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Maîtriser la demande en attendant de sécuriser l’offre : 1975-1978

n attendant de quadrupler la quantité d’énergie nucléaire générée sur le territoire français grâce aux centrales nucléaires de Fessenheim, du Tricastin, de Dampierre et de Gravelines, la priorité immédiate est aux économies d’énergie. En effet, on ne saurait limiter le Plan Messmer à la question du nucléaire. Il s’agit plus globalement de sécuriser l’approvisionnement énergétique du pays en contrôlant la demande. C’est ainsi qu’une politique de maîtrise des consommations énergétiques est initiée en parallèle à la stratégie d’accroissement de l’offre. D’abord placée sous la responsabilité de la Délégation Générale à l’Energie1, cette politique n’a pas vocation à se révéler contraignante pour les citoyens. C’est d’ailleurs pourquoi (et nous l’avons vu précédemment) le pouvoir exécutif se contente le plus souvent de commenter la crise en invitant tout un chacun à agir.

E

[III-A] La création de l’Agence pour les Economies d’Energie (AEE)

A défaut de pouvoir recourir à des mesures contraignantes ou objectivement attractives, le nouveau président (Valéry Giscard d’Estaing) se trouve dans une situation semblable à celle qui prévalait avant le décès de Georges Pompidou. C’est pourquoi le gouvernement nouvellement nommé se doit d’être réactif pour trouver des solutions avant l’hiver. Contraint par le temps (horloger et météorologique), les pouvoirs publics vont d’abord s’appuyer sur le cadre existant, dans l’attente de la structuration effective d’une Agence pour les Economies d’Energie (AEE, décidée en conseil des ministres le 25 septembre 1974) et du vote d’une loi pour encadrer cette action publique. Placée sous la responsabilité du Ministre de l’Industrie et de la Recherche (Michel d’Ornano), la

1 Créée le 21 décembre 1973 (décret 1132) en remplacement du Secrétariat Général à l’Energie, la Délégation est d’abord placée sous la tutelle de Jean Charbonnel, ministre du développement industriel et scientifique.

Suite au remaniement ministériel de mars 1974, le décret du 7 mars (74-208) modifie les attributions du Délégué Général qui dépend dès lors d’Yves Guéna, nommé au ministère de l’industrie, du commerce et de l’artisanat.

Délégation Générale à l’Energie va donc mobiliser les dispositions prévues par une loi d’après-guerre (Loi 48-400 du 10 mars 1948 sur l’utilisation de l’énergie) pour lancer une première série de mesures visant à favoriser les économies d’énergie.

Dans le même temps, des premières campagnes à destination des ménages sont lancées dans les grands média. Il s’agit de promouvoir les économies d’énergie en proposant des conseils et en donnant la parole à des foyers qui relatent leur expérience en la matière.

C’est alors le début d’une communication qui tend à invisibiliser la place de l’Etat (seulement représenté par le logo de la Délégation Générale à l’Energie), au profit d’un échange des citoyens entre eux. Ce faisant, les pouvoirs publics se placent (partiellement2) en retrait, tout en mettant en scène l’expression d’attitudes domestiques exemplaires afin de favoriser la diffusion de pratiques jugées conformes face aux enjeux auxquels se confronte la Nation.

Cependant, la sensibilisation des citoyens ne peut pas constituer une fin en soi. C’est pourquoi le Gouvernement dirigé par Jacques Chirac va accélérer le rythme législatif en faisant adopter en urgence une loi relative aux économies d’énergie3. Avant la saison froide et un an après la survenue du Choc Pétrolier, des mesures spécifiques viennent donc réguler la demande énergétique en définissant les modalités de répartition en cas de pénurie et en définissant des premières normes sur les installations thermiques des logements collectifs.

Dans le prolongement de cette dynamique, l’Agence pour les Economies d’Energie va continuer à se mettre en place suite au décret (29/11/74) qui va définir son statut d’Etablissement Public Administratif. À la veille de l’année 1975, tout un dispositif semble donc prêt pour entreprendre une grande politique d’économies d’énergie à la française.

Nommé directeur de l’AEE en décembre 1974, l’ingénieur des Mines Jean Syrota4 se retrouve en première ligne quelques jours plus tard. Témoin privilégié des volontés de l’exécutif en matière d’économies d’énergie, il explique dans un entretien5 la dynamique qui prévalait lors des débuts de l’Agence. Il y évoque notamment le fort scepticisme qui

2 Dans une allocution télévisée, Valéry Giscard d’Estaing reprend quand même la prosodie discursive de son prédécesseur en s’adressant aux citoyens : « Nous traversons une période de difficulté. Il faut voir les choses telles qu’elles sont. (…)Je compte sur vos qualités : la Raison, le Jugement, le sens de l’effort et de l’épargne. Et vous pouvez vous dire qu’au bout de cet effort, il y a une tâche de lumière qui est la reprise de l’économie de la société française. Nous y parviendrons. », ORTF, 26/11/74. Source : Archives numériques de l’INA.

3 Suite à la déclaration d’urgence, la proposition de loi va être adoptée par l’Assemblée Nationale le 4 octobre 1974, par le Sénat le 15 octobre, et par les commissions mixtes paritaires le 17 octobre. C’est ainsi que dès le 29 octobre, le Président de la République a pu promulguer la loi 74-908.

4 Il deviendra par la suite directeur général de l’Energie et des Matières Premières (DGEMP, Ministère de l’Industrie), puis président de la COGEMA, avant d’être nommé à la tête de la Commission de Régulation de l’Energie (CRÉ) à la création de celle-ci.

5 Issu d’un ouvrage incontournable sur l’histoire des politiques d’économies d’énergie en France : LERAY Théo et La RONCIERE Bertrand de (2003), Trente ans de maîtrise de l’énergie, Arcueil, ATEE. Largement mobilisé dans les pages qui suivent, ce livre est à la fois un recueil d’entretiens et une synthèse des faits marquants qui ont émaillé l’histoire singulière de la maîtrise de l’énergie en France entre 1973 et 2003.

s’exprimait dans la classe politique à l’égard de cette agence que beaucoup percevaient comme une lubie présidentielle temporaire. Prenant exemple sur l’Environment Protection Agency américaine, Valéry Giscard d’Estaing semble en effet avoir été le principal initiateur de la création de l’AEE, avec le but d’en faire un organisme relais, agissant au nom de l’Etat tout en restant sous sa tutelle. Comme l’explique Jean Syrota, le Président de la République voulait trouver une nouvelle façon de faire évoluer les pratiques des ménages en se refusant à toute contrainte :

« On voulait, au contraire, rassurer. (…) L’idée de base était qu’il fallait considérer les français comme des êtres intelligents, sérieux et responsables. » (pp.34-35)

Les leviers restent pourtant assez limités dans un premier temps puisque l’AEE ne peut compter que sur une douzaine de salariés. Il s’agit en priorité d’accompagner des projets d’amélioration de l’isolation thermique des bâtiments initiés grâce aux premiers dispositifs fiscaux conçus pour encourager les travaux. Par ailleurs, trois axes prioritaires ont été définis en accord avec le ministre de tutelle : Communication, Réglementation et Démonstration. Si les deux premiers points conduisent d’abord à prolonger l’action publique déjà à l’œuvre depuis un an, le troisième se révèle plus complexe étant donné qu’il implique d’exposer le plus largement des dispositifs économes encore peu développés. Ne disposant pas encore de moyens spécifiques pour accompagner le monde de la recherche, l’AEE peut quand même compter sur la Délégation pour les Energies Nouvelles qui est créée cette année là.

[III-B] De l’encadrement des pratiques à la sensibilisation des ménages

Dans le prolongement des restrictions d’usage définies par le Gouvernement Messmer fin 1973, un travail de suivi s’impose pour faire respecter les horaires d’extinction nocturne de l’éclairage dans les commerces et les immeubles de bureaux. Au sein des bâtiments publics, c’est le chauffage qui est plus particulièrement ciblé. C’est ainsi qu’une valeur thermique va s’imposer comme une norme d’usage à un plafond de 20°c. De même, l’AEE va encourager les ménages à adopter ce niveau de température par le biais d’une campagne de sensibilisation, en rappelant qu’abaisser le chauffage de 1°c permet 7% d’économies d’énergie. Pour aller plus loin dans cette dynamique, un service d’information sur les économies d’énergie va également être créé pour répondre aux questions des particuliers.

Bénéficiant d’une bonne couverture médiatique, ce nouvel outil de la politique de maîtrise de la demande énergétique va voir assez rapidement affluer le courrier et les appels téléphoniques, confirmant ainsi la pertinence d’une telle offre publique de renseignements pratiques et techniques.

Sur le plan de la réglementation, l’année 1975 est assez calme. La priorité est de mettre en œuvre les mesures législatives adoptées l’année précédente. Deux nouveautés significatives font cependant leur apparition sur ce terrain juridique. D’une part, on voit

émerger l’Europe dans la question des économies d’énergie au travers de deux directives communautaires sur la limitation de l’usage du gaz naturel (75-404) et des produits pétroliers (75-405) dans les centrales électriques. D’autre part, un arrêté (en date du 20 juin 1975) opère le lien entre les problématiques Energie et Environnement, en s’attachant plus particulièrement à l’exploitation des centrales thermiques « en vue de réduire la pollution atmosphérique et d’économiser l’énergie ». Dans les deux cas, qu’il s’agisse d’Europe ou d’Environnement, ce n’est que le début d’une longue histoire sur laquelle nous aurons largement l’occasion de revenir.

Début 1976, l’AEE peut compter sur un budget de 31 millions de francs pour aborder l’année à venir. Ces moyens humains restent toutefois limités (avec seulement 35 salariés) et l’obligent donc à développer des partenariats avec les acteurs du secteur économique. Avec ces derniers, un travail de conviction, d’animation, de mise en réseau et de coordination se met en œuvre pour tenter de trouver des solutions qui soient le plus largement acceptables et bénéfiques. C’est notamment ainsi qu’un accord volontaire va être trouvé avec les producteurs d’équipements électriques pour que ceux-ci indiquent la consommation des appareils qu’ils vendent. On assiste alors à une première expérience d’autorégulation du marché par l’étiquetage des produits, vingt ans avant l’apparition de l’Etiquette-Energie au niveau de l’Union Européenne. Dans le même sens, l’AEE exerce un contrôle sur la publicité relative aux équipements énergétiques. Cela peut conduire, selon les cas, à attribuer des agréments par le biais d’une labellisation ; ou inversement à infliger des sanctions dès lors que le contenu promotionnel a un caractère mensonger, et qu’il contrevient de facto à la dynamique initiée dans le cadre de la politique nationale d’économies d’énergie. Mais au-delà de ces mesures et de l’interdiction des publicités incitant à la consommation d’énergie6, un travail important d’accompagnement doit aussi se mettre en œuvre en direction des industriels et des particuliers pour inscrire les changements dans la durée. En effet, il s’agit alors de « convaincre l’opinion du caractère pérenne et inéluctable du problème » tout en s’attachant à « rompre avec l’idée d’austérité »7, et ce, alors même que le pays traverse une grave crise économique marquée par un accroissement important des chiffres de l’inflation et du chômage.

Pour tenter de dédramatiser un peu la situation tout en maintenant la dynamique initiée depuis deux ans, une nouvelle campagne de promotion des économies d’énergie va faire son apparition dans la presse, à la télévision et sur les ondes sous le slogan « En France, on n’a pas de pétrole mais on a des idées ». Donnant un caractère plus léger au message

6 Cette interdiction avait été décidée par décret (74-1039) le 6 décembre 1974. Suite au Second Choc Pétrolier, cette disposition a été réactualisée dans un décret (81-161) en date du 19 février 1981, et précisée dans un arrêté du 26 mars 1981.

7 Ces deux points font partie des quatre axes stratégiques que se fixait l’AEE en 1976. Cf. LERAY Théo et La RONCIERE Bertrand de (2003), op. cit., p.17.

adressé aux citoyens, cette nouvelle stratégie de sensibilisation opère alors une rupture marquante avec une façon de procéder qui consistait à accumuler des recommandations d’usage. Ce faisant, l’AEE contribue à moderniser l’image des économies d’énergie, en abandonnant le caractère solennel de l’interpellation et en adoptant une posture plus familière axée sur l’idée du bon conseil. Dans le prolongement d’un mouvement plus large qui a progressivement transformé la réclame en publicité, la communication médiatique de l’Agence entre en 1976 dans une nouvelle ère.

A l’occasion de l’instauration de l’heure d’été8 en mars 1976, le directeur de l’AEE va notamment se retrouver sous les feux des media. Profitant de l’occasion pour faire parler des économies d’énergie, il vient lui-même changer l’heure de l’horloge de la Gare de Lyon à Paris. Face aux journalistes, il met donc en scène la situation pour opérer un lien effectif entre les implications techniques de la décision politique (décalage de l’ensemble des montres du pays d’une heure) et les enjeux qui motivent cette action publique (les économies d’énergie qu’il personnifie). Ne disposant ni d’un budget conséquent, ni d’un grand nombre d’agents, le directeur de l’AEE va largement s’appuyer sur la ressource que peuvent constituer les media9. Répondant aux interviews, délivrant des communiqués de presse ou invitant les journalistes lors d’opérations spéciales, les responsables de l’Agence multiplient les occasions afin que l’on parle des économies d’énergie. À titre d’exemple, ils proposent notamment à la presse d’assister au contrôle de la température au sein des bâtiments publics pour illustrer le souci de transparence et d’exemplarité qui anime l’Etat vis-à-vis de son patrimoine immobilier. Forte de cette couverture médiatique, l’AEE justifie du même fait son existence et sa pertinence. D’autant qu’une enquête d’opinion confirme fin 1976 que 81% des personnes interrogées connaissent la campagne « On n’a pas de pétrole, mais on a des idées ».

[III-C] Vers une approche partenariale et concertée

Suite à la démission de Jacques Chirac, le Président nomme Raymond Barre pour le remplacer à la tête du Gouvernement. C’est donc sous sa responsabilité que se poursuit la politique d’économies d’énergie en 1977. La préoccupation politique restant la même à l’égard du problème énergétique, l’arsenal législatif continue à s’enrichir progressivement10. Par ailleurs, de nouvelles mesures (déductions fiscales, prêts à taux faibles et subventions) sont initiées pour soutenir les ménages qui souhaiteraient changer de chaudière ou parfaire

8 Initiée en temps de guerre (en 1916) en France et en Angleterre, l’idée de l’heure d’été avait été abandonnée par le gouvernement français à la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Suite au Second Choc Pétrolier, cette stratégie politique visant à limiter le recours à l’éclairage s’est progressivement diffusée dans toute l’Europe, avant de devenir aujourd’hui une part du socle commun de l’Union Européenne.

9 Cf. La RONCIERE Bertrand de (2003), « L’Agence vue de l’extérieur, un survol des premières réactions de l’opinion publique vue par la presse », in LERAY Théo et La RONCIERE Bertrand de, op. cit., pp. 211-217.

10 On citera notamment la Loi 77-804 du 19 juillet 1977.

l’isolation thermique de leur logement. À cette fin, des accords de co-financement se mettent en place avec le Ministère du Logement et la Fédération des Organismes HLM afin de soutenir les investissements qui permettront à terme des économies d’énergie substantielles.

Amené à établir toujours plus de partenariats pour élargir son champ d’action, l’AEE va cependant rencontrer de vraies difficultés en la matière. La première d’entre elles fait suite au plan de promotion du chauffage électrique initié par EDF. Car s’il est incontestable que cette initiative de l’entreprise publique joue un rôle sur l’accroissement du pouvoir d’achat des ménages (en proposant une alternative peu coûteuse pour les familles qui emménagent), il n’en reste pas moins que cela contribue dans le même temps à poser un problème plus large dans le cadre de la politique nationale d’économies d’énergie. En effet, ce qui constitue un avantage sur un plan micro-économique se révèle également être un vice d’un point de vue plus macro. Fort du soutien de l’exécutif, l’AEE va tenter d’infléchir la stratégie d’EDF en incitant l’entreprise publique à investir davantage dans le développement de la cogénération et des pompes à chaleur. Mais rien n’émergera finalement, et c’est ainsi que –contrairement à la plupart des pays limitrophes- le chauffage électrique va connaître en France une forte croissance tandis que la plupart des projets de cogénération vont rester dans les cartons.

Par ailleurs, une seconde difficulté partenariale va se poser à l’AEE, du fait de la faible implication de la société civile :

« Il n’y avait pas d’organisations mobilisées pour soutenir globalement notre action ; les organisations syndicales se sont peu impliquées et les associations de défense de l’environnement qui commençaient à exister, étaient davantage motivées par l’énergie solaire que par les économies d’énergie »11. [Jean Syrota, directeur de l’AEE, 1974-1978]

Toutefois, même s’il manque de relais locaux pour soutenir l’action de l’AEE, la politique d’économies d’énergie n’a plus vocation à se faire sans concertation. C’est pourquoi, en parallèle au changement de statut de l’Agence (qui devient alors un Etablissement Public à caractère Industriel et Commercial12), un Comité National Professionnel Interprofessionnel pour les Economies d’Energie13 est mis en place sous la présidence du Ministre de l’Industrie, René Monory. Au sein de cette commission consultative, on retrouve le délégué général à l’Industrie, le directeur de l’AEE, des parlementaires, des responsables administratifs issus de différents ministères, des personnalités « compétentes en matière d’énergie » ainsi que divers représentants de la société civile : propriétaires, locataires, utilisateurs du secteur de l’énergie et des transports, producteurs d’énergie, exploitants de chauffage, promoteurs constructeurs, et « fabricants de matériels et équipements tendant à économiser l’énergie ». S’ils ne peuvent pas inférer directement sur les décisions qui seront

11 LERAY Théo et La RONCIERE Bertrand de (2003), op. cit., p.38.

12 En application du décret 78-417 du 23 mars 1978.

13 Décret 78-376 du 17 mars 1978. Le CNIEE sera supprimé en mars 1986.

prises sur la question des économies d’énergie, ces acteurs peuvent néanmoins donner leurs avis sur les nombreux décrets que le Gouvernement prépare. Et cela constitue en soi une innovation significative à l’heure où des sommes considérables sont déjà engagées pour soutenir des procédés incertains14 visant à découvrir de nouveaux champs pétrolifères.

Disposant d’une centaine de salariés et d’un budget de 200 millions de francs15, l’AEE est devenue en 1978 une institution connue et reconnue. Encore difficilement chiffrable, le bilan de son action laisse pourtant entrevoir de vrais progrès. On constate ainsi que la température des bâtiments publics est désormais contrôlée à un niveau moyen de 19,5°c, ce qui est exemplaire au regard de la norme des 20°c fixée quelques années auparavant. Dans le même sens, l’Agence va s’avancer à évaluer les gains annuels du passage à l’heure d’été comme étant équivalents au chargement du pétrolier Amoco Cadiz qui s’est échoué en mars 1978 au large des côtes bretonnes. Ce faisant, les promoteurs de ce changement d’horaire vont ainsi s’employer à légitimer l’intérêt effectif de cette disposition qui reste toujours controversée.

Renforcée par un bilan satisfaisant, l’AEE doit pourtant continuer ses efforts. Car même si de nombreux gaspillages énergétiques ont pu être assez facilement éliminés au cours des premières années de la politique nationale d’économies d’énergie, il faut encore consolider dans le temps les gains qui ont été obtenus. En effet, ni cette action publique, ni le programme de développement électronucléaire initié en 1974 ne sont encore en mesure d’offrir au pays une sécurité d’approvisionnement énergétique suffisante. De plus, rien ne garantit sur le long terme la stabilité des comportements de sobriété énergétique induits par les campagnes de sensibilisation. C’est notamment pourquoi le Ministre de l’Industrie André Giraud va faire appel à Jean Poulit16 (connu pour avoir été l’initiateur du dispositif « Bison Futé » au sein du Ministère de l’Equipement) pour diriger l’AEE. Reconnu, à l’instar de son prédécesseur comme étant un fin communiquant, il va être amené à relancer une grande dynamique de promotion des économies d’énergie (la fameuse « Chasse au Gaspi ») alors que se profile simultanément le Second Choc Pétrolier.

14 Ne désespérant pas de trouver, à l’instar de la Grande-Bretagne, de nouveaux puits de pétrole à exploiter, l’entreprise publique Elf Aquitaine a investi (avec l’accord des deux têtes de l’exécutif) entre 1976 et 1979 l’équivalent de 400 millions d’Euros (valeur 2007) dans une technologie de détection aérienne du pétrole connue depuis sous le nom d’avions renifleurs. Comme le révélera l’hebdomadaire Le Canard Enchaîné en 1983, il s’agissait en fait d’une escroquerie. Exemplaire d’une foi parfois aveugle dans le progrès, cette illusion

14 Ne désespérant pas de trouver, à l’instar de la Grande-Bretagne, de nouveaux puits de pétrole à exploiter, l’entreprise publique Elf Aquitaine a investi (avec l’accord des deux têtes de l’exécutif) entre 1976 et 1979 l’équivalent de 400 millions d’Euros (valeur 2007) dans une technologie de détection aérienne du pétrole connue depuis sous le nom d’avions renifleurs. Comme le révélera l’hebdomadaire Le Canard Enchaîné en 1983, il s’agissait en fait d’une escroquerie. Exemplaire d’une foi parfois aveugle dans le progrès, cette illusion