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Adaptation des bovins aux milieux d’élevage
P. Le Neindre, J.P. Garel
To cite this version:
P. LE NEINDRE, J.P. GAREL
INRA Laboratoire de
l’Elevage
BovinTheix 63122
Sain t-Gen ès-Champan elle
*
INRA Domaine de la Borie Marcenat 15190 Condat t
Adaptation
des bovins
aux
milieux
d’élevage
Les
veauxSalers
sont
habituellement allaités
par
leurs
mères
alors
que
les
veaux
Pie-Noirs
ensont
séparés
dès la
naissance. Pour
chaque
race,
les
animaux
sont
«adaptés
» à
cesconditions
d’élevage.
Quelles
sont
les
parts
respectives
de la
raceet
du mode
d’élevage
dans le
jeune âge
surcette
adaptation ?
Les animaux des races
laitières,
à viande ourustiques
sont élevés dans des milieux très contrastés. Il estgénéralement
admis que cesanimaux ont des
capacités
physiologiques
etcomportementales
différentesqui
leurpermet-tent, en
plus
de leurscapacités
àproduire
du lait ou de laviande,
d’êtreadaptés
à leursmilieux
d’élevage
habituels.Par
exemple,
les vaches traites doivent pro-duire le maximum de lait à la traite et doncs’adapter
à la machine à traire. Enrevanche,
les vaches à viande ne doivent allaiter que leurs veaux.Les
jeunes
del’élevage
laitier sontséparés
de leur mère dès la naissance. Ils doivent boire le lait au seau etingérer
rapidement
des aliments solides. Ceux des races à viande sont allaitéspendant
unepériode
trèslongue
et sont doncbeaucoup
moinsdépendants
de l’homme.Cette notion d’«
adaptation
» est assezfré-quemment
évoquée
enparticulier
par lesgéné-ticiens travaillant sur les ruminants
(Bibé
etVissac 1979,
Bougler
et ai 1988).
Ces cher-cheurss’interrogent
sur les basesgénétiques
etphysiologiques
del’adaptation
des animaux àleur milieu et sur les interactions entre le
géno-type et le milieu. La définition de
l’adaptation
estessentielle,
enparticulier,
pourcomprendre
ce que sous entend la rusticité. Ce terme estparfois
utilisé pour définir lacapacité
desani-maux à
s’adapter
à unegrande
variété desitua-tions. Parfois il ne
signifie
que lacapacité
desanimaux à survivre et à se
reproduire
dans desconditions
climatiques
difficiles.Trois séries
d’expérimentations
nous ont per-mis de comparer des animaux de deux racessupposées
très différentes : la race Pie-Noire, laitière, et la raceSalers,
«rustique »,
dans lesconditions habituelles
d’élevage
desjeunes
pour chacune de ces races et donc
d’analyser
l’interaction entre la race et le moded’élevage.
1
/ Vitalité des
veauxaprès
la
naissance
La
première
série d’observations porte surl’activité des veaux dans les heures
qui
suiventla naissance. Leur vitalité est caractérisée par l’intervalle de temps entre la naissance et la
première
station debout.Cinquante-six
veaux, de races Pie-Noire(n
=25)
et Salers(n
31),
ont été observéspendant
les 4premières
heures suivant leur naissance. Ils étaient soit laissés avec leur mère commecela se
pratique
dans lesélevages
allaitants(maternés)
soit isolés dès la naissance commedans les
élevages
laitiers(isolés).
Les veaux avec leur mère se sont levés beau-coup
plus rapidement
que ceuxqui
étaient iso-lés(figure 1), qu’ils
soient de race Pie-Noire ouSalers. En
revanche,
lorsqu’ils
étaient isolés,une
grande
partie
des veaux Salers(60 %)
ne sesont pas levés
pendant
les 4 heuresd’observa-Résumé
——______________________Des veaux de races Pie-Noire et Salers ont été observés dans différentes
condi-tions
d’élevage
et à différentespériodes
de leur vie. S’ils sont avec leur mère dèsla
naissance,
leurs activités ne sont passtatistiquement
différentes entre les deuxraces. En revanche
lorsqu’ils
sontseuls,
les veaux Pie-Noirs sontplus
actifs que lesSalers,
ils boiventplus
facilement le lait au seau, ilsingèrent
plus
d’alimentsolide et ont finalement une meilleure croissance. La
précocité
sexuelle desPie-Noires est
supérieure
à celle des Salers. Ces différences peuvent êtreinterprétées
en termes
d’adaptations
aux différents milieuxd’élevage.
Le terme « rusticité »,La
privation
de lamère affecte
beaucoup plus
la
vitalité à la naissance des
Salers
que des Pie-Noirs
tion. Le temps
pris
pour se lever observé chezles Salers a été
beaucoup
plus
important
quecelui obtenu chez les Pie-Noirs
(respectivement
2,04 h et 1,2
h).
Donc laprivation
de la mère affecte defaçon beaucoup plus
marquée
la mobilité des nouveau-nés chez les Salers que chez les Pie-Noirs.Huit veaux Salers maternés et 8 veaux Pie-Noirs isolés ont reçu, au
biberon,
desquantités
non limitées de colostrum 4 heures et 10 heuresaprès
leur naissance. Desprélèvements
sanguins
effectuésrégulièrement
ontpermis
de déterminer le tauxsanguin
maximumd’immu-noglobulines.
Les veaux Pie-Noirs isolés ontconsommé,
lors des deux repas, desquantités
de colostrumplus
importantes
que les Salersmaternés
(+
80%).
Leur taux maximumd’im-munoglobulines
a étéégalement
beaucoup
plus
élevé que celui des Salers
(+
45%)
(tableau
1).
Par
conséquent,
même dans des conditionsplus
défavorables,
c’est-à-dire en l’absence dela mère, les
capacités
de consommation etd’ab-sorption
desimmunoglobulines
du colostrum sontplus
élevées chez les Pie-Noirs.2
/
Aptitude
des
veauxà
boire
au seauDix-neuf veaux Pie-Noirs et 13 Salers ont été
séparés
de leur mère dès la naissance et ont été nourris artificiellement.Chaque
veau recevaitdu colostrum au biberon lors des deux
pre-miers repas. Par la suite, à chacun des deux repas
journaliers,
du lait étaitproposé
au veau au biberonpendant
30 secondespuis
dans un seaupendant
10 minutes. L’animal nebénéfi-ciait d’aucune aide pour l’amener à boire au seau. Les veaux
qui
n’avaient pas bu au seaupendant
lapériode
de 10 minutes étaientali-mentés au biberon. On a considéré
qu’un
veausavait boire au seau
lorsqu’il
buvait dans le seau lors de deux repas consécutifs.La moitié des veaux Pie-Noirs ont bu dès le
premier
repas avec un seau et 88 % buvaient lors du sixième repas. Enrevanche,
aucun veauSalers n’a bu avant le
quatrième
repas ; seule-ment 30 % des veaux avaient bu lors du 12! erepas
(figure 2).
Trèsclairement,
lesnouveau-nés Pie-Noirs
présentent
unecapacité
d’adapta-tion à la buvée au seau bien
supérieure
à celledes Salers.
3
/
Capacité
d’ingestion
et
croissance
des
jeunes
veauxDes veaux femelles de races Salers
(n
=25)
et Pie-Noire
(n
=29),
nés en moyenne au mois dejanvier,
ont été soit isolés dès la naissance etnourris artificiellement soit maternés par une
nourrice.
Dans le cas de l’allaitement
artificiel,
40kg
depoudre
de lait ont été distribués sur uneEn
plus
dulait,
les veaux recevaient à volonté du foin et de l’aliment concentré. Ils sont restésisolés
jusqu’à
la troisième semaineaprès
lesevrage. Ils ont ensuite été
regroupés
dans des parcs en stabulation libre et ont reçu du foin àvolonté et 3
kg
d’aliment concentré parjour.
Auprintemps,
ces veaux ont été mis à l’herbe où ils recevaient 2kg
d’aliment concentré parjour.
Les veaux allaités étaient
adoptés
leplus
rapidement possible après
la naissance par unevache de race Salers. Ils ont tété sous
surveil-lance deux fois par
jour
pendant
lapériode
hivernale. Pendant lapériode
estivale etjus-qu’au
sevrage à l’automne ils étaient avec leurnourrice au
pâturage.
Al’automne,
tous cesanimaux ont été mis en stabulation libre où ils ont reçu du foin et un aliment concentré. A la
fin du second hiver ils sont allés de nouveau au
pâturage.
Les
quantités
de foin et d’aliment concentréingérées
par les veaux élevés sans la mère ontété mesurées de la naissance
jusqu’au
2jejour
après
le sevrage.Les
quantités
de laitingérées
par les veauxélevés sous des nourrices ont été obtenues toutes les deux semaines par
pesées
desjeunes
avant etaprès
la tétée(Le
Neindre1973).
Lorsqu’ils
étaientallaités,
les veaux des deux races ont eu la même croissance. Enrevanche,
dans le cas de l’allaitement artificiel la
crois-sance des veaux Pie-Noirs a été
significative-ment
supérieure
de 100 g parjour
environ àcelle des Salers. Cette différence est due
proba-blement aux faibles
quantités
de foin et d’ali-ment concentréingérées
par ces derniers(tableau
2).
A 9 mois, lesgénisses
Salerséle-vées sous une nourrice
pesaient
54,5kg
deplus
que leurshomologues
élevées sans nourricealors que la différence observée pour la race
Pie-Noire n’était que de 18,6
kg.
Al’âge
d’envi-ron 21 mois,
juste
avant la mise à lareproduc-tion, les écarts étaient encore
respectivement
de 49,4 et 28,0
kg
(figure
3).
Donc, encondi-tions
d’élevage
sans la mère, lesperformances
des Pie-Noires, tant du
point
de vue descapaci-tés
d’ingestion
que de la croissance, sont meil-leures que celles desSalers,
alorsqu’il
n’y
a pas de différence en allaitement maternel(au
moins en ce
qui
concerne lacroissance).
4
/ Précocité sexuelle
L’existence de
cycles
oestriens a étédétermi-née à 6
reprises
entre lesâges
de 4 et 18 mois. Achaque
fois,
le taux deprogestérone
a étémesuré sur deux échantillons de sang
prélevés
à dix
jours
d’intervalle. Unequantité
impor-En
allaitement
tartificiel,
lacroissance
des
veauxPie-Noirs est
supérieure
àcelle
des
Salers,
alorsqu’elle
estla
mêmetante de
progestérone
dans un au moins desdeux échantillons
permet
dediagnostiquer
uncycle.
Deuxgénisses
Pie-Noires étaient ges-tantes au sevrage à 9 mois, nous avons doncconsidéré
qu’elles
étaientcycliques après
cette date pour comparer les différents lots.Dès
l’âge
de 6 moisquelques
génisses
Pie-Noires étaientcycliques
et à un anplus
de lamoitié d’entre elles l’étaient. Aucune
génisse
Salers n’a été
cyclique
avantl’âge
de 15 mois(figure
4).
Discussion
Des différences
importantes
entre races sont donc apparuespendant
lapériode d’élevage.
Elles portent sur :
- la
précocité :
lesgénisses
Pie-Noires ont étécycliques plus
précocement
que les Salers. Ledéveloppement
précoce
des animaux de racePie-Noire a
déjà
été décrit dans le cadre d’études sur ledéveloppement corporel (Geay
et Malterre
1973).
Laprécocité
sexuelle des Pie-Noires est connuedepuis longtemps.
Notreétude fait
apparaître
clairement que cettediffé-rence n’est pas liée au mode
d’élevage.
- la
capacité
d’ingestion :
les animaux Pie-Noirsont
ingéré
plus
d’aliments solides que les Salerspendant
leurs troispremiers
mois de vie.Cette différence avait
déjà
été décrite chez desgénisses
plus
âgées
de ces deux races(Agabriel
et al
1987).
Les écarts depoids
liés au moded’élevage
sont restésbeaucoup plus
importants
pour les Salers que pour les Pie-Noiresjusqu’à
l’âge
de 20 mois.D’autres différences ont été observées
qui
nesont pas forcement
imputables
à laprécocité
ouà la
capacité d’ingestion
des animaux. Ainsi lesPie-Noirs sont
plus
actifs que les Salers à lanaissance. L’activité d’un certain nombre de
nouveau-nés
d’espèces
sauvages est très limitéeen l’absence de la mère. Cette
aptitude
à secacher
(hider)
et à rester immobile(freezing)
permettrait
de réduire laprédation (Lent
1974).
La nécessité d’avoir des animaux actifs
quand
ils sontseuls,
pourpouvoir
être élevésartificiel-lement,
apeut-être
amené àéliminer,
ou aumoins à
réduire,
la tendance aufreezing
chez lejeune
Pie-Noir. La faible activité des veauxSalers ne serait donc pas forcément la consé-quence de l’état de maturation
physiologique
ou
comportemental impliqué
dans la notion deprécocité.
D’autrepart
la buvée est caractériséepar le pompage du
liquide
alors que la buvéesuppose une succion ; ce sont donc des méca-nismes très différents et
complexes.
Lesdiffé-rences observées entre les veaux des deux
génotypes
peuvent être liées àl’exploration
du milieu comme à laprécocité
ou à une anatomieparticulière.
Ces
quelques
résultats montrent que les raceslaitières et à viande ne diffèrent pas
unique-ment sur leurs
capacités
àproduire
du lait oude la viande mais sur un ensemble de
caracté-ristiques
de la vie de l’animal. Lesexemples
présentés
ici concernaientplus spécifiquement
les
jeunes
femelles. D’autres textesrapportent
des différences entre ces deux races dans lecomportement
social et la réactivité(Le
Nein-dre
1989a)
et dans les relationsmère-jeune (Le
Neindre1989b).
J.
Il serait intéressant de savoir si ces diffé-rences ont été le fruit de la sélection consciente
ou inconsciente de la part des éleveurs ou si
elles sont le fruit du hasard. S’il
s’agit
d’une sélection due auxéleveurs,
celàimplique qu’il
est
possible
de sélectionner defaçon
efficacesur les traits des caractères ci-dessus. Dans le
cas contraire, ces résultats
soulignent
pour lemoins que la sélection sur des
paramètres
detype
production
de viande ou de lait est suscep-tible d’avoir desconséquences
indirectes surd’autres
aspects,
ycompris comportementaux,
dont il serait utile de tenir compte dansl’ave-nir. La valeur
adaptative
descaractéristiques
exem-ple,
semble varier avec le moded’élevage.
Leséleveurs des
troupeaux
laitiers recherchent desanimaux sexuellement
précoces.
Enrevanche,
dans les conditions des
élevages français
de vachesallaitantes,
l’apparition
de lacyclicité
chez lesjeunes
femelles avant leur sevrageentraîne des
gestations
précoces.
Celles-ci conduisent bien souvent à l’élimination de cesanimaux du fait de leur faible
poids
et de leursproblèmes
ultérieurs de fertilité.Les critères retenus dans ce texte, vitalité à la
naissance et
capacité d’ingérer
des alimentssolides,
sont souventprésentés
comme des cri-tères de rusticité. Or, lesSalers, qui
sont desanimaux de race
rustique,
ont eu deplus
fai-bles
performances
que les animaux laitierssou-vent
présentés
comme peurustiques
du fait de leur sélection dans lesélevages
« intensifs ».En
fait,
l’adaptation
à un milieudifficile, qui
peut
être une des définitions de larusticité,
nesignifie
pas forcément unegrande
activité à lanaissance ou une forte
capacité
d’ingestion
mais
peut-être
une bonne résistance auxagres-sions
climatiques
et une bonne utilisation des ressourcesfourragères.
Dans les conditionsnormales de
l’élevage
pour les nouveau-nés derace
Salers,
c’est-à-dire avec leur mère, ils selèvent assez
rapidement
pouringérer
lecolos-trum et donc pour absorber les
immunoglobu-lines nécessaires à leur survie.Le milieu peut donc être difficile du fait des
contraintes naturelles mais
également
de cellesimposées
par l’homme.L’élevage
laitier esteffectivement un milieu
s’éloignant
descondi-tions naturelles et, en
particulier,
le veau doitvivre sans sa mère. Dans ces
conditions,
lejeune
Pie-Noir estvigoureux
à la naissance et boit au seau.Cependant,
cela nesignifie
pas pour autantqu’il
secomporte
médiocrementlorsqu’il
est avec sa mère. Son éventailcompor-temental est donc
plus
important.
Ilpourrait
s’adapter
dansplus
demilieux,
il seraitplus
flexible.Plutôt que de
rusticité,
il serait donc préféra-ble deparler d’adaptations
à des milieux d’éle-vage différents. Cesadaptations
portent
sur denombreuses
caractéristiques
aussi bienphysio-logiques
quecomportementales.
Alorsqu’elles
semblent limitées strictement à un milieu
spé-cifique
dans le cas desespèces
sauvages, la domestication semble avoir introduit uneplus
grande
adaptabilité
aux milieuximposés
parl’homme.
Cependant,
on ne sait pas dansquelle
mesure cescapacités
nouvelles ontlimité celles
qui
étaientcaractéristiques
desespèces
sauvages. A l’intérieurd’espèces
domestiques
commel’espèce
bovine,
des diffé-rences semblent exister entrepopulations,
ouraces, sur ces différents critères.
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Summary
Cattle
adaptations
to differenthusbandry
sys-tems.Calves from a
dairy
breed(Friesian)
and aFrench
« hardy
breed(Salers)
werecom-pared
in differentrearing
conditions(includ-ing
artificialfeeding
vs.suckling)
and atvari-ous ages. Animals from the two breeds were
not different when reared
by
cows.Significant
differences occurred when
they
were in aarti-ficial
rearing
system.
Friesian calves weremore active than Salers at
birth,
drank milkmore
easily
from abucket,
ate more feed andhad a
higher growth
rate.Puberty
occurred earlier in Friesians than in Salers. These results may be the consequence ofadaptations
differences to different
husbandry
systems.
« Hardiness » seems to be a too