Contribution à la taxonomie et à l’écologie
des chênes du Berry
P SIGAUD G.
GRANDJEAN,
Domaine des Barres,
P. SIGAUD
F 45290
Nogent-
E. N.I. T. E. F., Domaine des Barres, F 45290
Nogent-sur-Vernisson
Résumé
Des observations
morphologiques
fines de rameaux, feuilles et fructifications sont effectuéessur 419 chênes, dans des
populations sympatriques
ouallopatriques.
Dix-neuf caractères, divisés en un total de 82 classes, sont ainsi recensés.L’analyse
factorielle descorrespondances
met enévidence 3
pôles
très nets reliés parquelques
intermédiaires. Ces 3pôles correspondent
àQuercus
robur L.,
Quercus
petraea (Matt.) Liebl., et Quercuspubescens
Willd. La rareté des individus réellement intermédiaires permet de rattacher laplupart
des arbres à l’un des trois taxons.Les variations des
longueurs
despédoncules
et despétioles
sont étudiées séparément dansl’arbre et le
peuplement.
Parallèlement, des stations sont isolées par une étude
phytoécologique,
et sont corrélées à l’étudetaxonomique.
Il ressort de cette confrontation que :- la
population
de chênes est une indicatrice du milieu,-
spéciation taxonomique
etséparation écologique
vont depair.
Quoique
leséchanges interspécifiques
semblent limités à l’heure actuelle,l’hypothèse
del’introgression apparaît malgré
toutplausible.
Introduction
Les chênes ont
toujours occupé
uneplace privilégiée
enEurope,
tant à cause deleurs
qualités technologiques
que de la valeurquasi-sentimentale qui
leur est attribuée.Ils restent
malgré
cela très méconnus des forestiers et deschercheurs,
et desquestions
sontrégulièrement posées
à leursujet.
La
première
etprincipale
est d’ordrebotanique :
si l’existence des 3grands
chêneseuropéens : Quercus
roburL., Quercus petraea (Matt.)
Liebl. etQuercus pubescens Willd,
ne faitplus guère
dedoute,
il n’en est pas de même des individussupposés intermédiaires ;
les innombrables formesqui
necorrespondent
pas auxdescriptions classiques
ont étéinterprétées
tantôt comme dessous-espèces,
variétés ouformes,
tantôt comme des
hybrides.
Plusieurs travaux ont été réalisés ces dernières décennies à
l’étranger,
et unethéorie unificatrice a été
proposée,
celle del’hybridation introgressive.
Seloncelle-ci,
après interfécondation,
les croisements suivants seraient surtout desback-cross, chaque
espèce
«phagocytant
» ainsi peu à peu unepartie
dugénôme
d’une ou des deux autresespèces.
Les individushybrides
formés auraient des caractèresintermédiaires ( 1 )
entre ceux desespèces parentales,
etoccuperaient
des localisationsécologiques
différentes desexigences
desparents.
Il
s’agissait
donc de savoir cequ’il
en est dans leBerry
où le chêne constitue un matériel forestierimportant n’ayant jamais,
à notreconnaissance,
faitl’objet
d’étudesfines.
On
envisagera
successivement dans cet article lesaspects botanique (taxonomie
etvariation), écologique
etphytogénétique.
1. Taxonomie
l.l. Matériel et méthodes d’étude 1.11.
Méthodologie générale
Le but du travail est de vérifier la validité de la classification des chênes. La mise
en évidence d’éventuels intermédiaires nécessite une étude
morphologique
fine desarbres,
et non unesimple
reconnaissancepratique.
Cette taxonomie se fait en 3
étapes : description
des U.T.O.(Unités
Taxonomi-ques
Opérationnelles,
ici lesarbres),
estimation desressemblances,
et classement en groupes.Il faut donc au
départ
un nombreimportant
de caractères différentielsindépen- dants,
ousupposés tels,
dont le regroupement aposteriori
permettra de définir les taxons. Les caractères enquestion
concernent le rameau del’année,
lafeuille,
et lafructification.
1.12.
Région
d’étudeL’étude a été réalisée en
Berry (départements
du Cher et del’Indre),
au Centre del’Office National des Forêts de
Bourges.
Le climat est de
type océanique dégradé,
avec une tendance continentaleplus
oumoins
prononcée.
Le domaine
floristique
estatlantique,
secteurligérien (F L nHnu T ).
Les
formations géologiques appartiennent
aux terrains sédimentaires du Bassin Parisien. Un vasteplateau
central de calcairesjurassiques,
laChampagne berrichonne,
est limité au Nord-Ouest par la cuvette
tertiaire,
acide et humide deSologne,
et à l’Estpar les collines du Sancerrois.
Les sols sont très
variés, depuis
les rendzines de la vallée du Cherjusqu’aux
solspodzoliques solognots,
en passant par toutes les intensitésd’hydromorphie.
(1) Dans cet article, le terme « intermédiairc » ne signifie pas : à égale distance. Le génome de l’une des espèces prédomine en général dans les produits de l’introgression.
Il
s’agit
donc d’unerégion petite
maisdiversifiée,
où les trois chênes :sessile, pédonculé, pubescent,
coexistent.1.13. Choix des
placettes
L’implantation
desplacettes d’échantillonnage
des arbres obéit à certainsimpératifs
d’ordre
sylvicole
et degestion
pour déterminer un choix de l’essenceobjectif (en
l’occurrence chêne
pédonculé
ousessile)
dans les taillis-sous-futaie en conversion. Lesplacettes
ont donc été installées en forêtssoumises,
traitées entaillis-sous-futaie,
et sipossible après
une coupe de taillis. Les arbres sont desréserves,
modernes et anciens.Elles sont établies
d’après l’écologie
et non lepeuplement,
de manière àreprésen-
ter les
grands
milieux berrichons. Leur surface n’est pas délimitée maisimpérativement homogène
sur leplan stationnel,
et l’effectif est variable(de
5 à 40arbres).
Au
total,
32placettes
rassemblent 419 arbres.L’échantillon élémentaire est l’arbre. Les arbres sont numérotés sur le terrain. Sur
chacun,
5 rameaux, 10feuilles,
20pédoncules
sont tirés au fusil ou cueillis à l’échenil- loir enpériphérie
duhouppier
de lumière(les
feuilles ont ainsi des caractères bienmarqués
sans pour autant être abrasé par levent).
Cesspécimens
sontdépouillés
aubureau
!2!.
(2) Ils sont déposés au Laboratoire de Botanique de l’E.N.I.T.E.F.
1.2. Caractères
taxonomiques
1.21. Données
prélevées
sur l’échantillonLes caractères doivent être suffisamment discriminants pour rendre
compte
de la variabilité des arbres. Les meilleurs sont à la fois à peuprès
constants surl’arbre,
etvariables entre les individus.
Ceux utilisés ici sont tirés de la littérature
(CAMUS, 1939 ;
MOGGI &PnoLC, 1972 ; K
ISSLING
, 1980a).
Une étudepréalable, portant
sur 34 arbres et 30caractères,
apermis
de choisir
parmi
ces derniers lesplus
fiables et lesplus
faciles à mesurer.Les 20 caractères
taxonomiques
sont les suivants :(fig. 1).
D...__...1.. l’!.A’_’’::’!
1
1 T&dquo;’B!!!:.;:: ...-J!! _!:1! &dquo;!!.!n_!1.22. Protocole des mesures 1.221. Caractères
métriques
Les
longueurs
despédoncules
et despétioles
sont mesurées au millimètreprès
avecun
réglet métallique.
Le termelongueur
dupédoncule désignera
la distance de la base dupédoncule
au niveau de l’insertion de la l!ecupule (ou
de la cicatrice decelle-ci).
1.222. Caractères de
pilosité
Ils sont
parmi
lesplus
distinctifs des 3 chênes. Uneloupe
binoculaire 35 X est suffisante pour les mesures ; on neprend
encompte
que lespoils
tecteurs.- Les densités sont
appréciées
parrapport
à des échellesgraphiques
de référence(d’après KcssLiNC, 1980a).
Les 7 classes vont de 0(glabre)
à F(entièrement opaque).
On note la classe moyenne observée sur l’ensemble de l’échantillon de l’arbre.
- Les
longueurs
despoils
sontappréhendées
à l’aide de 3 classes d’une échellegraphique (d’après K ISSLING , 1977) : poils
courts, moyens oulongs (les
3pouvant
coexister sur une mêmefeuille).
1.223. Autres caractères
v 3 : La couleur du
pétiole
est notée rouge, orange,jaune
ou indéterminée(= verdâtre), d’après
des couleurs de référence du Code International de Couleur des sols :Rouge (R) : 7,5
R(3/6, 4/6, 4/8)
et 10 R(4/6, 5/6).
Jaune
(j) :
5 Y(7/8, 8/4, 8/6, 8/8)
et2,5
Y(7/6, 7/8).
Orange (O) :
les intermédiaires entre ces 2 couleurs.Indéterminée
(I) :
non identifiée dans le Code.On ne considère que la couleur « dominante » trouvée dans l’échantillon.
v 4 : La feuille est notée
subjectivement
mate ou brillante.. 5 : Une nervure intercalaire
irrigue
un sinusprincipal,
et est au moins aussilongue
que la demi-distance : base de la nervure/base du sinus. On note en« pré-
sence » 3 nervures intercalaires ou
plus
en moyenne par feuille.e 6-7-9 : Les formes de la base du limbe et de
l’apex
des lobes sontappréciées
àl’aide des échelles
graphiques fig.
2a et 2b. En cequi
concernel’apex,
on ne note que la forme « maximum » del’échantillon,
selon la relation d’ordre : D > A > B > C.e 8 : Un lobe
supplémentaire
estirrigué
par une nervure d’ordre 3. Le caractère 8correspond
à au moins 2 lobessupplémentaires
en moyenne par feuille.On ne mesure essentiellement que des moyennes de l’échantillon récolté sur l’arbre. Les classes
choisies,
notamment pour les échellesgraphiques,
sont trèslarges,
et il existe
toujours
une classe dont l’effectif est nettementsupérieur
aux effectifs des autres classes. Onpeut
considérer la variation intra-arbre comme faible etnégligeable.
Quant aux caractères
métriques,
l’étude de leur variation faitl’objet
de la secondepartie.
Au vu des
histogrammes
obtenus pour leslongueurs
moyennes dans l’échantillon total des 419arbres,
ces critèresmétriques
continus ont été à leur tour sériés enclasses,
selon :-
longueur
despétioles :
8 classes,mm :
0-7, 7-9, 9-11, 11-13, 13-15, 15-17, 17-20, 20-27 ;
-
longueur
despédoncules :
11 classes,mm :
0-6, 6-8, 8-10, 10-12, 12-14, 14-16, 16-18, 18-20, 20-22, 22-40,
40-80.Les 19
premiers
caractères forment ainsi 82 classes binaires(1/0).
1.3. Traitements et résultats
Le tableau des données : 419 arbres x 82 classes binaires de caractères a été traité
en
analyse
factorielle descorrespondances (programme
AFCE del’E.N.I.T.E.F.,
ver- sion du27-10-1982).
Les résultats sontexploités
à l’aide desprojections
dans lesplans
des 6 axes
factoriels,
et par le tableaudiagonalisé
des données.1.31.
Projection graphique
Les deux
premiers
facteurs constituent te meilleurplan
deprojection.
Lafigure
3amontre 3 ensembles d’arbres isolés par
l’analyse.
Tous les individusappartiennent
à un«
triangle » taxonomique,
avec un fortregroupement
des arbres vers les sommets.La
projection
des classes de caractères confirme l’ordonnancementtriangulaire,
etmontre une relation clinale très forte entre les diverses classes des caractères élémen- taires
(fig. 3b).
Les caractères
groupés
auvoisinage
dechaque
sommetpermettent
de dresser unportrait-type
des chênesqui
s’en réclament.Pôle 1 : La feuille est mate sur sa face
supérieure.
Le
pétiole,
vert ouplus
rarement rouge, estglabre
et court(moins
de7
mm).
Les feuilles
possèdent plus
de 3 nervuresintercalaires,
et sont auriculées.Le rameau de
l’année,
la face intérieure dulimbe,
la nervureprincipale,
l’aisselle des nervures et le
pédoncule
fructifère sontglabres.
Enfin,
lepédoncule
fructifère estlong (plus
de 18mm).
Cette
description
est celle deQuercus
robur(K OTSCHY , 1864 ; CAMUS, 1939 ;
M O GG I
&
P A O LI , 1972 ; KISSLI NG , 1980b).
Pôle 2 : Le rameau de l’année est
glabre.
La
feuille,
luisante sur sa facesupérieure, possède
moins de 3 nervuresintercalaires,
et sa base n’est pas auriculée.Le
pétiole
estlong
etjaune, glabre (plus
de 12 mm delongueur moyenne).
La face inférieure du limbe
présente
despoils
courts,appliqués, étoilés,
en
grand
nombre : C ou D.L’aisselle de la nervure
principale
montre par contre despoils
moyens oulongs, dressés, nombreux,
C ou D.Le
pédoncule fructifère, pileux (C
ouD)
depoils
courts ou moyens, est court(moins
de 6mm).
Cela
correspond
auprofil
deQuercus petraea.
Pôle 3 : Il est
beaucoup plus
flou.Le rameau de l’année est très
pubescent (E) masqué
par lapilosité (F).
La
feuille, qui possède
des lobes assezaigus,
estluisante ;
elle n’a nioreillettes,
ni nervures intercalaires. Sonpétiole
estlong (plus
de 11mm).
La nervure
principale,
lepétiole
et l’aisselle des nervures sont densement(E) pubescents
depoils longs.
La face inférieure du limbe montre une densité moyenne
(C)
depoils longs uniquement.
Le
pédoncule
fructifère est court(moins
de 8mm)
et trèspubescent (E
ou
F).
On
peut
y reconnaîtreQuercus pubescens.
Dès
lors,
laprojection graphique
des arbres(fig. 3a) s’interprète
immédiatement : les deux ensembles densescorrespondent
aux chênes sessile etpédonculé,
réunis par un isthme intermédiaire. La « nébuleuse » de droite regroupe des chênespubescents.
Tous les arbres ne se reconnaissent évidemment pas dans les
portraits-type précé-
dents. Il existe une énorme
variabilité,
notamment dans l’ensemblepubescent, pouvant
allerjusqu’à
une absence totale depoils
tecteurs sur le rameau et la feuille ! tLe
regroupement important
des chênes vers lespôles
autorisecependant
à donnerà ces ensembles les noms
spécifiques : l’Espèce,
loin d’être l’incarnation d’untype fixe, prend
au contraire encompte
la variabilité d’unepopulation.
C’est une notion essentiellement
pratique,
et doncvulgarisatrice.
Il ne
peut
être donné aux axes factoriels de définitionprécise.
Tout auplus peut-
on
dire,
à l’examen dupoids
des classes decaractères,
que l’axe 1prend beaucoup
encompte
leslongueurs
despétioles
et despédoncules,
alors que l’axe2, qui
seulsépare
les 3
chênes,
estprincipalement
lié aux caractères depilosité.
1.32. Tableau
diagonalisé
Le tableau des données
(419
x82) présente
les arbres et les caractères dans l’ordre de leur numérotation.En
permutant
de manièrejudicieuse
l’ordre deslignes (caractères)
et des colonnes(arbres),
onpeut
regrouperpréférentiellement
les informations(caractères
codés1)
auvoisinage
de ladiagonale principale.
On obtient ainsi un tableaudiagonalisé (fig. 4).
Les 3
espèces apparaissent
nettement, ainsi que la distribution dechaque
classe decaractère dans l’ensemble des arbres. L’examen de l’étalement de tous les caractères
permet
de tracer des limites entre lesespèces.
Ces limites sont
généralement
bienaccusées ;
seuls 12 individus entre les chênes sessile etpédonculé
ont étéqualifiés
d’« intermédiaires », l’ensemble des caractères décrits nepermettant
pas de les rattacher à uneespèce plutôt qu’à
l’autre.1.4. Sur
quelques
chênes méditerranéensLe chêne
pubescent, espèce méditerranéenne,
est entransgression édaphique
enBerry.
Il était donc intéressant de comparer Ita individus berrichons à leurshomologues
méridionaux.
Vingt-cinq
chênes à feuillescaduques
ont été échantillonnés dans deux taillisvieillis,
l’un à Oraison(Alpes
deHaute-Provence),
l’autre à Touët-sur-Var(Alpes- Maritimes).
Ces arbres ont été décrits et
dépouillés
dans les mêmes conditions que les 419 autres chênes. Laprojection graphique
dans leplan
factoriel(1,2)
montre exactement les mêmesregroupements
de chênesberrichons,
mais les chênes méditerranéens sont dans leurmajorité plus proches
dupôle pubescent
que tous les autres. Leurscaractères,
notamment de
pilosité,
sontplus prononcés (fig. 3a).
1.5.
Interprétation
et modèlesgénétiques
L’étude n’a
porté
que sur des corrélations entre caractèresmorphologiques.
Pourinterpréter plus
avant letriangle taxonomique,
un modèlethéorique
reliant ces carac-tères et leur
support génétique
est nécessaire.Pour
A NDE xsorr, 1949,
etK ISSLING , 1980b, l’introgression (hybridation
suivie deback-cross)
entreplusieurs espèces produit
un « réseau de corrélations », dû aulinkage
des caractères
polygéniques tempéré
par lec:rossing-over !3!.
Sous réserve de certaines
hypothèses génétiques,
les individus F2 issus de l’intro-gression
entre 3espèces
ont descaractères
intermédiaires entre ceux desespèces parentales.
Ilspeuvent
êtrereprésentés
par un ensemble depoints
situés à l’intérieur d’untriangle
dont les sommets seraient lesparents.
Dans lesgénérations suivantes,
leréseau est
fragmenté,
mais non dénaturé.(3) D’autres auteurs estiment que les liaisons entre caractère sont plutôt d’origine pléiotropique.
L’analyse
factorielle calculant les corrélations entre les caractèresdifférentiels,
laprojection graphique (1,2) représente
exactement le réseauthéorique
de KissuNG.Certaines
hypothèses simplificatrices
de l’auteur(caractères
commandés par despolygènes
à effetsadditifs, équiprobabilité
defécondation)
s’accommodent mal du fortregroupement
des chênes enBerry,
et de la rareté des intermédiaires.Pour
expliquer
cefait,
on peutévoquer
enparticulier :
- la dominance de certains
gènes :
voir§ 2.113.
lalongueur
dupédoncule ;
- le pas variable des classes de caractères
métriques (axe 1) privilégiant
leslongueurs
intermédiaires. Les distributions dans l’échantillon(fig. 5)
montrent que des paséquidistants
isolent aussi nettement les chênes sessile etpédonculé ;
- la non
équiprobabilité
de fécondation entre les différentesformes ;
- la
sous-représentation
de certains milieuxécologiques.
Cela nepeut
êtreévoqué
que pour la transition
pédonculé-pubescent (voir § écologie).
Le réseau de corrélations
permet
enfind’interpréter
letriangle taxonomique
comme
conséquences
d’unpatrimoine génétique
commun aux 3 chêneseuropéens,
avecune nette
polarisation
vers des formes distinctes et différenciées.1.6. Autres
approches taxonomiques
Des critères autres que
morphologiques
ont été utilisés par certains auteurs pour affiner lasystématique
des chênes.1.61. Les critères
caryologiques
Ils ne sont pas distinctifs : la
garniture chromosomique
est la même(n
=12),
etl’étude fine des chromosomes est délicate : ceux-ci sont
petits,
seprêtent
mal auxanalyses classiques,
et laprésence
constante de tanins vientpolluer
lespréparations (W
IGSTON
, 1973).
1.62. Une
faible
viabilitépollinique
Elle est assez souvent le
signe
d’un statutd’hybride. O LSSON ,
1975 etRusII T O N ,
1978 constatent une viabilitépollinique plus
réduite chez leurs formes intermédiaires.1.63. Critères
biochimiques
L’examen des substances
flavoniques
est décevant(L EBRETON , 1976)
maisO LSSON , 1976,
met en évidence un groupe depéroxydases
distinctives de!7uercus
robur etQuercus petraea.
1.64. Les
hybridations ircterspécifigues artificielles
Elles sont peu
probantes D ENGLER , 1941 ; P YATNITSKI ,
1960(in G ARDINER , 1970) ; JovANOVtc, 1973 ; R USHTON , 1977, rapportent
des taux moyens de fécondations robur xpetraea
et robur xpubescens
variant entre 0 et 2 p. 100(contre
30 à 50 p. 100 pour les fécondationsintraspécifiques).
Deplus,
lesglands
formés sont extrêmementfragiles :
aucun
hybride
viable n’a été obtenu à cejour !
Ceci mériterait
cependant
d’être vérifiécompte
tenu du peu de connaissances actuelles sur la maîtrise de labiologie
florale des chênes.1.65. Les
paramètres technologiques
desbois,
étudiés par DERET-VARCIN(1983),
isolentbien les chênes sessile et
pédonculé.
Le
polymorphisme
de nombreux chênes américains a aussi été attribué à l’intro-gression.
Les étudesbiochimiques
multivariables viennent corroborer et affiner les résultats desanalyses morphologiques (K NOPS
&.l E rrsEN, 1980).
2. Variations
Les résultats de
l’analyse taxonomique
multivariable rendentpossible l’interpréta-
tion de la variation de
quelques
caractères.2.1. Caractères
métriques
Les
longueurs
despétioles
et despédoncules
ont faitl’objet
de mesures millimétri- ques surchaque
arbre :- variation
individuelle, grâce
àquelques
arbressuréchantillonnés ;
- variation dans deux
populations sympatriques,
lesplacettes
02 et04, portant
despeuplements
pursrespectivement
sessile etpédonculé ;
- variation dans l’échantillon total
(419 arbres)
à l’aide deslongueurs
moyennes par arbre.2.11.
Longueur
despédoncules fructifères
2.111. Variation individuelle
Chez tous les
individus,
la distribution est monomodale etdissymétrique (fig. 6).
Les courbes bimodales obtenues par
P ELLECUEK , l’!76, pourraient
résulter d’une insuffi-sance
statistique
des échantillons. Ces courbes en clochessuggèrent
un contrôlepolygé- nique
du caractère(hypothèse envisagée
parO LSSON , 1976).
Enfin,
leurdissymétrie
fait penser à une distributionlog-normale.
C’est le cas chezle chêne
pédonculé ;
il faudrait des mesuresplus précises
dans la classe[0, 1[
mm pour le vérifier aussi chez le sessile.2.112. Variation d’une
population
Dans les
placettes
02 et04,
on a fait la somme desfréquences
relatives des classes.Ici
aussi,
les courbes sont monomodalesdissymétriques (fig. 7).
On observe deplus
unléger
recouvrement dans les classes de transition(5
à15 mm),
même pour despeuplements
purs.Pour la
placette 04,
le passage aux coordonnéessemi-logarithmiques permet
d’obte- nir une distribution normale.2.113. Variation dans l’échantillon
On utilise la
longueur
moyenne par arbreL d .
Cettegrandeur
isole 2 ensembles(chênes pubescents exceptés) qui correspondent
àquelques
pour centprès
aux chênessessile et
pédonculé :
le nomfrançais
de cesespèces
est ainsijustifié (fig. 5).
_Au-delà
deL d
= 17 mm, tous les chênes communs sont despédonculés. En-deçà
de
L d =
8 mm, 96 p. 100 sont des sessiles. Entre ces deuxseuils,
on nepeut
dire apriori l’espèce.
Les intermédiaires se distribuent dans les classes[5, 15[
mm.Il
apparaît
d’autrepart
que chez les chênespédonculés, longueur
moyenneL d
etcoefficient de variation
C v
sontindépendants.
Ces observations :
indépendance
du coefficient devariation,
et distributionlog-
normale,
font tenir pour très vraisemblable que lesgènes
contrôlant lalongueur
despédoncules
du chênepédonculé
ont des effetsmultiplicatifs.
Ladissymétrie
des courbes serait ainsi due à une dominancepartielle
desgènes
dont les effets sont lesplus
faibles.2.12.
Longueur
despétioles
2.121. Variation individuelle
Chez tous les
individus,
la distribution est monomodale. Les courbes sont moins nettes que celles obtenues pour lespédoncules.
Le moded’échantillonnage
estpeut-être
en cause : les feuilles d’un rameau n’ont certainement pas des
longueurs
depétiole indépendantes.
2.122. Variation dans une
population
A l’intérieur des
placettes monospécifiques
02 et04,
la distribution de lalongueur
des
pétioles
de tous les arbres est normale.S HUTILOV , 1968,
observe de telles distribu- tions aussi chez les chênespubescents
du Caucase.2.123. Variation dans l’échantillon
-
Longueur
moyenne despétioles L,
et coefficient de variation neprésentent
aucune liaison
particulière.
- La courbe obtenue avec
L,
est semblable à lafigure
5 : Chênespubescents
misà
part,
il y a une bonneséparation sessiles/pédonculés.
Au-delà de
L,
= 14 mm, tous lesnon-pubescents
sont des sessiles.En-deçà
deL t
=7 mm,
tous les chênes sont despédonculés.
- On
peut
raisonnablement penser, au vu des distributionsnormales,
que le contrôle de lalongueur
dupédoncule est
réalisé par unpolygène
à effets additifs.2.2. Variations
géographiques
Les
comparaisons ponctuelles
avec d’autres travaux sont difficiles du fait de la diversité des variablestaxonomiques employées,
et des traitements choisis par les auteurs. On se bornera ici à comparer lespopulations
avec l’excellent critère delongueur
moyenne despédoncules.
2.21. Les chênes en
forêt de
Morimond(Haute-Marne) (P ELLECUER , 1976)
Les chênes
pubescents
ne sont passignalés
àMorimond,
et ont donc été exclus descourbes en
Berry.
Les classes choisies par l’auteur sontcentimétriques, excepté
entre 0et 1 cm.
Les conditions de deux études sont très différentes
(climat, sols,
traitementsylvi- cole),
mais les deuxensembles,
sessiles etpédonculés,
sont bien tranchés. Il neparaît
pas y avoir une
grande quantité
d’« intermédiaires» (fig. 8a).
2.22. Les chênes de la Vallée de
l’Ogrcon (Jura) (M OUREY , 1978)
Des chênes
pubescents
sontsignalés
par l’auteur. Les courbes de distribution deL d
en Jura et
Berry
sont trèssemblables,
lepremier pic correspond
aux chênes sessile etpubescent,
le second auxpédonculés (fig. 8b).
2.23. Les chênes de Suède
(O LSSON , 1975) (fig. 8c)
La distribution de cette
figure
a été tracée àpartir
de schémas donnés par l’auteur.Elle
présente,
parrapport
à celles étudiées enBerry,
unehypertrophie
de la classe[10, 20[
mm où sont trouvés intermédiaires etpédonculés
berrichons.Si le caractère «
longueur
moyenne dupédoncule
fructifère » a la mêmesignifica-
tion
partout (ce qui
serait en accord avec le réseau decorrélations),
la distinctionsessile/pédonculé
semblepouvoir s’appliquer
à une bonnepartie
de laFrance,
alorsqu’elle paraît comparativement
moins nette en Suède où le chêne sessile est en limitegéographique
de son aire de distribution.2.3. Conclusion de l’étude
botanique
En
Berry,
les troisprincipaux
chêneseuropéens : Quercus robur, Quercus petraea
et
Quercus pubescens
existent de manièrecaractéristique.
Tous les arbres s’inscrivent dans un
triangle taxonomique
dont lesangles
sont desespèces-type.
Les chênespubescents
méditerranéens sontplus proches
dupôle pubes-
cent que leurs
homologues
berrichonsqui présentent
une forte variabilité. Aucun chêneindigène
observé neprésente
de caractèresétrangers
aux troisespèces.
Cependant
laprise
encompte
d’ungrand
nombre d’arbres et de caractèresdifférentiels fiables ne
permet
pas de doute sur la réalité mais aussi la rareté des chênes intermédiaires.La
séparation botanique classique
est ainsi confirmée :l’espèce
est une entitéstatistique qui prend
encompte
la variabilité d’unepopulation
d’arbres interféconds.Cette distinction est nécessaire et suffisante pour la
gestion
forestière.On a vérifié de
plus
que laprise
encompte
d’un ou deux caractères suffit à reconnaître - mais non pas établir - lesespèces.
C’est ainsi que la confrontation des distributions de lalongueur
moyenne despédoncules
enHaute-Marne,
Jura etBerry,
montre la nette
séparation
des chênes sessile etpédonculé,
alors que les « intermé- diaires » semblentplus fréquents
en Suède.3.
Ecologie
3.1. Etude
phytoécologique
Une étude
complète
du milieu naturel doitprendre
encompte
les variationsclimatiques,
stationnelles etbiotiques.
En ce
qui
concerne lespremières,
il faudraitenvisager
les micro-variations detempérature
et depluviométrie,
à l’intérieur de laforêt,
voire de laplacette.
Ils’agit
d’un travail
important, dépassant
le cadre de cette étude.Les variables
biotiques
ont été considérées commeidentiques
apriori partout.
Dans un milieu
donné,
les ensemblesfloristiques représentent
unesynthèse particu-
lièrement intéressante de toutes ces
influences,
etpermettent
un classementrelatif
desplacettes
selon lesprincipaux
facteurs du milieu.L’étude
phytoécologique
réalisée ici apris
encompte
un nombre réduitd’espèces végétales ayant
unesignification
trèsimportante
enRégion
Centre.La
diagonalisation
du tableau des données(78 espèces
x 32placettes)
apermis
leregroupement
desplacettes
semblables en stationsphytoécologiques.
Desdescriptions pédologiques
ont vérifié la validité de ce classementt4!.
Les
grands
milieux échantillonnés sont les suivants :alluvial, calcaire,
neutre, xéro-acidophile
ethydromorphe.
Dans chacun d’entre eux, ont étéanalysées
larépartition
des
espèces
de chênes(autoécologie)
et celle despeuplements (synécologie).
3.2.
Autoécologie
Lors de
l’analyse taxonomique,
les chênes ont étéregroupés
enpubescent, sessile, pédonculé
et intermédiaire.Dans
chaque grand
milieuécologique,
lepourcentage
dechaque
groupe a été calculé(fig. 9) :
(4) L’étude phytoécologique et les descriptions pédologique! sont détaillées dans le mémoire E.N.LT.E.F.
de SIGAUD, 19R4.
- le chêne
pubescent
est cantonné enBerry
aux calcairessuperficiels (à
moins de35 cm de
profondeur).
Soncomportement
estxérothermophile ;
- le chêne
pédonculé,
bien queprésent partout
à l’étatdiffus,
a unepréférence marquée
pour les milieux humides(son optimum
est en milieualluvial) :
c’est leplus hygrophile ;
- le chêne sessile occupe les terrains
xéro-acidophiles
à neutresmésophiles.
Sahauteur dominante maximale est trouvée en milieu acidocline. Il
apparaît
surtouttolérer la sécheresse et
l’acidité ;
- les intermédiaires sessile x
pédonculé
se trouventuniquement
dans des terrainsneutres
mésophiles,
et enpeuplements mélangés.
Ces
exigences écologiques correspondent
à celles mentionnées dans la littérature(MATHIEU, 1877 ; CAMUS, 1938-1939 ; RUSHTO N , 1979 ; KISS LIN G, 1983 ; DUH AMEL , 1984).
3.3.
Synécologie
L’accent va être mis désormais sur la variation des
populations
desplacettes
dansdivers milieux
écologiques.
Le
triangle taxonomique
formé par laprojection
des individus dans leplan
factoriel(1,2)
est un instrumentprivilégié puisqu’il prend
encompte
tous les caractères taxono-miques.
Pour visualiser laprojection
d’uneplacette
ou d’un ensemble deplacettes,
ilsuffit de ne
présenter
dans cetriangle
que les arbres de la(ou des) placette(s)
enquestion.
3.31. Les milieux alluviaux
(fig. 10)
Ils sont caractérisés par une alimentation constante en eau
(par
nappealluviale)
etpar une richesse minérale élevée. Le chêne
pédonculé
y est exclusif. A mesure que le caractère alluvialdisparaît,
le centre degravité
despopulations
sedéplace
sur l’axe 1,et la variance des
populations augmente ;
les caractères des arbres sont de moins enmoins
typés lorque
l’ons’éloigne
del’optimum écologique. M OUREY , 1978,
observait en Jura une corrélationidentique
entre lalongueur
dupédoncule
des arbres et l’humidité du milieu.3.32. Les milieux calcaires
(fig. 11)
Ils portent
typiquement
des chênaiespubescentes.
Ces chênaies ont des caractères d’autantplus marqués
que le calcaire est moinsprofond,
cequi
revient à dire commeprécédemment
que lamorphologie
despopulations
varie de manière clinale avec le facteur déterminant du milieu.Les chênaies-charmaies neutro-calcicoles
(Quercion pubescenti petraeae
de Braun-Blanquet, 1931)
font la transition entre les chênes sessile etpubescent,
et on observetous les stades intermédiaires de ces deux
espèces.
Le facteur calcaire
correspond
en fait à ungradient thermique.
Dans cetteoptique,
les chênaies méditerranéennes
extrapolent
la corrélation observée ici entre latempéra-
ture et l’intensité des caractères. STEFANOEE & KosTov,
1962,
observaient le mêmephénomène
dans les chênaiespubescentes bulgares.
3.33. Les milieux neutres
mésophiles (fig. 12)
Ce sont des milieux de transition entre des terrains mieux drainés et souvent
plus
acides
(à
chênesessile),
et des terrainstopographiquement plus
bas etmouilleux, préférés
par lepédonculé.
Aucun chêne
pubescent
n’a été observé dans ces milieux.Le
point marquant
est le fait que les individus intermédiaires sessile xpédonculé
ne sont trouvés
qu’ici,
enpeuplements mélangés,
ettoujours
en faible nombre.1 1
-
---1
La
grande
variationmorphologique
des arbres dans ces milieux est aussi attestée parK RAHL -U RBAN ,
1959(Allemagne) ; O LSSON ,
1975(Suède) ; RusHrorr,
1979(Angle-
terre et
Pays
deGalles) ; Kissu N G,
1983(Suisse).
3.34. Les milieux
xéro-acidophiles (fig. 13)
Sont
regroupées
sous cetteappellation
les stations acidoclines etacidophiles
sèches.Les
peuplements
sont constitués de chêne sessile pur trèscaractérisé,
àl’exception
desplacettes solognotes
où le chênepédonculé
estquasi
exclusif.La
présence
du chênepédonculé
dans ces chênaiespeut étonner,
mais leproblème
se pose à l’échelle de la
Sologne
entière. Il faut faire intervenir des facteursanthropi-
ques, la
région ayant pendant
trèslongtemps
été cultivée enseigle, puis
reboiséenaturellement ou artificiellement.
3.35. Les milieux
hydromorphes (fig. 14)
Le terme de sols
hydromorphes désigne
ici des sols àhydromorphie temporaire
età nappe
perchée (pseudogley
au senslarge).
Ils’agit
de milieux humides et souventacides,
l’aciditéprovenant
du matériau(sableux)
ou de l’eau rendue réductrice etasphyxiante
par lastagnation.
On y trouve essentiellement du chêne
pédonculé,
maisquelques
sessilespeuvent
apparaître
à la faveur d’un micro-relief.3.4.
Répartition
du chênepédonculé
Le chêne
pédonculé
estprésent
dans tous lesmilieux,
à l’état diffus ou enpeuplements
purs. Il se manifeste souvent comme un« parasite
» dans larépartition autoécologique (fig. 9)
et dans lesimages taxonomiques
despopulations.
Cetteubiquité
peut
surprendre,
mais ils’agit
là d’unphénomène générale
en France(sinon
enEurope)
que l’oninterprête
comme résultant de l’actionanthropique.
A faibledensité, l’espèce apparaît
à la foisconquérante
etrustique,
s’accommodant de tous les milieux :. le chêne
pédonculé
a ainsi colonisé Lesespaces
ouverts(forêts
claires oufriches) ;
. il a aussi pu être introduit en
plantations
ou encompléments
derégénération :
les fructifications sont abondantes sur les arbres
champêtres (panage),
lesglands
sontgros et de belle apparence, se conservent dans
l’eau,
et le taux degermination
estélevé,
cequi
n’est pas le cas pour lesessile ;
le semisexige
très tôt lapleine lumière ;
l’arbre est
apprécié
pour son fût droit etcyli.ndrique ;
.
enfin,
il a pu se maintenir sur sesacquis
par suite de traitementssylvicoles
extensifs : taillis
simple pâturé pendant longtemps, puis
taillis-sous-futaiedepuis
150 ansau
plus.
Le chêne
pédonculé,
par son caractèrecolonisateur,
et à la faveur de l’actionhumaine,
a donc débordé sa localisation « naturelle » au détriment du sessile.Le chêne sessile
paraît
en outredésavantagé
par unerégénération
moinsperfor-
mante, sinon moins
abondante,
dans certains milieux :glands
intolérants àl’eau,
avecune