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NATIONS UNIES INSTITUT AFRICAIN DE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUEET SE PLANIFICATION
DAKAR.
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reproduction/003/78
LA CAPTIVITE DANS LE ROYAUME aBRON DU GYAMAN
Extrait de l'Esclavage en Afrique précoloniale,
(11* Meillassoux éditeur,
Maspéro.
Par
EMMANUEL TERRAY
♦
MARS 1978
REPRGDUCTIGN/003/7ò
Page 1.LA CAPTIVITE DANS LE ROYAUME ABRON DU GYAMAN
Comme dans bien d'autres Etats de l'Afrique de l'Ouest précoloniale,
la population du royaume abron du Gyaman comprend un certain nombre de captifs. D'où viennent-ils ? Quel■' est leur' statut ? Quelles sont leursi
chances
d'échapper
à leur condition,? Quel est leurrôle
dans lesystème
économique et social des Abron . A la lumière des données réunies, comment caractériser ce système ? Telles sont les questions auxquelles cet articleessaie d'apporter une réponse.
Avant de commencer cette étude, il faut rappeler brièvement la
situation du royaume abron dans l'espaoe et dans le tempe. Le territoire qu'il
occupe se trouve au nord-est de l'actuelle Côte d'Ivoire et au nord-ouest
de l'actuel Ghana, entre le Comoé et la Volta Noire, à la limite de la
savane et de la forêt.
Fondé vers 1690 par le Gyamanhene
(roi)
Tan Date, le royaume du Gyaman.tombe en 17^0 sous la domination des Asante ; et celle-ci se main¬tiendra jusqu'en
1875
malgré de nombreuses insurrections en 175Q,176^+, 1798, 1800, 1818.
Le Gyaman ne retrouvera son indépendance qu'en1875*
quelques mois après la défaite des Asante par les Anglais et la
première
chute de Kumasi. De 1875 à
1882,
il connaîtra une phase d'expansi«n terri¬toriale rapide, suivie d'une période de graves troubles intérieurs qui ne
s'achèveront que vers
1890.
Envahi par Samori en18951
il sera occupé àla fin de
1897,
dans sa partie occidentale par les Français,dans sa partieorientale par les Anglais.
Le royaume abron est une communauté d'ordre politique, rassemblant
des populations de langue, d'origine, d'organisation et de cultures
très
différentes, étroitement enchevêtrées. Dressons-en un inventaire rapide.On trouve parmi elles : des groupes de langue gur, appartenant aux ensem¬
bles senufo — les Nafna, maîtres du territoire avant
l'arrivée
des Abron —et gurunsi — les Lorho, les Degha, et surtout les Kulango, assise paysanne du royaume ; des groupes de langue mandé - les Goro et les Gbin, puis les
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Ligbi accompagnés des forgerons numu, qui ont transmis leur langue aux autochtones Hwela ; enfin et surtout, les Dyula, installés les uns dans la'grande cité marchande de Bondoukou, située au coeur même du royaume, les autres dans la marche occidentale du Barabo, s'adonnant tous en priori
té au commerce ; et en dernier lieu, des groupes de langue akan : Agni, peuplant les royaumes satellites du Bini, du Bona et de l'Asikaso, et Abron, eux-mêmes formés sans doute par la fusion de deux éléments : un groupe brong de langue guan, établi depuis très longtemps au sud de la
route qui mène de Bondoukou à Wenchi, et un groupe venu à la fin du XVIIe siècle de l'Akwamu, au nord d'Accra. Ce dernier constitue une sorte
d'aristocratie guerrière qui est à l'origine de la fondation du royaume et qui" exerce pratiquement seule le
pouvoiir-
politique1 ; c'est à elle qu'appartiennent le lignage du roi, celui des chefs de province, et la grande majorité des "cadres politiques" de l'Etat : safohene(capitaines)
okyeame
(porte-parole),
etc.Dans tout qui suit, nous nous intéresserons exclusivement aux
captifs possédés par les Abron, et en particulier par cette aristocra¬
tie. Nous laisserons donc de côté les captifs domestiques des paysans
kulangb, et les captifs détenue par les commerçants dyula.
Page 3.
3- Les captifs et la richesse : le problème de la mobilité sociale
Quelle^ est la situation du captif au regard de la possession et de
l'usage des biens
? Ici les transformations qui peuvent intervenir au cours de la v.ie d'un captif sont particulièrement importantes. En unpremier temps, le captif ne possède rien ; il travaille sur les terres
du maître, et en retour celui-ci le nourrit ; il ne peut donc accumuler
aucune richesse. Ensuite, si le captif a noué avec son maître de bonnes relations, il est d'usage, notamment s'il a pris femme, de lui attribuer
une parcelle. Cette parcelle lui premettra de subvenir à ses besoins en
ce qui concerne la nourriture de base - l'igname -, le maître continuant
d'effectuer les achats complémentaires - viande, poisson, sel - qui exigent une dépense "monétaire" et sont effectués à l'échelle de la
cour. C'est.sans doute ce que Tauxier .veut dire lorsqu'il écrit :
"Le donko était, nourri, soit
complètement par le maître, soit s'il
avait une plantation à lui, à moitié''T Dans ces conditions, le captif dispose selon les cas de deux ou trois jours pour cultiver sa parcelle,
et il travaille le reste du temps sur la terr.e du maître. Le surtravail
du captif .prend donc ici la forme d'une prestation en travail, qui lui permet déjà d'amasser quelque richesse, puisqu'il use à son gré du produit excédentaire qu'il a pu tirer de la parcelle qui lui a été con¬
cédée. La prestation en produits semble avoir été beaucoup plus rare ; à vrai dire, nous ne l'avons entendu évoquer que dans un seul cas :
lorsqu'un captif hérite de la parcelle de l'un de ses compagnons décédés,
il la met en culture, en récolte le produit, mais remet à son maître la moitié de celui-çi.
On observe une progression du même genre en ce qui concerne les
activités commerciales. En ce domaine les captifs sont d'abord employés
exclusivement ccmme porteurs, soit pour le compte de leur propre maître,
soit pour le compte de leur propre maître, soit pour celui d'autrui. Dans
V
TAUXIER, 1921, p.328,
note.REPRODUCTION/003/78
Page km
le premier cas, le maître assure leur subsistance pendant le voyage, mais conserve l'intégralité du gain réalisé ; dans le second cas, le maître "loue leurs services à un tiers ; celui-ci prend à sa charge leur
subsistance, et il verse en outre une redevance - le "salaire"
porteurs - qui est, elle aussi, intégralement remise au maîtreT
^es
A' cestade, le captif n'a donc aucune possibilité de s'enrichir. Ultérieure¬
ment il peut" commencer à travailler en partie pour lui-même : plus préci¬
sément, il dispose, à son gré, de ce qu'il est capable de porter en plus
de la charge que lui a confiée son maître s il vendra get excédent et
conservera le gain pour lui. Enfin les vieux captifs peuvent commencer à leur compte, mais ils doivent remettre à leur maître un tiers des bénéfices réaliséso—2/
Le captif a donc plusieurs moyens "directs" pour améliorer
sa condition matérielle et amasser une certaine richesse. A ces moyens directs s'ajoute un moyen indirect : il peut hériter d'une partie des-
biens accumulés par un autre captif. Il est vrai que, selon Benquey, "il
ne peut hériter", mais encore une fois cette
règle,
universsellement va¬lable en théorie - puisque, sur ■de. plan, tout ce que
possède
le captifest propriété de son maître - ne s'applique en fait qu'aux captifs nouvel
lement arrivés. Elle ne concerne pas celui qui a déjà longuement séjourné
chez son maître et su gagner sa confiance : nous avons vu déjà qu'il pou¬
vait se voir attribuer la parcelle de l'un de ses 'compagnons décédés,
sous réserve de remettre au maître la moitié du produit. De même,
à,la
mort d'un captif, le maître s'attribue la moitié des biens mobiliers -
poudre d'orj pagnes, etc. - laissés par le défunt ; l'autre
moitié'va
au fils de celui-ci (dunkoba) ; mais si ce fils est trop jeune, c'est alorsle "frère" du disparu - c'est-à-dire un de ses camarades,-acheté ou Cap¬
turé en même temps que lui - qui la recueille^ et la fait fructifier,
. 3/
en attendant que le fils soit en age de l'utiliser.^;
V
BENQUEY, in Clozel et Villamur,;1902, p. 223..2/
BENQUEY, in Clozel et Villamur,- 1902-, p.- 222 i Tauxier, 1921. p.328
"
note.
3/
TAUXIER, 1921, p. 328, note.BEPR0DUCTI0N/003/7&
Page 5.
Comment le captif emploierait-il sa "fortune" ? Le plus souvent, il s'en servira pour acquérir à son tour des captifs. Il pour¬
ra dès lors se dispenser des prestations en travail que son maître
attend de lui ses propres captifs, le remplaceront ; par ailleurs, ils
travailleront la terre et feront du commerce pour son compte il jouira à .leur égard de toutes les prérogatlfôe d'un véritable- maître. Certes
le maître peut réclamer les services des captifs de son captif, mais il
ne peut leur donner directement .ses ordres ; s'il veut que sa maison
vive sans heurts, il ne s'adressera à eux que par l'intermédiaire de-
leur maître," c'est-à-dire de son captif. Ainsi la captivité, dernier -échelon de la hiérarchie sociale, est
elle-mSme
une condition hiérar¬chisée. : •
L'es premiers administrateurs ont visiblement du mal à comprendre, une telle situation, et ils en.soulignent la précarité î
"La propriété, quoi qu'on ait dit, n'existait pas pour l'esclave : le droit coutumier ne connaissait comme règle- dans les rapports avec
son maître que le ban plaisir de celui-ci. Sans doute nombre d'entre
eux arrivaient à se constituer un petit pécule avec lequel le plus
-souvent ils achetaient à leur tour des esclaves, mais çe.-n'était qu'une
tolérance de la part du maître qui en réalité possédait ftout et pou¬
vait à chaque instant s'en emparer". Une fois de plusf la théorie
autochtone de la captivité est confondue avec sa réalité ; en fait,
le capital enrichi rie'peut être .dép-uillé de ses biens qu'en .tiaison
d'une inconduite caractérisée ; mais précisément, s'.il a pu s'enrichir,
c'est "d'abord parce qu'il s'est bien conduit, ét l'on ne voit pas pour¬
quoi il changerait d'attitude au moment où il obtient la récompense de
s«s efforts.
En,ce qui concerne la possession des richesses matérielles,
Un captif peut donc s'élever notablement au-dessus de sa condition
initiale. Restant à déterminer les limites de cette ascension ; reste
aussi à en mesurer les conséquences sociales. Nous rencontrons ici un aspect du problème de la mobilité sociale en -pays.abron. ,
RSPRODUCTION/003/78 Page 6.
Dans certains pays akan, cette mobilité
paraît considérablo.
•Elle se manifeste sous deux-formes. En premier lieu, les captifs ou des hommes de basse extraction peuvent, en s'adonnant
à
des occupationsde .caractère "privé" — le commerce, d'abord, mais aussi l'extraction
de l'or - accumuler des richesses très importantes ; et l'on voit se
constituer, à côté des détenteurs.du pouvoir politique traditionnel, une
catégorie d'hommes riches dont l'influence est exclusivement fondée
sur la possession des biens matériels. Du fait de leurs contacts régu¬
liers avec les commerçants européens et de la
monétarisatiypn accélérés
de leur économie, les peuples de la côte ont connu
-très
tôt ce proces¬sus i et dès le XVIIe siècle, il avait, pris chez eux une grande ampleur.
Mais ils n'en ont pas eu le monopole. Sans que nous puissions déduire
des données publiées par C.H. Perrot l'existence d'une catégorie d'hom¬
mes riches dans 1'Indénié, nous n'y trouvons pas moins l'évocation de
la .'réussite économique "spectaculaire" .de certains captifs •• —
V
Nous ne rencontrons rien de semblable en pays abron, où la
corrélation entre richesse et statut social sembl^ beaucoup plus
rigou¬
reuse,. En fait, dans le rqayaume du Gyaman comme, semble-t-il, dans le
royaume Asante, l'enrichissement de.l'individu à travers le seul exer¬
cice d'activités privées se heurte assez vite à des barrières infran¬
chissables, et il n'entraîne par lui-même que peu de conséquences so¬
ciales. Un homme qui
seconsacrerait
parexemple entièrement
au commer¬ce susciterait vite, en cas de
succès,
la convoitise du roi et deschefs de provincej et se verrait très probablement
frappé
sous les prétextes les plus variés d'amendes assez fortes pour ralentirtrès
sensiblement ou même arrêter définitivement son ascension. Par ailleurs
une réussite purement "privée" est en pays abron profondément suspe®te :
dans une société où l'idée de croissance économique n'est guère admise,
un individu ne peut s'enrichir, pense-t-on, qu'au détriment d'autrui ;
ce que l'un gagne doit nécessairement avoir été
retiré à
d'autres, toutenrichissement suppose une redistribution des biens. Certains des V PERROT, 1969, p.
^90-^91.
il
»
«
REPRODUCTION/003/78
Page 7.
des mécanismes par lesquels s'opère cette redistribution - les amendes,
les redevances et prestations - sopt reconnus et acceptés par la
société,
mais ils jouent tous au bénéfice des détenteurs du pouvoir politique f
en revanche un .personnage qui accumulerait la richesse sans recourir à
ces mécanismes reconnus serait nécessairement soupçonné d'user de .moyens, inavouables et avant tout de sorcellerie. Les captifs, dont les ..aptitudes particulières en ce domaine sont déjà communément admises, seraient tout spécialement exposés à des suspicions de ce genre, et aux terribles
consé¬
quences qu'elles entraînent. En fait, en pays abron, seuls les Dyula peu¬
vent se tenir à l'écart de la hiérarchie politique officielle et cependant
s'enrichir impunément : d'une certaine façon, ils.jouent au Gyaman le
rôle tenu par les hommes riches sur la côte, mais leur statut
d'hôtes
duroyaume et leur appartenance à l'Islam modifient considérablement la
signi¬
fication et la portée de ce rôle. . ■ ^
Autrement dit l'acquisition des richesss ne peut se poursuivre
comme activité autonome que dans des limites assez étroites, et la richesse
amassée à l'intérieur de ces limites n'apporte pas par elle—même l'influen¬
ce sociale et la puissance politique. Un homme qui s'est
constitué
unecertaine fortune ne peut espérer la conserver, l'accroître et la faire
servir à ses ambitions sociales et
politiques
que s'il lamet à la dispo¬
sition du pouvoir constitué. Deux méthodes s'offrent alors
à
lui : ilpeut-venir
directement enfaide à la trésorerie du roi et des chefs de province, dont les charges sont'lourdes et qui sont'souvent en difficul¬tés ; il "peut aussi' recruter et équiper à ses frais une compagnie de guerriers qu'il placera én temps de guerre au service du souverain. En récompense le roi ou lè chef de province le nommera safohene, lui confiera
la surveillance d'un certain nombre de villages ; il exercera alors sur
ces villages le pouvoir judiciaire en première instance et percevra donc
une part des amendes, il participéra à la collecte des redevances et
pré¬
lèvera aussi sa part : les "mécanismes reconnus de la redistribution et
de la concentration des richesses joueront désormais à son profit. Bref,
la richesse ne mène au pouvoir que dans la mesure où son
détenteur
peutREPRODUCTION/003/78
Page 80 *
l'utiliser pour s'intégrer à la hiérarchie politique existante, et seule
cette intégration permet à l'homme de s'enrichir encore sans risquer à
tout instant spoliation et la chute.
t ■ " • ' ■ o •
Mais il faut souligner ici que la richesse n'est qu'une des
voies qui permettent d'accéder aux premiers échelons de la hiérarchie politique : un homme'qui se sera distingué par sa bravoure, son éloquence
ou Sa sagesse pourra lui aussi être nommé safehene par le souverain.
Ainsi, dans ce couple de ' la richesse et du pouvoir, c'
est'
indéniablementle
pouvoir
qui joue le'rôle déterminaht : si lá richesse est un desmoyens d'accéder au pouvoir, elle est1 bien'loin d'être le seul : en
revanche, au delà du seuil doht nous avons parlé, 1'accumulàtion des
richesses ne peut se poursuivré que comme la conséquence d'une ascension
dans la hiérarchie politique, et sa continuité est rigoureusèment dépen-v
dante des péripéties de cette ascension.
Poser le problème de la mobilité sociale en pays asante comme
.... .... •- • ...
... . f .• •. ■ . .. ... • • - ■ -
en pays .abron, c'est donc ce demander si et .dans quelle mesure la carrière politique est ouverte ,à tous et notamment aux captifs. Précisons ce terme
de "carrière"
politique. Dans les
deux royaumes, onpeut voir des captifs
jouer à titre de conseillers officieux un rôle politique important.Bowdich évoque à plusieurs.reprises la présence, dans l'ombre du roi et
des chefs de l'Asante,. d'"esclaves de confiance", et déclare qu'ils "ne
sont pas peu nombreux", tout .en indiquant qu'ils ne forment qu'une petite
minorité de l'effectif total des captifs. Auprès de leurs maîtres, ils
sont à la fois des confidents et des conseillers ; le roi et .les chefs se montrent aussi familiers avec eux qu'ils se montrent distants
vis-à-vis
de leurs propres sujets .; ce qui s'explique, nous dit Bowdich, par leur volonté de "s'attacher une force étrangère .pour réprimer le mécontentement
des basses classes de leur propres pays". De telles ."éminences grises"
se rencontrent également dans l'histoire abron : ainsi,
au bas de la lettre qu'après la prise de Bondoukou par Samori le roi
Kwaku Agyeman remet au lieutement de vaisseau Bretonnet afin de demander
REPRGDuC'IIGK/, u Page 9.
du secours aux Français, on peut lire la mention suivante : "Ecrit cette
lettre sur la demande pressantè du roi Ardjoumani et sous sa dictée, en
présence de Kofi, son fils, Ardjoumani, son
petits-fils, Dibois (sic) son
captif, tous trois ses conseillers intimes"v II semble toutefois
qu'ait
Gyaman ce rôle occulte, ait été principalement tenu par des Dyula. Mais
en tout état de cause, l'existance de tels personnages peut-elle être
considérée comme un indice de mobilité sociale ? Je ne le pense pas ; certes ces captifs sont dispensés des travaux et des peines qui sont le
lot du commun des captifs ; ils mènent une vie plus douce et plus confor- table, et dans la coulisse, ils exercent une influence réelle : mais ils
' ■ -
. . - s. . • - - • • •f..
restent exclus de la hiérarchie sociale et politique officielle, et ils
doivent tout ce qu'ils sont au seul bon plaisir de leur maître, qui peut
du jour au lendemain les ramener au néant sans aucune formalité. Bien plus, c'est précisément dans la mesure où ils restent à l'écart de cette hiérarchie officielle et demeurent des captifs qu'ils peuvent jouer leur rôle : si leur maître a confiance en eux, c'est d'abord parce qu'il ne se sent pas menacé par eux, parce.que leur statut d'inférieurs leur interdit
de se poser jamais en rivaux vis-à-vis de lui. ,
Pour l'Asnnte comme pour le Gyaman, on ne peut donc parler de mobi¬
lité sociale que dans la mesure où des hommes de basse extraction, et,,
dans le cas qui nous intéresse, des captifs, peuvent accéder, non seulement à des positions où ils peuvent exercer une influence de fait, mais aux fonctions et grades socialement institués et reconnus par la.communauté politique dans son ensemble ; or à cet. égard, l'Asante et le Gyaman suivent
des voies profondément différentes. En Asante, si seule une minorité de captifs peut s'engager dans- la carrière politique ains.i définie, les heu¬
reux élus peuvent en revanche s'y élever très haut. Bowdick évoque sur- ce
point plusieurs exemples significatifs, tel celui de Mosoe, esclave de
"Quqphie Jacon", chef de l'une des provinces du Wassa, : Musoe. devint
chef de Samcow, et accorda hospitalité et protection à son ancien maître lorsque celui-ci fut chassé de son siège par son rival Esson Cudjo ; tel
"V
Kwaku Agyeman, au Gouverneur de la Côte d'Ivoire, 9 août1895
j Archives FOM, Missions 11.REPRODUCTION/003/78
Page 10.surtout celui d'"Agay"
(Agyei),
qui dans sa jeunesse transportait sur sa tête des charges de sel entre Kumasi, et sut à ce point conquérirt
la confiance de ses maîtres successifs par sa franchise, son éloquence et sa sagesse, que le dernier de ceux-ci, l'usantehene Osei Bonsu, finit par le
nommer second Okyeme
(porte-parole)
du royaume, A la même époque, le sannahene (trésorier) Opoku déclare à Hutchison qu'il possède "un esclave qui a milleserviteurs en armes et qui pourrait lui créer des ennuis". Un demi-siècle plus tard, Ramseyer et Kuhne nous rapportent le cas d'Akyena, captif du chef
Asante *idu Bofo, qui les conduisit de Krépi à Kumasi après leur capture :
"Akyena, vieillard d'une soixantaine d'années au front chauve- et à la barbe -gri¬
sonnante, était peut-être le plus déségréable de tous nos gardiens...Esclave
d'un rang supérieur, il possédait lui-même un grand nombre d'esclaves et
plusieurs femmes". Comme le remarque Ellis, l'importance de la position attein¬
te par iijyena est soulignée par le fait qu'Adu Bofo n'hésita pas à lui con¬
fier la garde des précieux prisonniers blancs et le commandement de leur escorte, pourtant formée de guerriers libres.
En pays Abron, nous n'avons rencontré aucun exemple de ce genre : un seul rôle, celui de kara, fait intervenir'les captifs sur la
scène
politique ;encore cette intervention est-elle, nous allons le voir, très indirecte. La première signification du terme de kara est "âme, esprits" : le captif inves¬
ti du rôle de kara est en quelque sorte l'incarnation de l'âme de son maître.
Au Gyaman, chaque homme libre peut avoir un captif kara : le roi et les chefs
de province en ont plusieurs, mais l'un d'entre eux est alors privilégié. Le
maître choisit son kara avant même d'être intronisé ; désormais le kara mènera
la même existence que lui. Ainsi le kara d'un roi ou d'un chef de province,
reconnaissable à la plaque d'or qu'il porte suspendue à son cou, ne va"jamais
travailler en brousse ; il porte les habits du roi et mange la même nourriture
que lui ; il l'accompagne dans tous ses déplacements et, à la guerre, il se tient à ses côtés. Le kara est respecté par tous ; "il est comme le fils du roi'i nous a-t-on dit "on ne peut pas l'insulter" 5 aussi lui attribue-te»on
volontiers un caractère orgueilleux et arrongant ; il "se vante"
(o
dibakoma).
Chaque semaine, le jour anniversaire de la naissance du roi - jour indiqué
par le prénom de celui-i-oi - a lieu une cérémonie dont l'objet est de "laver"
l'âme du souverain des impuretés qui ont pu s'accumuler sur elle, et qui pourraient à la longue atteindre sa vitalité.
m
RSPRODUCT XON/003/78 Page
11*
Ce
jour-là,
le roi f&itpréparer
desoeufe et
unplat de
iiour#.riture que le kara s'en va déposer stw le sol en un lieu recouvert au -
préalable de kaolin. Puis le kara se teint les joues en blanc, toujours
avec du kaolin, revêt un pagne et se pare des bijoux du roi ; alors, au
son des tambours, on le porte en palanquin à la rivière, où l'on .emmène également un mouton et un poulet. Là, le kara et son escorte se lavent ;
on lave aussi le mouton et le poulet, qui sont sacrifiés au retour. Lors
du décès du roi, les kara sont mis à mort, et c'est le corps du premier
d'entre eux qui est déposé dans la tombe du souverain sous le cadavre de
celui-ci. ^ _
Du fait de sa longue intimité avec le chef, le kara peut devenir dépositaire des secrètes pensées de son maître, et c'est pourquoi, au moins
en Asante, certains d'entre eux étaient épargnés lors des
funérailles
royales : il fallait qu'ils puissent transmettre leur 'savoir au" successeur.
Nos informateurs abron n'ont pas mentionné d'exemptions de -ce genre. Il
reste qu'au Gyaman, le kara, bien placé pour recevoir les confidences de
son maître; assuré par ailleurs d'une immunité totale contre les intrigues
de la cour tant que le roi est en vie, peut s'il en a le désir et la capa¬
cité, exercer une influence importante, et cette influence est cette fois
reconnue et admise. . . . ....
De l'existence des kara, faut-il conclure que la
carrière
politi¬que est ouverte au moins en partie aux captifs ? Je ne le pense pas, car s'il est réservé au* captifs, ce rôle de kara est aussi le seul auquel
ils puissent prétendre ; or il est clair qu'il est d'abord d'ordre religieux,
et ne peut donc être confondu, ni avec les fonctions
gouvernementales,
ou administratives - sannahene(trésorier),
gyasehene(intendant),okyeme (porte-parole),
safohene(capitaine)
- ni avec les fonctions dévolues auxr
membres de"*la* maison et de la cour du roi - asokwafo (musiciens), akofranafo
. r . •>.*- . • ■ ■ ' •
(porte-glaives),brafo (bourreaux),
etc. Plusprécisément,
le karatient
toute sa puissance de son identité "mystique" avec la personne de son maître;
il n'occupe donc pas dans la hiérarchie politique un poste distinct. S'il
a de l'influence, celle-ci s'exerce exclusivement par l'intermédiaire du
roi ; il n'a aucun pouvoir direct. S'il profite largement des richesses royales, il n'a pas de biens qui lui soient propres. Le kara ne constitue
donc nullement un indice de mobilité sociale au bénéfice des captifs.
REPRODUCTION/GOYA'S
Page 12
Iré Gyaman ;sé- distingue- donc;
profondément"
su'r'ce
point dé- l'usante, où l'on trouve non seulement des dkra, mais aussi, comme nous l'avons vu, des captifs qui s'élèvent très haut dans la hiérarchie politique proprementdite. Comment s'explique cette différence entre les deux 'royaumes ? Sans
m'attarder sur ce point, qui appellerait de longs développements, je pense
qu'elle tient à des différences d'origine et de structure entre les deux
Etats : le royaume du Gyaman est un' Etat fondé sur la conquête ; une petite
aristocratie guerrière d'origine akan y gouverne une majorité de paysans
kulango et de captifs venus du nord ; l'unité du royaume est donc fragile ; pour la conserver, il faut assurer
à
la fris la cohésion etl'homogénéité
de la catégorie dominante, A cette fin concourent plusieurs dispositions ;
partage du pouvoir -entre le roi et les chefs de province', enchevêtrement
des provinces, large diffusion des chances d'accès au pouvoir dans l'aris¬
tocratie dirigeante, grâce à un système de succession par rotation, tous
ces traits tendent à réduire les occasions de conflit à l'intérieur de la minorité abron, donc à protéger son unité. Mais il faut également
empêcher
cette minorité de se dissoudre dans la multitude de ses sujets : c'est pourquoi elle constitue un groupe relativement fermé et s'attribue une sorte de monopole sur les responsabilités politiques, Au contraire,
même
si l'Asante est très vite devenu un empire, son noyau initial - les Etats
de la Confédération, Kumasi, Juaben, Bekwai, Kokofu, Mampon, Nsuta - forme
un ensemble homogène quant à la langue, aux coutumes,
à
la religion, quantaux origines historiques également ; avec le système des clans, il dispose
par ailleurs d'un puissant facteur d'intégration. Aussi sans mettre en
péril
t -v•
son unité, peut-il bien davantage que le Gyaman
favoriser
lapromotion des
étrangers, même d'origine servile. Et lorsque 1'nsantehene, soucieuxà
lafois d'administrer efficacement son empire et de balancer la puissance des
chefs traditionnels, tentera de constituer un corps de
détenteurs d'offices
entièrement dévoué à sa personne, les captifs seront pour ce corps des
recrues particulièrement désignées, puisque si haut qu'ils puissent
s'élever
ils tiendront toujours toute leur fortune du seul bon plaisir royal.
repro'DUCtion/003/78
Page 12(Bis)-.
A-, Fonctions économiques des, captifs.
Quelles sont les fonctions assumées par les captifs dans l'économie
du royaume 2 On peut, me semble-t-il, les ranger sous trois rubriques.
»
En premier lieu, les captifs accomplissent une partie
très
importante du travail agricole. Traversant le Gyaman du sud au nord du
cours de son voyage vers Bondoukou, Ewart écrit : "De grandes
quantités
de terres sont mises en culture ; tout le travail est fait par des escla-
ves qui sont principalement des Moshi et des Grunshi". En fait, s'il est
„difficile de concevoir une cour abron sans captifs, il est cependant
exagéré.d'affirmer que tous les travaux des champs leur incombent. Lorsque
le maître est simplement un homme libre, il participe également
à
ces travaux, ainsi que sés enfants et ses proches. Le captif doit alors sim¬plement travailler plus dur que les autres,- et on lui confie les
tâohes
les plus pénibles et les plus salissantes. Mais il en va autrement dans
la cour du roi, des- chefs de province et même,, des notables
(safohene,
okyèame,
etc.)
: on n'imagine pas, avant la colonisation, un chef abron penché sur sa houe. Ici, ce sont effectivement les captifs, qui assurentla totalité du travail, à une réserve près : dans le cas du roi et des
chefs de province, les habitants du village-capitale et ceux des villages
environnants sont requis à tour de rôle pour une journée pendant les périodes d'activité les plus intenses, et notamment celle du buttage des ignames. Mais en dehors de ce concours occasionnel, l'aristocratie abron
vit du travail de ses captifs. Les fils, les serviteurs et les plus
âgés- des captifs-du rei—ou. du chef ..surveillent. .,1!,avancement de l'ouvrage.
Etant affectés à la culture des champs, dont beaucoup sont fort éloignés
du village, nombre de captifs n'habitent pas la cour de leur
maîtreq
et»
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passent le plus clair de leur existence dans des campements installés à
côté des plantations dont ils ont la charge : ils peuvent ainsi protéger
celles-ci contre les incursions des agoutis et autres animaux sauvages.
En second lieu, les captifs accomplissent la plus grande partie
des travaux liés à l'extraction de l'or. En pays abron, celle-ci. pratiquée
sous deux formes nettement distinctes, tant sur le plan des techniques
mises en oeuvre que sur celui de l'organisation du travail et de la répar¬
tition du produit.
Tout d'abord, l'or, sous forme de poudre, est tiré des alluvions déposées par les cours d'eau qui coulent sur des terrains aurifères, au moyen d'un procédé analogue au lavage à la bâtée utilisé par tous les
chercheurs d'or individuels au XIXe siècle, en Amérique comme en Australie.
Tandis que les hommes recueillent les alluvions, l.e. lavage proprement dit
est réservé aux femmes et aux captifs. Chaque chef de famille peut libre¬
ment tenter de se procurer de l'or de cette façon ; toutefois, s'il se
livre à ce.tte recherche en dehors de son propre village et de sa propre
province, il devra verser une redevance aux chefs du village et de la province dont relève le site qu'il exploite. Seuls le roi et les chefs
de province sont dispensés de cette redevance, et ils peuvent par
consé¬
quent faire chercher l'or par leurs captifs où bon leur semble-r Le long
des rivières "aurifères", on trouve donc côte à côte les hommes libres
et les captifs envoyés par le roi, les chefs de province et les notables
sous la surveillance d'un de leurs fils ou de leurs serviteurs.
1/
taux1ER, 1921, p. 337.REPR0DUCTI0N/00>78
Page 14
Par ailleurs, l'or est extrait de véritables mines,
dont
les princi¬pales sont réparties entré deux
zoncs-^
La première se trouve au sud et ausud—est de Bondoukou, aux abords de la route qui conduit de Bondoukou
à
Asikasopar Dadiasi,- Asuefri et
Mátemangwa,
Elle fut la première exploitée,et sonexisten¬
ce semble avoir été l'une des causes qui
déterminèrent
l'arrivée dans la régiondes premiers Abron» L'autre est constituée par les massifs montagneux qui
s'élèvent à l'èuest et au nord—ouest de Bondoukou, dans les environs de Sapia
et de Sapli ï sd mise en valeur semble avoir commencé après la défaite infligée
aux Abron par l'Asantehene Opoku Ware vers 1740 j en particulier c'est à Siraude
que les Abran ont trouvé l'or qui leur a permis de payer le tribut exigé par les
Asante à partir de cette date ; c'est également à Siraude qu'ont été découver¬
tes les pépites avec lesquelles le roi Adingra se fara fabriquer une chaise an
or massif, .défiant ainsi l'autorité de l'Asantehene Osei .Bonsu, ce qui provo¬
quera la guerre de 1818» Si l'on en .croit Ereeman, la
première
de ces deuxzones est aussi la plus riche, et elle attirera de nombreux étrangers des Asante, tels ceux qu'Adingra fera jeter dans les puits de mine à ,1a veille de
la guerre de
l8l8,
desAowin,
tels ceux que Lonsdale rencontre entre Daimba et Bentikrum, et qui sont établis au Gyaman depuis cinq générations»La technique utilisée dans ce second cas est bien différente : il s'agit en effet ici d'atteindre le filon aurifère lui—nrême» On creusera donc des puits, de 70 centimètres, à 1 mètre de
diamètre^
et d'une profondeur qui esten moyenne de 3'à 10 mètres, et qui peut aller, si l'on en croit Clozel, jus¬
qu'à 20 mètresComme l'objectif est d'épuiser le filon, et que les
Abron, à
la différence des Baule, ne percent pas de galeries horizontales reliant les
divers puits, q,eux—ci sont creusés a des intervalles très réduits, de quelques
mètres au plus : le terrain exploité ressemble ainsi à une véritable écumoire.
Sur les parois du puits, on dispose un bourrelet d'argile de forme hélicoïdale grâce auquel le mineur descend au fond du puits en aplliquant la méthode connue
J/
Report of Lang, November 17,1892
; P»R»0.C»0. African West, 435*.2J
Report of Davidson-Houston, June 30,1896, P»R»0»C»0. 9^/275
»Glozel, 1906,
P» 53-54•
}J
Clozel,1906,
p. 53-54»REPRODUC
TION/003-7 8
Page 15 ""des alpinistes sous le nomd'opposition ï les pieds sont placés sur le bourrelet,
et le dos est appuyé sur la paroi opposée» Lorsque le filon est atteint,
l'extrac¬
tion commence : la terre aurifère, déposée dans des calebasses, et les blocs de quartz sont remontés au jour à l'aide.de lianes# A la surface, une équipe lave
la terre ou concasse le quartz» C'est pour permettre ce lavage que la plupart des
mines sont installées à proximité des cours d'eau ; lorsque cela n'est pas le cas, des captifs transportent la terre extraite du puits
jusqu'à
larivière la
plus proche j ou bien l'on creuse des fosses profondes de 1 mètre 50 à 3mètres,
et la:terre est lavée avec les .eaux de pluie déposées au fond de la fosse#
Le travail dans les ,mines est entièrement réservé aux captifs parce que,
nous a-t—ion dit, il s'agit d'un travail très pénible et surtout très dangereux#
De fait, lorsque le filon est atteint, le mineur commence à creuser autour de lui
à l'horizontale ; dès lors le puits prend très vite la forme d'un ctlne de plus en
plus évasé# Comme aucun travail de boisage n'est entrepris pour consolider les
voûtes,
celles-ci s'effondrent souvent, et le mineur est alors enseveli sous des. ' 1
mètres d'éboulis qui rendent tout sauvetage impossible# C'est la raison pour laquelle les hommes libres ne se risquent pas au fond dès puits#
Or,
compte tenu ducaractère
aléatoire des forages —les
filons nesont
pas atteints du premier coup, et ne sont pas également
riches
—,compte tenu,
par conséquent de la néoessité de creuser de nombreux puits, compte tenu, enfin, dufait que chacun des puits exploitables occupe, nous le verrons, de trois
à
sixpersonnes ,au moins, seuls .ceux'qui disposent d'une main—d'oeuvre servile
abondante
peuvent s'engager avec profit dans les entreprises minières# C'est pourquoi, bien qu'en théorie chacun soit libre de s'y livrer, elles sont en
fait
réservées au roi, auxchefs
de province et aux plus riches dos notables#■>L'extraction de l'or est dans une large mesure une activité saisonnière qui se pratique pendant les .premières semaines ou les premiers mois de la petite
et de, la grande saison sèche# En effet, les pluies rendent le
travail très diffi¬
cile : led puits de minés "sont inondés ; par ailleurs les rivières sont en crue, 'et seuls des
plongeurs"peuvent
alórs atteindre les alluvions déposées dans leurA '• X
lit ; mais il s'agit là d'une opération qui n'est guère rentable î pendant la
x y' i
remontée du plongeur à la surface, la plus grande
partie
dusable recueilli
REPRODUC TI
ON/00>-7 8
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16
retombe au fond» Enfin, en
cette période, le travail agricole retient la plupart
des travailleurs disponibles : aussi*les villageois se
bornent à exploiter l'or
sur le* territoire de leur propre village, et se livrent
principalement
au concas—sage des quartz et à fa recherche des
pépites» Mais
parailleurs le, lavage des
sables et de la terre aurifère exige d'importantes quantités
d'eau
: orcelle—ci
se fait plus rare à mesure que la saison
sèche
avance, et letravail de l'or
n'est bientôt possible•qu'aux alentours des cours
d'eau permanents» Ainsi les
époques de l'année les plus
favorables à l'extraction de l'or
sous sesdiverses-
formes sont celles qui suivent immédiatement les
pluies
îc'est alors
que se pro¬duisent vers les gîtes aurifères des migrations
temporaires qui peuvent entraîner
des villages entiers : ainsi en novembre
1093» Braulot rencontrera dans l'Asikaso
les habitants du villages abron de Kandena, situé
à
unecentaine de kilomètres I
plus au nord»
•Compte tenu de ce caractère saisonnier^
l'extraction de l'or mobilise
enpays abron des effectifs considérables de travailleurs»
A s'en tenir
auxraines,
en effet, l'exploitation
d'un puits exigé le
concourssimultané drau moins trois
personnes î le mineur au fond du puits,
celui qui remonte à la surface les blocs
de quartz ou les calebasses
remplies
:de terre,et la laveuse
; parailleurs le
caractère pénible du travail impose.des
relèves
fréquentes :il faut donc compter
pour chaque puits deux équipes ainsi constituées ;
si le lieu de l'extraction est
éloigné de celui du lavage, il faut prévoir en outre
des porteurs» Comme des
centaines ,de puits sont en activité au môme moment, on comprend
l'importance de
la main-d'oeuvre requise» Nous disposons à ce; sujet de
quelques données, qu'on
ne saurait prendre au pied de la.lettre
puisqu'il s'agit de témoignages de seconde
ou de troisième
main, mais qui n'en fixent
pasmoins des ordres de grandeur.
Dupuis, qui se rend
à Kumasi
en1820, écrit
:"Sur les rive du Barra, une rivière
qui prend sa source
près
dela grande ville musulmane de Kherabi et coule vers
le sud pour se .jeter dans le Tando ou
rivière d'Assinie, les Qamans pratiquent
le lavage de l'or, et mes
informateurs .rapportent
quependant la saison des pluies,
il y a du travail pour huit ou dix mille