Correspondances en Onco-Hématologie - Supplément 1 au vol. XV - n° 4 - juillet-août 2020 22
S u p p l é m e n t
Ce que l’on peut retenir de la biologie du myélome
S. Manier*
* Service d’hématologie, CHU de Lille.
Identification de patients de très faible risque pronostique
Les efforts de recherche se focalisent souvent sur la nécessité de définir les patients à haut risque pronos- tique. Cependant, il existe un intérêt à identifier les patients de très faible risque pronostique qui sont sus- ceptibles de répondre durablement aux traitements et pour lesquels des stratégies d’arrêt de traitement pourraient être particulièrement adaptées. Les don- nées présentées par l’équipe de N. Munshi (abstr. 195), du Dana-Farber Cancer Institute, ont été générées par séquençage génomique complet des patients inclus dans l’essai IFM2009. Les auteurs ont observé que les signatures mutationnelles liées aux anomalies de répa- ration de l’ADN sont présentes aux stades avancés de la maladie, par opposition aux signatures mutationnelles liées à l’âge, à l’hypermutation des immunoglobulines ou à APOBEC qui sont présentes aux stades plus pré- coces. Ainsi, ils définissent un genomic scar score (GSS) qui mesure le niveau d’altération de l’ADN (en termes d’anomalie du nombre de copies et de perte d’hétéro- zygotie), lié aux anomalies de la réparation de l’ADN. En intégrant plusieurs marqueurs génomiques, ainsi que l’âge et l’ISS, ils identifient un sous-groupe de patients pour lesquels le pronostic est très bon, caractérisés par un faible GSS et un gain du chromosome 9, prédictifs d’une survie prolongée à long terme. Ces marqueurs ne sont actuellement pas directement applicables en pratique clinique, mais permettent de mieux com- prendre la phylogénie des altérations génomiques dans le myélome.
MRD liquide par spectrométrie de masse
L’intérêt de la MRD dans le myélome multiple est main- tenant clairement établi. Il reste à dessiner les contours de son utilisation en pratique clinique. Cependant, l’éva- luation de la MRD se heurte encore à la nécessité de réaliser des aspirations de moelle de façon itérative (pour analyse en next-generation sequencing, NGS, ou en cytométrie en flux, CMF). Le développement récent de la MRD par spectrométrie de masse (MS) à partir
d’un prélèvement sanguin suscite un grand intérêt.
Cette technique permet de détecter spécifiquement la chaîne légère monoclonale au sein des immuno- globulines polyvalentes. La question de la sensibilité de ce test comparativement au NGS ou à la CMF reste débattue. L’équipe de A.J. Jakubowiak (abstr. 8513) a comparé la MRD par MS dans le sang au NGS dans la moelle osseuse, dans un essai de phase II évaluant un schéma KRd-autogreffe-KRd-R en première ligne thérapeutique. Deux techniques de MS étaient étudiées en comparaison du NGS ClonoSeq : le MALDI-TOF et la LC-MS. 80 échantillons étaient évaluables, avec une concordance de 83 % pour le MALDI-TOF et de 63 % pour la LC-MS comparativement au NGS. Dans 1 cas, le NGS était positif et le MALDI-TOF négatif, et, à l’in- verse, dans 9 cas, le MALDI-TOF était positif et le NGS négatif. Les résultats étaient encore plus significatifs avec la technique de la LC-MS, où il y avait 22 situations dans lesquelles la LC-MS était positive et le NGS négatif.
La différence de SSP entre les groupes MRD+ et MRD−
était plus marquée dans le cas du LC-MS (p = 0,026) que du NGS (p = 0,1) (figure). Ces résultats en faveur de la MRD par MS sur sang sont impressionnants, bien que les données de NGS soient ici peu performantes (non statistiquement significatives pour prédire la SSP). Cette approche devra être étudiée sur de larges cohortes pour valider leur sensibilité, mais elle présente un intérêt certain du fait de son évaluation par une simple prise de sang.
Le score de Deauville dans le myélome
La TEP est utilisée dans le myélome pour l’évaluation initiale des lésions osseuses et d’éventuels plasmo- cytomes et pour estimer la réponse au traitement, incluant la recherche d’une MRD extramédullaire.
Le score de Deauville, utilisé dans le lymphome, permet d’évaluer la réponse d’une lésion focale en fonction de son intensité métabolique comparativement au SUV du médiastin et du foie. L’évaluation du score de Deauville au niveau de la moelle osseuse ou de lésions focales extramédullaires a été étudiée dans l’essai FORTE et comparée aux résultats de MRD par CMF.
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Ce que l’on peut retenir de la biologie du myélome
133 patients ont été inclus dans cette étude annexe, parmi lesquels 88 % avaient une TEP initialement posi- tive. Avant l’instauration du traitement d’entretien, 80 % des patients avaient un score de Deauville ≤ 3 ou négatif. La concordance entre la TEP et la CMF était de 94 % concernant l’hypermétabolisme de la moelle
osseuse et de 63 % concernant les lésions focales extra- médullaires. Cela suggère que la TEP permet d’identifier des lésions extramédullaires en cas de CMF négative.
Cette étude démontre la possibilité d’utiliser le score de Deauville dans le myélome multiple et le rôle de la TEP pour confirmer la MRD négative. ■ Figure. Survie sans progression en fonction du statut MRD évalué par NGS ou par LC-MS.
Patients, n LC-MS négative LC-MS positive Patients, n
NGS négative NGS positive
0 12 24 36 48 60
p = 0,1 NGS positive NGS négative
13 1 27 0 27 2 25 4 21 2 17 19 0 9 0 9 0 9 0 7 0 65 10 12
1 7 0 9 2 11 2 13 0
23 0 23 0 23 2 21 2 17 0 10
0 25 50 75 100
Mois
0 12 24 36 48 60 72
p = 0,026
LC-MS positive LC-MS négative
0 25 50 75
(%) (%)100
Mois