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Quelques méthodes de la synthèse peptidique
par Y.L. GUILLOU Lycée Rabelais , 22000 Saint-Brieuc et J. TEKIN Lycée Blaise Pascal, 76000 Rouen
INTRODUCTION
Le programme de chimie de Terminale D comprend un chapitre consacré à la chimie organique biologique où sont citées la liaison peptidique et la synthèse d’un dipeptide. Nous nous proposons ici de donner quelques compléments afin d’illustrer les notions de blocage de fonction et de couplage entre deux acides aminés. Ces compléments n’ont pas l’ambition de couvrir le vaste domaine de la synthèse peptidique. Les revues spécialisées que nous citons permettront aux lecteurs intéressés d’approfondir leurs connaissances.
1. PRINCIPES DE LA SYNTHÈSE PEPTIDIQUE Considérons les deux aminoacides
NH,-CH-COOH et
k
NH>-CH-COOH ,
1 k
respectivement A, et A,. Les enchaînements possibles par une liaison peptidique sont À,-A,, A,-A,, A,-A, et AZ-A, ; le dipeptide Ai-A, a pour formule semi-développée :
Ni$-Ctt-NH-FttCOOH.
R 0
1 %
Tout le problème que pose la synthèse peptidique est la préparation sélective d’un dipeptide donné. Cette sélectivité nécessite :
1. de bloquer les deux groupements fonctionnels qui ne doivent pas réagir. Par exemple :
Vol. 85 Octobre 1991
(A’,) et
4
-> qw-~-“~ (A;)NY0
2. de coupler les deux fonctions libres.
A’, + A; -> R,-CH-C-NH-CH-?-Bh
iH” 4a
‘1
3. de débloquer les fonctions qui avaient été protégées.
A’,-A; -> R,-CH- -NH-CH-C-OH t A,-A2 1.
kHz! 4 8
2. BLOCAGE
2.1. Blocage des fonctions acides
La méthode de blocage préférentielle de la fonction acide semble être la formation d’ester de méthyle, d’éthyle ou de t-butyle. La formation de l’ester n’est généralement pas directe.
a) Formation d’un ester de méthyle
La réaction est menée à froid (-IOT), en présence de chlorure de thionyle (SOCI,), en solution dans le méthanol. Les auteurs [2]
suggèrent le mécanisme suivant :
CH30H + SÛCL + CH~-Q-%Ci + k!CI
R-CH-COOH +
/dH,
CH,-CtSOCi -+ ii-~ItC~CH, + SO2 ihH3+ CI-
L’ester de l’aminoacide est libéré par un traitement à la triéthyla- mine :
R-CH-Cd2CH 3
Bther
k”,’ CI-
+ (C,H,),N - R-YH-COOCH3+ (C,H51,NH+CI-
NH2
BULLETIN DE L’UNION DES PHYSICIENS
juste avant l’étape de couplage. Le retour à la fonction acide, après couplage, est obtenu par hydrolyse en milieu basique suivie d’une
acidification ; cette méthode est délicate à mettre en œuvre car elle pose le problème de la racémisation des aminoacides ou peptides.
h) Formation d’un ester de tertiobutyle
La formation de ces esters présente deux avantages primordiaux sur la méthode précédente :
- ils résistent mieux aux milieux basiques,
- l’autocondensation est pratiquement inexistante, ce qui les rend stables, même à la distillation.
Leur synthèse est réalisée suivant deux schémas principaux : - addition sur le méthyl-2 propène :
R-CH-COOH + CH3-C= CH ‘-Y504
L
2 -0-CXHJ,
H3
- transestérification :
HC104
R- i-tCOOH + CH,- -O-C(CHJ), -> R-CH-y-0-C(CH,), Y
L d
Y
Le déblocage est réalisé par une solution de chlorure d’hydrogène dans l’acétate d’éthyle ou le chlorure de méthylène (dichlorométhane).
2.2. Blocage des fonctions amino
Les méthodes de blocage des groupes amino font appel à une chimie moins connue que celle que nous venons de voir ; nous citerons trois méthodes de protection :
- un blocage sous forme d’amide, - deux blocages sous forme d’urethanes,
R -O--C-NH-CH-COOH
a k
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a) Formation de trijluoroacétamide
La réaction est très facilement réalisée, dans la majorité des cas, par action de l’anhydride trifluoroacétique dans l’acide trifluoroacéti- que comme solvant, à froid (OT).
R-CH-COOH + (CF,CO)20 - CF,-C-NH-CH-COOH
d k
La fonction initiale est restituée par une hydrolyse en milieu basique qui peut interférer, dans le cas des polypeptides, avec le déblocage d’esters de méthyle. Signalons que cette méthode de protection est utilisée, entre autres, pour l’analyse des a-amino esters par chromatographie en phase gazeuse.
b) Protection par le groupe tertiobutoxycarbonyle ( (CH3)3-C-O-C- 1
II
La réaction est souvent réalisée avec I’azoture de méthanoate de t-butyle, N3-C-0-CKHJ,
il préféré au chlorure à cause de l’insta- bilité de ce dernier qui se décompose au dessus de 10°C.
Elle se réalise sans difficulté particulière :
Ns-CO-OC(CH313
R-YH-COOH > R-YH-COOH
“Y
kl+$-0-C(CH,),Le déblocage de l’acide aminé ainsi protégé (souvent nommé en faisant précéder son nom par le préfixe BOC-) est obtenu en milieu acide (chlorure d’hydrogène dans un solvant organique) ou par traitement à l’acide trifluoroacétique.
c) Protection par le groupe benzyloxycarbonyle ( C,H,-CQ-O-C- 1
II
est menée en solution aqueuse à pH = 10, valeur qui est maintenue par addition de soude. L’acide aminé bloqué (couramment appelé Z-ami- noacide) est extrait en milieu acide (pH = 2) par l’éther.
Cet!,--CH2-O- ci
-CI + R-CH-COO-Na b
+2) C,H,-CH2-0-C-WCH-COOH
Y0 CJ k
Le déblocage est très aisément réalisé par un courant d’hydrogène passant sur une solution de l’aminoacide bloqué dans le méthanol en présence de palladium sur carbone :
C6HS-CH2-O-C-NH-CH-COOH + y-1 Cs H5CH3+ CO 2 + R-CH-COOH
A k
h
Les méthodes de blocage que nous venons de décrire sont résumées dans le tableau suivant.
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3. COUPLAGE
La notion de couplage recouvre deux types de réaction : - d’une part, le mélange des deux aminoacides convenablement bloqués, l’un à la fonction amine, l’autre à la fonction acide, auquel on ajoute le réactif de couplage,
- d’autre part, la formation d’un intermédiaire réactif entre la fonction acide libre et l’agent de couplage puis l’addition du deuxième aminoacide à fonction amine libre.
Dans les deux cas, il y a formation d’un ester ou anhydride intermédiaire qui réagit avec la fonction amine :
+ $0
Nous présentons deux réactifs de couplage : - le dicyclohexyl carbo diimide ou DCC
- l’éthoxy-carbonyl-1 éthoxy-2 dihydro-l,2 quinolëine ou EEDQ.
3.1. Couplage au DCC
Décrite en 1955, l’utilisation de ce réactif reste, malgré les inconvénients qu’elle peut représenter, la plus fréquente - avec ou sans
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Le mécanisme proposé est le suivant : - formation d’une 0-acyl urée
- attaque de l’intermédiaire par le groupe amino :
+ R-NH2~ R C P
’ hHR+
Cette méthode de couplage présente quelques inconvénients : - une racémisation faible mais mesurable de l’amino acide à fonction acide libre,
- la formation de di N, N’-cyclohexylurée, soluble dans l’eau et dans les solvatns organiques et donc difficile à éliminer,
- une transposition possible de l’intermédiaire 1, :
1, n’est pas attaqué par l’amine libre. La formation de 1, favorisée par les bases telles que la triéthylamine et supprimée dans des solvants organiques tels que le dichlorométhane et l’acétonitrile.
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3.2 Couplage à I’EEDQ
Ce réactif, d’utilisation plus récente que le DCC, ne présente pas les mêmes inconvénients. Il fait intervenir un anhydride mixte intermé- diaire :
+ EEDQ -+ + C2H50H ----a +C2H50-C-O-C-R
CJ ii -R
L’anhydride réagit sur l’amine :
R’NY + C*H,-O-C-O-C-R d R-C /p
li A \ NHR’
+ C,H,OH + CO2
Les produits de réaction CO,, C,H,OH et quinoléine sont facile- ment éliminés et les aminoacides ne présentent aucune racémisation.
CONCLUSION
Comme nous l’avons écrit dans notre introduction notre but n’était pas de donner une description exhaustive des méthodes de protection et de couplage utilisées en synthèse peptidique. Ces méthodes sont trop nombreuses et variées pour être décrites en quelques pages. Notre choix s’est porté sur les réactions mettant en jeu des réactifs simples et commerciaux. De plus la plupart de ces réactions peut être réalisée avec le matériel courant d’un laboratoire de chimie organique.
BIBLIOGRAPHIE
[l] ALLINGER, CAVA, JOHNSON, DEJONGH, LEBEL et
STEVENS - Chimie Organique - Édiscience - MacGraw Hill, 1975.
[2] SCHRGDER et LÜBKE - The Peptides, Academic Press, 1965 [3] Jerry MARCH - Advanced Organic Chemistry, pages 373-374,
(3ème édition), Wiley-interscience.