Caniveaux de tuf

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Caniveaux de tuf

PITTARD, Jean-Jacques, DELLA SANTA, Jean

PITTARD, Jean-Jacques, DELLA SANTA, Jean. Caniveaux de tuf. Revue polytechnique , 1941, p. 1-8

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:142129

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SOCIÉTÉ SUISSE DE SPÉLÉOLOGIE

Canive,aux d.e tu.f:

PAR

Jean-J.

or

ET

Jean DELLA SANTA

Extrait du Bulletin de la Société Suisse de Spéléologie du 25 avril 1941

GENÈVE

IMPRIMERIE DE LA TRIBUNE IJE GENÈVE H.ue du Stand, 42

1941

Caniveaux de tuf

Par J.-J. PITTARD, Dr ès sciences et Jean DELLA SANTA

Les eaux tufeuses coulant sur une pente assez raide peuvent laisser, en période de faible débit et de forte évaporation, des successions de dépôts qui se développent et grandissent lentement.

Photo J.-J. Pillard Fig. 1. - Stade de début : Le petit ruisseau coule dans

son caniveau de tuf recouvert de mousse.

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En effet, le ruisselet abandonne du tuf sur le fond de son lit et sur ses berges. L'ensemble s'exhausse peu à peu et le cours d'eau finit par couler dans un lit surélevé.

Cette sorte de ^<< caniveau » forme une architecture curieuse : on a le spectacle paradoxal d'un cours d'eau qui au lieu de couler dans le fond d'un vallon, comme il serait normal, se tient sur une construction en relief.

De jolis exemples de ce phénomène (assez fréquent

Photo J.-J. Pillard Fig. 2. - Grâce à un petit obstacle, le ruisseau se met à couler

près des bords du caniveau.

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dans les régions montagneuses possédant des eaux fortement minéralisées) peuvent se voir en Valais, aux sources d'Uvrier, près de St-Léonard: trois

·sources prenant naissance dans un plateau relative- ment élevé se lancent sur les pentes rapides domi- nant le grand monastère d'Uvrier.

Entre le plateau supérieur et Uvrier on remarque un beau vignoble dont la terre est retenue par une série de murs assez hauts, l'ensemble s'élevant par gradins successifs.

Photo J.-J. Pillard Fig. 3. - Le grand caniveau d'Uvrier. Le ruisseau est déjà fortement surélevé par rapport au terrain environnant.

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Les trois sources, fortement calcaires, sont utili- sées pour l'irrigation de la partie inférieure de ce vignoble. Non loin de leur émergeance, ces eaux circulent librement et construisent perpétuellement des édifices de tuf.

C'est là que nous avons eu l'occasion d'étudier en détail la formation de caniveaux naturels lors d'une exploration de la Société suisse de spéléologie.

Nous avons vu le stade de début: une petite source descendant d'un mur, au lieu de s'épancher comme le font en général les eaux coulant le long des parois de rochers, voit son cours nettement encaissé dans un petit canal qu'elle a bâti elle-même. Une autre, plus abondante, a laissé sur un ressaut du terrain

Photo J.-J. Pillard Fig. 4. - Ruisseau franchissant un mur dans un caniveau

~ bords étroits et élevés.

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un gros amas de tuf. Elle passe au sommet de ce dernier, à plus de deux mètres au-dessus de son ancien cours. Là aussi nous avons un petit canal profond de vingt centimètres et large de trente centimètres. Grâce à la masse de tuf occupant le replat du sol, le i:uisseau évite la brusque dénivella- tion du terrain et suit une ligne oblique et régulière.

La troisième source a établi une grosse protubé- rance qui semble posée sur la terre. Elle coule au sommet de celle-ci dans une fente étroite, puis se

Photo J.-J. Pillard Fig. 5. - Un des caniveaux d'Uvrier à cours sinueux.

L'abondante végétation est due à !'humidité du tuf.

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jette dans le vide, arrive dans une vasque, en sort par un caniveau naturel puis entre dans une canali- sation en béton qu'elle a tendance à obstruer peu à peu.

Un grand caniveau de tuf existe dans la vallée de l' Arc en Maurienne. On peut le voir non loin de la route nationale du Mont-Cenis, entre Saint-] ean et Saint-Michel de Maurienne, immédiatement après le pont de Villarclément sur lequel cette route fran-

Photo J.-J. Pillard Fig. 6. - La grande source d'Uvrier. Stade de formation d'une grosse protubérance. Une gargouille est en train

de se développer à la base du caniveau.

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Dessiné par C. Albanési fig. 7. - Le grand caniveau de Villarclément, près de

Saint-Jean-de-Maurienne.

chit l'Arc au sortir de Saint-Jean de Maurienne. Il a été décrit par le professeur M. Gignoux, de Gre- noble 1. Il s'agit d'un grand canal naturel passable- ment en saillie par rapport au sol qui l'entoure.

1 Gignoux, M. Architectures édifiées par les sources tufeuses. (La Terre et la Vie, 7° année, N° 2, Paris mars- avril 1937).

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Evidemment un tel exhaussement ne pourra pas continuer indéfiniment ; il arrivera un moment où le ruiseau ainsi perché au sommet d'une crête sail- lante, l'inclinaison du lit diminuant insensiblement, viendra se déverser par-dessus les digues qu'il cons- truit : il va ainsi les élargir et tous ces dépôts de tuf finiront par former une énorme protubérance qui, posée sur le sol, n'aura rien de commun avec le paysage environnant. C'est ce phénomène que l'on peut voir à la troisième source d'Uvrier.

Une abondante végétation, due à l'humidité du tuf, se développe sur ces grosses verrues, tandis que les caniveaux, fixés aux rochers ou aux murs des vignes n'ont que de la mousse sur leurs rives, les autres plantes n'ayant pas la terre nécessaire à leur existence.

Ainsi des eaux riches en matières dissoutes peu- vent modifier le caractère d'un site : au lieu de suivre, comme on pourrait s'y attendre, les dénivel- lations du sol, elles coulent sur des constructions en relief, dont elles sont les architectes. Ces construc- tions finissent par se transformer peu à peu en amas, parfois considérables, de roches étrangères posées sur celles des environs, dont elles diffèrent souvent beaucoup.