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Towards the electrical soberness: demand-side management policies and domestic uses

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Academic year: 2022

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Université Toulouse II-Le Mirail Département de Sociologie-Ethnologie

Thèse pour le Doctorat de Sociologie

VERS LA SOBRIÉTÉ ÉLECTRIQUE

Politiques de maîtrise des consommations et pratiques domestiques

Présentée par Éric PAUTARD

Soutenance le 30 novembre 2009

Sous la direction de Jean-Yves Nevers et Marie-Christine Zélem

Composition du jury :

Dominique DESJEUX, Professeur d'Anthropologie sociale, Université Paris V

Yannick RUMPALA, Maître de Conférences (HDR) en Science politique, Université de Nice Franck COCHOY, Professeur de Sociologie, Université Toulouse II

Chris G. PICKVANCE, Professor of Urban Studies, University of Kent Jean-Yves NEVERS, Directeur de recherche CNRS, CERTOP

Marie-Christine ZELEM, Maître de Conférences (HDR) en Sociologie, Centre Universitaire d'Albi

Centre d’Etude et de Recherche Travail Organisation Pouvoir CNRS – Université Toulouse II

Maison de la Recherche - 5 allées Antonio Machado - 31058 Toulouse Cedex 09

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Remerciements

En premier lieu, je tiens à remercier les membres du jury qui m’ont fait l’honneur d’accepter de participer à l’ultime étape de cette thèse, quitte à devoir lire ce volumineux document. Dans le même sens, je me dois d’adresser toute ma gratitude à Jean-Yves Nevers pour avoir nourri ma réflexion de ses précieux conseils et de son érudition, ainsi qu’à Marie-Christine Zélem pour le soutien déterminant qu’elle m’a apporté depuis ma maîtrise.

Je dois ensuite remercier Sylvia Becerra et Hamath Dia avec lesquels j’ai eu la chance de partager un bureau au CERTOP pendant trois ans. Au sein de ce laboratoire, j’aimerais remercier tous ceux qui m’ont apporté leur aide à un moment ou à un autre. La place manque pour les citer toutes et tous, mais je ne manquerai pas de le faire de vive voix. Pour l’aide précieuse qu’ils m’ont apporté durant la finalisation de cette thèse, je tiens à exprimer ma sincère gratitude à Aurélie Tricoire, Michel Catlla, Roland Canu et David Martin. Pour m’avoir rendu tant de services quand j’étais loin du laboratoire, je tiens enfin à remercier Anne Razous pour sa disponibilité.

La première partie de cette thèse doit beaucoup aux deux séjours d’étude que j’ai eu la chance de pouvoir faire à l’University of Liverpool et à l’University of Kent. Je tiens donc à adresser toute ma gratitude au Dr. David Hall et au Pr. Chris Pickvance pour le temps qu’ils ont bien voulu me consacrer.

La seconde partie a -quant à elle- était marquée par les échanges prolifiques que j’ai pu avoir avec Graeme Hayes, Ylva Norén Bretzer, Emilio Luque, Szabina Kerenyi et Martin O’Brien dans le cadre d’un panel des Joint Sessions de l’European Consortium of Political Research, organisé par le Pr. Christopher Rootes, à Nicosie. De même, la rencontre opportune de Mathieu Brugidou et Eric Drocourt, ainsi que les conseils avisés de Daniel Boy et Loïc Blondiaux m’ont été d’une aide précieuse.

La troisième et dernière partie a pour sa part bénéficié de quelques rencontres décisives qui sont intervenues au cours de ces longues années de thèse. Je pense ici tout particulièrement à Marc Mormont, Yannick Rumpala, Pieter Leroy, Luca Pattaroni et Nathalie Zaccai-Reyners.

Parce qu’ils ont compté de manière importante à un moment ou à un autre dans mon parcours de sociologue, je tiens à remercier Bernard Pudal (qui ne me connaît pas mais qui m’a fait découvrir cette belle discipline), Julien Weisbein, Eric Doidy, Stéphanie Mulot, Ygal Fijalkow, Pascal Ducournau, Christophe Beslay et Nicolas Golovtchenko.

Ayant bénéficié de leur appui financier durant trois ans, je me dois bien évidemment d’adresser mes remerciements au service Recherche de l’ADEME et à l’équipe du GRETS (EDF R&D). Ma reconnaissance va tout particulièrement à Chantal Derkenne et Véronique Beillan. Par ailleurs, je tiens à remercier toutes les personnes que j’ai rencontrées sur le terrain au cours de ma recherche.

A tous ceux qui m’ont offert un coin de canapé-lit et un café, je dois également dire un grand merci. Ce fut toujours un grand plaisir de s’inviter chez eux à l’improviste. Merci donc à Érick Antoine, Yann Ferguson ; Mehdi Alioua et ses jolies filles ; la famille Lacalmontie à Cahors ; Tristan Fournier et sa petite famille ; le Dr. Stéphanie Chauveix, Claire Le Guinio, Sylvain Dagiral et tous les autres.

Je n’oublie pas une pensée pour mes amis les proches : la grande famille Lombric (Julien, Doom, Charlie, Touille, Adeline), la République de l’Outre-Saône ( M. & Mme Maurisso, Bertrand, Stéfan et Émilie) et la Mémé Thiernoise.

De même, je ne saurais conclure sans remercier ma famille pour son soutien sans faille.

Enfin, pour avoir su me supporter pendant ces cinq années : Merci à toi, Hélène.

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Sommaire

INTRODUCTION GÉNÉRALE... 1

I LA TRANSIT ION DU MA RCH É É L ECT RIQU E FRANÇA IS A U P RI SME D E L’ EXE MPL E BRI TA NN I QUE APPROCHE SOCIO-HISTORIQUE DE DEUX POLITIQUES DE MAITRISE DE LA DEMANDE ELECTRIQUE ... 11

CHAPITREPREMIER LES CHOIX POLITIQUES DE LA FRANCE ET DU ROYAUME-UNI EN MATIERE DELECTRICITE :CONVERGENCES ET DIVERGENCES HISTORIQUES... 15

I- La structuration d’un service public intégré de l’électricité : 1945-1972... 18

[I-A] L’Électricité : Symbole de progrès et enjeu de la reconstruction... 19

[I-B] Une demande croissante dans un contexte de redéfinition de l’offre ... 21

II- Une congruence de crises internationales et nationales : 1973-1974 ... 24

[II-A]La France face au Choc Pétrolier... 25

[II-B]Aux limites de l’indépendance énergétique : Le paradoxe britannique... 28

[II-C]Le développement des filières pétrolières et nucléaires face à la crise ... 30

III- Maîtriser la demande en attendant de sécuriser l’offre : 1975-1978... 33

[III-A] La création de l’Agence pour les Economies d’Energie (AEE)... 33

[III-B] De l’encadrement des pratiques à la sensibilisation des ménages... 35

[III-C] Vers une approche partenariale et concertée... 37

[III-D] Les économies d’énergie au Royaume-Uni... 40

IV- Second choc pétrolier et alternances politiques : 1979-1983... 43

[IV-A] À la Chasse au Gaspi…... 44

[IV-B] …en attendant le nucléaire ... 46

[IV-C] Les économies d’énergie au cœur de nouvelles stratégies politiques ... 48

[IV-D] Efficacité et innovations énergétiques : des économies à la maîtrise ... 51

[IV-E] Régionalisation et contractualisation : la mise en réseau de l’information ... 53

V- Le contre-choc pétrolier : 1984-1996 ... 56

[V-A] L’agonie charbonnière : d’un or noir à l’autre... 56

[V-B] L’abandon des économies d’énergie : le bout du tunnel ?... 58

[V-C]De Tchernobyl à Rio : La prise en considération d’un enjeu environnemental planétaire ... 63

[V-D]Une expérience pionnière de libéralisation du marché électrique : L’Electricity Act... 70

[V-E] Quel avenir pour les économies d’énergie ? ... 73

D’une époque à l’autre ... 78

CHAPITREDEUX CONCEVOIR UN NOUVEAU MODE DE GOUVERNANCEDANS UN MARCHE EN PROFONDE MUTATION... 83

I- Des engagements de Kyoto à la dérégulation ... 89

[I-A] La prise en considération politique du développement durable ... 90

[I-B] La structuration régulée d’un marché européen de l’énergie ... 96

[I-C] Concilier la régulation du jeu concurrentiel et la protection de l’environnement ... 101

II- La définition de règles du jeu durables... 110

[II-A] L’avènement de la responsabilité collective ... 111

[II-B] L’intégration politique des questions énergétiques et environnementales ... 114

[II-C] La Loi d’Orientation sur l’Energie : enjeux, dispositifs et perspectives... 119

[II-D] La montée en puissance de l’enjeu climatique... 124

III- La libéralisation des marchés électriques à l’épreuve du temps ... 127

[III-A] Le Royaume-Uni face au risque d’une récession énergétique ... 127

[III-B] La structuration du marché français à l’aune de l’expérience britannique ... 134

[III-C] La difficile remise en cause du monopole ... 138

[III-D] Réguler le marché libéralisé et promouvoir les économies d’énergie ... 139

[III-E] Quelle transposition pour l’expérience britannique ?... 141

Vers une nouvelle génération d’économies d’énergie... 144

CONCLUSION... 148

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II LA RECHERCHE D’UNE GOUVERNANCE TERRITORIALEDE LA RESSOURCE ÉLECTRIQUE

CONTROVERSES SUR LA SECURISATION DE L’OFFRE ET POLITIQUES DE MAITRISE DE LA DEMANDE... 153

CHAPITRETROIS LA SOCIETE CIVILE FACE AUX PROJETS DAMENAGEMENTS ELECTRIQUES DE LA CONTESTATION A LA CONCERTATION... 157

I-De la contestation à la concertation : Chronique d’une controverse électrique ... 162

[I-A] La montée en force de la contestation locale en Quercy Blanc ... 165

[I-B] L’institutionnalisation de la controverse ... 171

[I-C] Une situation instable : Suspension et retour du projet ... 175

[I-D] La capacité d’ajustement comme facteur d’enracinement de la contestation... 182

II- La sécurisation de l’alimentation électrique au cœur du débat public ... 184

[II-A] L’hypothèse du Débat Public comme dernier recours ... 186

[II-B] Le Débat Local : À la recherche d’une solution de compromis ... 195

[II-C] L’abandon du projet : une solution de moindre mal ... 202

III-De l’amplification de l’offre à la maîtrise de la demande : La construction partenariale de solutions alternatives ... 209

[III-A] La structuration organisationnelle d’une politique contractuelle ... 210

[III-B] Des principes politiques aux enjeux techniques ... 214

[III-C] Le Plan Éco-Énergie : un précurseur dissimulé... 224

De l’aménagement du territoire à la gestion locale d’une ressource ... 230

CHAPITREQUATRE LA TRADUCTION TERRITORIALE DUN ENJEU NATIONAL : ANALYSE DES DIFFICULTES DE RESOLUTION DUN PROBLEME ELECTRIQUE... 233

I- Le difficile travail de problématisation partenariale... 237

[I-A] Une expertise arbitrale pour délimiter le périmètre d’action collective... 237

[I-B] Des principes affichés au principe de réalité ... 241

[I-C] Planifier l’opérationnalisation, ... 245

clarifier les objectifs et affirmer les ambitions... 245

[I-D] Concilier enjeux institutionnels et positionnements opérationnels ... 249

II- Orientations et divergences stratégiques ... 253

[II-A] L’enjeu communicationnel : Accord de forme mais désaccords de fond... 254

[II-B] La place du monde associatif dans le processus de co-construction du programme ... 259

[II-C] De l’incubation à l’éclosion d’une politique innovante ... 265

III- La réalisation d’une action inaugurale... 267

[III-A] La réinvention locale d’un mode d’intéressement éprouvé... 268

[III-B] La mise en oeuvre de l’opération de promotion des lampes basse consommation ... 275

IV- Translation d’enjeux et mise en concurrence de l’action publique... 281

[IV-A] Un cadre d’action publique redéfini ... 281

[IV-B] L’action publique en concurrence : De l’efficience énergétique à l’efficacité citoyenne ... 287

[IV-C] L’invocation d’un droit à participer... 293

Fragilités d’une innovation politique ... 297

CHAPITRECINQ AUX LIMITES DUNE PLANIFICATION ELECTRIQUE TERRITORIALE DES RESEAUX DACTION PUBLIQUE A LEPREUVE DU LONG TERME……….303

I- Des limites de la volonté partenariale au désengagement progressif ... 306

[I-A] Le repli stratégique des collectivités territoriales... 307

[I-B] Au service des usagers-clients : les acteurs du secteur électrique... 311

[I-C] L’encadrement étatique d’une politique territoriale ... 313

[I-D] Penser la gestion de la ressource électrique à l’échelon local... 315

[I-E] L’argent au cœur des négociations... 319

[I-F] La mise en sommeil du programme ... 323

II- La mise en œuvre inachevée d’un programme précurseur... 327

[II-A] La structuration différenciée du Plan Éco-Énergie en région PACA... 328

[II-B] De la communication à l’incitation... 331

[II-C] Les difficultés d’une structuration de long terme ... 335

[II-D] L’encadrement méthodique d’une opérationnalisation déléguée au niveau local ... 337

[II-E] Entre distanciation et désintérêt : le réseau associatif du Verdon... 339

La progressive sclérose du réseau d’action publique... 342

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III- Les prolongements incertains des politiques territoriales de MDE... 343

[III-A] Des formes d’engagement différenciées… ... 347

[III-B] …aux niveaux de légitimité. ... 354

[III-D] Une articulation réticulaire complexe à opérer ... 362

L’impossible cogestion du risque de congestion électrique territoriale ?... 367

CONCLUSION... 375

III LA DOMESTICATIONDES USAGES DE L’ÉLECTRICITÉ MEDIATEURS ET DESTINATAIRES DES INCITATIONS A LA SOBRIETE ELECTRIQUE... 377

CHAPITRESIX LES MEDIATEURS AU CENTRE DE LINTERACTION SOCIO-POLITIQUE... 381

I- Légitimer l’ingérence politique : Un nouvel ordre moral écologique ?... 387

[I-A]Les évolutions de la communication gouvernementale... 390

[I-B]Construire le lien entre un problème global et des préoccupations domestiques... 394

[I-C] Les institutions publiques comme lieu de socialisation écologique détournée... 398

[I-D] Les collectivités locales ou la proximité au service de la prescription ... 401

II- Consommer moins : une logique marchande ? ... 405

[II-A]Du nucléaire à la sobriété énergétique : Électricité de France face au défi climatique... 406

[II-B] Emergence de la concurrence et logique de service... 412

[II-C]Vendre des équipements performants : Plus de confort, moins de consommation... 415

III- La multiplication des réseaux de médiation citoyenne ... 420

[III-A] Aménager ou démanteler la société de consommation ? ... 422

[III-B] Think Globally, Act Locally : les réseaux écologistes mondiaux en action ... 429

[III-C] Une éthique en discussion : la contribution d’Internet au débat citoyen... 435

[III-D] La proximité à l’épreuve de la diversité... 439

De la profusion à la confusion ?... 442

CHAPITRESEPT LES HABITUDES DOMESTIQUES A LEPREUVE DU CHANGEMENT... 447

I- Appréhender l’environnement domestique :Vie quotidienne et électricité... 452

[I-A] L’habitat comme cadre de l’action domestique ... 452

[I-B] La « Fée Électricité » dans la maison ... 455

[I.C] La dynamique des usages... 458

[I.D] Entre discipline et laisser-faire : apprentissages, prolongements et ruptures... 462

II- Les obstacles au changement de pratiques ... 464

[II-A] Une sobriété électrique en quête de sens... 464

[II-B] Changer ses habitudes : un parcours semé d’embûches ... 471

III- Justifier ses réticences au changement... 481

[III-A] Un exercice complexe de légitimation des pratiques existantes ... 481

[III-B] Préoccupations domestiques et contraintes structurelles ... 484

[III-C] Le refus d’une identité restrictive... 488

IV- Résister aux ingérences... 492

[IV-A] Liberté de faire et cloisonnement domestique... 492

[IV-B] Du rejet de l’interpellation à la mise en cause de l’autrui généralisé... 498

De la résonance au raisonnement : une délibération pragmatique ... 502

CONCLUSION... 507

CONCLUSION GÉNÉRALE ...513

Volume 2 : ANNEXES et BIBLIOGRAPHIE... 533 (1)

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« Nous sommes entrés dans l'ère de la lumière administrée. Notre seul rôle est de tourner un commutateur. Nous ne sommes plus que le sujet mécanique d'un geste mécanique. Nous ne pouvons pas profiter de cet acte pour nous constituer, en un orgueil légitime, comme le sujet du verbe allumer »1.

INTRODUCTION GÉNÉRALE

’électricité est aujourd’hui devenue une évidence pour la société moderne. Discrète mais essentielle, elle ouvre des possibilités aux hommes tout en les libérant partiellement de nombreuses contraintes du quotidien. Disponible en permanence, sa présence ne suscite pas de surprise. Pourtant, rien ne permet de dire qu’une coupure ne va pas survenir d’un moment à l’autre. Et rien ne permet non plus d’affirmer qu’il ne faudra pas y renoncer plus ou moins à l’avenir. De fait, des questions se posent : Pourrait-on aujourd’hui se passer d’électricité ? Pourrait-on tout au moins s’en passer partiellement ? Que doit-on faire pour éviter de devoir un jour s’en passer ? Que doit-on faire pour éviter que notre consommation électrique actuelle n’impacte à l’avenir l’état de la planète ? À qui incombe la responsabilité d’agir ? Dans quel sens faut-il agir ? Et surtout, dans quel but ? Ces différentes interrogations illustrent un renouvellement du rapport que la société entretient avec l’électricité. Placées au cœur de notre recherche, nous nous attacherons dans cette thèse à présenter les différentes réponses qui y ont été apportées depuis quelques années en France.

L

1 BACHELARD Gaston (1961), La flamme d’une chandelle, Paris, PUF, rééd. : 2003, p.90.

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Les usages domestiques de l’électricité en question

Traiter de l’électricité, comme nous allons le faire au cours des pages qui suivent, implique tout d’abord de souligner les particularités de cette énergie et son caractère social.

On ne saurait en effet assimiler le courant électrique aux autres technologies énergétiques qui outillent la vie moderne. Présente dans l’immense majorité des ménages français, cette énergie se singularise des autres de par sa simplicité d’usage et du fait de l’étendue des services qu’elle rend dans la vie quotidienne. Produite grâce à l’emploi de ressources naturelles très différentes, l’électricité n’en est pas pour autant marquée par ses origines fossile, nucléaire ou renouvelable dès lors qu’elle entre dans les foyers, prête à être utilisée.

Diffusée dans le macrosystème électrique national (voire transnational), avant de l’être sur les réseaux territoriaux secondaires, puis de rejoindre les installations domestiques, l’électricité que tout un chacun utilise n’a ni couleur, ni odeur. Elle ne se donne pas à voir à ceux qui s’en emparent, mais elle est le moteur d’un grand nombre d’activités sociales. En ce sens, s’il est facile d’oublier sa présence, il n’est pas possible en revanche de nier sa contribution fondamentale au fonctionnement de la société moderne.

De la maîtrise de l’objet technique à celle des pratiques sociales

Face à ce vaste sujet, notre regard s’est plus particulièrement porté sur la question de la demande d’électricité, c'est-à-dire sur les usages qui en sont faits. Nous avons donc choisi de laisser partiellement à distance tout ce qui relevait des stratégies globales de définition de l’offre, c'est-à-dire tout ce qui avait trait à la production électrique. En se focalisant sur la consommation, et plus particulièrement sur celle des ménages, notre thèse prend le parti de s’intéresser davantage à la finalité de l’électricité, et non pas tant aux moyens initiaux qui ont permis celle-ci. Nous n’évoquerons donc ici que succinctement les controverses qui entourent les différents modes de production, puisque tel n’est pas véritablement l’objet de notre réflexion. En nous interrogeant sur les évolutions des modes de consommation électrique, nous nous attacherons davantage à saisir le produit singulier qu’est l’électricité.

Dans cette perspective, c’est l’idée de sobriété qui va nous intéresser tout au long de cette thèse, dans le prolongement de la thématique déjà ancienne des économies d’énergie.

Plus précisément, c’est ce que les spécialistes de la question dénomment « maîtrise de la demande en électricité » (MDE) que nous suivrons pas à pas au cours de sept chapitres pour montrer l’évolution des politiques en la matière, leur récente territorialisation et leur relation avec la sphère domestique. Avant d’entrer dans le vif du sujet, il semble au préalable important de revenir sur les termes de sobriété et de maîtrise. Souvent utilisée comme antonyme de l’ivresse, la première des ces notions ne saurait s’y réduire. De même, on préférera à l’usage de synonymes imparfaits comme frugalité ou abstinence ceux plus

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adéquats de modération ou de tempérance pour préciser ce que recouvre de notre point de vue la sobriété. Qualification générique utilisée en France à la croisée des mondes scientifico-technique et politico-administratif, le terme de maîtrise est pour sa part porteur d’une signification un peu différente, puisqu’il sous-tend dans le cas présent que l’on se rende maître des consommations électriques. En les contrôlant de manière active, il s’agit ainsi d’œuvrer résolument en faveur d’une réduction (ou tout au moins d’une certaine stabilisation) de la demande. De fait, la maîtrise s’apparente davantage à un objectif politique tandis que la sobriété renvoie quant à elle à une sorte d’idéal pratique.

Par delà ces différences sémantiques, ces deux notions recouvrent conjointement l’idée selon laquelle il s’agirait de consommer moins en consommant mieux. De la sorte, ce n’est pas un mode vie ascétique fait de sacrifices et de restrictions qui se trouve promu dans ce cadre, mais davantage une autre façon d’utiliser l’électricité au quotidien. En aucun cas, il ne s’agit de remettre en cause le confort ou les acquis du progrès. Tout au contraire, le principe d’une maîtrise de la demande électrique se veut être un moyen de satisfaire tout à la fois les besoins de bien-être immédiats et futurs. Pour ce faire, une conciliation temporelle a donc vocation à être entreprise pour que les usages électriques d’aujourd’hui n’aient pas demain des conséquences fâcheuses. En ce sens, cette dynamique sociale ne diffère pas tellement de celle qui prévaut depuis que l’homme a domestiqué le feu et que de nombreuses possibilités se sont ainsi offertes à lui. En effet, en maîtrisant l’énergie, les humains ont pu modifier considérablement leur mode de vie, en s’accommodant progressivement des contraintes de la matière2. Dans le même temps, ils ont pourtant eu à faire preuve d’une forme de vigilance nouvelle pour que les bienfaits du progrès ne soient pas qu’éphémères. Les risques étant bien identifiés à l’échelle des communautés de vie, y répondre collectivement c’était également y répondre pour soi. Il appartenait donc à chacun de faire attention à ses usages de l’énergie.

Cette préoccupation énergétique s’est amenuisée suite à l’avènement de la Fée Électricité à la fin du XIXème siècle. Grâce à la structuration de vastes réseaux d’approvisionnement sur lesquels pouvaient se connecter les multiples équipements électriques qui ont rapidement envahi l’espace marchand, l’électricité est devenue en France un bien de consommation courant, abondant et accessible au plus grand nombre. De ce fait, une bonne part des anciennes craintes s’est volatilisée. L’amélioration des performances techniques des appareils électriques ayant par ailleurs contribué à reporter vers la technologie les exigences de maîtrise de l’énergie, les usages en eux-mêmes se sont libérés des contraintes de la modération. On constate ainsi, à l’instar de Gaston Bachelard, que l’objet semble s’être substitué au sujet, que le fonctionnement s’est affranchi du raisonnement, et que l’évidence s’est imposée face au signifiant. Aujourd’hui, alors que les

2 LEROI-GOURHAN André (1943), L’homme et la matière, Paris, Albin Michel.

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économies d’énergie sont à nouveau devenues une préoccupation sociale et qu’une incertitude perdure quant à la capacité des techniques performantes à combler une absence de modération des usages, la revalorisation de l’idée d’une plus grande sobriété des pratiques électriques semble de fait être un moyen complémentaire d’atteindre les objectifs de maîtrise de la demande en électricité, en comptant sur l’action des hommes et non pas sur celle des outils qui les assistent au quotidien.

Prenant pour point de démarrage cette situation, une des questions qui nous préoccupe dans cette recherche est de savoir comment les usagers de l’électricité vont pouvoir se rendre à nouveau maîtres de la technique, et comment ils vont y être encouragés par les pouvoirs publics. Dans un contexte d’ouverture du marché de l’électricité domestique à la concurrence, des incertitudes existent par ailleurs quant à l’impact qu’aura la disparition du monopole public d’EDF sur la façon de promouvoir la sobriété des usages électriques auprès des consommateurs du secteur résidentiel. En effet, observant que l’Etat semble à présent disposé à déléguer aux acteurs de proximité une partie de la gestion de la demande électrique, il semble à cet égard intéressant de suivre le positionnement que vont adopter l’opérateur historique et se concurrents. Enfin, alors que la question des économies d’énergie revient sur le devant de la scène publique suite aux engagements pris par la France en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, il nous paraît pertinent d’interroger la nature des liens qui unissent les politiques environnementales visant à lutter le changement climatique et les initiatives prises pour maîtriser la demande électrique des ménages.

La singularité d’une approche plurielle de la ressource électrique

Prendre l’électricité comme objet d’étude n’est bien évidemment pas une innovation en soi, de nombreux auteurs se sont aventurés avant nous sur ce sujet complexe. Il s’avère cependant que, en se pliant fréquemment aux frontières disciplinaires, la plupart de ces travaux consacrés à l’électricité tendent à donner aux lecteurs une vision segmentée de la question. S’il va de soi que ces orientations se justifient incontestablement par un souci de cohérence et de précision, il n’en reste pas moins que cette spécialisation rend difficile une compréhension globale des enjeux, tant ceux-ci sont compartimentés de manière souvent étanche. Bien évidemment, notre thèse n’a pas la prétention de faire tomber ces cloisons.

Cela serait d’une part irréaliste, et d’autre part absurde. En revanche, en se proposant d’opérer une jonction entre des dimensions qui sont habituellement traitées distinctement, notre approche de l’électricité ambitionne de clarifier le sens pluriel de cet enjeu singulier.

Dans cette thèse, nous nous emploierons donc à développer une analyse sociologique qui permette de concilier les apports des différents travaux qui ont pu être consacrés de près

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ou de loin à la question qui nous intéresse. À cet égard, nous serons tout autant amené à nous référer aux recherches anthropologiques qui se sont penchées sur les représentations et pratiques des usagers que sur les études économiques consacrées aux implication d’une maîtrise de la demande électrique. De même, nous nous appuierons avec le même intérêt sur les approches historiques que sur les analyses sociologiques faisant la part belle à des questions périphériques à la nôtre comme l’environnement ou la consommation. Occupant une place importante dans notre thèse, la dimension politique du problème sera quant à elle conduite à cohabiter aux côtés des données issues du travail des physiciens et ingénieurs. Par ailleurs, prenant acte de l’intervention de chercheurs en psychologie sociale et de spécialistes de la communication sur les terrains où s’est déroulée notre enquête, nous nous intéresserons aux écrits de ceux-ci en ce qu’ils nous offrent un angle différent pour aborder la question de la régulation des usages. Loin de s’enfermer dans une perspective unique, nous avons fait le choix de naviguer entre différentes grilles de lecture, en faisant varier les échelles d’observation3, et en nous refusant à privilégier l’extraordinaire vis-à-vis de l’ordinaire, l’innovation vis-à-vis de l’habitude, l’expression savante vis-à-vis du sens commun, la technique vis-à-vis du geste, le calcul vis-à-vis de l’éthique, l’exceptionnel vis-à-vis du quotidien.

Alors qu’on considère généralement l’électricité comme une énergie ou comme un bien de consommation, nous avons ici pris le parti de l’appréhender comme une ressource sociale. En choisissant de la qualifier de la sorte, il ne s’agit pas de l’assimiler aux ressources naturelles qui permettent de la produire et dont la raréfaction et le renchérissement sont un problème social majeur. Il convient au contraire d’insister sur le caractère artificiel et secondaire de cette ressource dans la mesure où cette particularité vient justement rappeler l’origine anthropique de l’électricité moderne : c’est parce que les hommes l’ont voulue que l’électricité existe, et c’est parce qu’ils en ont toujours besoin que cette ressource est encore produite aujourd’hui. L’utilisation de nombreuses marchandises étant désormais assujettie à la capacité des ménages à disposer d’un approvisionnement régulier en électricité, ce dernier s’est imposé comme un réservoir de possibilités dont la contenance varie (hors situations d’endettement) en fonction des moyens financiers de chacun. À l’inverse, sans accès à l’électricité, l’individu se trouve en partie contraint et marginalisé dans la société contemporaine. Par ailleurs, la permanence de l’alimentation électrique relevant de la responsabilité de l’Etat-gestionnaire vis-à-vis des citoyens-usagers, des mesures ont donc vocation à être prises par les pouvoirs publics pour qu’aucune coupure de courant préjudiciable ne vienne rappeler au monde moderne combien il est dépendant de l’électricité dans son fonctionnement quotidien. Et c’est précisément en cela que la planification de la demande s’avère tout aussi importante que la gestion de l’offre disponible.

3 En s’intéressant tout autant aux approches macro-, méso- et microsociales, mais également aux analyses micro- individuelles de la consommation électrique. DESJEUX Dominique (2006), La consommation, Paris, PUF.

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Un dispositif de recherche en mouvement

En prenant la France pour cas d’étude, nous avons pris le parti de restreindre notre champ d’investigation pour garantir à notre approche une certaine précision qui aurait été rendue impossible si nous avions souhaité mener de front la même démarche en comparant plusieurs pays. De plus, profitant de l’opportunité que constituait le lancement d’une politique de maîtrise de la demande en électricité sur un territoire où il nous était facile de nous rendre (le département du Lot), et cela, au même moment où nous démarrions notre investigation, nous avons pu suivre pas à pas la mise en œuvre de ce programme partenarial qui illustrait parfaitement les mutations que connaissaient alors les politiques de l’électricité au niveau national. Associant des collectivités locales, une grande entreprise électrique et la société civile sous la supervision de l’Etat déconcentré, cette initiative (présentée comme

« pilote ») s’affirmait alors comme une forme d’innovation en matière de planification électrique territoriale. C’est pourquoi nous avons pris le parti de mener une recherche ethnographique sur ce terrain, afin de suivre au plus près la mise en œuvre de cette nouvelle stratégie localisée de régulation de la demande électrique.

Notre objectif étant de prendre en considération l’ensemble du processus de promotion de la sobriété des usages domestiques de l’électricité, il s’agissait tout à la fois de s’intéresser à l’action des partenaires impliqués dans l’élaboration de cette politique territorialisée, aux médiateurs qui intervenaient dans la mise en œuvre effective des actions décidées collectivement, et aux destinataires domestiques de ces opérations de maîtrise de la demande électrique. De manière longitudinale, notre dispositif d’investigation impliquait donc de prendre en considération des logiques d’action distinctes pour comprendre plus globalement comment se traduisait in fine la volonté de rendre plus sobres les pratiques de consommation électrique des ménages. À l’échelle de ces derniers, ce qui nous a par ailleurs intéressé, ce n’était pas tant l’acquisition des technologies performantes promues pour économiser l’électricité, mais les usages dans ce qu’ils avaient de plus simple. Ayant constaté que les équipements réputés pour leur efficacité énergétique n’étaient pas également accessibles pour l’ensemble de la population4, il s’agissait de s’extraire de cette orientation pour ne pas se limiter à observer la plus grande capacité à investir des propriétaires et des ménages disposant de revenus importants. Nous avons donc fait le choix de privilégier une approche par les usages, en nous attachant plus particulièrement à ceux qui sont désormais souvent désignés comme des « gestes écocitoyens » : abaisser la température de son

4 A l’issue d’une étude menée en 2004 sur la diffusion des techniques d’éclairage performant, il nous était apparu que la différence de coût entre lampes à incandescence et lampes basse consommation se révélait rédhibitoire pour les ménages les plus modestes. Enracinés dans une logique économique de l’immédiateté, ils privilégiaient ainsi souvent l’achat de produits d’éclairage à bas coût plutôt que l’investissement dans des ampoules onéreuses dont ils ne voyaient pas l’intérêt.

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chauffage à 19°C, éteindre les lumières en quittant une pièce, couper l’alimentation des appareils en veille, … De la sorte, il nous devenait alors possible d’observer la réaction des ménages dans leur ensemble, face à des recommandations qui les concernaient tous au même titre.

Placé en situation d’observateur, nous avons suivi la construction d’une politique partenariale de maîtrise de la demande en électricité en assistant tout aussi bien aux moments formels qu’informels durant lesquels ce programme territorial s’est progressivement structuré. Face aux débats techniques auxquels nous étions associés, il nous a fallu apprendre vite, et de manière totalement autodidacte, le jargon et les usages en vigueur afin de saisir avec justesse les jeux d’acteurs bien particuliers qui se donnaient à voir au sein de cet ensemble composite de partenaires. De même, en réalisant des entretiens in situ dans les ménages, il nous a fallu trouver les mots justes pour faire parler les évidences du quotidien, pour amener les usagers de l’électricité à dépasser le simple stade déclaratif (qui semblait souvent prévaloir dans l’enquête quantitative que nous avons menée en parallèle) en créant une relation de confiance favorable à l’expression de leurs avis sur le principe d’une plus grande sobriété de leurs usages en matière d’électricité. En effet, c’est avant tout la question des freins au changement de pratiques qui nous intéressait dans le cadre de cette investigation domestique, dans la mesure où il nous semblait que c’était précisément sur ce point que des connaissances manquaient dans la littérature scientifique.

Au gré des évènements qui sont survenus au cours de notre thèse et de l’expérience que nous avons peu à peu acquise au contact du terrain, des ajustements se sont révélés nécessaires pour répondre au mieux aux interrogations fondatrices de notre recherche. À défaut de mettre en œuvre tardivement une approche comparative, nous avons davantage cherché à mettre en perspective différents points de l’étude que nous menions avec des cas similaires qu’il nous était possible d’explorer. Concernant l’analyse des évolutions de la politique française de maîtrise de la demande en électricité, cela nous a conduit à prendre du recul sur celle-ci en étudiant sur le même plan ce qu’il en était au Royaume-Uni. Il s’agissait ainsi de donner du relief à ce qui apparaissait du côté français, en le confrontant à une réalité toute autre. En effet, alors que la France s’apprêtait à ouvrir totalement son marché de l’électricité à la concurrence, il nous a semblé nécessaire d’observer l’expérience britannique (où la dérégulation du secteur avait été initié dès 1989) pour voir si les exigences de sobriété pouvaient s’articuler avec les implications d’un marché libéré de l’interventionnisme étatique.

Constatant par ailleurs qu’il nous serait difficile de concilier les temporalités de notre investigation empirique avec celles propres à la mise en œuvre partenariale du programme de maîtrise de la demande en électricité du Lot, un autre ajustement nous a conduit à nous

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intéresser à l’unique autre politique territoriale de ce type, initiée en région Provence Alpes Côte d’Azur. Démarrée un peu avant celle que nous observions en Midi-Pyrénées, cette dynamique interdépartementale en faveur de la sobriété électrique avait l’avantage de s’inscrire dans un contexte assez comparable et d’être plus avancée dans son opérationnalisation. De ce fait, il nous est devenu possible de suivre les réalisations concrètes de ce programme territorial et d’en saisir les particularités par rapport à la politique initiée au niveau national. Enfin, un dernier aménagement nous a amené à élargir le domaine d’investigation des médiateurs de la sobriété électrique pour prendre en compte la diversité de ceux-ci, non pas tant sur un plan exclusivement local (comme nous l’avions initialement envisagé), mais sur un plan plus large intégrant tout autant le secteur marchand et la société civile que les nouvelle technologies de l’information. Offrant une vue plus complète de la diversité des médiateurs intervenant pour promouvoir des changements de pratiques en matière de consommation électrique, cette extension de notre espace de recherche a de la sorte permis de mieux prendre en compte l’environnement prescriptif qui entoure les ménages, hors du strict cadre des campagnes d’information initiées par les pouvoirs publics.

Enjeux sociaux, politiques territoriales et logiques domestiques

Pour traiter de la question de la sobriété électrique, nous avons développé ici notre approche en trois temps qui nous conduiront à voir comment l’enjeu d’une maîtrise de la demande s’est d’abord structuré au niveau national (I), avant de s’imposer plus récemment à l’échelle territoriale (II) et enfin d’être partagé avec l’ensemble des usagers domestiques de l’électricité (III). Dans notre premier chapitre, nous nous sommes attaché à saisir la singularité de la politique française en matière de sobriété électrique en la confrontant à un autre cas de figure (celui du Royaume-Uni) et en l’interrogeant au prisme de son évolution historique. Partant de là, nous avons ensuite cherché dans le second chapitre à voir comment le renouvellement du contexte des politiques d’économies d’énergie (marqué par une supranationalisation des décisions à l’échelle européenne et mondiale, par la montée en puissance de l’enjeu climatique, et par la création d’un marché libéralisé de l’électricité) a eu un impact sur les choix politiques opérés de part et d’autre de la Manche.

Revenant sur les prémisses des deux politiques de maîtrise de la demande en électricité que nous avons étudiées, le troisième chapitre montre comment des mobilisations citoyennes contre des projets de sécurisation technique de l’alimentation électrique sont parvenues à faire entendre leur voix dans le cadre de processus délibératifs en obtenant la prise en considération de la sobriété électrique comme une alternative à l’édification controversée de lignes très haute tension. Des politiques territoriales de maîtrise de la demande en électricité ayant été mises en œuvre dans les deux cas de figure, notre quatrième chapitre se penche sur les débuts de celle que nous avons longuement pu

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observer dans le département du Lot, en revenant pas à pas sur les difficultés qu’a rencontrée cette dynamique partenariale au moment de traduire à l’échelle territoriale une politique publique traditionnellement nationale. En confrontant ce cas à celui que nous avons également étudié dans l’Est de la région Provence Alpes Côte D’Azur, le cinquième chapitre de la thèse s’attache à comprendre les raisons qui ont conduit ces deux programmes à s’interrompre, en insistant notamment sur le problème que constitue la structuration d’un réseau élargi d’acteurs territoriaux dans la perspective d’une planification intégrée de la ressource électrique sur le long terme.

Adoptant une perspective bien différente, notre sixième chapitre propose un inventaire sélectif des modes de médiation mis en œuvre pour convaincre les ménages de l’intérêt d’une plus grande sobriété de leurs usages. En montrant la récente prépondérance d’argumentaires valorisant l’engagement environnemental des usagers de l’énergie, il pose directement la question du sens que ceux-ci donnent à l’idée de sobriété électrique, ce qui nous amène au septième chapitre de notre thèse dans lequel nous nous sommes attaché à décrire les facteurs de blocage qui contraignent le changement effectif des pratiques domestiques de l’électricité. Au terme de cet ultime chapitre, c’est donc une vision globale que nous aurons présenté, en nous intéressant sur un même plan aux conduites de gouvernement et au gouvernement des conduites5, en évoquant tout à la fois le contexte historique, la situation actuelle et les perspectives d’avenir de la sobriété électrique, et en traçant un lien entre les enjeux globaux et locaux qui justifient la mise en œuvre d’actions diversifiées en faveur d’une planification intégrée de la ressource électrique.

5 Inspirés des analyses de Michel Foucault et Nikolas Rose, des travaux récents sur la gouvernementalisation ont été entrepris dans une perspective proche de la nôtre : LABORIER Pascale et LASCOUMES Pierre (2005), « L’action publique comprise comme gouvernementalisation de l’Etat », in MEYET Sylvain, NAVES Marie-Cécile et RIBEMONT Thomas (eds), Travailler avec Foucault. Retours sur le politique, Paris, L'Harmattan, pp.37-60. ---RUMPALA Yannick (2007), La « consommation durable » comme nouvelle phase d’une gouvernementalisation de la consommation, communication à l’atelier « Regards multiples sur les actions et dispositifs visant à politiser la consommation », IXème Congrès de l’Association Française de Science Politique, Toulouse, septembre 2007.

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I

LA TRANSITION

DU MARCHÉ ÉLECTRIQUE FRANÇAIS AU PRISME DE L’EXEMPLE BRITANNIQUE

Approche socio-historique de deux politiques

de maîtrise de la demande électrique

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"-Mister Edison, what does this mean for the candle industry?

-We will make electricity so cheap that only the rich will burn candles"1.

l’heure où des mutations importantes se donnent à voir sur le marché de l’électricité domestique français, de nombreuses questions se posent. En effet, comment garantir la prise en considération par le marché des enjeux de long terme associés aux économies d’énergie ? Quelles formes d’interventionnisme l’Etat peut-il mettre en place pour éviter que la mutation du secteur industriel de l’électricité ne favorise des formes de consommation mois sobres ? Une autorégulation est-elle possible ? Mais quel serait alors l’enjeu pour les industriels d’inciter leurs clients à moins consommer ? Une telle logique d’action n’est-elle pas par essence contraire aux intérêts du vendeur lui-même ? Par ailleurs, si tant est que l’Etat intervient indirectement du dehors pour influer sur les dynamiques de marché, comment procède-t-il pour ce faire ? Et dans quelle mesure, ce type d’orientation politique porte-t-elle ses fruits ?

À

Il ne s’agira pas forcément ici de répondre à toutes ces questions, mais plutôt de se donner les moyens de les interroger en prenant un certain recul historique, afin de saisir ce qui caractérise les mutations actuelles du secteur électrique français. C’est également dans le but de mieux comprendre les particularités du modèle français qu’il nous a semblé intéressant de le mettre en perspective avec l’exemple britannique. En effet, le marché électrique au Royaume-Uni constitue un point de comparaison stimulant puisque celui-ci fut le premier en Europe à faire le choix de la libre concurrence dès 1989. Au travers des divergences passées et des convergences contemporaines, ce sont donc deux modèles de

1 Réponse de Thomas Edison à une question qui lui était posée à l’occasion de la première démonstration publique de l’ampoule à incandescence, à Menlo Park, le 31 décembre 1879.

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gestion de la ressource électrique que nous nous proposons de décrire ici, préalablement au reste de notre recherche.

Tout au long de cette partie, nous nous attacherons donc à interroger les politiques électro-énergétiques des deux pays en nous intéressant dans un premier temps à leurs spécificités historiques. Il s’agira alors de voir comment s’est opéré l’évolution du secteur électrique et comment cela a contribué à structurer deux types distincts de politiques en matière de maîtrise des consommations domestiques d’électricité. Pour ce faire, nous nous concentrerons plus particulièrement sur la période qui a suivi la seconde Guerre Mondiale, en laissant de côté le long apprentissage de la maîtrise du feu qui a précédé cette époque moderne2. Dans un second temps, nous nous attacherons davantage à observer la nature des enjeux qui caractérisent ces politiques depuis une dizaine d’années. Cette mise en perspective nous permettra alors d’interroger la récente transition du marché de l’électricité résidentielle en France à l’aune de l’expérience britannique. La libéralisation de ce secteur d’activité pose en effet question dans la perspective d’une limitation des gaz à effet de serre induits par les consommations énergétiques individuelles.

Tantôt dénoncé comme relevant d’une forme de désengagement public et tantôt célébré comme une solution idéale, le recours au marché pour suppléer l’action publique est un sujet de controverse qu’il convient d’aborder avec mesure. C’est pourquoi nous nous attacherons ici à sortir des diatribes associant l’activité marchande à une recherche aveugle du profit, tout en nous extrayant dans le même temps de la conception dithyrambique que professe l’idéologie libérale. Respectivement mises en défaut par la montée en puissance de différentes formes de responsabilité sociale des entreprises, et par les limites du modèle concurrentiel (qui ne se révèle pas toujours favorable pour les consommateurs), ces deux approches doivent donc être mises à distance pour éviter de s’enfermer dans un débat sclérosé et manichéen. Pour autant, il ne s’agit pas non plus d’être naïf en se laissant charmer par les sirènes de la communication citoyenne des entreprises, pas plus qu’il ne s’agit de rejeter les effets bénéfiques (notamment en matière de finances publiques) qui découlent du processus délégatif mis en œuvre par les pouvoirs publics.

2 Concernant l’évolution du marché des matières premières (de la bougie à l’électricité, en passant par l’huile de baleine, le kérosène et le gaz) permettant l’éclairage artificiel, on se référera notamment à FOUQUET Roger & PEARSON Peter J.G. (2006), "Seven Centuries of Energy Services : The Price and Use of Light in the United Kingdom (1300-2000)", The Energy Journal, n°27/1, pp.139-170.

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CHAPITRE PREMIER

Les choix politiques de la France et du Royaume-Uni en matière d’électricité : Convergences et divergences historiques

Des travaux précurseurs de Benjamin Franklin sur la foudre en 1752 à l’invention de la lampe à incandescence par Thomas Edison en 1879, en passant par la pile d’Alessandro Volta (1800), les études de Georg Ohm (1827) ou la dynamo de Zénobe Gramme (1870), l’électricité a donné lieu à de nombreuses recherches isolées avant de parvenir à s’imposer à la toute fin du XIXème siècle comme le symbole du progrès que nous connaissons aujourd’hui. Célébrée à l’occasion de l’Exposition Universelle de Paris en 1900, au sein d’un

« Palais » qui porte son nom, elle démarre alors sa conquête du monde. Sa diffusion1 ne va cependant pas se faire sans difficultés. En effet, ses propriétés physiques sont autant de contraintes à maîtriser pour les premières entreprises d’électrification des réseaux urbains2. C’est pourquoi l’intervention de la puissance publique va rapidement s’imposer afin de

1 Au sujet de la diffusion de l’électricité en France, la référence incontournable reste BELTRAN Alain et CARRÉ Patrice A. (1991), La fée et la servante. La société française face à l’électricité. XIX°-XX° siècle, Paris, Belin.

2 L’objet de notre recherche ne portant pas spécifiquement sur l’aspect technologique de la question, nous n’aborderons donc pas ici les travaux classiques de Thomas Parke Hughes, auquel on doit notamment l’identification des phénomènes de congruence entre réseaux de savoir et de pouvoir à l’époque de l’électrification. Cf. HUGHES Thomas P. (1983), Networks of Power: Electrification in Western Society (1880-1930), Baltimore, Johns Hopkins University Press.

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réguler ce nouveau marché. D’autant que les craintes restent encore importantes au début du XXème siècle vis-à-vis de cette ressource immatérielle et potentiellement dangereuse.

Placée sous l’autorité des collectivités locales suite à la Loi du 15 juin 1906, la distribution d’électricité va s’organiser dès l’origine dans une configuration décentralisée. En effet, les communes françaises peuvent librement accorder une permission de voirie ou une concession à des prestataires de service extérieurs, chargés de l’exploitation du réseau d’alimentation électrique local. Dans ce cadre, de nombreuses entreprises régionales et locales vont apparaître pour s’emparer de cette activité nouvelle et prometteuse. Pour ce qui est de la source d’alimentation, on compte alors principalement sur le charbon, exploité depuis plus d’un siècle des deux côtés de La Manche. Capable de produire 300 millions de tonnes de ce minerai à la veille de la Première Guerre Mondiale, le Royaume-Uni est dans une situation très favorable pour développer sa filière électrique. Au même moment, la France ne produit pour sa part que 40 millions de tonnes, ce qui est loin d’être suffisant pour faire face à la demande. De fait, elle doit se résoudre à importer près de 100 millions de tonnes de charbon britannique3. Une forte relation de dépendance énergétique s’établit alors entre les deux pays. Et celle-ci va encore s’amplifier suite aux dégâts que va causer la Guerre de 14-18 dans le Nord de la France. Sinistrée, l’industrie charbonnière française se heurte par ailleurs à un déficit majeur de recrutement du fait des lourdes pertes humaines que le conflit a occasionnées. Considéré comme dangereux4, difficile et mal rémunéré, le travail de mineur n’attire plus la main d’œuvre nationale. Les houillères doivent donc faire appel aux travailleurs immigrés. Côté britannique, la période de l’après-guerre est nettement plus favorable et confirme la place prépondérante que le pays occupe sur ce marché de plus en plus international. Profitant de la situation, le pays pratique un contingentement de sa production (similaire à ce que feront plus tard les pays pétroliers) en réduisant celle-ci pour maintenir des prix importants.

Soucieux de ne pas laisser perdurer cette situation de dépendance, le président du Conseil Raymond Poincaré va chercher à diversifier les approvisionnements en combustible fossile dès 1923. Pour ce faire, il initie alors le développement d’une filière pétrolière française. À défaut de gisements connus sur le territoire métropolitain et colonial, le gouvernement français négocie un accès aux puits dont disposent les pays du Moyen-Orient.

Profitant des bouleversements politiques que connaît la région suite à l’effondrement des grands empires ottomans et persans, plusieurs pays occidentaux se rapprochent des

3 KOURCHID Olivier (1998), « Vivre ou survivre : La place du charbon dans l’énergie en France (1900- 1980) », Les Annales des Mines –Réalités Industrielles, n°3/98, pp.34-45.

4 Pour mémoire, l’accident survenu le 10 mars 1906 dans la mine de Courrières (Pas de Calais) fit près de 1100 morts. Il donna lieu à l’un des plus importants mouvements sociaux de l’époque qui aboutira finalement à l’instauration du repos dominical pour l’ensemble des salariés : Alinéas 2 et 5 de l’article 221 du Code du Travail.

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nouveaux gouvernants (le président turc Mustapha Kemal Atatürk et le Chah d’Iran Reza Pahlavi) pour exploiter le pétrole qu’ils convoitent. Décidés à s’implanter durablement, la France, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et les Etats-Unis s’associent donc au sein de consortiums (Turkish Petroleum Company, puis Iraq Petroleum Company) pour se partager (à parts égales) l’or noir du Moyen-Orient5. Accroissant les inégalités économiques, cette répartition de la richesse pétrolière va de fait attiser les ressentiments des exclus comme l’Allemagne et l’Italie. À la veille d’un conflit où l’usage intensif de chars, d’avions et de bateaux renouvela complètement la façon de combattre, cette source d’énergie constituait une ressource cruciale. Toutefois, la durée de la Seconde Guerre Mondiale atteste que l’inégal accès au pétrole n’a pas suffi à établir un déséquilibre dans les rapports de force.

Impliquant une gestion diplomatique complexe du fait de l’instabilité politique des pays producteurs, les importations de pétrole relèvent en France du monopole de l’Etat. De ce fait, on voit alors s’instaurer un système de garantie publique à l’égard de ce qui est progressivement devenu un bien de consommation de première importance. Pour autant, cette approche interventionniste (plus colbertiste que keynésienne) ne s’arrête pas à la seule question de l’approvisionnement pétrolier. Les pouvoirs publics cherchent aussi à diversifier les sources d’énergie, présentes sur le territoire français. C’est ainsi qu’au cours des années 1930, des recherches vont être menées avec succès dans le Sud-Ouest de la France, permettant notamment la découverte d’un premier gisement de gaz6 à Saint Marcet.

5 Initiés par l’homme d’affaires arménien Calouste Gulbenkian, ces consortiums regroupent alors des sociétés nationales qui seront plus tard connues sous les noms de Total (France), BP (Royaume-Uni), Shell (Pays-Bas), Mobil et Esso (Etats-Unis). Chargé par la Société des Nations d’administrer l’Irak, le Royaume-Uni n’a pas bénéficié de régime de faveur à ce titre. Comme précédemment pour les pétroles turcs, les quatre partenaires nationaux détenaient équitablement 95% des parts de la Company, 5% étant réservés à Gulbenkian.

6 Le gaz extrait de ce gisement (situé près de St Gaudens, dans la Haute-Garonne) ne sera pas utilisé comme combustible à vocation électrogène. Il faudra attendre pour cela la découverte en 1951 du principal champ de gaz français à Lacq, près de Pau dans les Pyrénées Atlantiques.

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I- La structuration d’un service public intégré de l’électricité : 1945-1972

uand s’achève la Seconde Guerre Mondiale, il s’agit de reconstruire l’Europe, en s’attachant à faire oublier les affres de la pénurie et les nombreuses coupures d’alimentation électrique qui ont émaillé la période. À nouveau sinistré, le secteur charbonnier français est alors loin de son record d’extraction de 1938. C’est pourquoi le Gouvernement Provisoire, (s’exprimant par la voix de Maurice Thorez et de Charles de Gaulle) va alors appeler à la mobilisation des mineurs dans le cadre de la Bataille du Charbon. Il s’agit de restructurer et moderniser l’industrie charbonnière face à la demande qui s’exprime dans l’immédiat après-guerre. Pour la France1 comme pour de nombreux autres pays, le développement massif des infrastructures énergétiques constitue en effet un enjeu déterminant. L’objectif est de s’inscrire dans une nouvelle modernité où l’accès équitable à l’électricité sur l’ensemble du territoire national devient un droit pour tous, relevant directement du service public. C’est ainsi que sous l’impulsion des ministres communistes du Gouvernement Provisoire de la République Française et à l’initiative du Gouvernement travailliste de Clement Attlee, la France et le Royaume-Uni vont entreprendre de nationaliser les entreprises de leur secteur énergétique national. Cela va notamment se traduire par la création du monopole d’Électricité de France2 (EDF) en avril 1946 et par le vote de l’Electricity Act en 1947. Dans cette perspective keynésienne, les deux Etats vont également prendre le contrôle des mines de charbon en procédant à la nationalisation des bassins houillers. C’est alors la création du National Coal Board et de Charbonnages de France.

Q

1 Sans qu’il n’y soit fait directement référence, une bonne partie des évènements relatés dans ce chapitre au sujet de la France sont à mettre au crédit d’une lecture assidue des ouvrages suivants : MORSEL Henri (1996), Histoire de l’électricité en France (tome 3). Une œuvre nationale : l’équipement, la croissance de la demande, le nucléaire (1946-1987), Paris, Fayard. --- PICARD Jean-François, BELTRAN Alain et BUNGENER Martine (1985), Histoire(s) de l’EDF. Comment se sont prises les décisions de 1946 à nos jours, Paris, Dunod.

2 C’est la Loi 46-628 du 8 avril 1946 qui entérine la nationalisation du gaz et de l’électricité en France.

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[I-A] L’Électricité : Symbole de progrès et enjeu de la reconstruction

A la différence du modèle jacobin français, c’est en s’appuyant sur le niveau régional que va s’opérer au Royaume-Uni la nationalisation du secteur électrique, au travers d’un système décentralisé de production et de distribution organisé autour d’une quinzaine d’Area Electricity Boards. En effet, même si les autorités concédantes (syndicats intercommunaux ou départementaux fédérés au sein de la Fédération Nationale des Collectivités Concédantes et Régies) donnent un caractère décentralisé à l’activité de distribution en France, cela n’est aucunement comparable avec la régionalisation qui se met alors en œuvre au Royaume-Uni. Pour autant, si la structuration du service public diffère, les gouvernements vont exercer un contrôle total sur l’ensemble de la filière. Représentant un enjeu stratégique pour l’alimentation des centrales thermiques de production électrique, le charbon va jouer un rôle considérable dans le développement économique d’après-guerre, puisqu’il va permettre à l’Angleterre d’être faiblement dépendante des importations de matières premières à vocation électrogène. En effet, les mines britanniques fournissent dans les années 1940 près de 90% des matières premières utilisées dans la production électrique.

A l’opposé, la France va se trouver partiellement en situation d’importateur, du fait de l’insuffisance de la production nationale. De part et d’autre de la Manche, la situation va cependant rester fragile dans les premières années qui suivent le conflit. C’est pourquoi, dès 1947, le gouvernement britannique initie la première campagne de sensibilisation visant à encourager les citoyens à économiser l’énergie3. Côté français, la situation est plus simple puisque le rationnement de la consommation va rester à l’ordre du jour jusqu’en 1949, tandis que le premier Plan quinquennal 1947-53 (initié par Jean Monnet, avec l’aide des financements du Plan Marshall) s’emploie progressivement à la modernisation du pays.

Avec le retour de Winston Churchill au pouvoir, c’est un nouveau chapitre de l’histoire politique du Royaume-Uni qui va s’écrire, puisque les conservateurs vont diriger le pays pendant treize ans. Ce ne sera pourtant pas l’occasion de revenir sur l’Etat-Providence même si Churchill a envisagé un vaste mouvement de dénationalisation. Soucieux de sécuriser l’alimentation électrique du pays qui dépend étroitement du secteur minier (et de son puissant syndicat, la National Union of Mineworkers) et qui est régulièrement sujette à des défaillances depuis la guerre, le Gouvernement va lancer un vaste programme de nucléaire civil en 1952. Cela va se concrétiser dès 1956 avec l’inauguration du site de Calder Hall par la jeune reine Elisabeth II. Sous l’impulsion des gouvernements d’Anthony Eden

3 Réalisé en 1947 pour le compte du Central Office of Information for Ministry of Fuel, un petit film surréaliste intitulé "Watch The Meters" (Surveillez le compteur) mettait en scène le gaspillage pour mieux le fustiger.

Finalement, le personnage en venait à la conclusion : "I’ve got to watch my meters. It really matters " (Je dois surveiller mes compteurs, ça compte vraiment).

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(1955-1957) puis d’Harold MacMillan (1957-1963), huit autres centrales vont voir le jour dans les dix années qui vont suivre. Toutefois, si cette expansion nucléaire contribue à renforcer le pays dans sa quête de l’autosuffisance en matière électrique, l’incendie qui survient à Windscale en 1957 handicapera prématurément l’image de cette nouvelle énergie.

En France, l’heure n’est pas encore au développement du nucléaire. En effet, même si le pays a récemment découvert de l’uranium en quantité importante4, les recherches qui sont entreprises ne permettent pas encore d’envisager une commercialisation électrique de grande envergure5, et cela, malgré la mise en service de la première centrale nucléaire française à Marcoule. En effet, tout comme à Calder Hall (qui a ouvert un mois auparavant), la capacité de production est pour l’instant dérisoire. L’objet principal de cette expérimentation reste avant tout lié à l’usage militaire de l’atome. De fait, face au développement de cette technologie dans plusieurs grandes puissances, l’Organisation des Nations Unies (ONU) décide la même année de la création de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AEIA) afin de contrôler cette course à l’atome et garantir une paix mondiale encore fragile, dix ans après les bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki.

A cette même époque, la Guerre Froide démarre entre le bloc occidental emmené par les Etats-Unis au sein de l’OTAN (Organisation du Traité de l’Atlantique Nord) et le bloc des pays signataires du Pacte de Varsovie réunis autour de l’Union Soviétique depuis l’année précédente. Disposant chacun d’un arsenal nucléaire plus que dissuasif, c’est l’équilibre de la terreur qui va paradoxalement maintenir la paix entre ces deux ensembles antagonistes. Du côté européen, c’est davantage une logique coopérative qui tend à prévaloir dans ces années de reconstruction. Dans l’immense majorité des pays, l’énergie primaire la plus consommée reste de loin le charbon et cela n’est pas sans poser de problème pour les pays qui sont contraints d’en importer. Dépendants depuis la Première Guerre Mondiale de la position dominante exercée par le Royaume-Uni sur ce marché, la France, l’Allemagne, l’Italie et le Benelux vont donc s’allier dès 1951 pour constituer une Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA). Ce faisant, les anciens belligérants s’unissent pour relever le défi économique et industriel qu’impose la croissance soutenue des usages énergétiques. Par la suite, cette coopération entre les six pays va encore s’élargir le 27 mars 1957 lors de la signature à Rome de deux traités visant à instituer une Europe communautaire. Dans ce cadre, on assiste alors à la création d’une communauté européenne de nature économique

4 L’extraction de minerai a démarré suite à la découverte d’un gisement vendéen en 1946. Par la suite, d’autres sites ont été exploités dans la Loire-Atlantique voisine, dans l’Hérault, dans les trois départements de la région Limousin, dans le Cantal et dans le Morbihan.

5 La première pile atomique (Zoé) de conception française a vu le jour en décembre 1948 sur le site du Commissariat à l’Energie Atomique (CEA) de Fontenay aux Roses. Toutefois, sa puissance était presque inexistante. Ce n’est que lors du déplacement du CEA à Marcoule (dans le Gard) que des premières expériences vont permettre de produire réellement de l’électricité.

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