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Dormir pour s éveiller : le Yoga nidra traditionnel OFFERT I

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Academic year: 2022

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Dormir pour s’éveiller :

le Yoga nidra traditionnel

MATHIEU

Guidé par Mathieu, votre conscience parcourt votre corps du pouce de la main droite jusqu’au sommet du crâne. Vous expérimentez les états intermédiaires entre veille, rêve et sommeil. Les plus belles couleurs, les plus beaux paysages illuminent votre séance de yoga nidra.

Prêt[e] pour votre voyage en yoga nidra ?

Voici enfin le livre de référence sur cette science millénaire de l’Inde qui, au-delà d’une relaxation profonde nous apprend à mieux se connaître et gérer ses émotions.

Mathieu enseigne le yoga depuis les années 80. Il a co-fondé la Maison du yoga à Paris en 1983 et dirige la revue Infos Yoga. Il forme au yoga nidra des enseignants.

Allongé sur le sol,

le corps s’endort mais l’esprit reste conscient.

Vous êtes en yoga nidra…

MATHIEU Dormir pour s’éveiller Le Yoga nidra traditionnel

Mathieu se contente d’un prénom, mais il reste encore pleins de choses dont il essaye de se désidentifier, par exemple :

Après des études

d’ethnologie dans le domaine indien, il parcourt l’Inde ponctuellement depuis 1972, il y découvre des formes de yoga particulières comme le yoga nidra traditionnel dont il est question dans ce livre, et le kurma yoga ou yoga de la tortue. Il anime des ateliers, des stages et des formations Ce CD contient deux

séances de yoga nidra, pratiquez l’une ou l’autre le plus souvent possible. « Obstacles » vous permet de vivre, en rêve, le processus qui se développe en vous durant la séance. « Essentiel » consiste à expérimenter le renoncement des yogis qui ne conservent que l’essentiel. Cet essentiel, comme son nom l’indique, est peu de chose, mais

Dormir pour s’éveiller : le yoga nidra traditionnel

MATHIEU

A l mo ra CD MP3

nepeutêtrevendu

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Dormir pour s’éveiller :

le yoga nidra

traditionnel

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Du même auteur

La Béatitude de la Tortue, Thot, 2016.

Dieux et Déesses de l’Inde, avec Stéphane Guillerme, Almora, 2015.

Photographie de couverture :

© Tilby Vattard

© Éditions Almora, septembre 2018 ISBN : 978-2-35118-378-6 Almora Librairie & Éditions 43 avenue Gambetta, 75020 Paris

• www.almora.fr •

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Dormir pour s’éveiller :

le yoga nidra traditionnel

MATHIEU

Photographie de couverture :

© Tilby Vattard

© Éditions Almora, septembre 2018 ISBN : 978-2-35118-378-6 Almora Librairie & Éditions 43 avenue Gambetta, 75020 Paris

• www.almora.fr •

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Table des matières

Préface de Khristophe Lanier ...9

Avant-propos ...21

Origine ...25

Tentative de définition ...29

Pratyahara, le retrait des sens ... 33

Les six instruments nécessaires à la pratique du yoga nidra ...37

Le corps ...39

Le sol ...41

La gravité ...43

La respiration ...44

La conscience (citta) ...46

La détermination /l’énergie du désir ...48

L’intégration des instruments ... 51

Les cinq étapes d’une séance ...53

La préparation ...54

Nyasa, la rotation de conscience ...56

Svapna : le rêve ...59

Le silence ...61

Le retour ... 61

La symbolique des quatre premières phases ...63

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L’art de la répétition ...67

Samdhya, les frôlements crépusculaires ... 69

Turiya ...73

La conscience dans tous ses états ...77

Du reptilien ...79

Du mammalien ...84

De l’humain ...86

Du collectif ...88

Du cosmique ...90

Comment utiliser au mieux ces cinq niveaux de conscience ? ...93

Autonomie ...94

Les passages ...96

Les conflits ...100

La contagion ... 103

Les quatre raisons du sommeil de citta ... 107

La fatigue ...108

Les difficultés de concentration ...108

Le sommeil de censure ...109

Trouver sa véritable nature ... 110

Conclusion ... 111

Satsang... 115

Postface d’Ingrid Guérin ... 121

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Om namo Narayana (Ode à Narayana, forme allongée de Vishnou.)

Tout se passe à l’intérieur de moi, et pourtant il me semble que je le vois de l’extérieur.

Philip K. Dick, Ubik.

Le yoga nidra permet d’écouter sans entendre, de voir sans regarder et de connaître sans savoir.

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PRÉFACE

de Khristophe Lanier

Lorsqu’on parle de yoga nidra, on parle d’abord de yoga. Pour la plupart de nos contemporains, le yoga est une discipline qui apporte du bien-être et des bénéfices pour la santé. Mais bien au-delà de ces effets concrets, le yoga est une voie de libération, une voie de réalisation.

Libération complète de la souffrance et de l’ignorance, réalisation de sa nature ultime, de sa nature divine. Il existe de nombreux types de yoga qui correspondent à la diversité des tempéraments et des aptitudes des êtres humains. Certaines voies sont réputées plus rapides que d’autres : dans le meilleur des cas, il est possible de réaliser l’éveil en une seule vie, comme le font les jivanmukta, les libérés vivants. Mais, bien sûr, ces êtres exceptionnels sont rarissimes : pour le commun des mortels, il est dit

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DORMIR POUR S’ÉVEILLER : LE YOGA NIDRA TRADITIONNEL PRÉFACE DE KHRISTOPHE LAnIER

qu’il faudra de nombreux cycles avant d’atteindre la déli- vrance. Cependant, ceux qui s’adonnent de façon sincère et déterminée à la pratique, qui en font une priorité dans leur vie, augmentent leur chance de se libérer au moment de la mort ou dans l’entre-deux que les Tibé- tains nomment bardo.

Parmi toutes les voies de yoga, il en existe une qui met l’accent sur le sommeil, le rêve et les états inter- médiaires entre veille et sommeil : le yoga nidra. Nous passons entre un quart et un tiers de notre vie à dormir.

Les jeunes enfants dorment beaucoup sans doute pour des raisons physiologiques, mais peut-être aussi parce qu’ils sont encore en prise avec le monde de l’invisible.

Les personnes âgées dorment beaucoup moins : sans doute ont-elles moins besoin de repos, mais n’appré- hendent-elles pas de se rapprocher de l’invisible ?

Pour les yogis, il est indispensable d’intégrer dans leur démarche le temps du sommeil et du rêve. La vie est courte, éphémère et on n’est jamais sûr de son terme, il faut mettre tous les instants à profit dans cette quête essentielle de la libération. Par ailleurs, on ne peut trouver

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PRÉFACE DE KHRISTOPHE LAnIER

la continuité de l’expérience (tantra) dans une vie cloi- sonnée où toute une partie nous échapperait. Pour la plupart des humains dans cette civilisation moderne, le sommeil constitue une sorte de parenthèse nécessaire au repos du corps et de l’esprit dans laquelle la lucidité n’est guère présente. Bien sûr demeurent parfois quelques vagues souvenirs de rêves, mais ceux-ci s’estompent le plus souvent sans faire sens dans la reprise des activités du quotidien. Ainsi la majorité de nos contemporains expérimente la vie de façon très duelle : veille et sommeil, jour et nuit, conscience et inconscience…

La pratique du yoga nidra permet de réduire ce clivage en montrant qu’il est possible d’expérimenter en même temps la veille et le sommeil : lors d’une séance, le corps s’endort, mais l’esprit reste vigile. Par ailleurs, cette pratique permet d’avoir des rêves plus lucides et de prendre conscience de la différence entre le sommeil profond et le rêve. On en vient ainsi à passer de la vision binaire classique (veille-sommeil) qui entretient la dualité, à une approche ternaire (veille-rêve-sommeil profond) plus porteuse, moins clivante. En effet, on expérimente une alternance continuelle entre trois états : la veille (jagrat), le rêve (svapna) et le sommeil profond (sushupti). Le yoga nidra vise à amener progressivement

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DORMIR POUR S’ÉVEILLER : LE YOGA NIDRA TRADITIONNEL PRÉFACE DE KHRISTOPHE LAnIER

un fil de conscience pour relier ces trois niveaux d’ex- périence ordinaire dans une continuité lucide. Il s’agit d’unifier jagrat, svapna et sushupti en réalisant un qua- trième état nommé turiya. On trouve différentes défi- nitions de ce terme : profonde absorption méditative, conscience unifiée, état de samadhi, personnification d’un témoin qui peut tout observer, mais qui ne peut pas être observé, etc. Peu importent les définitions, les représentations, les concepts, seule la saveur de l’expé- rience peut faire sens. Il est dit que turiya peut advenir dans les trois états de la conscience habituelle puisqu’il en constitue la trame, le fond commun. Il n’est pas si difficile d’entrevoir turiya ou de le vivre de façon fugace, mais c’est tout autre chose d’en faire la pleine expérience.

C’est pourquoi certains parlent d’un cinquième état, turiyatita, qui ne serait autre que turiya établi de façon permanente.

Les origines du yoga nidra relèvent du mythe et du symbole. Il est parfois fait référence aux douze Alvars, douze sages et poètes vishnouites, qui auraient élaboré et transmis la pratique du yoga nidra. Elle leur aurait été révélée par le seigneur Vishnou qui manifeste le monde à

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PRÉFACE DE KHRISTOPHE LAnIER

travers son rêve, allongé sur le serpent cosmique Ananta.

Nous pouvons noter que le nombre douze est en lien avec la planète Jupiter qui met douze ans à effectuer sa révolution autour du soleil. En Inde, Jupiter est nommé guru et symbolise la transmission. Le douze renvoie également au soleil dans son cycle annuel, ainsi qu’à Vishnou, dieu solaire par excellence.

Une autre origine mythique du yoga nidra fait référence à Shiva, le seigneur du sommeil. Ce n’est pas par hasard que la plupart des pratiques de yoga nidra se font en shavasana, la posture du cadavre, un aspect passif de Shiva qui évoque à la fois la mort et le sommeil.

Shiva est associé à la lune qu’il porte dans son chignon.

Nous pouvons donc reconnaître dans les origines du yoga nidra une composante solaire et une composante lunaire comme dans la plupart des traditions. Ces colo- rations ont pu donner des transmissions quelque peu dif- férentes dans les courants vishnouites et shivaïtes, mais peu importe la forme que prend le yoga nidra, l’essentiel est ce qu’il nous permet de réaliser. Il peut très bien y avoir deux faces à la même révélation : c’est l’image de Harihara, Vishnou-Shiva, les deux divinités inséparables dans une même manifestation.

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DORMIR POUR S’ÉVEILLER : LE YOGA NIDRA TRADITIONNEL PRÉFACE DE KHRISTOPHE LAnIER

Il y a quelques années, j’ai eu le plaisir de retrou- ver Mathieu en Savoie à l’occasion d’une rencontre yoga-bouddhisme. Le thème du colloque était « Yoga, la saveur de l’unité », on aurait pu parler aussi de la saveur de la nudité. Pas d’unité sans nudité, pas de totalité sans nudité, on ne peut appréhender la totalité si on en voile des parties, si on en recouvre la nudité. Le che- minement vers la libération est parfois présenté comme un processus de dévoilement. En effet, plutôt que de produire un état particulier, il s’agit de retirer les voiles qui masquent l’état fondamental déjà présent en toutes choses. Se défaire de ses voiles, de ses oripeaux, retrouver la nudité est peut-être encore plus adapté au contexte du yoga nidra où les pratiquants n’ont rien à montrer, rien à défendre, aucun rôle à jouer, aucune attitude à adopter en fonction du regard extérieur. Nudité du mental habituel, du mental conceptuel. Nudité par rapport aux cadres, aux règles, aux convenances, etc. Chacun est allongé à même le sol, tourné vers le ciel, les yeux clos et peut ainsi plus facilement se mettre à nu en lâchant progressive- ment les différentes identifications. Tel un jnanin yogi qui réalise le vide d’identité avec son neti neti (ni ceci ni cela) pour retrouver le soi, l’adepte du yoga nidra, dans son lâcher-prise, laisse les couches les plus grossières du mental se dissoudre pour accéder à des niveaux plus

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PRÉFACE DE KHRISTOPHE LAnIER

subtils. Dans ces couches le mental est très polarisé, très structuré, dans une approche binaire qui a tendance à cloisonner les choses, à les morceler, à les étiqueter, à les opposer. Dans ce contexte, il est évidemment impos- sible d’accéder à l’unité béatifique dont parlent les mys- tiques, il est également bien difficile d’expérimenter un état méditatif où la dualité aurait largement reflué. Bien sûr, certains ont plus d’aptitude pour sortir de l’état pro- saïque et s’installer dans l’état poétique, pour reprendre la terminologie d’Edgar Morin. Mais la grande majorité, enfermée dans cette tendance habituelle (j’ai failli écrire habiduelle !), n’a pas accès à la compréhension ouverte, à l’intelligence spacieuse et lumineuse, à la pensée sym- bolique, au mythe, au mystère, au merveilleux, à la langue des oiseaux. Le yoga nidra est l’un des moyens les plus efficaces et rapides pour s’affranchir du fatras conceptuel et du soliloque obsessionnel. Sa pratique est largement ouverte aux gens de tous âges puisqu’elle ne demande pas d’aptitude physique particulière. Elle nous mène dans un entre-deux aux confins du sommeil.

C’est à cette lisière, à cette frontière, que nous perdons la conscience pour basculer de la veille au sommeil profond. Mais par la pratique du yoga nidra, on peut demeurer conscient dans cette zone de passage. Il s’agit de concilier la lucidité de l’état de veille avec l’abandon,

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DORMIR POUR S’ÉVEILLER : LE YOGA NIDRA TRADITIONNEL PRÉFACE DE KHRISTOPHE LAnIER

la détente, l’ouverture, caractéristiques du sommeil. Au moment de l’endormissement, tout ce qui structure le mental dans l’état de veille en lui donnant des repères s’effondre, les barrières et les interdits tombent, le champ des possibles s’élargit et une autre partie de nous-même nous devient accessible. L’approche logique, rationnelle, laisse place à une expérience analogique du monde où le macrocosme devient un miroir du microcosme et vice- versa. Le yoga nidra devient alors un merveilleux instru- ment de connaissance, une vraie voie de libération.

C’est donc en ce début juillet 2013 que j’ai retrouvé Mathieu dans une ancienne chapelle de la Chartreuse de Saint-Hugon à l’Institut Karma Ling. C’était un peu comme dans un rêve : nous ne nous étions pas vus depuis trente et un an, et c’est comme si nous nous étions quittés la veille. Je retrouvais ce même Mathieu qui animait un stage de yoga dans un ancien petit temple au fin fond de la Drôme durant l’été 1982. Il nous parlait du long périple en Inde qu’il venait de réaliser et qui lui a servi plus tard d’inspiration pour l’écriture de son ouvrage La Béatitude de la tortue. L’écriture était déjà présente dans ce stage, le soir elle nous permettait de partager nos res- sentis à travers de courts écrits spontanés et anonymes.

Par la suite, Mathieu est devenu responsable de la revue

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PRÉFACE DE KHRISTOPHE LAnIER

Infos Yoga et nous avons renoué un contact à distance par l’écriture. Et c’est par l’écriture que Mathieu propose aujourd’hui une présentation du yoga nidra. Mais cet écrit n’est pas une simple spéculation intellectuelle, il est basé sur une longue expérience. Après en avoir enseigné la pratique pendant plusieurs décennies, il systématise, il formalise le cadre philosophique et métaphysique de cet enseignement millénaire. C’est une présentation sans concessions qui introduit à l’essentiel en soulignant la finalité spirituelle de cet enseignement. Mais c’est éga- lement une présentation ouverte aux connaissances modernes de la science et de la psychologie. Mathieu établit des ponts entre la tradition et la modernité en replaçant le yoga nidra dans le contexte occidental afin de faciliter la compréhension de sa pratique, de ses sou- bassements et de sa méthodologie. Mais si Mathieu est à l’aise dans l’écriture pour présenter le yoga nidra, il excelle dans la parole quand il s’agit de le transmettre oralement.

Les titres de ses séances sont évocateurs : « obstacles »,

« essentiel », « sourire ». Il s’adresse à chacun de nous de façon directe et individualisée, à la deuxième personne :

« Tu es allongé… Tu laisses le corps se déposer… Tu observes la respiration… » C’est une invitation à se relier à la connaissance profonde, à l’essence-ciel. Une fois que l’on a autorisé le corps à s’endormir et que l’on a placé

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DORMIR POUR S’ÉVEILLER : LE YOGA NIDRA TRADITIONNEL PRÉFACE DE KHRISTOPHE LAnIER

citta au niveau des narines, comme un témoin attentif au mouvement du souffle, le voyage intérieur peut com- mencer. Dans ce cheminement, il faudra prendre garde à ne pas sombrer dans la torpeur. Mathieu nous invite ainsi à laisser sur le bord du chemin « un gros paquet de sommeil ». Par-delà ce premier obstacle, il faudra trouver la façon de passer une muraille puis de traver- ser un grand fleuve. On s’approche alors un peu plus de l’état de turiya, mais des attachements de différentes sortes nous empêchent encore de l’entrevoir. Mathieu nous propose de jeter notre trousseau de clefs et les atta- chements matériels qu’ils représentent. Au-delà de ce premier lâcher-prise, il faudra encore rompre quelques amarres, trancher quelques liens plus subtils. Et c’est Ganesha qui pourra nous y aider avec sa petite hache en or. Mathieu nous invite également à contempler le sourire du Bouddha pour faire sourire non seulement nos lèvres, mais aussi notre front, notre nuque, notre dos et tout notre corps. Nous sommes bien loin de la relaxa- tion conçue comme une simple détente corporelle, cela s’apparente davantage à la relaxe au sens de libération.

Mathieu m’a confié une fois qu’il avait frôlé le samadhi sous un parapluie, un jour de mousson à Pon- dichéry. De frôlement en frôlement, nul doute qu’il s’est

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PRÉFACE DE KHRISTOPHE LAnIER

approché de la source, de l’origine qui contient la fin, là où les mots ne peuvent plus exprimer l’indicible. Si Mathieu est orfèvre de la parole pour nous faire appro- cher l’ineffable, il nous invite alors au silence pour le savourer.

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Avertissement :

Les termes sanskrits que vous trouverez dans ce livre sont transcrits sans signes diacritiques. Ces termes possèdent un sens spécifique au yoga nitra traditionnel. Ce vocabulaire peut se retrouver dans d’autres écoles classiques ou tantriques avec un sens légèrement différent, les mots sont nécessaires, mais ce ne sont que des mots, l’essentiel étant ce qu’ils recouvrent. Citta, qui désigne une partie de la conscience, est un mot sanskrit neutre. La langue française

n’ayant pas de neutre, Citta est féminisée dans ce texte.

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AVAnT-PROPOS

Comme je me renseignais sur les trains en partance pour Rishikesh, le préposé aux billets de la gare de Delhi répondit :

— Le prochain train part hier matin.

— Vous voulez dire demain ?

— Ah oui, c’est ça… demain ! Je confonds yester- day et tomorrow, en hindi, nous ne possédons que le mot kal, qui signifie à la fois hier et demain.

Ce doit être fantastique d’utiliser une langue dans laquelle hier et demain se disent de la même manière, alors que le français nous oblige à courir d’hier à demain, avec tant d’empressement qu’il est pratiquement impos- sible de s’arrêter à mi-chemin, dans ce qu’on nomme le présent. Or, comme son nom l’indique, ce présent est

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DORMIR POUR S’ÉVEILLER : LE YOGA NIDRA TRADITIONNEL AVAnT-PROPOS

un immense cadeau : son étroitesse, entre un passé tota- lement recomposé et un futur qui n’est pas encore, le limite à l’essentiel. L’essentiel est peu de chose, mais c’est l’essentiel, ce à quoi aboutit la pratique du yoga nidra : un incroyable cadeau.

Le yoga nidra vous propose d’avancer sur le fil du présent, le fameux fil du rasoir cité dans la Katha Upa- nishad. Pour ne pas tomber, vous devrez vous dépouiller de tout ce qui risque de vous déséquilibrer, vous alléger du passé et du futur, des souvenirs et des craintes, de vos idées reçues, croyances, conditionnements, illusions et superstitions. Vous devrez, aussi, vous débarrasser des vagabondages de la conscience et des impulsions de toutes sortes. Sur ce fil, il n’y a de place que pour vous, le vrai vous, celui qui est stable, l’autre vous, celui de l’ego vous entraînerait irrémédiablement dans le vide. Au début vous oscillerez, vous tomberez bien souvent. Puis, avec l’expérience, vous parviendrez à aller de l’instant à l’éternité. Surtout, vous apprendrez qu’il existe d’autres attitudes possibles, des manières d’être où le temps passe moins vite.

Vous connaissez l’histoire de l’homme qui tombe du haut d’un immeuble de 50 étages. Au fur et à mesure

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AVAnT-PROPOS

de sa chute, il répète pour se rassurer : « Jusqu’ici tout va bien… Jusqu’ici tout va bien… Jusqu’ici tout va bien. » Dans le présent, effectivement, « tout va bien », vous ne risquez rien, vous êtes réellement immortel.

Mais ce présent se déplace beaucoup trop vite et même de plus en plus vite vers une fin funeste. La pratique du yoga nidra a le pouvoir de ralentir cette chute et surtout d’amortir l’arrivée. Comme dans le sommeil nocturne, la notion de temps se modifie et devient plus élastique. Après une séance, la durée semble ralentie.

La symbolique du yoga nidra est évidente : le corps demeure allongé sur le dos, sans mouvements, sa tempé- rature baisse, le rythme cardiaque se ralentit. La posture se nomme shavasana, littéralement la posture du cadavre.

Cette approche de la mort éloigne progressivement la peur que l’on a d’elle, ainsi que les angoisses qu’elle génère.

Entre shava qui désigne un cadavre et Shiva, le dieu tonitruant de la danse, il y a juste la transforma- tion d’un a en i, soit une seule petite lettre pour aller de la mort à l’éternité. Tout cela ne doit pas passer par

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DORMIR POUR S’ÉVEILLER : LE YOGA NIDRA TRADITIONNEL

l’intellect, mais par toutes les fibres de vous-même. Celui qui redoute la mort aura aussi peur de la vie, or la vie est la seule expérience qu’il serait dommage de ne pas vivre.

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ORIGInE

La pratique du yoga nidra remonte, non pas à la nuit des temps, mais à la période qui a précédé le début du monde. En effet, Vishnou, le dieu qui maintient l’équilibre de notre monde, pratiquait assidûment le yoga nidra couché sur Ananta, un serpent cosmique sans queue ni tête, avant même la création. Cette création, dont vous faites partie, serait l’émanation du yoga nidra de Narayana, la forme allongée de Vishnou. Sans doute disparaîtrez-vous au moment où le dieu cessera son yoga nidra. Ce mythe souligne l’aspect créatif, pour ne pas dire créateur, de cette pratique.

Une autre histoire, plus réaliste, raconte comment douze Alvars – c’est ainsi que l’on désigne les adorateurs de Vishnou –, onze hommes et une femme sont réunis, il y a quelques siècles, pour tenter de saisir le sens de

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DORMIR POUR S’ÉVEILLER : LE YOGA NIDRA TRADITIONNEL ORIGInE

l’existence. Ils explorèrent, de l’intérieur, ce mystère appelé

« je ». Pour cette recherche, ils allongèrent leurs corps, tels des gisants, à même le sol, fermèrent les paupières et s’immergèrent en eux-mêmes. Les douze Alvars surent éviter les pièges de l’intellect, ainsi que les évidences et les idées reçues. Il est dans le tempérament indien de mener les expériences spirituelles le plus longtemps possible.

Ce fut une longue quête, si longue qu’il fallut de nom- breuses générations de chercheurs spirituels, chacune confirmant et améliorant la technique, supprimant tel aspect jugé émotionnellement dangereux, ajoutant un élément apte à accélérer le processus. Ces douze lignées aboutirent, ainsi, à une technique précise, structurée et efficace, qu’ils nommèrent yoga nidra, et qui vient nous interpeller aujourd’hui en Occident. Alors qu’il y a eu rupture dans la transmission du message de la Mésopo- tamie, de l’Égypte et même de la Grèce antique, l’Inde a su conserver sa tradition vivante à travers une éternelle évolution. La tradition indienne a pris tout son temps pour élaborer, méthodiquement, la technique du yoga nidra. Aussi les séances impliquent des règles précises, elles se structurent en cinq parties qui, chacune, durent un temps déterminé. Le tout s’effectue en 48 minutes, cette durée, appelée muhurta en sanskrit, correspond à l’heure lunaire, soit la trentième partie de nos 24 heures.

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ORIGInE

Il est, bien sûr, possible de pratiquer des yoga nidra plus courts, mais dans ce cas, les effets seront moins sensibles.

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TEnTATIVE DE DÉFInITIOn

Selon la tradition, le yoga nidra ne peut pas être défini. Sa compréhension évolue tout au long de votre pratique. Chacun reste, ainsi, libre de le définir à sa manière.

En Occident, où le yoga se limite encore trop souvent aux postures, vous risqueriez de penser que le yoga nidra est une relaxation. Il n’en est rien. Certes, sa pratique relaxe, mais le but est autre. Les douze Alvars, qui l’ont créé, ne cherchaient nullement à se relaxer. Au cours d’une séance, les mots « relaxez-vous » ou « détendez telle ou telle partie du corps » ne sont jamais pronon- cés. Souvenez-vous, il ne s›agit pas de dormir, mais de s›éveiller, même si dormir reste, ici, l’unique moyen de

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DORMIR POUR S’ÉVEILLER : LE YOGA NIDRA TRADITIONNEL TEnTATIVE DE DÉFInITIOn

s›éveiller. Le mot relaxation pourrait cependant convenir dans son sens juridique, qui signifie sortir de prison, le but suprême du yoga nidra, et du yoga en général, étant la libération : se libérer de l’ignorance.

Le yoga nidra ne se veut pas non plus thérapie : même s’il restaure votre équilibre, son intention n’est pas de guérir. Dans la tradition indienne, ce qui traite de la santé appartient à l’ayurvéda, pas au yoga. Les thérapies tentent de sortir de l’eau celui qui se noie, le yoga nidra se contente de vous apprendre à nager, ou comme on dit en Inde : « Il ne coupe pas les ficelles, mais défait les nœuds. »

Si, cependant, vous tenez vraiment à coller une éti- quette sur cette pratique, sachez qu’elle possède toutes les caractéristiques de l’art, un art de vivre. « L’art est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art » disait l’artiste franco-américain Robert Filliou. Il en va de même pour le yoga nidra.

En séparant les mots yoga et nidra vous obtien- drez d’autres éclaircissements. Le mot « yoga » a pris des sens très différents au cours de sa très longue histoire. Il désigne une multitude de pratiques. Il n’a évidemment

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TEnTATIVE DE DÉFInITIOn

pas la même signification dans la Bhagavadgita, dans le Yogasutra de Patanjali, dans un agama de Kurma yoga, en tant que darshana – ou point de vue philosophique – ou encore dans un centre de fitness californien. L’étymo- logie, éclairée par la racine yug, indique le sens d’union.

Le yoga est une voie d’unité. Ce qui implique une vision pessimiste de l’être humain. Si la pratique du yoga vous fait du bien, cela signifie que vous avez besoin de recoller les morceaux, que vous êtes morcelé, dispersé, dissocié, voire déchiré. Le mot déchirure impliquant douleur et souffrance. Contrairement à ce que l’on veut vous faire croire, vous n’êtes pas encore un individu, mais plutôt, selon la formule de René Daumal, un « dividu ».

Le mot nidra signifie simplement « sommeil », il n›a aucune connotation mystique, même si le sommeil reste un mystère qu’incarne une déesse nommée Nidra. Yoga nidra peut donc se traduire par « sommeil du yoga ».

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PRATYAHARA,

LE RETRAIT DES SEnS

Les yogis indiens affectionnent les énumérations.

Ils ont déterminé soixante-douze mille nadi ou circuits d’énergie dans le corps ; huit mille quatre cents postures ou asana ; sept cent vingt niveaux de respiration ; cent huit méditations profondes ; vingt-cinq tattva ou prin- cipes primordiaux ; douze chakras essentiels ; dix vertus transcendantes ; neuf états extatiques ; huit anga ou membres qui divisent le yoga ; six instruments néces- saires à la pratique du yoga ; cinq éléments qui consti- tuent votre corps : la terre, l’eau, l’air, le feu et l’éther ; quatre discriminations ; trois guna : tamas l’inertie, rajas l’agitation et sattva l’équilibre ou l’équanimité ; trois dosa ayurvédiques, ou tempéraments, qui combinent les cinq éléments déjà cités ; des dualités par milliers et, enfin,

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DORMIR POUR S’ÉVEILLER : LE YOGA NIDRA TRADITIONNEL PRATYAHARA, LE RETRAIT DES SEnS

l’Un, c’est-à-dire l’énergie créatrice, le yoga lui-même, l’union des contraires, la fin des conflits et, donc, la paix.

La pratique du yoga nidra s’inscrit dans la cin- quième étape du yoga classique. Ce classement apparaît dans le Yogasutra de Patanjali. Cette étape s’intitule pratyahara, et propose de tourner vos sens vers l’intérieur.

Vos cinq sens risquent, à tout moment, de vous sortir de vous-même. Le yoga nidra va intérioriser votre système sensoriel, son bavardage apparent vous entraîne, paradoxalement, vers votre silence intérieur.

Pour prendre l’exemple de la vision, le retrait des sens ne se contente pas de tourner votre regard vers l’intérieur, il le transmute. Un regard ordinaire, même dirigé vers l’intérieur, ne va pas loin, il se limite à sa propre observation. Bien qu’intérieur, il imite le regard extérieur, guette, épie, converge vers ce qu’il désire. Il s’attache aux détails, aux fragments et refuse de voir l’unité des choses et des êtres.

Votre connaissance directe du monde sensible est issue, avant tout, de vos cinq sens. Vous voyez, entendez, touchez, goûtez et sentez le monde avant de le penser

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PRATYAHARA, LE RETRAIT DES SEnS

et d’y réfléchir. Vos sens sont autonomes. Il n’existe pas de relations entre le goût, la forme, l’odeur, le son, ou le toucher d’un objet. Un aveugle de naissance qui recouvre la vue doit d’abord toucher les objets ou les êtres pour parvenir à les identifier, ce n’est qu’après avoir construit un faisceau de relations arbitraires entre ce nouveau sens et les autres qu’il pourra utiliser la vision.

Les correspondances entre les cinq perceptions d’un même objet vous échappent. Seuls quelques poètes ou musiciens comme Rimbaud, Scriabine ou Messiaen ont tenté d’établir un faisceau de relations entre les couleurs et les sons. Certains états de conscience modifiés par le yoga ou encore par certaines substances hallucinogènes, comme le peyotl, permettraient d’entendre les couleurs et de voir les sons.

Perçu par cinq sens indépendants, le monde peut paraître multiple. Le yoga nidra restitue son unité en arrachant maya, le voile de l’illusion.

Tout ce que vous pouvez faire en yoga est toujours une étape nécessaire vers un but ultime. Ainsi, les deux étapes qui suivent pratiahara ont pour nom dharana et dyana. Elles constituent, à elles deux, ce

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DORMIR POUR S’ÉVEILLER : LE YOGA NIDRA TRADITIONNEL

qui est maladroitement traduit, en français, par le mot

« méditation ».

Ces deux termes sanskrits impliquent tout un processus entre une action dharana et un état dyana.

Les traduire par le mot unique méditation est une pure trahison. De plus, utiliser le mot méditation que le dic- tionnaire Larousse définit comme « l’action de réfléchir, de penser profondément à un sujet, à la réalisation de quelque chose » est un non-sens, la pratique « médita- tive » du yoga étant exactement l’inverse. Pour éviter toute ambiguïté, nous préférerons à méditation le mot assise, même si ce terme n’est pas pleinement satisfaisant.

Le yoga nidra précède et prépare cette assise en évacuant, sans violence, les énergies psychiques trop explosives qui pourraient rendre l’assise dangereuse.

Après une séance de yoga nidra, il suffit d’asseoir votre corps pour entrer dans une assise évidente et silen- cieuse qui sera plus éloquente que la prolifique littérature parue sur le sujet ces dernières années.

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LES SIX InSTRUMEnTS nÉCESSAIRES

À LA PRATIQUE DU YOGA nIDRA

Le yoga nidra utilise six instruments. Intégrer ces instruments demande un long travail répétitif. On raconte qu’en Inde, un disciple demanda à son maître de yoga nidra combien de fois il lui faudrait prendre conscience de ces six instruments avant de réellement les comprendre et, surtout, de savoir les utiliser. Le maître regarda autour de lui : « Tu vois cette forêt, eh bien, si tu pratiques cet exercice autant de fois qu’il y a de feuilles dans toute la forêt, cela devrait suffire. »

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DORMIR POUR S’ÉVEILLER : LE YOGA NIDRA TRADITIONNEL LES SIX InSTRUMEnTS nÉCESSAIRES À LA PRATIQUE DU YOGA nIDRA

Ces instruments vous appartiennent, ils vous ont été donnés à votre naissance pour un temps limité, ils sont auprès de vous, vous avez tout loisir de les étudier directement. Même si ces instruments sont intimement liés à vous, ils ne sont pas vous et restent de simples ins- truments. Vous avez, cependant, le droit de vous identi- fier à chacun d’eux à condition de ne pas être dupe : vous êtes autre et c’est cet autre que le yoga nidra vous permet de trouver.

L’étude de chaque instrument se fait surtout à travers votre pratique. Vous comprendrez progressive- ment leur fonctionnement, vous apprendrez à en jouer et finirez par devenir virtuose de chacun d’eux.

La prise de conscience des six instruments est un exercice qui demande à être répété le plus souvent possible.

Il s’agit d’explorer le phénomène des identifications.

Ces six instruments sont le corps, le sol, la gravité, la respiration, citta (ce qui prend conscience) et la détermination.

La pensée indienne est profondément structura- liste. Ce n’est pas la chose qui est importante, mais les

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LES SIX InSTRUMEnTS nÉCESSAIRES À LA PRATIQUE DU YOGA nIDRA

relations qu’elle entretient avec les autres choses. Dans la société, l’individu a moins d’importance que les rela- tions entre les individus. Cela forme le système complexe des castes. Il en va de même pour les six instruments.

Le yoga nidra s’intéresse à la relation du corps avec le sol, avec la gravité, avec la respiration, etc.

Le corps

Même s’il n’est, pour le yoga nidra, qu’un instru- ment parmi cinq autres, votre corps reste essentiel, votre rapport à lui est intime et vital, il vous incarne et vous transporte : dans la plupart des cas, il le fait plutôt bien.

Vous devez en échange l’habiter, le nourrir, l’explorer, l’aimer, le ménager et apprendre à lui parler.

Le yoga nidra vous propose d’instaurer un véri- table dialogue avec votre corps. Nous vivons une drôle

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d’époque où il vous arrive d’emmener ce corps chez des spécialistes en leur disant : « Docteur, voulez-vous bien écouter mon corps ? » Malheureusement, ils en sont incapables, sans doute ne savent-ils même pas écouter le leur. Vous êtes la seule personne capable non seulement d’écouter votre corps, mais aussi de lui parler. C’est ce que vous propose le yoga nidra.

« Le corps est une auberge où les séjours sont de courte durée », disait Sénèque. S›identifier au corps peut être voluptueux dans les moments de plaisir, mais chez le dentiste, si vous parvenez à vous désidentifier, vous sentirez la douleur sans la subir. Parce que ce corps est mortel, s’identifier à lui peut être une cause d›affliction.

Dans un premier temps, prenez conscience de la globalité de votre corps, de son ambiance, des sen- sations dominantes. C’est par ce travail que vous par- viendrez progressivement à mesurer la juste distance qui vous sépare de lui. Vous ne le percevez plus tel que vous savez qu’il est, ou tel que l’on vous a dit qu’il devait être, mais tel que vous le sentez à partir d’une conscience pure. Alors votre corps se révèle subtil, vivant, rayon- nant et lumineux. Au fond de vous les cellules chantent, dansent, et tourbillonnent.

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LES SIX InSTRUMEnTS nÉCESSAIRES À LA PRATIQUE DU YOGA nIDRA

Le sol

Le yoga nidra ne fait pas de différence entre le rapport que vous entretenez avec votre corps et le rapport que vous avez avec « votre » sol. Vous n’êtes ni l›un, ni l›autre. Certes, contrairement au corps, vous ne vous identifiez jamais au sol, à celui que votre corps touche presque en permanence. Si, un jour, vous étiez appelé à vivre en microgravité comme les occupants de la Station Spatiale Internationale, votre rapport avec le sol n’existe- rait pratiquement plus. C’est d’ailleurs en 1984, au cours de la mission soviétique Soyouz T-11, classée, à l’époque, top secret, qu’un spécialiste indien du yoga, Rakesh Sharma, séjourna dans la station Saliout, pour enseigner aux cosmonautes soviétiques l’art de se mouvoir dans l’espace en utilisant les techniques du yoga.

Mais vous êtes sur terre, et le sol est un élément capital pour le corps, un soutien, une résistance sur laquelle il peut s’abandonner. En yoga nidra, le sol doit être plat et stable. Sauf cas particulier, il faut éviter les coussins, même le tapis peu épais que vous utilisez n’est plus indispensable une fois la pratique maîtrisée.

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Autant vous l’avouer, le rapport entre votre corps et le sol est souvent exécrable. Il existe, entre ce corps fait de courbes et le sol d’une salle de yoga absolument plat, une incompatibilité notoire. Le puzzle semble impossible.

Il va falloir pacifier la relation corps / sol pour qu’elle cesse d’être douloureuse. Le yoga nidra étudie de très près ce rapport. Allongé sur le dos, balayez lentement les contacts du corps et du sol, des talons au crâne et du crâne aux talons. Cette position offre un maximum de contacts, il y en aura un petit peu plus à la fin de la séance. La qualité du rapport corps/sol n’est pas évidente, elle est constituée de résistances, de retenues, de morcel- lements. Certaines zones lâchent et d’autres pas. Il vous faut ressentir ses résistances, leur évolution, l’incidence de la respiration, et plus particulièrement de l’expiration sur elles.

La stabilité du sol va influencer, au cours de la séance, celle du corps, c’est-à-dire son sommeil qui va lui-même influencer la stabilité du mental.

Le sol est, avant tout, la Terre, un gigantesque globe qui tourne, vit et parfois tremble. L’énergie de la terre pourra passer dans le corps lorsque le contact sera apaisé.

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La gravité

Cette force constante et écrasante peut avoir des conséquences violentes sur votre corps, provoquer des tassements et des chutes. Intégrer la gravité consiste à faire la paix avec elle, à cesser de la considérer comme hostile et en faire une véritable alliée. Cette intégration de la gravité se traduit symboliquement par le pouvoir de lévitation attribué aux yogis par Patanjali lui-même.

Notez que les trois premiers instruments, le sol, le corps et la gravité, forment un sandwich. Durant la séance de yoga nidra, la gravité agit sur le corps, l’étale, appuie sur les courbes lombaires et cervicales et donc restructure votre colonne vertébrale. Ce travail est sensible, il peut, au début, apparaître désagréable et même douloureux.

Le yoga nidra va pacifier la lutte imbécile que mène votre corps contre la gravité. Les tensions qui animent cette lutte et qui fatiguent le corps vont, ainsi, progressi- vement disparaître.

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La respiration

Observez votre respiration là où elle se mani- feste, du nez au périnée, et même au-delà. Observez ce grand mystère qu’est votre ventilation pulmonaire. Ce va-et-vient est présent depuis si longtemps qu’il ne vous surprend, malheureusement, plus. Vous ne vous en pré- occupez qu’en cas de rhume, de gêne respiratoire ou si cela sent mauvais, le reste du temps, ça respire tout seul.

La respiration vous relie à l’extérieur, au présent et à la vie. Ainsi, la respiration est une des rares fonctions qui puisse s’exécuter dans vos deux systèmes nerveux : elle se fait toute seule lorsque vous n’y pensez pas – lorsque vous dormez « ça respire » –, mais vous pouvez aussi la modifier, dans une certaine mesure, la faisant ainsi entrer dans le système nerveux volontaire. Les véritables yogis sont capables d’avoir une action volontaire sur les fonctions vitales liées au système nerveux autonome : ils savent par exemple arrêter leur cœur. On prétend que certains yogis se donnaient la mort en suspendant volontairement leur respiration. Heureusement, nous ne sommes pas capables de cela. Seules deux autres fonctions vitales sont suscep- tibles de se faire soit volontairement, soit spontanément : la déglutition et la contraction anale (mula bandha).

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Cette respiration volontaire peut devenir stupé- fiante. « Je respire, je respire vraiment. » Elle vous fait renaître, c›est-à-dire naître pour la deuxième fois. Vous prenez conscience, et cela peut être vertigineux, que vous vivez pour de vrai. Lorsque vous inspirez, l’uni- vers pénètre en vous. L’expiration vous met au monde, contrairement au sens mal choisi de ce terme « expirer » qui signifie « mourir ».

Si vous voulez vous connaître, observez votre res- piration, elle exprime presque en temps réel tous les états d’âme de votre être, les émotions, les fatigues, les bonheurs, les douleurs. Prenez enfin conscience de ce que la respiration est aussi – et surtout – un instrument, au même titre que les autres.

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La conscience (citta)

Ce cinquième instrument possède trois particula- rités. D’abord le français n’a pas forgé de terme satisfai- sant pour le saisir. Il conviendrait de traduire citta par

« ce qui prend conscience » ou encore « le réceptacle des impressions ».

Ensuite, cet instrument bouge tout le temps.

Patanjali définit le yoga, au début du Yogasutra, comme la tentative de stabiliser citta. Citta est comparée dans les Upanishads à un singe fou.

Enfin cet instrument a, plus que les cinq autres, pris le pouvoir, au point que c’est lui qui vous instru- mentalise. Au lieu de vous servir, citta se sert de vous, elle est reconnaissable à ce qu’elle vous utilise, en vous donnant l’illusion qu’elle est à votre service. La pratique du yoga nidra va remédier, petit à petit, à cela. Citta établit son pouvoir par ses pulsions, son agitation. Elle utilise pour cela ce qui vient de l’extérieur, tout ce qui n’est pas « vous », qui ne vous appartient pas, mais dont citta s’empare par identification. Citta ne constitue pas la totalité de votre conscience, elle n’en est que la

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partie grossière, composée de trois éléments : manas, le mental, buddhi, l’intellect, et enfin ahamkara, l’ego. Le mot sanskrit ahamkara, qui désigne l’ego, signifie litté- ralement « je suis artificiel », je suis un instrument. Le yoga nidra ne juge pas cet ego détestable. Il peut être au contraire utile. Votre ego manque totalement d›assu- rance et de confiance en lui, il doute constamment. Tous les egos sont ainsi. L’ego a besoin de se rassurer, d’être aimé, admiré. Il peut mobiliser une incroyable énergie pour être reconnu. Si, comme le propose le yoga nidra, vous observez votre ego, vous n’avez pas fini de sourire et de rire. L’ego est à la fois pénible et touchant. Si on vous fait un compliment, il va s’amplifier immédiate- ment jusqu’à remplir tout l’espace autour de lui. Si on vous critique, il se racornit aussitôt. Vous pouvez, sans problème, utiliser votre ego, vous identifier à lui, sans être dupe. Il serait dommage de ne pas utiliser l’énergie colossale qu’il déploie pour se rassurer.

Dans l’exercice des six instruments, citta est en fait ce qui prend conscience du corps, du sol, de la gravité, de la respiration.

L’exercice permettant à la conscience de prendre conscience d’elle-même, est, sans doute, l’un des plus

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difficiles du yoga, car lorsque citta cesse de s’identifier à autre chose qu’elle-même, elle retrouve sa vraie nature et sa véritable dimension qui est infinie et sans forme.

La détermination / l’énergie du désir

Le mot détermination est une des traductions pos- sibles de l’expression sanskrite samkalpa. Ce mot peut être aussi traduit par énergie du désir. Vous avez été conçu par un désir qui est toujours en vous sous la forme d’une énergie impétueuse, sauvage, déferlante, violente et déter- minée. Cette énergie circule à travers les 72 000 canaux qui, selon le yoga, irriguent tout votre être. Elle peut être dangereuse, elle agite, excite, égare, elle peut générer des insomnies, de l’angoisse, de la violence et bien d’autres maux. Elle a tendance à se retourner contre vous. La détermination est comparée à l’urumi, la longue épée

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fouet flexible utilisée en kalarippayatt, l’art martial kéralais.

Cette épée a une fâcheuse tendance à se retourner contre celui qui la manipule et risque de lui couper le cou. La pratique des samkalpa va donc vous apprendre à manipu- ler sans danger cette énergie qui va devenir ainsi le car- burant de votre longue quête du Soi. Il s’agit de rendre cette énergie inoffensive et la diriger vers un but ultime.

Cet accomplissement exigeant est parfois caricaturé, édulcoré et même remplacé par une pensée magique, une sorte de méthode Coué orientalisée qui malheureusement ne fonctionne pas : si commencer ou terminer son yoga nidra avec le souhait « que tous les êtres connaissent paix et félicité » avait la moindre efficacité, cela se saurait et se verrait. Réduire la pratique des samkalpa à un souhait, fût-il désintéressé, ne ferait que renforcer l’ego et citta qui le contient. Le seul désir exprimable serait d’atteindre sa véritable nature, mais ce processus, malheureusement, ne passe pas par cette détermination, les souhaits sont du domaine de citta or cette dernière ne désire surtout pas que vous trouviez ce que vous êtes, car elle perdrait aussitôt le pouvoir qu’elle a su prendre sur vous. Autre impasse, celle qui consiste à confondre le mot détermina- tion avec le mot volonté. La volonté est une tension, une crispation, alors que la détermination est une énergie, celle du désir. En yoga, laissez votre volonté au vestiaire.

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Le yoga nidra est une véritable science du désir : en pratiquant, vous découvrez que vous avez exactement ce que vous désirez au fond de vous – telle est la notion de samkalpa. Il s’agit de connaître votre vrai désir, celui qui est occulté par vos désirs sous-jacents, et d’utiliser l’éner- gie de votre détermination pour le réaliser.

Cette détermination est incarnée, elle se situe au centre de votre corps et est appelée manipura. Ce récep- tacle conserve les surplus d’énergie pour les moments où vous en aurez besoin.

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LES SIX InSTRUMEnTS nÉCESSAIRES À LA PRATIQUE DU YOGA nIDRA

L’intégration des instruments

Vous ne possédez, malheureusement, pas le mode d’emploi de ces six instruments fabuleux, vous ne savez pas bien les utiliser. Vous agissez comme un singe à qui on confierait un smartphone. Que ferait-il d’un appareil aussi sophistiqué ? Peut-être après avoir vaguement contemplé son reflet sur l’écran noir, abandonnerait-il le téléphone, sans se douter qu’il aurait pu communi- quer avec le monde entier, voir d’autres singes en vidéo, faire un selfie, un livre photo, se connecter sur la toile ou tout arrêter, en appuyant sur un bouton. Si ce singe avait eu la curiosité d’ouvrir cette boîte qui parle, il aurait pu constater qu’il n’y a personne à l’intérieur.

Semblablement, que faites-vous de votre corps ? De votre mental ? De ce qui vous constitue et vous permet d’aimer, de cicatriser, de concevoir le zéro mathématique, d’inventer la roue, d’écrire le Bateau ivre, de sauter à plus de deux mètres quarante de haut, d’aller sur la lune ou de déboucher un lavabo ?

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Ne pourriez-vous pas mieux utiliser votre corps et les cinq autres fabuleux instruments qui vous ont été confiés à votre naissance. ? Ne négligez-vous pas une partie considérable de vos potentialités ? À l’image du singe, vous passez peut-être à côté d’un objet fabuleux.

Le yoga nidra vous apprend à vous connecter à l’univers, à arrêter le flux de vos pensées et à percevoir qu’il n’y a personne à l’intérieur de vous.

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LES CInQ ÉTAPES D’UnE SÉAnCE

Le processus d’une séance de yoga nidra peut se concevoir comme un mouvement en spirale qui parti- rait de la périphérie d’un cercle ou d’un mandala pour s’enrouler lentement vers le centre avant de revenir vers la périphérie. Vous partez de votre périphérie et, petit à petit, si la séance est réussie, vous allez frôler votre centre, avant de repartir, doucement vers votre pont de départ.

Tant que vous vivez dans le monde profane et périphé- rique, il vous faudra revenir avec, en vous, l’énergie et le contentement de ceux qui ont approché leur centre.

Ce centre est, comme vous le savez, un simple point.

Un point n’a pas d’épaisseur : en fait, il n’existe pas, il se contente de marquer un vide, peut-être un passage. Seul le silence, dont vous êtes issu, peut exprimer ce vide.

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La préparation

Cette préparation commence par l’installation de votre corps et son immobilité. Celui-ci est allongé sur un tapis de yoga, paupières closes, bras et jambes légère- ment écartés, paumes des mains vers le haut. Le sol doit être plat et ferme. Mis à part quelques compensations pour remédier à un problème physique, n’utilisez aucun coussin, ni oreiller. Il vous faudra apprendre à allonger, sans tensions, vos lombes, ainsi que votre nuque, afin que, tout au long de la séance, la gravité puisse décam- brer ces zones.

Accordez-vous un moment de passage, le temps d’apprivoiser l’horizontalité du corps. Ressentez l’am- biance de ce corps, de manière à pouvoir la comparer à celle qui se manifestera en fin de séance. Vous allez, alors, déclencher un processus contradictoire et révolu- tionnaire : vous demandez à votre corps, dans le silence du mental, de s’endormir. Votre corps va s’engager lente- ment vers le sommeil. Cela va aboutir à sa stabilité. Vous ne devez surtout pas imposer l’immobilité au corps, elle doit naître de l’intérieur, elle doit être évidente. Une immobilité imposée impliquerait un conflit entre ce qui

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LES CInQ ÉTAPES D’UnE SÉAnCE

impose et ce qui est imposé, or vous cherchez à pacifier les conflits, il ne faut surtout pas en ajouter.

Dans le même temps, et contrairement à une habitude ancestrale, vous tentez de convaincre votre conscience citta de se maintenir en état de veille. Citta est par nature un mouvement, aussi vous avez intérêt à la poser sur un autre mouvement, comme par exemple sur celui de la respiration dans les narines. Vous aiguisez, alors, sa capacité de concentration en lui demandant de suivre attentivement, mais sans tensions, ce qui s’y passe. Citta devra éviter deux écueils : l’agitation rajas et la torpeur tamas. Rajas se traduit par des pensées ou perceptions parasites qui entraînent sa vigilance ailleurs, tamas par des endormissements qui la font sombrer.

Cette première partie, d’environ 15 minutes, sym- bolise, pour citta, l’état de veille. Il ne lui est pas trop difficile de s’y maintenir.

Cette préparation s’adresse, cependant, tout parti- culièrement, à l’intellect ou bhudi, qui fait partie de citta.

L’intellect peut être utile dans de nombreux domaines, mais en yoga nidra, il faudrait pouvoir le laisser au ves- tiaire. Cette étape est destinée à alourdir l’intellect en le

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rassasiant, en le gavant, de manière à ce qu’il ne parti- cipe pas aux étapes suivantes. Pour cela, cette prépara- tion peut prendre la forme d’une sorte de conférence qui prépare le rêve.

Nyasa, la rotation de conscience

Les techniques de rotation de conscience consti- tuent la deuxième partie de la séance. Citta va prendre conscience successivement, avec sa relative rapidité, de chaque partie du corps. Cela constitue un exercice simple, en apparence et paradoxalement difficile à cause de cette simplicité.

La rotation de conscience consiste à placer un maximum de conscience sur les différents lieux du corps.

Traditionnellement, vous commencez par le pouce de la

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LES CInQ ÉTAPES D’UnE SÉAnCE

main droite (gauche pour les gauchers). Ce pouce, qui écrit, entretient avec la conscience un rapport privilégié, il sait exprimer votre pensée. Il ne s’agit ni de le bouger, ni de le toucher, ni de le relaxer, ni de le nommer, mais simplement de le ressentir, comme si vous le caressiez mentalement. Cette rotation doit faire apparaître le corps de manière non pas anatomique, mais plutôt atomique.

Vous tentez de percevoir la danse subtile des particules qui le constituent.

Vous prenez ensuite conscience de l’index, du médius et ainsi de suite, selon un trajet préalablement codifié qui vous fait traverser tout le corps. Par exemple : annulaire, auriculaire, paume, dos de la main, poignet, avant-bras, coude, bras, épaule droite, poitrine-omoplate à droite, côté, moitié de la taille, du bassin, cuisse, genou, jambe, mollet, cheville, talon, dessus du pied, plante du pied, gros orteil, deuxième, troisième, quatrième, petit orteil ; vous effectuez ensuite le même pèlerinage du côté gauche. Vous devez percevoir les différents lieux de votre corps, sans les juger, sans traduire, sans intervenir, comme si cela se passait hors de vous.

De rotation de conscience en rotation de conscience, vous apprendrez à observer le symptôme d’une émotion

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qui va couler dans votre corps avant de perturber la sub- tilité de la respiration. Vous vous mettez à l’écoute des nœuds du corps, vous vous confrontez à ses tensions. Si vous ne vous écoutez pas, qui vous écoutera ?

Traditionnellement, ce pèlerinage sensitif à travers le corps s’effectue au moins deux fois de suite. La seconde rotation sera plus rapide et plus fluide.

Ainsi, vous nourrissez votre corps de conscience et découvrez des lieux oubliés : vous percevrez le Mont Mérou dans la colonne vertébrale, Vishnou, lui-même, dans l’abdomen, un chat sur une antilope dans la région du cœur et une nouvelle géographie de vous-même. Cer- taines zones s’étiolent et disparaissent à cause de votre indifférence à leur égard : si la conscience ne parvient plus à les toucher, elles seront peut-être obligées de hurler pour s’exprimer et ce hurlement risque de traumatiser votre corps.

Vous vous croyez fait de matière solide, stable et résistante et vous vous percevez comme tel, pourtant ce qui constitue cette enveloppe est en perpétuel renouvel- lement, depuis l’ovule originel jusqu’aux cendres. Aptes une longue pratique de yoga nidra, vous obtiendrez une

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LES CInQ ÉTAPES D’UnE SÉAnCE

totale transfiguration de la conscience de cette enve- loppe grossière. Cette transfiguration se fera lorsque vous cesserez de cloisonner vos différentes enveloppes corporelles : alors, ce qui vous est toujours apparu banal devient surprenant de nouveauté, l’univers sera en vous.

De nombreux textes classiques décrivent ce pèlerinage intérieur comme les chants mystiques du poète tantrique Saraha : « Là se trouve Jamna, le fleuve des dieux. Là se trouve le Gange, qui est comme un océan. Là se trouvent Paaga et Bénarès. Là se trouvent la lune et le soleil. J’ai visité beaucoup de lieux saints, certains importants, d’autres secondaires, mais aucun n’est aussi sacré que le corps. »

Svapna : le rêve

Le rêve est, bien sûr, la partie essentielle de la séance, mais cette phase ne fonctionne que grâce aux deux précédentes. Si l’on en croit Sigmund Freud, le rêve

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nocturne est scénarisé par l’inconscient et a pour but de compenser une frustration ou d’effectuer une répa- ration. Il a pour fonction d’exprimer, à mots couverts, ce que vous ne voulez ou ne pouvez pas entendre. Pour cela il utilise tout un bric à brac d’éléments empruntés au passé, au quotidien et à l’imaginaire.

En yoga nidra, le rêve est proposé par le profes- seur. Il se doit d’être archétypal, il utilise des symboles et des thèmes fondamentaux. Il propose un processus qui entraîne le pratiquant dans une lente modification de la conscience que nous décrirons plus loin. Ce rêve doit pouvoir être réapproprié par celui ou celle qui le reçoit. Par exemple : on vous propose de visualiser, pau- pières closes, des couleurs dans l’ordre du prisme, rouge, orange, jaune, vert, bleu, violet et, enfin, le blanc, sous la forme d’une clarté. Le conducteur induit sans jamais enfermer. Si certaines couleurs ne vous apparaissent pas, percevez l’absence de couleur, si une couleur apparaît à la place de celle qui est proposée, il vous faut contempler celle qui apparaît. Ce processus, en apparence banal, est censé vous transporter de chakra en chakra.

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LES CInQ ÉTAPES D’UnE SÉAnCE

Le silence

Cette phase courte reste essentielle. Elle offre un contraste par rapport aux précédentes, elle est consti- tuée par un silence d’environ cinq minutes et est censée représenter le quatrième état de conscience appelé turiya.

Le retour

Ce retour est, en principe, conduit par turiya.

Turiya, votre véritable nature, ne dort jamais, elle va donc pouvoir réveiller les aspects de vous-même qui s’étaient assoupis. Les débutants sont parfois surpris de se réveiller d’eux-mêmes, en fin de séance, alors qu’ils ont l’impres- sion d’avoir dormi durant toute la séance. Cette phase très personnalisée est, selon le yoga nidra, un retour vers l’ignorance, elle consiste à revenir doucement du centre vers la périphérie de vous-même, c’est-à-dire vers vos

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habitudes, vos limites, votre vie de tous les jours. Mais vous allez intégrer dans ce quotidien de toutes petites choses puisées dans l’expérience de vos séances de yoga nidra. La durée de cette phase dépend des éventuelles difficultés rencontrées ou de la profondeur atteinte. Il n’est pas possible de faire l’économie des difficultés qui vont s’atténuer avec la pratique, quitte à revenir si vous traversez des moments de fatigue ou des difficultés.

Cette phase débouche sur un temps d’assise, votre corps ne doit pas passer trop rapidement de l’horizon- talité à la verticalité. Cette assise silencieuse peut durer entre trois et trente minutes.

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LES CInQ ÉTAPES D’UnE SÉAnCE

La symbolique des quatre premières phases

Le déroulement d’une séance de yoga nidra sym- bolise les différents états de conscience. La première partie, la présentation, correspond à l’état de veille. La seconde partie, la rotation de conscience, correspond à l’état de sommeil profond, le corps dans lequel s’effectue ce pèlerinage approchant l’état de sommeil. La troisième partie, le rêve, correspond évidemment au sommeil avec rêve. L’avant-dernière partie, constituée par un silence, symbolise l’état de turiya.

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Une séance de yoga nidra doit, en théorie, durer 48 minutes, cela représente une durée précise (heure lunaire) appelée en sanskrit « muhūrta », il convient d’ajouter 2 minutes préalables pour s’installer et 10 minutes (ou plus) d’assise, ce qui fait exactement une heure.

début 2 minutes

préparation 12 minutes

rotation 11 minutes

rêve 13 minutes

silence 5 minutes

retour 7 minutes

assise 10 minutes

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début; 2%

préparation; 22%

rotation; 20%

rêve; 25%

silence; 8%

retour; 11%

assise; 12%

début préparation rotation rêve silence retour assise LES CInQ ÉTAPES D’UnE SÉAnCE

Préparation = état de veille = jagrata Rotation = état de sommeil profond = susupti Rêve = état de rêve = svapna

Silence = 4e état = turiya

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L’ART

DE LA RÉPÉTITIOn

La pratique du yoga nidra est basée sur la répétition.

Paradoxalement, cette répétition est toujours différente.

Une même séance de yoga nidra pratiquée aujourd’hui sera différente de celle de demain, de celle de la semaine prochaine ou de l’année prochaine. Vous allez évoluer de yoga nidra en yoga nidra. Les premières séances peuvent parfois sembler désagréables, elles impliquent un processus de nettoyage qui va faire sortir tout ce qui vous encombre : vieilles fatigues, tensions, miasmes de tous ordres, ainsi que de vieilles souffrances. En sortant définitivement, ces processus se font sentir une dernière fois. De plus, certains aspects de vous, en particulier citta, vont tenter d’empêcher le bon déroulement de vos séances. Citta sait que si vous pratiquez yoga nidra, elle

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DORMIR POUR S’ÉVEILLER : LE YOGA NIDRA TRADITIONNEL

risque de perdre le pouvoir qu’elle a pris sur vous, elle ne veut pas redevenir un simple instrument à votre service.

L’entraînement au yoga nidra est essentiel, une séance isolée n’a pas beaucoup d’intérêt, si ce n’est en terme d’expérience : c’est sur la durée que vous obtiendrez les bienfaits de votre travail. La tradition prétend qu’il faut un minimum de 108 séances pour intégrer la technique, mais en Inde « 108 » peut se traduire par « un certain nombre ».

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SAMDHYA,

LES FRÔLEMEnTS CRÉPUSCULAIRES

De son ermitage himalayen, Svapnananda, le vieux maître de yoga nidra, fit prévenir ses deux disciples qu’il allait mourir et qu’il voulait leur délivrer un tout dernier enseignement essentiel. Les deux disciples étaient âgés, Jagratananda habitait Calcutta, Susuptiananda Delhi.

Chacun se mit en route. Jagratananda arriva en train jusqu’au pied de l’Himalaya, il gravit à pied, toute la journée, le chemin escarpé, traversa d’épaisses forêts, franchit des cours d’eau déchaînés, passa des cols aux altitudes vertigineuses et parvint enfin, à la nuit, à l’er- mitage, tout à sa joie de revoir enfin Svapnananda et, sans doute Jagratananda qui devait déjà être là. Il entra.

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