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Affects, mensonge et certitude

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Texte intégral

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Noesis

16 | 2010

L’affectivité : perspectives interdisciplinaires

Affects, mensonge et certitude

Philippe de Georges

Édition électronique

URL : http://journals.openedition.org/noesis/1725 ISSN : 1773-0228

Éditeur

Centre de recherche d'histoire des idées Édition imprimée

Date de publication : 1 décembre 2010 Pagination : 119-127

ISSN : 1275-7691

Référence électronique

Philippe de Georges, « Affects, mensonge et certitude », Noesis [En ligne], 16 | 2010, mis en ligne le 18 mars 2013, consulté le 01 mai 2019. URL : http://journals.openedition.org/noesis/1725

© Tous droits réservés

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Philippe de Georges

« Les choses qu’on peut enseigner ne valent pas la peine d’être apprises ».

Paul Claudel Invité dans ce séminaire de philosophie à parler de l’affectivité, je souhaite commencer par préciser de quel lieu je parle. Ce lieu est celui de la psychanalyse. Les références qui seront les miennes sont donc l’expé- rience personnelle des cures dites analytiques, d’une part, et d’autre part la doctrine freudienne, lue, interprétée, éclairée par Lacan. C’est donc sous le signe de cette praxis que j’aborderai notre thème.

Question

« De quoi s’agit-il ? », comme dirait Lyautey. La question des affects est présente chez Freud dès 1895, et donc avant ce qu’il est convenu d’appeler la psychanalyse. Les affects sont impliqués au titre de la causalité psychique des symptômes névrotiques, hystériques particulièrement. Les psychonévroses apparaissent à Freud comme une réponse du sujet à une énigme, à une impasse, concernant le sexe et la mort. C’est ainsi que se définit l’aporie analytique.

Faut-il en rappeler le contexte ? C’est celui d’une clinique de l’écoute, subvertissant l’expérience médicale fondatrice en matière d’hystérie, qui est celle de Charcot. Ainsi naît ce qui deviendra un traitement relevant exclusivement de la parole. Les psychonévroses témoignent en effet de cela, que le sujet humain, le parlant, n’aborde le réel, dans ses relations aux objets de son « monde », que par le truchement de la parole. Le logos est pour lui la médiation inévitable et incontournable. Et ce medium ren- contre en même temps une limite, qui est celle de l’impossible à dire, de ce qui fait butée et s’avère intraitable par le registre symbolique.

Les balbutiements de Freud découvrant ce Nouveau Monde donnent lieu à une première élaboration théorique dont les traces se trouvent dans

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les Études sur l’Hystérie (rédigées avec Joseph Breuer) et dans l’Esquisse d’une psychologie scientifique (L’Entwurf). La thèse qui se fait jour fait des expé- riences initiales du petit d’homme le noyau, le paradigme et la structure de ses expériences futures. C’est un nœud qui implique l’infans, par le biais de ses besoins vitaux, et l’Autre primordial. Freud parle ainsi du complexe du prochain, faisant de la relation au Nebenmensch la matrice de tous les principes moraux ultérieurs. Ce complexe noue sur le fond de la dépendance vitale envers l’Autre de la satisfaction des besoins, l’éprouvé sensoriel et le signe qu’est le cri. Ce cri de l’enfant qui fait signe, l’Autre primordial l’interprète et y répond ou non, en pourvoyant aux besoins.

Ainsi se constitue une expérience initiale de satisfaction – ou d’insatis- faction – liant symbolique et réel. Symbolique est ici le cri, à condition qu’il prenne sa valeur signifiante par la nomination, qu’opère l’Autre, de l’infans. C’est de lui que proviennent sens et signification, ce qui redouble d’emblée la puissance de l’Autre, et nourrit les fantasmes de sa toute- puissance supposée : voilà le petit d’homme soumis absolument au jeu de la présence ou de l’absence, de la réponse ou de la négligence du « pro- chain secourable », à son caprice donc, c’est-à-dire à sa loi sans loi. Cette dépendance est pour Freud la source d’un double mouvement de gra- titude, d’amour et de haine, marqué d’emblée par l’équivoque signifiante (car l’interprétation donnée au cri peut bien être aussi vraie que fausse) et la béance entre le mot et la chose.

L’entrée – pour ne pas dire la chute – dans le monde humain est une immersion dans un bain de langage : on ne se nourrit pas que de lait, mais de mots aussi. Ce drame de départ a pour fond ce que Freud appelle Hilflosigkeit, déréliction du petit d’homme, éprouvant sa solitude absolue dans l’absence de l’Autre. Le dépassement de cette détresse a pour corollaire l’angoisse, et les affects ambivalents qui marquent les liens à l’Autre de la parole et du don. La naissance, comme détachement du corps maternel, est l’amorce d’une succession de coupures structurantes – sevrage, cession de l’objet anal, castration, mort – où à chaque étape l’identité la plus assurée du sujet se fait à l’objet qu’il cède, dont il se détache, dont il est irrémédiablement séparé. Lacan, dans son séminaire sur l’angoisse, appellera chacune de ces ruptures « sépartition », jouant sur la séparation, partition et parturition. C’est dire que l’homme naît de la coupure et se constitue de ses pertes.

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Revenons à l’Esquisse. Freud avance donc que l’expérience initiale fait trace, et que la trace détermine la répétition. C’est ainsi qu’il faut com- prendre la nécessité pour lui d’élaborer cet étonnant montage provisoire : il s’agit de comprendre l’expérience clinique, pour trouver les ressorts qui permettent d’agir. Agir précisément sur ce qui se répète dans la vie des sujets névrosés. Cette trace, constitutive du paradigme, est double pour Freud. Il s’agit d’une part d’une trace « mnésique », celle d’une repré- sentation (Vortellung) – nous dirions aujourd’hui, d’un signifiant – qui sera refoulé et qui fera retour. Et d’autre part de ce que Freud appelle Affektspur, trace d’affect. Au passage, quelque chose se perd et tombe,

« Als Ding », comme Chose. Cette part non inscrite, objet perdu, sans représentation et sans substitut symbolique, est ce que Lacan appellera

« Réel ». C’est l’impossible à dire, « ce qui ne cesse pas de ne pas s’écrire ».

Il convient de nous arrêter sur la différence faite par Freud entre les deux types de traces concomitantes. La trace signifiante est refoulée. La trace d’affect ne l’est pas : les affects se déplacent, se transforment, se modifient. Ils s’accrochent à l’occasion à un autre signifiant de rencontre.

C’est pourquoi, au regard de la psychanalyse, l’affect n’est pas un indice de vérité : il est essentiellement trompeur – « le senti ment ». D’où le souci qui est le nôtre, de ne pas prendre l’affect éprouvé, ressenti et nommé, comme preuve d’une quelconque authenticité, mais plutôt, si je puis dire, d’évider l’évidence.

Clinique

La clinique des affects et la psychopathologie de la vie quotidienne peuvent ici nous permettre d’illustrer mon propos.

J’envisagerai d’abord le caractère fallacieux des affects. Soutenir ceci va contre l’évidence que nous accordons spontanément à tout ce qui relève des éprouvés : impliquant corps et sensations, ils ont les apparences de l’authenticité, du vrai, du sincère. Mais peut-on se tromper longtemps, devant « l’enthousiasme » et les excès d’un patient maniaque, par exemple ? Comment ne pas ressentir assez vite le fond de sa souffrance intime et la valence profondément suicidaire de son agitation ? Son illusion de se délester du poids de l’objet, du réel, le désarrime de celui-ci, jusqu’à l’épuisement physique et au danger vital.

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Prenons un autre exemple, abondamment sollicité ces temps-ci, celui des sentiments compassionnels, de la peine et de la sympathie sollicités par les informations télévisuelles et le bruit des media. Mais qu’est-ce qui vibre ici, sinon la jouissance voyeuriste et sadique devant le spectacle de l’horreur et de la souffrance d’autrui ? Le consommateur d’infos jouit passivement et sans frais de la cruauté mise en scène. Il trouve dans son fauteuil son fugace bonheur dans le crime.

Freud nous offre dans son observation de l’homme-aux-rats un modèle qui permet de comprendre le fossé entre les bons sentiments conscients et ce qui s’agite dans l’Achéron psychique. Son patient lui fait part ainsi de l’émotion extrême que suscite en lui la férocité d’un personnage que nous finissons par connaître comme « le capitaine cruel ». L’analysant a beau- coup de mal à faire l’aveu de ce récit, qui est celui de sévices infligés à des prisonniers qui se voient introduire des rats dans l’anus. Ce qui est le plus insupportable au sujet est que, dans ses obsessions, il ne peut s’empêcher d’imaginer ce supplice appliqué aux deux êtres qui lui sont le plus chers : son père et la Dame de ses pensées. En bas de page du journal de cette analyse, Freud note qu’il remarque sur le visage de son patient bouleversé les signes « d’une jouissance ignorée de lui ». L’horreur que l’analysant évoque agite en lui le savoir insu qui hante son inconscient. C’est ce qui alimente la « névrose de contrainte », l’insistance obsédante des pensées parasites qui concernent le sujet au plus intime de son être alors même qu’elles lui sont radicalement étrangères et parfaitement inacceptables.

Le plus classique exemple est sans doute le couple formé par l’amour et la haine, ce que Freud qualifie d’ambivalence au cœur des relations amou- reuses, de l’amitié et du lien au semblable. Lacan forgera à l’occasion un néologisme fait pour rendre sensible l’intrication de ces deux sentiments : hainamoration, dit-il. La clinique offre ici un cortège sans fin des manifes- tations de cet ordre, dans le ravage de l’amour maternel, les fantasmes de dévoration cannibalique qui hantent la relation entre mère et nourrisson, la rivalité et la composante homosexuelle des relations entre hommes, l’alternance de fascination et de fureur destructrice dans la relation au semblable, l’ombre d’Abel et de Caïn en arrière-plan de la supposée fraternité humaine…

La phobie n’est pas en reste, où l’objet craint s’avère directement impliqué dans le désir. Car – et cela vaut dans tous les cas – tout désir

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implique et suscite défense contre lui-même, au même titre que c’est « là où je me plains que je jouis ».

Limite

Mais ce tour d’horizon rencontre sa limite. Quelques affects majeurs renvoient à une part de vérité profonde que le sujet ignore. Ainsi en est-il de la honte, que j’éprouve quand se dévoile aux yeux d’autrui ce que de moi je ne peux pas fuir. Ainsi de la culpabilité, qui en dernier ressort renvoie à la faute toujours là, car la jouissance du sujet est toujours en dépit de l’Autre, quand elle n’est pas à ses dépens. C’est ce qui fait dire à Lacan que l’invention à mettre sans discussion possible au crédit de la religion, est celle du péché originel. Ainsi, enfin et surtout, de l’angoisse,

« le seul affect qui ne ment pas ». Car l’angoisse fait signe de ce qui est le plus méconnu et le plus vrai du sujet : l’objet cause de son désir.

Angoisse et culpabilité sont sans doute chevillées l’une et l’autre à leur source. C’est ce qu’il est arrivé à Freud de soutenir, quand il a cru pouvoir affirmer qu’en deçà de l’une et de l’autre comme de tout désir de recon- naissance, se trouvait la peur de perdre l’amour de l’Autre. Telle est alors pour lui la source du sentiment de dette, de la nécessité de sacrifier à l’Autre, pour rendre la jouissance supportable et en payer le prix.

Il y a toujours à prélever une « livre de chair ». Telle est la leçon que tire Lacan de sa lecture du Marchand de Venise de Shakespeare. Tel est le secret de toutes les représentations qui suscitent et mobilisent le maximum d’affects. Pensons au sacrifice d’Abraham, peint par exemple par Le Caravage, à ces immolations, à ces Christs pendus dans le chœur des Églises.

Cure

Toutes ces remarques ont des implications précises dans ce qu’il convient d’appeler la direction de la cure.

L’analyse ne recourt pas à une attitude empathique. Lacan sur ce point procède à une réfutation de la « compréhension » conceptualisée par Jaspers. L’empathie compréhensive propose de « prendre en soi » ce qu’exprime l’autre en se guidant sur les affects. Elle suppose une iden- tification réciproque, affective, entre moi et l’autre. Tout ceci se justifie à partir de l’hypothèse d’une connexion fiable entre affect et signifiant : ce

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que je sens au contact d’autrui, au gré de son discours, me met en rapport avec ma vérité en moi. Ce que je sens m’informe donc de la vérité de l’autre, qu’il n’est pas en mesure d’élaborer et qu’il refoule. Ainsi, je dois être à l’écoute de mes affects et donc de ma vérité personnelle, pour accéder aux affects de l’autre et à sa vérité, que je peux l’aider à découvrir.

Cette croyance se heurte au constat que ce qui excite l’autre suscite essentiellement mes défenses et mes formations réactionnelles. Nous prendrons un exemple à la fois majeur et limite, celui de la perversion, qui génère chez le névrosé fascination et répulsion, mêlées ou alternées. L’une et l’autre sont les conditions d’une impuissance prompte à rendre l’acte analytique impossible.

Ce que je dis va à l’encontre de la fortune actuelle, dans certains milieux analytiques, de ce qu’on appelle le contre-transfert. Certains n’hésitent pas à voir dans la cure un processus de « co-pensée ». Lacan pour sa part s’est vite éloigné de la croyance en une rencontre « inter-subjective » dont la cure serait la forme presque parfaite. C’est ce qu’implique la structure qu’il donne à la relation moi-autre, qu’il interprète comme « relation spéculaire » (en miroir) et relation imaginaire : entre mon alter-ego et moi, le rapport est celui-là même que j’entretiens avec mon image dans le miroir. Mon semblable est le lieu de mes projections et de mes illusions, illusions qui sont celles-là même que j’entretiens avec mon ego, mon moi, qui est le lieu de la tromperie, du leurre, de la fallace. De nous à nous-mêmes, fascina- tion et terreur s’entrecroisent sous le signe des passions de l’être, amour, haine et ignorance. À la limite, il n’y a pas de place pour deux, puisque ces deux sont les mêmes. La destruction de l’autre est l’horizon du rapport au semblable. Tel est le noyau paranoïaque du moi.

Ainsi, ce qui s’impose c’est que l’analyste « efface » son moi. Il suspend son rapport à son propre inconscient et met son savoir entre parenthèses.

Ce que mon vis-à-vis éveille en moi relève, en effet, soit de mes préjugés, soit de mon fantasme inconscient. Il convient donc que dans le dispositif analytique, il n’y ait qu’un seul sujet en place comme tel : l’analysant. Le montage vise alors à lui permettre de produire par la parole les signifiants- maîtres qui ordonnent ses lignes de destinée.

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Croyance

Mais pourquoi est-on tenté de « croire » ses affects ? N’entend-on pas tous les jours les gens de bon sens dire à qui veut l’entendre « faites comme vous le sentez » ? N’est-ce pas ce qui nourrit l’illusion sur les liens de sang, comme pour le soi-disant « instinct maternel » par exemple.

C’est que l’affect indique la prise du corps dans le langage. Il vibre au lieu où le Verbe s’incarne, où le signifiant (se) fait chair. D’où cette aspiration, universelle semble-t-il, à déduire qu’il existerait là un lien univoque, un ombilic, un hile de signifiance qui abolirait l’équivocité signifiante et toute forme d’amphibologie. Comment ne pas croire aux noces du corps et de la vérité ? Telle est la croyance commune : les mots mentent (ce qui est vrai, ô combien !), le senti ne ment pas (comme la terre, selon l’autre) : ça parle dans les tripes.

La vérité de l’angoisse, affect par excellence, réside dans le fait qu’elle contient en son cœur le noyau de la jouissance du corps, du vivant – mais pas sans le Verbe. Heidegger approche très bien cela dans Être et temps lorsqu’il note l’existence d’un double mouvement concernant chaque affect, auquel seule l’angoisse fait exception. Ce double mouvement dis- tingue le de (ou devant) et le pour : J’ai peur pour moi, de la mort. D’où le caractère réfléchi des verbes (s’) émouvoir, (s’) effrayer, (s’) attrister. Mais il note que l’angoisse fait exception par la coïncidence du « de » et du

« pour » : l’angoisse fait retour sur soi, et est ainsi la mère de tous les affects.

Ainsi, c’est le corps qui nourrit le préjugé en faveur des affects : le sujet est en effet impliqué dans le corps. C’est à une âme corporisée que nous avons affaire. C’est là – je vous le propose – le point de dialogue possible entre psychanalyse et phénoménologie, révocation de l’idéalisme dévita- lisant et intellectualiste, comme en témoigne la correspondance si tou- chante entre Binswanger et Freud.

La limite, pour l’analyse, est que le corps ne fait ni l’être ni l’identité du sujet, au sens où l’on n’est pas son corps : on a un corps, que l’Autre nous attribue.

Sens

Le lexique est évidemment source d’ambiguïté. La polysémie du mot sens en français redouble l’illusion que nous venons de dire. On est tenté

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de croire que quelque chose qui provient de la perception (le sens-oriel) donne une orientation (le sens vers) et produit enfin de la signification (sens et signification). Il y a là une parenté suggérée par le signifiant, entre le sensible, l’orientation et la signification. Cette parenté induit, par le biais de l’usage du terme « sens » (meaning is use) l’idée que ce qui provient des sens fait sens. Du coup, il y a là illusion d’un repère, d’un fondement de l’évi- dence perceptive, alors que la perception est, pour l’analyse, fondamen- talement trompeuse. À preuve le rapport entre perception et hallucination, que « rien » ne distingue d’une perception « vraie »… et surtout pas la certitude, qui est le privilège de la psychose !

Les mêmes glissements et confusions existent en allemand (pour limiter là notre enquête), influençant à l’occasion la philosophie même : qu’on pense au premier chapitre de la Phénoménologie de l’esprit : « Die sinnliche Gewissheit », la certitude sensible, dont l’argument repose sur l’unité signi- fiante entre sensoriel, sensible et sensuel, indistincts en allemand.

Donc

L’analyse relativise donc les affects. Mais elle leur porte en même temps une attention certaine, s’opposant ainsi à l’approche en vogue, celle des dites « neurosciences ». On peut ainsi entendre, de la bouche de spé- cialistes qui font autorité, que « nous ne sommes pas responsables de nos émotions », qui sont le produit direct des centres sous-corticaux profonds.

Ainsi oppose-t-on à l’inconscient freudien (dont le sujet est responsable !), un fonctionnement organique aveugle et asubjectif ! Il n’est plus alors question que de dysfonctionnements, relevant en toute logique d’une rééducation émotionnelle et comportementale. C’est « l’homme neuro- nal », vous dis-je !

Le fin mot de cette prétention scientiste est la nécessité, affirmée, de détenir un modèle animal, et donc expérimentable, des affects : d’où la volonté de rejeter les concepts freudiens, inassimilables car proprement humains, et ne disposant pas d’équivalents chez l’animal de laboratoire. Fi donc du conflit intrapsychique, que remplacera avantageusement le

« stress » ; de la tristesse, du deuil et de la mélancolie, qui laisseront place aux dépressions réagissant au traitement chimique ; de la culpabilité, réduite à la fausse reconstruction consécutive à un état déficitaire ; de l’angoisse, chassée par la peur.

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Tout cela est conforme au projet post-moderne : la déresponsabi- lisation. En effet, force est d’admettre qu’il n’y a pas de modèle animal pour la culpabilité, puisqu’elle est homogène à la condition du parlêtre (être parlé et parlant, être par le logos). La culpabilité est l’indice de la responsabilité (comme avoir-à-répondre-de soi), c’est-à-dire du sujet lui- même.

Envoi

Qu’un poète vienne conclure ce qu’un autre poète a commencé. Je vous livre ces quelques lignes de Christian Prigent : « Nous les parlants (les séparés), nous appelons âme notre distance au monde et le désir de la combler. Âme est le nom du Rien ouvert entre le monde et nous, l’aura insignifiante des choses infusées dans la langue et la hantant d’une vacuité imprenable par le sens ».

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