. Les allégories maternelles de la Liberté, de la République et de la Charité 2. La République de 1848 : du rêve à la désillusion : (p. 304)

- Une famille unie (p. 305) - Un idéal achevé (p. 306/307)

- Un peuple de soldats-citoyens, de héros et de martyrs (p. 308) - Vers le désenchantement (p. 309)

3. Juin 1848 : la mère patrie demande la soumission (p. 312) 4. Vers la restauration de l’Empire (p. 318)

II - L’Empire sous le patronage de l’Eglise et de la Vierge Marie (p. 322)

1. De l’essor du culte marial au dogme de l’Immaculée Conception 2. Marie, une référence littéraire et politique (p. 325)

a)Gérard de Nerval : Isis et Marie, un même culte ? b)Le 15 août à nouveau fête nationale (p. 326)

3. L’éducation des filles : la Vierge-Marie, un exemple à suivre (p. 332)

a)La Compagnie de Jésus, une mère à l’abri du manteau maternel de la Vierge (p. 333)

b)Entre Napoléon et Mgr Dupanloup, les filles et les femmes dans le carcan de la religion (p. 335)

(15)

III - Les exilés et la nostalgie d’une mère-patrie républicaine 1. Victor Hugo et l’exil de la mère-patrie

2. Hugo et Isis-Nature : la mère ambivalente et ambiguë 3. Les exilés et le combat pour les idéaux de la mère-patrie Conclusion chapitre V (p. 345)

CHAPITRE VI

AUGUSTE COMTE ET LE POSITIVISME : DU CULTE DE LA VIERGE AU CULTE DE L’HUMANITÉ(p. 348)

I - Auguste Comte et le positivisme : un nouveau grand récit

1. Auguste Comte – repères biographiques 2. Le positivisme - une courte synthèse (p. 351) a) loi des trois états (p. 351)

- L’état théologique ou fictif - Etat métaphysique, ou abstrait -L’ Etat positif, ou scientifique 3. Un ordre nouveau (p. 353)

- L’ordre (ou la fonction) théorique : les savants

- L’ordre pratique ou actif : les industriels et les prolétaires - L’ordre affectif

4. La femme dans le système positiviste (p. 357)

II - La diffusion du positivisme jusqu’en 1851, les principaux adeptes (p. 358)

1. Emile Littré et Auguste Comte : une rencontre féconde

2. La Révolution de 1848 et l’engagement des positivistes aux côtés des prolétaires (p. 359/360) 3. Auguste Comte et la religion de l’Humanité (p. 362)

a)De la religion de l’Humanité à l’Utopie de la Vierge-Mère

b)De l’éducation à la morale positiviste au culte de l’Humanité (p. 364) (p. 339) (p. 341)

(p. 343)

(16)

III - Le positivisme après la sécession d’Emile Littré (p. 365)

1. Emile Littré : vers un positivisme « laïc »

2. Le développement du positivisme « orthodoxe » ou « religieux » (p. 371) a)Fabien Magnin (1810-1884) le premier des positivistes prolétaires

b)1855 - Le testament d’Auguste Comte : Pierre Laffitte devient le directeur du positivisme (p. 372) c)Les exécuteurs testamentaires français ou résidant en France (p. 373)

- Georges Audiffrent et Eugène Robinet -Pierre Laffitte et Fabien Magnin (p. 375)

IV - Les opposants républicains à l’Empire et le positivisme (p. 377)

1. Ferry, un positiviste orthodoxe ?

2. Jules Simon, un républicain déiste et un positiviste qui s’ignore ? (p. 384) 3. Gambetta : un positiviste pragmatique (p. 387)

Conclusion chapitre VI (p. 390)

CHAPITRE VII

1870-1871 : LE COMBAT ACHARNÉ DES FILS DE LA FRANCE ÉTERNELLE ET DE LA COMMUNE TUTÉLAIRE (p. 392)

I – La Défaite (p. 394)

1. un traumatisme collectif

2. L’image de la France après la défaite, vers un nouveau récit (p. 397) a)Les pasteurs protestants et la mère-patrie

b)La religion catholique : un rempart contre la révolution (p. 403) c)La patrie en passe de redevenir la France de 1789 (p. 404)

II - Gambetta, le porte-parole de la mère-patrie républicaine (p. 405)

(17)

III - La Commune (mars-mai 1871) 1. La Commune, une mère qui protège

2. Les positivistes « orthodoxes » et la Commune (p. 418) Conclusion chapitre VII (p. 422)

TROISIÈME PARTIE

L’AMOUR DE LA FRANCE, MÈRE-PATRIE : UNE DEMANDE ÉQUIVOQUE, DE LA RÉPUBLIQUE ÉMANCIPATRICE AU

NATIONALISME FERMÉ (1871-1914) (p. 424)

CHAPITRE VIII

LA PATRIE : UNE MÈRE POSITIVISTE IDÉALE ? (p. 425)

I - Le positivisme laïc

1. Gambetta, leader des Républicains, positiviste déclaré et amoureux de la déesse France a)La France, un être moral mais aussi une déesse et une mère (p. 430)

b)Les devoirs civiques selon Gambetta : s’instruire, mais aussi aimer et défendre la patrie (p. 433) 2. Emile Littré, les positivistes laïcs et Jules Ferry (p. 435)

a)Emile Littré, entre laïcité et religiosité

b)Charles Robin : un positiviste laïc qui se réclame du culte de l’humanité (p. 437) c)Edouard de Pompéry, disciple de Littré et adepte du culte de l’humanité (p. 439) 3. Jules Ferry, un franc-maçon et un moraliste positiviste (p. 440)

a)Ferry et les questions sociales (p. 447) b)Ferry et l’école (p. 448)

c)Ferry, les femmes et l’Humanité (p. 449) d)Ferry et les positivistes religieux(p. 452)

II - Le positivisme « orthodoxe » ou religieux, partisans de la religion de l’Humanité (p. 453)

1. Pierre Laffitte, directeur du positivisme « orthodoxe »

a) Le positivisme orthodoxe de Pierre Laffitte et la religion de l’Humanité(p. 454) (p. 414)

(18)

b) La commémoration laïque de Jeanne d’Arc à Rouen, exemple d’une commémoration positiviste organisée par les proches de Pierre Laffitte (p. 456)

c) Des cours du soir au Collège de France (p. 458) 2. Des disciples religieux engagés (p. 461)

a)Emile Corra, pour le culte de la matrie

b)Pierre Grimanelli pour une religion scientifique (p. 462)

c)André Lavertujon, un partisan de Gambetta et de la religion positiviste (p. 463) d)Le Dr Robinet, un positiviste religieux atypique (p. 464)

3. Les prolétaires positivistes (p. 467)

4. Le schisme de 1878 et les tenants de l’Utopie de la Vierge-Mère (p. 473) a)Le Dr Audiffrent et le « groupe de l’Apostolat » (p. 474)

b)Jorge Lagarrigue (p. 479)

- Les erreurs de Bonaparte à ne pas recommencer (p. 480) - Les traîtres Littré et Laffitte (p. 481)

- Ce qu’il faut faire (p. 482)

- La religion de l’Humanité (p. 482/483) Conclusion chapitre VIII (p. 484)

CHAPITRE IX

DE L’ÉCOLE Á LA CÉLÉBRATION DES MEILLEURS FILS DE LA MÈRE- PATRIE RÉPUBLICAINE : UN PARCOUR ÉDUCATIF (p. 487)

I - Les hommes politiques républicains et les métaphores et allégories maternelles

1. La métaphore de la mère-patrie dans les manuels scolaires et les discours de remise de prix a)« Le Tour de la France par deux enfants » (p. 489)

b)Paul Bert et l’amour de la patrie : un impératif (p. 493)

c)Ferdinand Buisson pour une mère-patrie empreinte d’un idéal de paix et de fraternité (p. 500) d)Lavisse : la France : la plus grande et la plus idéale des mère-patries. (p. 503)

- Lavisse – un patriote à l’antique (p. 504)

- la France : la plus grande et la plus idéale des mère-patries. (p. 505)

- La nécessité de renforcer l’amour de la patrie par l’enseignement de l’histoire.

- L’histoire de France, incarnation progressive de la Mère-patrie des Français (p. 507)

(19)

- La guerre de 1870 comme la guerre de 100 ans : la France va se relever (p. 509/510) - La patrie institutrice (p. 511)

2. Les discours de distribution des prix à l’école (p. 513) a)Spuller : La France, une mère-patrie idéale et immortelle b)Raymond Poincaré et la mère-patrie (p. 515)

c)Les discours de distribution des prix (p. 517)

II - La ligue des patriotes (p. 519)

1. Déroulède, un homme, une ligue a)un homme…

b)… une ligue (p. 520)

c)Une mère-patrie associée à des valeurs et à un passé glorieux (p. 521) d)La religion de la Mère-Patrie (p. 522)

e)La Prusse – l’anti-valeur (p. 523/524) 2. Du récit au discours. (p. 526)

a)Déroulède porte-parole de la patrie (p. 527) b)Effets pratiques et politiques (p. 529)

c)La Ligue des patriotes et l’aventure boulangiste (p. 530)

d)Les métaphores maternelles dans les discours de Déroulède devenu porte-parole de la Ligue des patriotes boulangiste(p. 531)

III - « Aux grands hommes la patrie reconnaissante » (p. 534)

1. Victor Hugo,

a)Victor Hugo au Panthéon

b)Le centenaire de la naissance de Victor Hugo(p. 535)

2. Les meilleurs fils de la patrie et de la Révolution française (p. 537) a)Les meilleurs fils de la Révolution et de la République au Panthéon b)Le centenaire de la Révolution dauphinoise (1888) (p. 539/540) c)L’inauguration de la nouvelle Sorbonne (p. 540)

IV - Les socialistes républicains et les allégories et métaphores maternelles (p. 541)

1. La naissance du parti socialiste français

(20)

2.les représentations maternelles chez Jules Guesde et Paul Lafargue (p. 542/543) Conclusion chapitre IX (p. 548)

CHAPITRE X

LA MÈRE-PATRIE ET LA FRANCE DES ADVERSAIRES DE LA RÉPUBLIQUE PARLEMENTAIRE - UNE EXIGENCE DE SOUMISSION

ABSOLUE ET LEGITIME ? (p. 552)

I - Les catholiques, de l’opposition au ralliement

1.Albert de Mun, un des meilleurs fils de l’Eglise et de la France catholique

a)Lourdes : un événement qui condense le lien particulier qui unit la France et la Vierge, Mère de Dieu (p. 555)

b)La Révolution une maîtresse souveraine qui fait la guerre à Dieu (p. 559) c)La Révolution : la ruine du principe d’autorité et la loi du plus fort (p. 560) d)Les devoirs des fils dévoués de la France et de l’Eglise. (p. 562)

2. Les métaphores et allégories maternelles dans les discours ecclésiastiques de la fin du XIX°

siècle (p. 567)

II - Le nationalisme (p. 571)

1. Maurice Barrès, le chantre d’un nouveau nationalisme a) Aux sources de la pensée de Barrès

- Jules Soury : défenseur et porte-parole des entités maternelles de la Terre et de l’Eglise (p. 574) - Hyppolite Taine et la soumission nécessaire à la Nature (p. 575)

- Auguste Comte, le nouveau maître de Barrès (p. 577) b) Barrès porte-parole de « la Terre et des morts » (p. 577) - La collectivité plus importante que l’individu

- Contre la « métaphysique » et pour la reconnaissance de la réalité (p. 578) - La loi de la race et l’instinct du peuple, seuls critères de la vérité. (p. 579) - La soumission nécessaire par la religion et le culte des morts (p. 580)

- Nécessité de l’alliance entre les nationalistes, les positivistes, et les catholiques

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- Le culte de la Terre et la primauté de la nation contre les droits de l’homme 2. Déroulède : du boulangisme à l’Affaire Dreyfus

a)Dreyfus, le nouvel ennemi de la France, et les traîtres à la mère-patrie b)La métaphore maternelle : la mère-patrie, une entité bienveillante (p. 586) 3.La Ligue de la patrie française et ses mentors, Barrès et Auguste Comte (p. 588)

a)Ferdinand de Brunetière, une mère-patrie référée à Bossuet et à Auguste Comte (p. 593) b)Jules Lemaître – l’amour de la mère-patrie et de l’armée : un sentiment religieux (p. 595) c)Le discours nationaliste lors d’une distribution de prix à l’école, un exemple (p. 597)

III - L’Action française et Auguste Comte p. 598)

1. Les positivistes religieux et l’Action française

a)Léon de Montesquiou, nationaliste, catholique et positiviste

b)Paul Ritti et Antoine Baumann, deux positivistes au service de l’Action française (p. 601) - Importance du sentiment (p. 602)

- La femme incarne particulièrement cette valeur

- Du culte de l’Humanité au culte de la Vierge-Mère (p. 603) - Nécessité d’un retour à la royauté capétienne (p. 605) 2.Charles Maurras (p. 606)

a)Charles Maurras et Auguste Comte

b)Du dogme des lois naturelles au nouveau culte national, catholique et positiviste (p. 607/608) c)De la religion d’une humanité devenue exclusive… (p. 609)

d)…à la religion de la France (p. 610)

IV - Les adversaires des nationalistes : Francis de Pressensé et Jean Jaurès (p. 612) 1.Francis de Préssensé

2.Jean Jaurès(p. 616)

Conclusion chapitre X (p. 618)

(p. 581) (p. 583)

(22)

CONCLUSION GÉNÉRALE (p. 619)

Sources (p. 631) Bibliographie (p. 656) Annexes :(p. 723)

I- MODE d’APPROCHE : LA PSYCHANALYSE

1. Les pionniers de la psychanalyse et la relation à la mère a)C.G. Jung et la psychanalyse jungienne

b)Freud et ses premiers élèves (p. 725)

2. La relation à la mère pour les successeurs de Freud (p. 726) a)Mélanie Klein, Winfried Bion et Donald Winnicott

b)Les théories de l’attachement (p. 727)

c)Le narcissisme à l’œuvre dans la société : premières approches (p. 729) 3. La mère archaïque dans le champ social (p. 732)

a)Le Dieu chrétien : une mère archaïque ?

b)Les monuments aux morts et la relation à la mère archaïque (p. 733) c)La mère archaïque et le moi idéal (p. 734)

4. Didier Anzieu et René Kaës : pour une psychanalyse du groupe (p. 736) a)Le groupe et le désir de ne faire qu’un

b)Le groupe comme objet primordial (p. 738) 5. La psychanalyse du groupe aux USA (p. 739)

a)Vamik Volkan et la question de l’identité de grand-groupe b)La psychologie du soi de Heinz Kohut (p. 740)

II- MODE D’APPROCHE LA PSYCHOHISTOIRE (p. 741) 1. Pourquoi la psychohistoire ?

2. Un exemple d’essai d’interprétation psychanalytique la représentation maternelle pour l’histoire de la Finlande (p. 742)

a) Le nationalisme : interprétations

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b) La Finlande en tant que projet pour les nationalistes Propositions d’interprétations psychanalytiques (p. 745)

1. La psychohistoire aux USA (p. 749) a)Lloyd de Mause et H. F. Stein

b)Heinz Kohut : la psychohistoire doit étudier la formation et l’évolution des groupes (p. 751) 2. Exemples d’études psychohistoriques de l’Allemagne : la nation, la communauté en tant que

mères (p. 753)

a)Thomas Kohut, historien et psychanalyste : une étude sur la génération nazie

b)Richard A.Koenigsberg et la nation et le nationalisme , une approche psychanalytique (p. 754) c)E. Bohleber : l’Antisémitisme en Allemagne, une approche psychohistorique (p. 757)

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Introduction générale

Pourquoi avoir choisi ce sujet de thèse d’histoire, me demande-t-on souvent ? Comment répondre à quelque chose qui semble aller de soi ? J’imagine qu’au-delà d’enjeux liés à mon histoire familiale, ce sujet correspond à un trajet de questionnement intellectuel où la recherche historique est indissociable de la psychanalyse, cette dernière ayant d’abord été abordée sous l’angle de la psychanalyse jungienne avant d’être remise au travail dans la perspective ouverte par Freud et ses successeurs. Pour C. G. Jung, qui a forgé le concept, l’imago maternelle constitue un élément primordial de la psyché, aussi bien au niveau individuel que collectif, et cet archétype agirait bien souvent à l’insu des individus et des acteurs de la vie politique. Des échanges avec une psychanalyste dont j’étais proche ont continué à me convaincre de l’importance de ce phénomène dans la vie sociétale et politique. Ma confrontation personnelle avec des mouvements idéologiques dont j’ai fait l’expérience lors d’un séjour de plusieurs années à Berlin avant la chute du Mur (1978-1983) a transformé cette question intellectuelle en une question reliée à mon vécu et aux rencontres que j’ai faites à l’époque.

Il s’agit donc dans cette thèse d’évaluer l’importance et l’impact de cette imago maternelle sur des phénomènes historiques plus distants dans le temps et concernant la France, dont l’histoire à cet égard est d’une grande richesse. Le concept d’imago a été repris par la psychanalyse classique d’obédience freudienne, mais il ne me semble pas pouvoir être utilisé tel quel dans le champ des recherches historiques. J’ai donc décidé d’étudier une réalité historique qui fait médiation avec ce concept. Ma problématique principale concerne ainsi la description de l’évolution historique des représentations maternelles dans les discours publics et politiques dominants de la longue période qui va de 1789 à 1914 à partir de l’étude des allégories et métaphores maternelles. J’utilise ici à dessein le terme de représentations. En effet, il faut rappeler que celles-ci

« se configurent en discours sociaux qui témoignent les uns d’un savoir de connaissance sur le monde, les autres d’un savoir de croyance renfermant des systèmes de valeurs dont se dotent les individus pour juger cette réalité. (…) Ces discours de connaissance et de croyance jouent un rôle identitaire, c’est-à-dire constituent la médiation sociale qui permet aux membres d’un groupe de se construire une conscience de soi et partant

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une identité collective ». 1

I - Définition du sujet

1. Allégorie et métaphore, une définition préalable

L’allégorie comme la métaphore relèvent de la pensée analogique L’allégorie (du latin allegoria ; et du grec allêgorein, parler en images) a été définie par les grammairiens latins comme une figure de rhétorique permettant de représenter une idée abstraite par une image ou un symbole, de rendre concrète une idée ou une abstraction. Au Moyen Âge, la personnification allégorique permet de dramatiser les idées morales, philosophiques et religieuses. Elle devient

« une forme d’imagination caractéristique et expressive, une vision du monde. »2 Les images allégoriques sont riches du réseau des significations analogiques qu’elles suggèrent et leur antithèse serait constituée par la pensée historique. La personnification allégorique est plus figée que la métaphore, (du latin metaphora ; du grec metaphora, de metapherein, transporter). Elle aussi est une figure rhétorique qui correspond à une « substitution de mot par analogie, souvent liée à une « comparaison abrégée. »3 Deux types possibles de métaphore peuvent être distingués.

La métaphore in absentia nécessite pour le lecteur ou l’auditeur la reconstruction du terme de la comparaison. Toutefois, lorsque les termes de l’analogie sont explicites (métaphore in praesentia), le rapport d’analogie peut rester énigmatique.4 Le sens très souvent équivoque des métaphores nécessite donc l’étude du contexte pour expliciter l’équivoque que peut provoquer l’usage de la métaphore. La métaphore aurait trois fonctions principales : une fonction esthétique, elle « orne » le discours de sa « force imageante », une fonction cognitive : elle explique par l’analogie, et une fonction persuasive. « C’est à ce titre qu’elle est souvent employée dans les discours politiques, moraux, juridiques. (…) Elle endort la vigilance de l’esprit (….) en transférant analogiquement une valeur décisive attachée au terme métaphorique sur la proposition à faire accepter.»5

Dans son livre Métaphore et concept6, la linguiste Claudine Normand rappelle que la philosophie s’est construite historiquement grâce au langage métaphorique et qu’à cet égard, elle avait une fonction non plus « illustrative, mais heuristique, en tout cas fonctionnant à la

1 Dictionnaire d’analyse du discours de P. Charaudeau, D. Maingueneau Dir, Seuil, 2002, p. 503, entrée

« représentation sociale. »

2 Dictionnaire des genres et notions littéraires, Encyclopaedia Universalis, Albin Michel, 1997, p. 16

3 Dictionnaire d’analyse du discours op. cit. p. 376

4 Cf à ce sujet : Dictionnaire des genres et notions littéraires, Encyclopaedia Universalis, Albin Michel, 1997, pp.

467-476.

5 ibid. pp. 376-377

6 Claudine Normand, Métaphore et concept, Edition Complexe, 1976.

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place d’un concept qui n’a pas encore pu être élaboré. 1» La métaphore permet de produire ce dernier. Elle est alors plutôt « production de sens », « ce qui ruine un des fondements de la métaphore classique : l’existence d’un sens déjà là qu’il ne s’agit que d’exprimer, directement ou par détours.2 » Cependant, la métaphore est soumise à « la loi-même du fonctionnement du langage en tant qu’y émerge toujours le désir3. » A cet égard, « par ses attaches affectives et idéologiques, (elle) peut être en effet valorisée indûment et, engendrant sur sa base fantasmatique, tout un système cohérent, prendre la place d’une pensée productrice de connaissances.4 » Il peut en résulter des effets de blocage dans l’élaboration d’une théorie mais aussi cela peut permettre de poser de nouveaux problèmes et d’amener à « la définition d’un nouvel objet, définition d’abord approximative (« métaphorique », mais comme telle, elle fait voir ce qui n’était pas vu jusque-là), exigeant une abstraction plus poussée, préparant et appelant un nouveau concept théorique.5 La métaphore correspondrait donc à la figure de rhétorique classique et connue, mais aussi à un mode premier d’interprétation du réel, tout en étant soumise aux lois langagières du désir. A ce titre, son déploiement au sein d’une historicité particulière présente un intérêt majeur.

2. Les bornes chronologiques

La période choisie va de 1789 à 1914, car il me semble qu’elle pose les bases mentales et imaginaires de notre monde actuel. Les discours qui se déploient à l’époque rendent compte de cette fondation. La présence des allégories et métaphores maternelles les influence et leur donne une inflexion toute particulière. Le plan sera chronologique, en insistant sur les moments clés et les passages d’un régime politique à l’autre. Cette approche sur une durée aussi longue est également en rapport avec le fait que très souvent, les allégories maternelles étudiées sont présentées comme des déesses, elles relèvent du domaine du sacré, du mythe. Comme le souligne Madeleine Rébérioux dans sa contribution sur « la mémoire de la Révolution » lors du Bicentenaire de la Révolution française, il n’est possible de saisir la portée des mythes qu’en se situant « sur la longue durée braudélienne, en tout cas sur la moyenne durée labroussienne. » 6 Fernand Braudel affirmait déjà que « les cadres mentaux (…) sont des prisons de longue

1 Ibid. p. 60

2 ibid. p. 44

3 ibid.

4 ibid. p. 53

5 ibid. p. 120

6 Madeleine Rebérioux, La mémoire de la Révolution, dans Vovelle Michel (dir.),

Bicentenaire de la Révolution française, L’image de la Révolution française, Tomes I à IV,Pergamon Press, plc, 1989, p. 2442

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durée »1 et l’historien Roger Chartier rappelle que pour le sociologue Norbert Elias, « certaines évolutions fondamentales ne sont compréhensibles qu’à large échelle, dans la durée longue de la succession des formations sociales et des transformations des structures psychologiques. »2 Il s’agit alors de comprendre, par filiation ou différence, les réalités du présent.3 » Philippe Ariès et Michel Foucault ont aussi montré, après Elias, l’intérêt de prendre en compte la longue durée.4. Michel Vovelle estime également que l’historien des mentalités est « habitué à se mouvoir dans ce temps plus long que l’ont dit propre aux mentalités pour y suivre les dérives de longue durée des représentations collectives. 5»

Cependant, cette longue durée ne correspond pas à un développement linéaire et continu, il faut prendre en compte les événements et la discontinuité. Roger Chartier rappelle que pour Norbert Elias, l’idée de la très longue durée des processus est liée à son concept de la discontinuité : « Il n’y a de discontinuité que dans la continuité. Cela signifie que la discontinuité se traduit surtout par la recomposition d’éléments déjà présents dans une nouvelle configuration, et c’est cette mobilité des éléments, qui fait que sans que l’on puisse nécessairement définir des « moments » stricts, précisément datables, des passages, s’opèrent dans les reconfigurations. (...) Elias a besoin du temps et de la durée pour penser ces transformations.6» Chez Foucault, la discontinuité est au centre de sa conception de la généalogie historique : elle « est pensée comme une rupture décisive qui fait que la notion d’origine n’a aucun sens.7 » Les historiens Antoine de Baecque et Christian Delage en concluent que « la façon de penser et de faire l’histoire appuyée à ces références s’attache à la succession des configurations historiques, en les considérant dans leur hétérogénéité et dans leur différence, soit parce qu’elles surgissent dans leur absolue originalité, sans origines, soit parce qu’elles sont façonnées par des processus de longue durée qui recomposent de manière neuve des éléments anciens.8 » Ces reconfigurations peuvent s’inscrire dans un trajet thématique de longue durée, comme Jacques Guilhaumou l’a fait par exemple pour la thématique des subsistances au XVIII° siècle (1705-1795), parlant alors de « vastes trajets d’historicité.9 »

1 Fernand Braudel, Écrits sur l'histoire, Éditions Flammarion, 1985, p. 50

2 Roger Chartier, Préface à Norbert Elias, La société de cour, Flammarion, 1985, p. xxvii.

3 Ibid. p. II

4 Cf à ce sujet, Nathalie Heinich, La sociologie de Norbert Elias, Editions la Découverte, 2002, p. 74.

5 Michel Vovelle La révolution française contre l’Eglise, de la Raison à l’Etre Suprême, Editions Complexe, 1988, p. 16.

6 Roger Chartier, « Pour un usage libre et respectueux de Norbert Elias », Vingtième Siècle. Revue d'histoire 2010/2 (n° 106), p. 37-52. DOI 10.3917/vin.106.0037, p. 44-45

7 ibid. p. 45

8 Antoine de Baecque, Christian Delage (Dir), De l’histoire au cinéma, Ed. Complexe, 1998, p. 43

9 Voir à ce sujet l’entrée « trajet thématique » de Jacques Guilhaumou dans le Dictionnaire d’analyse du discours de P. Charaudeau, D. Maingueneau Dir),Seuil, 2002, et infra dans la partie méthodologie en ce qui concerne l’analyse de discours proprement dite.

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C’est ce mode d’approche qui sera choisi ici, ce qui suppose un choix spécifique de corpus historique.

3. Choix du corpus et des sources

Pour constituer mon corpus de sources, j’ai tout d’abord lu une bibliographie importante, qui m’a permis de bien appréhender le sujet. J'ai ensuite procédé à des sélections chronologiques, puisque j’ai choisi les dates et les périodes événementielles et politiques charnières de la période. J’ai également choisi les acteurs dominants de l’époque à partir du dictionnaire critique de la Révolution française de F.Furet et M. Ozouf par exemple, ou bien de l’Histoire et dictionnaire de la Révolution française (1789-1799) de J. Tulard, J.-F. Fayard et A. Fierro, ou encore du dictionnaire biographique et géographique du nationalisme français (1880-1900) de Bertrand Joly, du dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français de Jean Maitron, ce dernier comportant à ce jour plus de 44 volumes. Cette liste n’est bien sûr pas exhaustive. Je ne me suis pas limitée aux discours produits par ces auteurs, puisque j’ai également choisi d’étudier toute une littérature d’idées, ainsi que des articles ou des opuscules qui avaient été produits par les acteurs sélectionnés, ou par les auteurs auxquels ils se référaient au niveau intellectuel ou idéologique, ce qui me permet de mieux identifier le contexte idéologique des discours prononcés. Ayant constaté l’importance du débat concernant l’interprétation du droit naturel pendant la Révolution, j’ai dû étudier par exemple les ouvrages écrits à ce sujet avant la Révolution. J’ai également questionné Gallica en ligne et j’ai ainsi rassemblé plus d’un millier de documents à partir des entrées « éloquence politique », « langage politique » « inauguration », « discours », « allocutions », « déclarations », « proclamations », « rapports », « décrets », « procès- verbaux », « fêtes révolutionnaires » , « discours de distribution de prix », « pèlerinages », « mère-patrie », « patrie », « république », « nation », « France », etc… que j’ai souvent croisés avec les acteurs/auteurs que j’avais listés, mais pas toujours, car de nombreux discours ont été écrits par des « anonymes » (pour nous). Une telle méthode d’approche du corpus m’a permis de prêter une attention particulière à l’usage des mots et des notions en lien avec leur reformulation ultérieure par l’historiographie, dont l’exemple emblématique serait celui de la patrie1.

J’ai fait la même recherche au niveau local à la médiathèque Ceccano d’Avignon et aux archives départementales du Vaucluse, qui disposent de riches fonds documentaires et me suis

1 Cf Dictionnaire des usages socio-politiques (1770-1815) patrie-patriotisme Fascicule 8 Notions pratiques - Editions Champion, Paris, 2006

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adressée au diocèse de Lyon en ce qui concerne l’inauguration de la statue de la cathédrale de Fourvière, par exemple. En ce qui concerne la Révolution française largement prise en compte dans mon travail, j’ai consulté, à partir des périodes sélectionnées, de la bibliographie, des documents et des informations trouvées dans Gallica, les Archives Parlementaires de la Révolution Française (1787-1799). Celles-ci sont une collection de sources organisées de façon chronologique et constituées à partir du XIX° siècle. Elles incluent les cahiers de doléance, les délibérations parlementaires, les décrets, les procès-verbaux, les lettres, les rapports, les discours, les comptes-rendus, les récits de fête, les chants, ainsi que les pétitions et les adresses envoyées par les sociétés populaires ou les citoyens, en provenance de toute la France. La consultation de cet ensemble extrêmement riche a été complétée par la lecture ponctuelle des Actes de la Commune de Paris et par les procès-verbaux du comité d’instruction publique de la Convention Nationale. Pour les périodes qui succèdent à la Révolution, j’ai procédé à la même méthode. J’ai lu les discours de Napoléon et consulté la Gazette Nationale ou Moniteur Universel, qui comporte les actes officiels du gouvernement, mais aussi des rubriques littéraires, scientifiques et des discours politiques. En ce qui concerne la période de la Restauration, j’ai consulté le journal « Les amis du roi et de la religion », une revue ecclésiastique, littéraire et politique paraissant alors trois fois par semaine dans laquelle on trouve nombre de discours politiques, ainsi que la Gazette Nationale ou Moniteur Universel qui deviendra plus tard le Journal officiel de la République française, dans lequel sont publiés les actes législatifs et parlementaires, mais aussi de nombreux articles et discours. La lecture du Moniteur et du J.O a été systématique pour toutes les dates importantes de la période étudiées, par exemple après la Révolution en ce qui concerne les Trois Glorieuses, les années 1848-1852, 1870-1871, 1889.

J’ai donc continué à croiser les dates chronologiques et les acteurs importants de chaque période et j’ai consulté également toutes les encycliques papales, beaucoup de manuels scolaires, ainsi que de nombreux discours d’inauguration et de distribution de prix à l’école. Au total, les sources sont constituées en majorité de discours publics, mais surtout politiques. Multiples, diverses et hétérogènes, elles constituent à mon sens non seulement les discours dominants de chaque époque, mais aussi ceux qui orientent les débats historiographiques d’aujourd’hui.

La liste des sources mentionnées en annexe dans ma thèse ne mentionne que celles que j’ai utilisées, puisque j’ai jugé inutile de rapporter l’analyse de tous les éléments de ce corpus très volumineux, ce qui aurait été redondant. J’ai donc sélectionné ceux qui me paraissaient les plus intéressants ou révélateurs. J’ai pu constater l’ubiquité du thème maternel dans ce corpus, hormis certains acteurs/auteurs. En effet, l’empreinte maternelle ne se fait pas nécessairement sentir dans tous les discours. On peut trouver un discours très rationnel et sans allégorie et

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métaphore maternelle chez un auteur, mais d’autres représentants de ce groupe peuvent s’inspirer de la même idéologie, avec des discours à plus forte diffusion publique, dans lesquels les métaphores et allégories maternelles sont très présentes. Je pense notamment à Jacques- Pierre Brissot, un acteur important de la Révolution qui, à la différence de nombre de ses amis girondins, ne fait pas appel dans ses discours aux métaphores et allégories maternelles. Il en est de même par exemple pour Joseph Proudhon - ce que je pourrais mettre sur le compte de sa misogynie - ou pour Auguste Blanqui, alors que la majorité des socialistes utopistes utilisent largement les allégories et métaphores maternelles dans leurs écrits. A l’extrême droite je peux citer Pierre Biétry, ou François René de La Tour du Pin, dont j’ai également étudié les discours, et qui n’utilisent pas ou très peu d’allégories ou de métaphores maternelles. Dans ce camp politique anti-républicain, ce sont néanmoins les voix d’Albert de Mun, de Maurras et Barrès qui sont prépondérantes, et qui font largement appel à ces métaphores et allégories maternelles.

D’autres auteurs n’en font pas non plus usage, ou très peu, je pense à des hommes tels que Jaurès ou Francis de Pressensé, nous le verrons à la fin de cette thèse. Mon corpus est multiple et disparate, il est « touffu »1, ce qui implique que l’analyse lexicométrique de discours n’aura pas lieu ici. Le choix des entrées, la constitution et la caractérisation de ce corpus présuppose une définition de ce que j’entends par discours politique, qu’il s’agit de préciser ici.

4. Discours publics et politiques

a) Définition

Pour Emile Benveniste,2 il faut distinguer deux types d’énoncés : le récit et le discours.

En ce qui concerne le récit, celui-ci a selon lui pour seule condition qu’il suffise : « que l’auteur reste fidèle à son propos d’historien et qu’il proscrive tout ce qui est étranger au récit des événements (discours, réflexions, comparaisons). (…) Les événements sont posés comme ils se sont produits à mesure qu’ils apparaissent à l’horizon de l’histoire. Personne ne parle ici ; les événements semblent se raconter eux–mêmes. »3 Par contre, en ce qui concerne le discours,

« il faut entendre discours dans sa plus large extension : toute énonciation supposant un locuteur et un auditeur, et chez le premier l’intention d’influencer l’autre en quelque manière. C’est d’abord la diversité des discours oraux de toute nature et de toute nature, de la conversation triviale à la harangue la plus ornée, mais c’est aussi (…) tous les

1 Cf De Baecque, Antoine, Le corps de l’histoire, métaphore et politique (1770-1800), Paris, Calman-Lévy, 1993

2 Benveniste, Emile, Problèmes de linguistique générale, I, Paris, Gallimard, 1966

3 Benveniste, Emile, op. cit. 241

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genres où quelqu’un s’adresse à quelqu’un, s’énonce comme locuteur et organise ce qu’il dit dans la catégorie de personne. (…) Chaque fois qu’au sein d’un récit historique apparaît un discours, quand l’historien par exemple reproduit les paroles d’un personnage ou qu’il intervient lui-même pour juger les événements rapportés, on passe à un autre système temporel, celui du discours. »1

L’historien du droit et anthropologue Pierre Legendre a une conception plus inclusive de la notion de discours en histoire. En effet, pour lui, « les sociétés sont des sédiments et des organisations de paroles, de discours » ; 2 le passé et les discours ne disparaissent jamais, ils s’enfoncent simplement dans le sous-sol de notre histoire culturelle. Les auteurs du Dictionnaire d’analyse du discours3 rappellent que tout énonciation est prise dans une « interactivité constitutive » entre les locuteurs et les destinataires de celle-ci et que tout discours est

« contextualisé : on ne peut véritablement assigner un sens à un énoncé hors contexte. « En outre, le discours contribue à définir son contexte et peut le modifier en cours d’énonciation. » Ceci implique que le discours est « pris dans un interdiscours. Le discours ne prend sens qu’à l’intérieur d’un univers d’autres discours à travers lequel il doit se frayer un chemin. » 4 Le

« sujet du discours » assume deux rôles à la fois : celui de l’auteur de l’acte de discours qui imagine les réactions de son ou ses interlocuteurs, et le rôle de ce même interlocuteur qui doit interpréter ce même discours et la position du locuteur. J’entendrai par discours non seulement les discours explicitement définis en tant que tels, mais aussi les œuvres auxquels ils se réfèrent, les « archétextes » sur lesquels se fondent ces discours. Je prends en compte dans cette thèse les discours publics, mais les discours politiques dominent le corpus.

Pour l’historien Roger Chartier5, les discours politiques font partie d’une stratégie de légitimation du pouvoir, et leur confrontation correspond à un « mode d’affrontement dont les armes sont les mots et les images qui produisent discrédits et légitimités et dont l’enjeu est la construction du monde social à travers les représentations antagonistes qui en sont proposées. » Le sociologue Pierre Bourdieu estime que le langage politique, vise ainsi

« à produire et à imposer des représentations (mentales, verbales, graphiques ou

1 ibid. p. 242

2 Legendre, Pierre, Vues éparses, entretiens radiophoniques avec Philippe Petit, France Culture, Paris, Mille et une nuits, département de la Librairie Arthème Fayard, 2009

3 Dictionnaire d’analyse du discours (Dir. Charaudeau P. , Maingueneau, D), Paris, Le Seuil, 2002

4 ibid. p. 189

5 Chartier (Roger), Opinion publique et propagande en France (pp. 2345-2355) Chartier (Roger), Opinion publique et propagande en France (pp. 2345-2355), dans Vovelle (Michel), Dir., Bicentenaire de la Révolution française, L’image de la Révolution française, Tomes I à IV. Pergamon Press, plc 1989, p. 2345.

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théâtrales) du monde social qui soient capables d’agir sur ce monde en agissant sur la représentation que s’en font les agents. Ou, plus précisément, à faire ou à défaire les groupes – et du même coup, les actions collectives qu’ils peuvent entreprendre pour transformer le monde social conformément à leurs intérêts – en produisant, en reproduisant ou en détruisant les représentations qui rendent visibles ces groupes pour eux-mêmes et pour les autres. »1

Les discours politiques rivaux sont en compétition pour la conquête du pouvoir symbolique. Or, toujours selon Bourdieu, le pouvoir symbolique de faire voir et de faire croire,

« ne s’exerce que s’il est reconnu, c.a.d. méconnu comme arbitraire. »2 Ce pouvoir symbolique contribue ainsi à la production du sens commun, et s’arroge le monopole de la nomination légitime et du classement des places. De plus, « Credere, dit Benveniste, « c’est littéralement placer le kred, c.a.d. la puissance magique, en un être dont on attend protection, par suite croire en lui. » 3 .

b) Le rôle du porte-parole

Il convient également de préciser ce qu’il en est de l’énonciateur, soit du porte-parole de ces discours politiques, du leader. Pour Pierre Bourdieu, le porte-parole a pour fonction de

« faire groupe » : Le porte-parole (…) arrache ceux qu’il prétend représenter à l’état d’individus séparés, leur permettant d’agir et de parler, à travers lui, comme un seul homme. En contrepartie, il reçoit le droit de se prendre pour le groupe, de parler et d’agir comme s’il était le groupe fait homme. 4» Désigné ou auto-désigné comme mandataire du groupe, il « est en quelque sorte dans un rapport de métonymie avec le groupe, il est une partie du groupe qui peut fonctionner en tant que signe à la place de la totalité du groupe.5 » Jacques Guilhaumou a précisément étudié l’avènement et le rôle des porte-paroles, qu’il différencie des « législateur- philosophes », pendant la Révolution. A cette époque, les porte-paroles ont joué un rôle d’agent intermédiaire du discours d’assemblée qui est en capacité de traduire la violence émeutière sous la forme d’une demande légitime6. Le porte-parole est devenu en 1792 une des figures majeures du mouvement jacobin. Lorsque les autorités constituées « s’avèrent incapables de faire

1 Bourdieu, Pierre, Langage et pouvoir symbolique, Points Fayard, 2001, p. 187

2 ibid. p. 210

3 ibid. p. 241, cf Beneveniste, Emile, Le vocabulaire des institutions indo-européennes, Paris, Editions de Minuit, 1969, tome I, p. 115-121

4 Bourdieu, (Pierre), op. cit. p. 319

5 ibid. p. p 262

6 Guilhaumou (Jacques), L’avènement des porte-parole de la République, essai de synthèse sur les langages de la Révolution française, Presses Universitaires du Septentrion, Paris, 1998, p. 90

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entendre « le langage de la loi 1», les porte-paroles « interviennent au quotidien par des médiations heureuses, à la différence des agents politiques constitués.2 ». La question de savoir qui est le porte-parole de la Nation ou de la patrie se pose de façon aiguë pendant la Révolution et François Furet insiste sur le fait que celle-ci a substitué à la lutte des intérêts pour le pouvoir

« une compétition des discours pour l’appropriation de la légitimité. 3» Lynn Hunt rappelle que les députés révolutionnaires ont demandé la souveraineté pour la nation, mais que dans les années qui suivirent, la question même de savoir qui parle pour la Nation n'a jamais été définitivement réglée en France.4 Il m’apparaît donc nécessaire de souligner dans ce travail le rôle de médiation du porte-parole dans l’espace public, ainsi que sa singularité et son individualité, d’où les notices biographiques que j’ai établies à partir de l’historiographie actuelle. J’ai également fait le point sur l’historiographie concernant ce sujet, à partir de laquelle j’ai travaillé et qu’il convient de présenter.

II – Allégories et métaphores maternelles : bilan historiographique

Dans sa contribution sur « la mémoire de la Révolution5 », Madeleine Reberioux rappelle l’importance du poids des images, des représentations et des mythes mémorisés sur les pratiques sociales, et la nécessité d’en tenir compte aussi bien en aval et qu’en amont de la période examinée. Il me semble donc important de rappeler que les allégories et métaphores maternelles ont été utilisées de toute antiquité pour évoquer la vie de la cité. Dans la Bible, et plus tard pour les Pères de l’Eglise à partir du II° siècle, la métaphore maternelle est omniprésente, elle représente tantôt un Dieu au sexe ambigu, tantôt l’Eglise. La prophétie d’Esaïe promet au croyant une vie de béatitude et de bonheur dans la Jérusalem céleste, à la condition de se soumettre aux demandes de Dieu, qui a les traits d’une mère : « Vous serez allaités, portés sur les hanches et cajolés sur les genoux. Il en ira comme d’un homme que sa mère réconforte : C’est moi qui, ainsi, vous réconforterai.. » Par contre, si le croyant ne se soumet pas, il est promis à tous les châtiments.6 La référence à ce mythe deviendra omniprésente sous la Restauration et reste souvent évoquée au XIX° siècle. En Grèce antique, la paix est présentée sous la forme d’une allégorie maternelle, et les vertus civiques telles que le bonheur, la prospérité, la santé sont représentées sous les traits d’une femme. Pour l’historienne Emma

1 ibid. p. 238

2 ibid. P. 251

3 Furet (François), Penser la Révolution française Folio histoire Gallimard 1978, p. 85

4 Hunt, (Lynn), Politics, culture, and class in the French Revolution, University of California Press 2004, p. 26

5 Reberioux (Madeleine) , La mémoire de la Révolution, dans Vovelle, (Michel), Dir., Bicentenaire de la

Révolution française, L’image de la Révolution française, Tomes I à IV. Pergamon Press, plc 1989, pp. 2437-2445.

6 La Bible, traduction œcuménique, Le Livre de Poche, Paris, 1980 (Isaïe, 66 10-14, p. 713).

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