A NNALES DE LA FACULTÉ DES SCIENCES DE T OULOUSE
A. B UHL
Eugène Cosserat
Annales de la faculté des sciences de Toulouse 3e série, tome 23 (1931), p.V-VIII
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EUGÈNE COSSERAT
.-’"..
L’Institut
deFrance,
la Faculté des Sciences et l’Observatoire de ."Toulouse
’viennent d’être cruellementfrappés
par laperte d’Eugène
...
°.
Cosserât décédé’,
àToulouse,
en son domicile del’Observatoire,
le .. ’ ;3i
maiI93I.
’
’
.
Ce qu’il
faut chercher dans une Notice telle quecelle-ci, publiée
en ."
. cette
place,
c’est moins une nomenclature de titres et de travauxqu’une
’
..impression
morale encoretoute empreinte
d’émotion.Depuis longtemps,
..
,
ces Annales ne
vivaient qu’avec Eugène Cosserat,
et c’est en cherchant à.. "le
remplacer qu’on aperçoit
toute lagrandeur,
tout le caractère com-. -
. ple.xe
d’une tâchequi
ll’étaitcependant,
pourlui, qu’une partie
très ....,
minime d’occupations partout chargées
deresponsabilités
de toutes.... sortes. ’ ’
’
,’
.. La carrière dugavant -fut’rapide
dans les années dejeunesse.
Né le4
mars1866,
il entrait àl’École
NormaleSupérieure
en 1883 et était.
’
.
Agrégé
en1886,
annéeoù, après
un court passage dansl’Enseignement
,
secondaire,
il faisait unepremière entrée,
à l’Observatoire deToulouse,
’
comme
Aide-astronome.
En1889,
il était Docteur et Astronomeadjoint.
.. En
t89&,
ilcommença le,
Cours de Calcul différentiel etintégral
à laFaculté des Sciences et conserva ce
professorat jusqu’en 1908
pour pren-.
- . dre alors les titres de Professeur d’Astronomie et de Directeur de l’Ob-
. . , servatoire. Il
était
éluCorrespondant
del’Institut,
Section de Géomé-"
trie,
le 19juin
I9II enremplacement
de et Membre non--
résident
de l’illustreCompagnie,
le 3i marsI9I9,
enremplacement
de’
tl.
Bazin.’
,
.
-
. Les travaux
d’Eugène
Cosserat furent d’abordgéométriques.
Sa thèse’ ’
. Sur le cercle considéré cornue élément
générateur
del’espace développait
desVI
idées de
Darboux,
deKronecker,
de Gabriel1’).
Les congruences, lescomplexes,
la déformationinfinitésimale,
la Géométriecinématique
l’intéressèrent
également.
°
l’outefois,
lapartie
laplus importante
de est cellequ’il
écri-vit en collaboration avec son frère
François, prématurément disparu
enI9I4.
Ils’agit
d’une Théorie desCorps déformables (’)
introduite aussi dans l’éditionfrançaise
du Traité dePhysique
de 0. D. Chwolsonet,
sousforme
réduite,
dans la seconde édition du tome troisième du Traité deMécanique
de PaulAppell.
Cette Théorie n’est rien moinsqu’un
essai dereprésentation synthétique
de l’ensemble desphénomènes mécaniques
et
physiques.
Elle a pour instruments fondamentaux lesPrincipes
varia-tionnels du Calcul
intégral
etemploie constamment,
aupoint
de vuegéométrique,
la méthode du trièdre mobile. Cet ordre d’idées se con-. serve en des
travaux,
dus à M. LouisRoy, publiés
notamment dans lesprécédents
volumes desprésentes
A nnales.__ De tels
préliminaires peuvent correspondre
a ceux de la Théorie des groupes, à laconception
desEspaces
deRiemann,
aux fondements des _ Théories maxwelliennes dont les élémentsanalytiques générateurs
ne "sont que des
intégrales multiples. Eugène
Cosserat marcha indéniable- ment, et àgrands
pas, dans le sens desprodigieux développements
réu-nis, depuis quelques années,
sous le nomcaractéristique
dePhysique théorique, développements
que la Faculté des Sciences de Paris ensei- gne et cultive maintenant de toutes manières en un Institut Henri Poin- caré.Mais il faut
reconnaître,
parsimple respect (le
lavérité,
que ce tout dernier état de la Science laissaitEugène
Cosserat assez froid. Il n’eutaucune admiration
surpassant
cellequ’il
avait pour Gaston Darboux etquelques précurseurs
decelui-ci,
tels OssianBonnet, Lamé,
Ribaucour.t Ces
gens-là,
aimait-il àrépéter, ,
étaient aussi forts que nous;je
nevois pas que nous fassions
quelque
chose de mieux! i »1. La fatalité veut que nous ne
puissions
écrire ici le nom de Gabriel K0153nigs,ami
d’Eugène
Cosserat, sans un renouvellement de tristesse. Les deux amis devaientse suivre de
près
dans la tombe et reposer à Toulouse dans la mêmenécropole.
Gabriel K0153nigs,
originaire
de Toulouse, autrefoisChargé
de Cours d’Analyseen notre Faculté, devait mourir le 29 octobre I93I. ’
2. A. Hermann et fils. Paris, 1 gog.
. Sans
doute le temps,
letemps ordinaire, déjà
sicomplexe
avec toutesses
fatalités,
amanqué
àEugène
Cosserat pour une 0153uvre de compa-raison, essentiellement conciliatrice, qui
se fera dans unproche
avenirsi même elle
ne
se fait actuellement.Mais,
pour faire 0153uvre de compa-raison,
il fautd’abord
avoir des thèmes à comparer et il serait a souhai-ter que l’on
construise beaucoup
de thèmes comme ceux que nous devons àCosserat.
Au
point
de vueastronomique, Eugène Cosserat,
tantpersonnelle-
ment que par son influence
directoriale,
se consacra surtout à l’Astro-’
nomie stellaire
etplus particulièrement
aux étoiles à mouvements pro-.
pres. Les
discussions
sur la structure et la courbure del’espace
lui sem-blaient
reprendre quelques
droits avec laquestion
des étoilesrepères.
Ilestimait
que,malgré
de trèsgrands
travaux, tels lapublication
de laCarte du
Ciel,
nous étions encore pauvres sur cepoint
et que des per-.
fectionnements
appartenant
évidemment au domaine de l’observation.
’ devaient
pouvoir
lever nombred’indéterminations
relativistes.Arrivons
plus particulièrement
à la reconnaissancequi
estdue,
ici’
même,
àEugène
Cosserat. Il commença àremplir
les fonctions deSecrétaire
des Annales de la Faculté des Sciences de Toulouse en1896
et necessa
qu’en 1930,
sousl’impérieuse
contrainte de l’affaiblissementqui
.
devait
l’emporter. Or,
il a su maintenir le Recueilqui
honore notre°
Faculté
aupremier
rang des très nombreusespublications scientifiques
dont le bénéfice est ainsi
assuré,
par voied’échange,
à notre Biblio-,
thèque universitaire.
Eugène Cosserat avait
du russe une connaissancequi
luipermettait
la lecture des travaux
publiés
en cettelangue,
cequi explique
ses rela-tions avec O. D.
Chwolson
et avec desphysiciens
mathématiciens tels que W. Stekloff(1900) et, plus récemment,
N.Kryloff (1925), géomètre
’ d’une extrême
pénétration
en matièred’approximations
associables tantaux
équations
de laPhysique mathématique qu’aux équations
différen-’
tielles quelconques,
cequ’a
fait ressortir M.Jacques Hadamard,
en unrécent Cours
d’Analyse
del’École Polytechnique
et M. NicolasKryloff
lui-même dans le fascicule XLIX du Mémorial des Sciences
mathématiques
(io3i). Eugène
Cosserat avaitpressenti l’importance
de telssujets
cependant
que la Faculté des Sciences de Toulouse était heureuse d’ou-VIII
vrir ses Annales il des travaux dont la
publication,
en leur paysd’origine,
était
alors fortement contrariée par desphénomènes
révolutionnaires.’
Dans le domaine
plus particulièrement géométrique,
Cosserat nousaida a connaître Karl-Michaillovitch Petersoli
(1903), esprit curieux,
aux méthodes inattendues et d’une extrême fécondité.
Comme Professeur de Calcul
infinitésimal,
Cosserat succéda à Tho-, mas-Jean
Stieltjes. A
cesujet
ilpublia
encore, dans nos Annales(I895),
une Notice étendue renfermant
l’analyse
de 82 Notes ou Mémoires dus â sonprédécesseur.
Très
original
parlui-même,
on voitqu’Eugène
Cosserat savait déce- lerl’originalité partout
où elle existait et tentaittoujours
de l’aider às’extérioriser.
Quant
il la bonté de l’hommequi
vient dedisparaître, elle
était
proverbiale.
Dans ces dernièresannées,
il lui devenait deplus
enplus pénible
de refuser aux examens des candidatsqui cependant
méri-taient bien un échec. En matière
administrative,
lesscrupules
du Direc-teur étaient excessifs et ne semblaient diminués en rien par
l’absolue
confiance que tous ses collaborateurs lui
témoignaient.
,Si, depuis
assezlongtemps,
il semblait enproie
il lafatigue,
cet étatétait loin
pourtant
de détruire toutespoir ;
la morteut,
comme presquetoujours, quelque
chose de soudain et d’inattendu. Lesobsèques
eurentlieu le a
juin
par une matinée doucementensoleillée;
unlong" cortège
descendit de l’Observatoire par des
pentes qui, quelques proclles
de laville,
ont encore conservéquelque
revêtement de verdure. On aurait dit que la Nature faisait une mise en scène à la fois lumineuse et calme...calme comme le fut celui
qui
s’en allait.Novembre