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Texte intégral

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Bull Soc Pathol Exot, 2008, 101, 2, 75-76 75

A vant-propos

M. Ahouanto

Bureau des politiques de santé et de la protection sociale DPDEV/P/PS, Ministère des Affaires étrangères et européennes. 20 rue Monsieur, 75007 Paris.

Tél. : + 33 1 53 69 43 33 ; e-mail : marie-ahouanto@wanadoo.fr

Courte note n° 3108. “Éthique”. Reçue le 27 février 2008. Acceptée le 4 mars 2008.

É THIQUE

L

es 2 et 3 avril 2007, à Paris, le GISPE (Groupe d’inter- vention en santé publique et en épidémiologie) a orga- nisé un atelier international consacré aux aspects éthiques des recherches menées dans les pays à ressources limitées, sous le haut patronage de la Société de pathologie exotique et de la Commission française pour l’UNESCO, avec le soutien du Ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie, de l’ANRS (Agence nationale de recher- ches sur le sida et les hépatites virales), du MAE (Ministère des Affaires étrangères) et du CReCSS (Centre de recherche cultures, santé, sociétés) de l’Université Paul-Cézanne d’Aix- Marseille (UPCAM).

Au cours des dernières années, des institutions de recherche et des organismes professionnels ont publié des chartes ou des codes de bonne conduite destinés à mieux encadrer les recher- ches menées dans les pays à ressources limitées. Pourtant, dans la pratique, toutes les recherches n’obéissent pas à ces principes : un rapport récent décrivait 22 essais, menés dans des pays développés et non développés, qui ne les respectaient pas*. Les violations relevées par les auteurs concernent tous les paragraphes de la déclaration d’Helsinki. Mais, même lors- que les règles fondamentales de l’éthique sont respectées, les difficultés d’ajustement entre principes universels et pratiques relatives à des contextes sociaux, économiques et institution- nels particuliers ne permettent pas toujours que soit assurée une protection optimale des sujets. L’objectif de l’atelier était de dresser un état des lieux de la réflexion sur l’éthique de la recherche en santé, en s’appuyant sur l’expérience des acteurs qui mènent ou participent à cette recherche. Le propos était notamment d’examiner la façon dont les instruments dis- ponibles (codes, chartes, « bonnes pratiques », soumission à des comités d’éthique, outils juridiques) sont interprétés et appliqués, et de discuter leurs limites et leurs critiques, dans l’objectif d’assurer un niveau éthique acceptable pour les projets de recherche menés au Sud.

Cet atelier a rassemblé une centaine de personnes : représen- tants d’associations et de participants à des essais cliniques, des chercheurs en sciences biomédicales et psychosociales, des médecins, des juristes, des institutions de recherche, des représentants de l’industrie pharmaceutique et des autori- tés sanitaires et ministérielles. 19 pays étaient représentés (Algérie, Bénin, Belgique, Brésil, Burkina Faso, Cambodge, Cameroun, Canada, Congo, Côte d’Ivoire, France, Haïti, Kenya, Mali, Maroc, Ouganda, République Démocratique du Congo, Sénégal et Thaïlande), les langues de travail étant le français et l’anglais. Les recherches qui ont été considé-

rées pendant l’atelier correspondaient à des approches variées (enquêtes épidémiologiques, essais cliniques, essais vacci- naux, recherches en sciences sociales, etc.) et concernaient diverses pathologies : infection due au VIH (cf. l’article de Roger GUEDJ), hépatites, paludisme, etc. Une table ronde était consacrée aux essais de prévention (cf. l’article de Jean- Philippe CHIPPAUX).

Les difficultés d’ajustement entre les principes universels et les pratiques – toujours locales – peuvent être abordées de plusieurs manières. L’une d’entre elles consiste à identifier les éléments sociaux ou économiques qui déterminent, ou ont déterminé, le choix de participer ou de ne pas participer, selon la catégorie à laquelle appartient chaque acteur – patient, professionnel de santé, investigateur, promoteur, autorité de santé… Ce choix n’est jamais facile et se présente souvent comme une prise de décision sous contraintes, a fortiori lors- qu’il intervient dans un pays à ressources limitées où l’essai est souvent le seul moyen, pour des personnes malades ou très pauvres, d’accéder à des soins ou de percevoir une com- pensation en nature ou financière (cf. l’article de Marie DE

CENIVAL). Pour les professionnels, le choix peut aussi être difficile, notamment lorsque travailler dans le cadre d’une étude clinique permet d’accéder à une rémunération décente, à une possibilité de reconnaissance et de notoriété, dans un contexte où ces opportunités sont rares. Les décisions en matière d’éthique ne peuvent être dissociées de cet arrière- plan socioéconomique.

Le contexte institutionnel de la recherche est aussi détermi- nant, notamment lorsqu’il n’existe pas localement de comité d’éthique auquel soumettre les projets, ou lorsque les comités sont influencés par des pouvoirs locaux ou par les aspects financiers des recherches. De plus, les autorités locales n’ont pas toujours défini les conditions scientifiques et éthiques dans lesquelles une recherche biomédicale ou psychosociale sur l’être humain peut être jugée acceptable. D’où l’impor- tance que revêt l’existence d’un comité national d’éthique du pays où se déroule l’étude, et du comité d’éthique de l’ins- titution de recherche promoteur du projet, qui sont parfois les seules autorités de régulation. Toutefois, les relations entre comités – institutionnels et nationaux, Nord et Sud, se prononçant ou pas sur les projets – peuvent aussi poser problèmes lorsque des avis différents sont émis. En outre, la composition de ces comités est parfois sujette à caution ; nous ne disposons pas toujours d’informations claires sur la méthodologie de travail adoptée ni sur ce qui fonde l’élabo- ration des principes préconisés (textes juridiques et éthiques

* Somo, Wemos. SOMO Briefing paper on ethics in clinical trials: examples of unethical trials. November 2006, 16p. http://www.wemos.nl/en-GB/Content.aspx?type=news&id=2604

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utilisés, valeurs morales du groupe, préjugés de sens commun, discours particulier sur les rapports nord/sud, etc.).

Les insuffisances en matière d’éthique de la recherche au Sud sont peut-être également liées à des interprétations locales des normes internationales. En effet, si les principes universels sont généralement admis, leur adaptation « socio- économique » et/ou « socioculturelle », parfois revendiquée, peut poser question. Pour certains chercheurs, la difficulté ou l’impossibilité du recueil du consentement de certaines populations vulnérables devrait écarter celles-ci de toute par- ticipation à une recherche biomédicale, au risque de les priver d’accès à des soins. Pour d’autres, c’est au niveau collectif que le consentement devrait être demandé. Ces choix éthiques des chercheurs soulèvent des questions de fond, car ils concernent l’interface entre principes et pratiques. Certes, les procédures de recueil du consentement informé relèvent des pratiques, et les exemples et analyses abondent, qui attestent de la difficulté de définir des procédures de consentement acceptables pour les participants, quel que soit leur niveau d’éducation et leur contexte culturel. Néanmoins, s’appuyer sur un consentement collectif pour permettre son expression individuelle, peut être interprété comme le déplacement de l’attention à la dignité de la personne vers l’intérêt du groupe, ce qui contredit les principes tracés par les textes de référence de l’éthique médi- cale. C’est dire que la réflexion sur les pratiques peut assez rapidement déboucher sur une réflexion mettant en jeu les principes de l’éthique.

La définition des niveaux de soin de référence soulève la question des « standards » dans des contextes de ressources limitées ou d’extrême inégalité en termes de soins disponibles (faut-il considérer comme standard de soins le traitement en usage ? ou le traitement disponible au plan international ?).

Dans ce cas, l’accès aux soins proposé dans le cadre d’un essai clinique peut justifier, aux yeux des populations, toute pra- tique de recherche, fût-elle « inéthique » si l’on se réfère aux principes cardinaux de l’éthique médicale : le consentement est alors éclairé, sans être libre (cf. l’article de F. BÉRÉTERBIDE

et François HIRSCH). Ici, la réflexion éthique doit passer par la mise en balance de divers principes – et le respect de la liberté individuelle, valeur cardinale au Nord, n’est pas toujours le principe le plus pertinent au Sud, où celui de justice et d’équité peut sembler prioritaire.

L’application de l’éthique de la recherche en santé aux sciences humaines et sociales soulève une autre série d’interrogations.

En effet, l’éthique de la recherche en santé s’est construite essentiellement autour du modèle de la recherche clinique, qui associe l’approche expérimentale et l’approche humaniste de l’éthique médicale. Ce modèle ne peut s’exercer lorsque les « sujets » d’étude ne sont pas des individus, lorsque le cadre de la recherche, non expérimental, n’est pas contrôlé par le chercheur, ou dans les situations où le chercheur est en situation de vulnérabilité plus aiguë que celle des par- ticipants. De plus, l’application des pratiques de l’éthique médicale de la recherche peut être relativement incompatible avec certaines approches des sciences humaines et sociales.

Dans ce cas, les codes de l’éthique de la recherche médicale ne sont pas les plus appropriés pour protéger les sujets, ce qui impose de conjuguer l’application des règles de l’éthique avec une réflexivité des chercheurs que les comités d’éthique ont souvent quelques difficultés à appréhender (cf. l’article d’Alice DESCLAUX).

Un des paradoxes de l’éthique serait de réduire l’activité de la recherche scientifique au Sud sous prétexte de protection des populations. Plusieurs propositions ont été évoquées pour renforcer le développement de recherches « éthiques » au Sud, qui s’appuieraient sur le partage équitable des bénéfices intel- lectuels et financiers entre institutions du Nord et du Sud, la mise en place de comités d’éthique « tiers » neutres, l’aide aux associations de malades qui pourraient représenter les participants aux recherches, en particulier avec l’intervention des femmes.

La richesse, la diversité des débats et la pertinence des réflexions ont donné à cet atelier une portée innovante. En proposant de nombreuses perspectives de renforcement, cet atelier multi et trans-disciplinaire s’insérait avec justesse dans la série de rencontres qui depuis le colloque de bioéthique de Dakar en juillet 2005, Lomé en décembre 2007 et Dakar en février 2008, constitue un fil conducteur pour le développement de l’éthi- que dans la recherche au Sud comme au Nord.

Rappelons que la Conférence mondiale des comités d’éthique se tiendra pour la première fois à Paris les 1er et 2 septembre 2008. Nous espérons que ce numéro thématique contribuera à la réflexion en vue de cette rencontre.

Références

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