Chapitre 6 : L’amplificateur opérationnel
I. Modèle de l’amplificateur opérationnel idéal (parfait)
1. Description du composant
L’amplificateur opérationnel (AO) est un composant électronique qui contient des dizaines de transistors pour les AO. les plus simples (modèle741par exemple), des diodes, des résistors et capacités montées sur quelquesmm2 de silicium. On ne s’intéressera pas à son circuit interne, on considère qu’il s’agit d’une " boîte noire " dont on étudie les propriétés " vues de l’extérieur ".
2. Brochage d’un AO
Les modèles µA741etT L081les plus utilisés comportent huit bornes (figure 1) :
• les bornes 7 et 4 servent à polariser (alimenter) l’am- plificateur à l’aide d’un générateur de tension symé- trique. La borne7pour une alimentation positive+Vcc et la borne 4pour une alimentation négative −Vcc;
• les bornes2et3sont les entrées de l’amplificateur. La borne 2 est l’entrée inverseuse notée − et la borne 3 est l’entrée non inverseuse notée +;
• la borne 6est la sortie de l’amplificateur ;
• les bornes1et5permettent de régler l’OFFSET, éven- tuelle tension de décalage ;
• la borne 8n’est pas connectée.
1 2 3 4
8 7 6 5
− +
Figure 1
3. Représentation symbolique
On utilise l’une des deux représentation de la figure 2.
ε ε
+ +
− −
i+ i+
i− i−
S S
Représentation européenne Représentation américaine Figure 2
4. Régimes de fonctionnement de l’AO Soit Vsat ≈Vcc la tension de saturation de l’AO :
• si −Vsat< vs<+Vsat, l’AO fonctionne en régime linéaire ;
– sivs= +Vsat, on a une saturation positive ; – sivs=−Vsat, On a une saturation négative.
5. Modélisation de l’AO en régime linéaire
En régime linéaire, l’AO peut être modélisé par le circuit de la figure 3.
On écrit alors vs=µε−Zsis.
Ze est l’impédance d’entrée de l’AO.Ze est de l’ordre de 105 à 1010Ω.
i+ eti− sont les courants de polarisation.i+eti−sont de l’ordre de quelques dizaines de nA à quelques dizaines depA.
µ est le gain complexe de l’AO qui dépend de la fréquence f tel que µ= µ0
1 +ff
c
avec µ0 ≈105 etfc≈10Hz.
Zs est l’impédance de sortie de l’AO. Zs est de l’ordre de quelques dizaines à quelques cen- taines d’Ohm.
ε Ze µε
Zs
vs i+
i−
+
−
is
Figure 3
6. Vitesse de balayage de l’AO
En hautes fréquences, la tension de sortie vs ne peut suivre les variations rapides de la tension d’entrée. On observe une triangularisation devs. Le système n’est plus linéaire.
Le système ne reste linéaire que si dvs
dt < σ, σ est appelée vitesse de balayage limite (slew rate) de l’AO et s’exprime enV.µs−1.
σ est de l’ordre de1V.µs−1. 7. Modèle de l’AO idéal
Pour un AO idéal :
• les courants de polarisation sont nuls : i+=i−= 0 ;
• l’impédance d’entrée est infinie ;
• l’impédance de sortie est nulle ;
• le gain en boucle ouverte est infini ;
• la vitesse de balayage est infinie ;
• la bande passante est infinie.
Un AO idéal est représenté par le symbole de la figure 4.
+
−
∞ S
Figure 4
+Vsat
−Vsat vs
Figure 5
8. Caractéristique statique d’un AO idéal (figure 5) En régime linéaireε= 0c-à-d V+=V−.
Siε >0,vs = +Vsat : saturation positive.
Siε <0,vs =−Vsat : saturation négative.
II. L’AO en régime linéaire
1. Nécessité d’une contre-réaction
En régime linéaire−Vsat< vs <+Vsat, vs étant de l’ordre de quelques volts.
En boucle ouverte, le gain est de l’ordre de 105. La tension d’entrée doit être de l’ordre duµV ce qui est très faible.
Dans la pratique, on relie la sortie et l’entrée inverseuse(−) : il s’agit d’une contre-réaction.
Si l’on relie la sortie et l’entrée non inverseuse (+) le système sera instable ce qui provoque une saturation de la tension de sortie. On dit qu’il y a réaction positive et l’AO fonctionne en régime de saturation.
Conclusion :
En boucle ouverte ou en réaction positive, l’AO fonctionne en régime non linéaire(vs=±Vsat).
En contre-réaction, l’AO fonctionne en régime linéaire.
2. Montage amplificateur non inverseur
Étudions le montage de la figure 6.
a) Amplification en tension C’est la quantitéA0= vs
ve.
La sortie est reliée à l’entrée inverseuse, c’est une contre-réaction. Donc l’AO fonctionne en
−
Or V+=veetV−= R1
R1+R2vs(diviseur de tension).
On a donc :
ve= R1 R1+R2
vs D’où :
A0 = 1 +R2
R1
L’A.O. n’est pas saturée si|vs| ≤Vsat. Puisquevs =A0ve alors :
|ve| ≤ Vsat
A0
i−= 0 ie=i+= 0
is
ve
vs
− +
R2
R1
Figure 6
+
−
ve vs
Figure 7
b) Résistances d’entrée et de sortie On aRe= ve
ie
avecie =i+= 0. DoncRe est infinie.
On avs= (1 + R2
R1)veindépendante de is. Donc Rs= 0. c) Montage suiveur
SiR1 est infinie etR2 = 0 alorsvs=ve. Le circuit est dit suiveur (figure 7).
L’utilité de ce montage est que le courant prélevé par l’AO est nul (AO idéal). La source n’a donc pas besoin de fournir de courant et l’amplificateur opérationnel est capable d’en débiter à la sortie. On réalise donc une amplification de courant infinie. On parle également d’adaptateur d’impédance.
3. Montage amplificateur inverseur Étudions le montage de la figure 8.
a) Amplification en tension
Puisque l’AO fonctionne en régime li- néaire alors V+=V−.
Le théorème de Millman au nœud A donne :
VA=V− = ve/R1+vs/R2
1/R1+ 1/R2
PuisqueV+= 0 alors : A0 =−R2
R1
−
+
ve vs
ie i−= 0
i+= 0
R1
R2
is A
Figure 8
b) Résistances d’entrée et de sortie On aRe= ve
ie
avecve=R1ie. Donc Re=R1 . On avs=−R2
R1ve indépendante deis. Donc Rs = 0. 4. Montage sommateur de tension
Soit le montage de la figure 9.
On a :
V+ = 0 =V−= ve1/R1+ve2/R2+vs/R3
1/R1+ 1/R2+ 1/R3 Donc :
vs =−(R3
R1ve1+R3
R2ve2)
Dans le cas particulier où R1 =R2=R3 on aura vs=−(ve1+ve2) .
−
ve1 +
ve2 vs
R1
R2
R3
Figure 9
5. Montage intégrateur a) Montage théorique
Soit le montage de la figure 10a.
On a :
ie=−Cdvs
dt avec ie = ve R Donc :
dvs
dt =− ve
RC ⇒ vs=− 1 RC
Z vedt
b) Limites du Montage théorique
À causes des courants de polarisation i+ et i− sensiblement constants et d’une tension de décalage ramenée à l’entrée Vd , également sensiblement constante qui provoquent une charge constante du condensateur, on constate l’existence d’un phénomène de dérive puis de saturation de la tension de sortie en fonction du temps.
+
−
C
vs
R
ve
ie
Figure 10a
R0
+
−
C
vs R
ve
Figure 10b
c) Montage amélioré
Pour ne pas être gêné par le phénomène précédent, il faut permettre au condensateur de se décharger dans une résistance R0 (figure 10b).
Pour ce montage, on a :
V+= 0 =V−= ve/R+vs(1/R0+jCω) 1/R+ 1/R0+jCω Donc :
H(jω) =− R0/R 1 +jR0Cω Il s’agit d’un filtre passe-bas d’ordre 1.
Si l’on choisitR0 >> 1
Cω alors H=− 1
jRCω. Le filtre se comporte comme un intégrateur.
6. Montage dérivateur
Soit le montage de la figure 11a.
On a :
ie=Cdve
dt et ie=−vs R Donc :
vs=−RCdve dt
Remarque :
À cause des défauts de l’AO, le circuit présente des oscillations semblables à celles observées dans un circuit(R, L, C)(phénomène de résonance).
Pour diminuer l’acuité de la résonance, il suffit d’ajouter, au montage précédent, une résis- tanceR0 en série avec le condensateur (figure 11b).
R
+
−
vs ie C
ve
Figure 11a
R
+
−
vs R0 C
ve
Figure 11b
III. L’AO en régime non linéaire
1. Comparateur simple
Le comparateur simple sert à comparer une tensionveà une tension de référenceVr´ef (figure 12).
+
− ve
Vr´ef
vs
Figure 12
ve vs
Vsat
−Vsat
Vr´ef
Figure 13
On aε=V+−V−=ve−Vr´ef :
• si ve> Vr´ef alorsε >0etvs= +Vsat;
• si ve< Vr´ef alorsε <0etvs=−Vsat.
D’où la caractéristiquevs=f(ve) de la figure 13.
Si la tension ve est sinusoïdale on obtient une tension vs rectangulaire caractérisée par un rapport cycliqueα= T1
T (figure 14).
t ve(t)
vs(t) Vsat
−Vsat Vr´ef
T1
T
Figure 14
Remarque :
Ce montage n’est utilisé qu’en basses fréquences à cause de la vitesse de balayage limitée de l’AO.
2. Comparateur à hystérésis
Considérons l’exemple du comparateur inverseur à hystérésis de la figure 15.
La sortie est reliée à l’entrée non inverseuse, c’est une réaction positive. Donc l’AO fonctionne en régime non linéaire.
On a :
ε=V+−V− avec V+= Vr´ef/R1+vs/R2
1/R1+ 1/R2 = R2Vr´ef +R1vs
R1+R2 et V−=ve Donc :
ε= R2Vr´ef +R1vs
R1+R2 −ve
• vs= +Vsat siε >0c-à-d sive < R2 R1+R2
Vr´ef + R1 R1+R2
Vsat =Ve2. vs bascule de+Vsat à−Vsat pourve=Ve2.
• vs=−Vsat siε <0c-à-d sive > R2
R1+R2Vr´ef − R1
R1+R2Vsat =Ve1. vs bascule de−Vsat à+Vsat pourve=Ve1.
D’où la caractéristiquevs=f(ve) de la figure 16.
La commutation de +Vsat à−Vsat ne se fait pas pour la même tensionveque la commutation de −Vsat à +Vsat. L’état du système dépend des états antérieurs, ce phénomène est appelé hystérésis.
− +
ve
Vr´ef
vs R1
R2
Figure 15
ve
vs
Vsat
−Vsat
Ve2
Ve1
Figure 16
3. Application : Oscillateur à relaxation a) Principe de fonctionnement
Étudions le circuit de la figure 17 appelé multivibrateur astable. Il est constitué d’un com- parateur inverseur à hystérésis (avecVr´ef = 0) et un circuit(R, C)dont le rôle est de faire glisser le point de fonctionnement sur l’hystérésis.
Montrons que vs est de même signe que dve dt . On a :
i=−Cdve
dt et ve =Ri+vs
Donc :
dve
dt = vs−ve RC
• Sivs= +Vsat>0 alorsvs−ve>0 et donc dve dt >0;
• Sivs=−Vsat>0 alorsvs−ve<0 et donc dve
dt <0.
Doncvs est de même signe que dve
dt . Si ve croît alors dve
dt >0 et vs = +Vsat jusqu’à ce que ve =ve2 où vs bascule de +Vsat à −Vsat. ve décroît alors jusqu’à ce que ve = ve1 où vs bascule de −Vsat à +Vsat. On réalise ainsi un
ve
vs +
−
R2 R1
C
Figure 17 R
i
i
T /2 T
t ve(t)
vs(t) Vsat
−Vsat Ve2
Ve1
0 t1 t2
Figure 18
b) Période des oscillations
L’équation différentielle qui relieve etvs s’écrit : dve
dt = vs−ve RC Entre les instants t1 ett2 oùvs=−Vsat, On a :
dve
dt + ve
RC =−Vsat
RC La solution de cette équation s’écrit :
ve(t) =Ae−(t−t1)/RC −Vsat
À t=t1,ve=Ve2= R1 R1+R2
Vsat. DoncA=Ve2+Vsat. On a donc :
ve(t) = (Ve2+Vsat)e−(t−t1)/RC−Vsat À t=t2,ve=Ve1=− R1
R1+R2Vsat. Donc :
Ve1= (Ve2+Vsat)e−(t2−t1)/RC −Vsat Ce qui donne :
t2−t1 = T
2 =RCln(Ve2+Vsat Ve1+Vsat
) Finalement :
T = 2RCln(1 + 2R1 R2
)