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Lettre ouverte aux candidats à la présidence de la République concernant la vaccination anti-HPV*

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TRIBUNE

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| La Lettre du Gynécologue • N° 407 - mars-avril 2017

L es travaux de recherche initiés dans les années 1980 ont permis d’établir un lien de causalité entre certains papillomavirus humains (également appelés virus HPV) et le cancer du col de l’utérus, ce qui a valu au Pr Harald zür Hausen de recevoir le prix Nobel de médecine en 2008.

Cette découverte scientifique majeure a permis d’élaborer un vaccin protégeant contre les principales infections à virus HPV, afin de prévenir les lésions précancéreuses et les cancers induits par ces virus.

Excellente nouvelle pour l’humanité puisque la très grande majorité des adultes ayant des rapports sexuels rencontrera un jour l’un de ces virus qui ne sont pas des “marqueurs de mauvaise vie”, comme certains l’affirment, mais simplement les témoins d’une activité sexuelle.

La plupart des femmes éliminent spontanément les virus HPV après les avoir rencontrés, mais certaines, sans que l’on puisse prédire lesquelles, vont les conserver et pourront développer des lésions précancéreuses puis des cancers, et c’est bien là le cœur du débat.

Vaccination anti-HPV dans le monde : un recul de 10 ans

L’autorisation de mise sur le marché du vaccin anti-HPV a été obtenue en 2006 aux États-Unis et en Europe. En 2007, la France l’a introduit dans son calendrier vaccinal, assurant son remboursement par la Sécurité sociale et les complémentaires santé.

Les essais cliniques étudiant les vaccins anti-papillomavirus ont inclus plusieurs dizaines de milliers de femmes et ont été conduits dans le plus strict respect des réglementations internationales. Ils ont permis de démontrer une efficacité remarquable ainsi qu’un excellent profil de sécurité.

Efficacité

Certains pays, comme l’Australie, le Royaume-Uni, le Portugal ou l’Espagne, ont introduit cette vaccination en milieu scolaire, obtenant de ce fait une excellente couverture vaccinale.

Ils récoltent aujourd’hui les bénéfices de leur politique vaccinale puisque l’on rapporte une quasi-disparition des verrues génitales (lésions également induites par les virus HPV, appelées “crêtes de coq” ou “condylomes acuminés”), mais surtout une diminution très importante des lésions précancéreuses du col de l’utérus, qui constituent l’étape préalable obligatoire à l’apparition d’un cancer.

Cette constatation annonce de manière certaine une diminution drastique du nombre de cancers du col de l’utérus, dont la confirmation chiffrée apparaîtra dans 10 à 15 ans, temps nécessaire à une lésion précancéreuse pour se transformer en cancer.

L’absence actuelle de preuves objectives de la diminution du taux de cancers, argument souvent mis en avant par les opposants au vaccin, témoigne de leur méconnaissance de l’histoire naturelle de cette maladie.

*Avec le soutien du CNGOF (Collège national des gynécologues et obstétriciens français) et de la SFCPCV (Société française de colposcopie et pathologie cervico-vaginale).

Lettre ouverte aux candidats

à la présidence de la République

concernant la vaccination anti-HPV*

P. Descamps, G. Legendre, P.E. Bouet, E. Hudon, C. Lacoeuille, L. Catala, J. Marchetta

Service de gynécologie-obstétrique, Pôle Femme-Mère-Enfant, CHU d’Angers.

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La Lettre du Gynécologue • N° 407 - mars-avril 2017 |

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TRIBUNE

Sécurité des vaccins anti-HPV

Le suivi extrêmement rigoureux, réalisé pendant plus de 10 ans dans 130 pays et concernant plus de 200 millions de doses de vaccin administrées, n’a pas mis en évidence d’effets indésirables susceptibles de remettre en cause le bénéfice des programmes de vaccination.

Il est aujourd’hui parfaitement démontré que le nombre de maladies auto-immunes chez les jeunes filles vaccinées n’est pas supérieur à celui observé chez les jeunes filles non vaccinées.

L’apparition d’une sclérose en plaques, d’une thyroïdite ou de toute autre maladie, 1 jour, 1 mois ou 1 an après une vaccination anti-HPV, constitue une “coïncidence temporelle” indépendante de la vaccination.

En revanche, le vaccin ne protégeant pas contre ces maladies, on comprendra aisément qu’elles surviendront, dans une tranche d’âge déterminée, avec la même fréquence chez les jeunes filles vaccinées et non vaccinées…

Il faut donc s’employer à combattre les allégations mensongères qui inquiètent les jeunes filles et surtout leurs parents.

Les vaccins anti-HPV représentent un progrès considérable pour la santé des femmes, comme le rappellent régulièrement les agences sanitaires internationales (OMS), nationales (INCa, Académie de médecine), ainsi que les sociétés savantes de gynécologie et de pédiatrie (CNGOF, SFCPCV, SFP et AFPA).

Le 12 mars 2014, l’OMS a réaffirmé “la balance bénéfice/risque favorable” et s’est alarmée des “préjudices potentiels causés par des polémiques fondées sur des observations et des rapports isolés. Car le discrédit jeté sur la vaccination anti-HPV concourt à une perte de chance pour les jeunes filles non vaccinées d’accéder au seul moyen de prévention primaire contre les maladies liées aux papillomavirus humains”.

L’échec de la couverture vaccinale anti-HPV en France

La France constitue malheureusement un exemple de ces “pertes de chance”

mentionnées par l’OMS. Les crises médiatiques successives ayant stigmatisé le vaccin anti-HPV ont eu des conséquences catastrophiques en termes de couverture vaccinale dans notre pays.

Ainsi, lorsque 8 ou 9 jeunes filles sur 10 sont vaccinées dans certains pays industrialisés, la France en vaccine moins de 2 sur 10, se classant – triste record – aux derniers rangs des pays européens. Rappelons que seulement 14 % des jeunes filles françaises de 15 ans ont reçu un schéma vaccinal complet en 2015…

Cette situation de “non-vaccination”, dramatiquement préjudiciable à la santé des femmes, est cruelle et injuste :

• cruelle, car un nombre non négligeable de jeunes filles non vaccinées vont être infectées par des virus HPV, et elles pourront développer ultérieurement une maladie potentiellement grave qui aurait pu être évitée ;

• injuste, car il est prouvé que les femmes issues de milieux défavorisés se

soumettent moins facilement aux examens de dépistage. Non vaccinées et mal

suivies, elles seront donc les premières victimes de ces cancers.

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TRIBUNE

Ce constat est terrible car chaque jour en France 8 femmes sont infectées par l’annonce d’un cancer du col de l’utérus, dont 3 mourront malgré des traitements bien conduits.

Il faut également rappeler, et cette notion est moins connue du grand public, que la prise en charge des lésions précancéreuses du col utérin impose dans notre pays la réalisation de 36 000 conisations par an. Cette intervention chirurgicale, qui consiste à retirer une partie du col utérin porteuse d’une lésion induite par les virus HPV, génère chez les patientes un stress évident, mais peut également avoir des conséquences obstétricales et néonatales graves (accouchements prématurés, ruptures spontanées des membranes, etc.) chez ces femmes souvent en âge de procréer.

On sait par ailleurs que ces virus peuvent provoquer, outre le cancer du col de l’utérus, des cancers de la vulve, du vagin, de l’anus, mais aussi, et c’est une donnée plus récente, de la sphère ORL (en particulier des amygdales).

Or, pour ces derniers cancers, il n’existe aucun programme de dépistage…

Les virus HPV touchent également les hommes (qui contaminent les femmes ou peuvent être contaminés par celles-ci), pouvant entraîner des cancers du pénis, mais aussi de l’anus et de l’oropharynx.

C’est pourquoi certains pays comme l’Australie, les États-Unis, l’Autriche ou l’Italie proposent des programmes de vaccination contre les papillomavirus destinés aux jeunes filles mais aussi aux jeunes garçons, dans le but de limiter la circulation des virus et de prévenir les maladies associées aux virus HPV chez les sujets des 2 sexes. Si cette stratégie était adoptée en France, elle permettrait enfin de désexualiser la vaccination anti-HPV et limiterait probablement l’actuelle réticence des parents à vacciner leurs enfants.

Rappelons enfin, puisque l’argument économique est souvent mis en avant, que le coût du traitement des infections liées aux virus HPV pour les hommes et les femmes, toutes localisations confondues, est aujourd’hui estimé dans notre pays à 500 millions d’euros par an, ce qui est très nettement supérieur au coût du vaccin si l’on vaccinait à la fois les filles et les garçons.

Que faire face à ce bilan catastrophique ?

Stop à la désinformation

Tout d’abord, œuvrons pour que l’on cesse de mettre en exergue de pseudo-spécialistes incompétents qui dénigrent le vaccin anti-HPV afin de privilégier leurs intérêts personnels au détriment de la santé des femmes.

Les détracteurs du vaccin, outre leurs propos alarmistes et non fondés sur la dangerosité supposée du vaccin et sa non-efficacité, proposent une prévention du cancer du col de l’utérus fondée exclusivement sur le dépistage par frottis, ce qui est totalement illogique.

En effet, pourquoi attendre l’apparition de lésions quand on peut intervenir en amont grâce à la vaccination ? Et pourquoi priver les femmes du bénéfice du vaccin sur les autres organes touchés par les virus HPV qui sont non accessibles à un dépistage (amygdales, vagin, vulve, anus) ?

Bien sûr, les femmes vaccinées doivent continuer à bénéficier d’un dépistage par frottis,

car les vaccins actuels ne protègent “que” de 80 % des cancers du col en agissant sur les

virus HPV 16 et 18.

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Ainsi, vaccination anti-HPV et dépistage par frottis ne doivent pas être opposés, mais sont complémentaires.

Un engagement politique indispensable

Encouragés et soutenus par les professionnels de santé et les associations de patients, les pouvoirs publics et les élus doivent assumer leurs responsabilités et engager au plus vite une relance de la vaccination contre les papillomavirus en France, afin que les parents en comprennent enfin les bénéfices pour la santé de leurs enfants.

Rappelons que le Plan cancer, publié en 2014, avait fixé comme objectif une couverture vaccinale d’au moins 60 % en 2019. Ce qui a été réalisé dans de nombreux pays industrialisés devrait pouvoir l’être en France !

Espérons que les candidats à l’élection présidentielle seront sensibilisés à ce problème de santé publique majeur, afin que les femmes françaises ne soient pas pénalisées par rapport à leurs voisines anglaises, danoises ou portugaises.

Est-il éthiquement acceptable de savoir que le cancer du col de l’utérus aura quasiment disparu dans 10 ou 20 ans dans certains pays européens alors que nous déplorerons encore le décès de 1 000 femmes par an en France ? Cette responsabilité sera à l’évidence très difficile à assumer.

Réponse dans quelques semaines…

P. Descamps déclare être consultant pour les sociétés GSK et MSD vaccins.

Les autres auteurs n’ont pas précisé leurs éventuels liens d’intérêts.

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