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[Compte rendu de :] Arts et Lettrés dans la tradition chinoise / Ivan Kamenarovic

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[Compte rendu de :] Arts et Lettrés dans la tradition chinoise / Ivan Kamenarovic

ZUFFEREY, Nicolas

ZUFFEREY, Nicolas. [Compte rendu de :] Arts et Lettrés dans la tradition chinoise / Ivan Kamenarovic. Etudes chinoises, 2002, vol. 21, p. 301-304

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:83813

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Ivan P. Kamenarovié, Arts et Lettrés dans la tradition chinoise. Essai sur les implications artistiques de la pensée des Lettrés (préface de Léon Vandermeersch), Paris: Éditions du Cerf, 1999. 143 pages

Cet ouvrage de Ivan Kamenarovié, publié dans une collection grand public, est destiné au lecteur généraliste cultivé plutôt qu'au spécialiste de la Chine. Outre la (bonne) préface de Léon V andenneersch, il se divise en trois parties: «Fondements théoriques» (p. 11-43), «Les Lettrés et les disciplines artistiques» (p. 45-118) et« L'art et la manière» (p. 119-131).

Suivent une brève bibliographie et un·index (sans caractères chinois).

Dans la première partie, l'auteur examine nombre d'assertions ou de présupposés à son avis courants sur 1 'art chinois. En se fondant notamment sur les différences de vocabulaire entre chinois classique et langues européennes, il tente de faire le point sur les convergences et divergences entre les conceptions de 1 'art en Chine et en· Occident, et conclut sur des différences essentielles entre les deux. Il s'intéresse surtout aux

«

codes » nécessaires pour approcher l'art chinois. Selon lui, cet art ne saurait s'appréhender sans des notions plus générales de pensée et de culture chinoises, notions qu'il tente de donner ici: écoles de pensée, rites, correspondances, nombres, yin et yang, éléments, notions d'inter- dépendance et de« circulation entre les choses du monde>> (p. 30), ordre et qésordre, vide et plein, wuwei, ziran, etc.

La deuxième partie est une présentation des principaux arts des lettrés : musique (p. 45-59), poésie (p. 59-77), calligraphie (p. 77-92) et peinture lettrée (p. 92~ 118). Certaines pages sont tout à fait bonnes, et quelques formules, particulièrement heureuses. Ainsi, la caractérisation que donne 1 'auteur de 1 'art chinois, même si elle est un peu réductrice, mérite d'être reprise ici: «l'art[ ... ] serait pour les Lettrés une pensée (si) donnant lieu à une intention (yi) qui, dès lors qu'elle se trouve matérialisée, permet à la fois à celui qui en est l'auteur et à celui ou ceux à qui il s'adresse, de suivre la voie (dao) de la communion (tong) avec les souffles vitaux (qi) présents tant dans la nature que dans les différents domaines de l'existence humaine» (p. 40-41). Notons aussi quelques intéressants

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passages sur l'originalité et la copie (p. 70-71 et 97-98), sur le lien entre calligraphie et cosmologie (p. 87), ou encore sur la création et la liberté du créateur (p. 112-113). Ivan Kamenarovié ne vise sans doute pas à l'originalité, comme le prouve l'usage abondant qu'il fait de nombre d'interprètes récents, occidentaux ou chinois, mais à certains égards, cette deuxième partie présente une bonne base de départ pour appréhender les arts chinois.

La troisième partie s'attache au statut de 1 'art en Chine ancienne, insistant sur le fait que celui-ci, loin de n'être qu'un simple passe-temps, est un art de vivre, avec une forte dimension morale. Il conclut en présentant les catégories chinoises du jugement esthétique (p. 128-131) : habileté (neng), mystère (miao), élévation spirituelle (shen), naturel (ziran), et enfm «fadeur» (dan), là aussi avec quelques lumineuses remarques.

Une difficulté de 1 'ouvrage

est

1 'hésitation entre deux positions : le dessein de s'attacher à l'esthétique des lettrés (par opposition à une esthétique taoïste) avec, dans le même temps, l'idée plusieurs fois répétée, et sans doute correcte, qu'il n'y a pas véritablement d'opposition entre 1 'approche confucianiste et 1 'approche taoïste de 1 'art. Notons que son affirmation selon laquelle « il est de tradition, lorsqu'on survole la Chine, de rapprocher l'esthétisme du taoïsme» (p. 13) est en elle-même discutable, si bien que son projet de « sortir des sentiers battus en tentant un rapprochement entre esthétique et confucianisme» (p. 13) paraît artificiel - lui-même présente cette approche comme en partie biaisée (p. 15) tout en s'y tenant quand même. Certes, Ivan Kamenarovié emploie le mot « Lettré » (avec ce « L » majuscule qui frappe le lecteur dès la page de couverture) et non pas le mot« confucianiste», mais en même temps il pose à plusieurs reprises, explicitement (p. 15) ou implicitement, une adéquation entre « pensée des Lettrés >> et confucianisme. Les « écoles » de pensée de la Chine ancienne représentent une question difficile, et on ne saurait reprocher à Ivan Kamenarovié de n'avoir pas réglé le problème dans un tel cadre. Reste qu'un ouvrage sur Part chinois aurait peut-être été l'endroit privilégié pour remettre en cause, de manière concrète,

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1' opposition que 1' on fait trop souvent entre « confucianisme » et

«taoïsme», et l'habitude que l'on a de considérer les anciens lettrés chinois comme des disciples de Confucius. Des expressions comme

«pensée des Lettrés» ou« école des Lettrés» me paraissent malheureuses.

Elles véhiculent l'idée d'un corps homogène, stable par-delà les généra- tions, c'est-à-dire sans évolution, sans histoire, doté d'une pensée bien organisée et identifiable, ce qui n'est pas le cas.

D'après l'auteur, qui le répète plusieurs fois dans l'ouvrage, il est indispensable d'avoir des notions sur «la» pensée des lettrés pour comprendre l'art chinois. Cela est sans doute vrai, mais on peut se demander si Ivan Kamenarovié ne va pas trop loin dans ce sens: est-il par exemple nécessaire de connaître la conception chinoise des nombres pour apprécier, ou même comprendre, un paysage peint ? Il n'en fait pas la démonstration. En réalité, l'ouvrage en dit à la fois trop et pas assez. Ainsi, dans la première partie, dont l'organisation n'est pas très transparente, le lecteur est submergé par 1 'abondance de notions, de citations, de noms propres. En revanche, sa présentation des codes esthétiques chinois demeure abstraite, séparée des œuvres. Il aurait été préférable de s'attacher à quelques notions véritablement fondamentales pour comprendre 1 'art chinois (le vide et le plein, ou le « fade » ), et de les rapporter à des exemples concrets, peintures ou calligraphies par exemple. On peut aussi se demander si Ivan Kamenarovié ne se laisse pas quelque peu éblouir par la théorie ou les théories chinoises de 1 'art. Il est indéniable que des conceptions morales et philosophiques - un idéal théorique - sous-tendent l'esthétique chinoise; cela signifie-t-il pour autant que dans la pratique des arts ces conceptions jouaient un rôle aussi important que 1' auteur le laisse entendre ? Après tout, les médecins chinois traditionnels maîtrisent et manient volontiers la théorie des éléments ou des correspondances, mais ces notions ne jouent pas forcément un rôle fondamental dans la pratique médicale. Les arts chinois avaient également une dimension ludique, que Ivan Kamenarovié laisse de côté: que l'on songe à ces joutes poétiques qui n'étaient bien souvent que des divertissements.

Il est regrettable que les oppositions Chine 1 Occident qui émaillent

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l'ouvrage soient parfois trop tranchées. Surtout, la caractérisation de l'art occidental aurait mérité d'être plus contrastée. Comparer, c'est bien sûr opposer, mais c'est aussi rapprocher. Ivan Kamenarovié aurait pu rapprocher les arts chinois et la pratique artistique dans l'Occident médiéval, dont certains aspects rappellent, au moins à première vue, quelques-unes des spécificités des arts dans la tradition chinoise. Je pense en particulier à la question de la copie et de 1' originalité, ou à celle de la relation entre maître et disciple. L'auteur insiste sur la «non- spécialisation » des lettrés chinois, qui pratiquaient plusieurs arts, alors que nous séparons les disciplines. Ce nous vaut-il pour les artistes et humanistes de la Renaissance ? En Chine comme en Occident, l'art a une histoire et a joué, à toutes les époques, des rôles divers. Il a aussi été appréhendé de multiples manières, légères ou graves. Si, en Chine, les disciplines artistiques « sont loin d'être considérées comme des passe- temps», elles l'étaient parfois, de même qu'en Occident la peinture ou la musique religieuse avaient des aspects profondément moraux (comme le souligne d'ailleurs Ivan Kamenarovié).

Pour terminer, notons qu'un certain nombre d'idées cotlllexes que développe l'auteur semblent contestables. Pour ne prendre qu'un exemple, il est pour le moins discutable d'affirmer catégoriquement que l'écriture chinoise «possède la remarquable particularité de n'avoir pas été, en ses débuts, employée pour rendre compte de la langue parlée», et parfaitement indéfendable de tenir que cette écriture « ne contient aucune indication concernant directement la prononciation>) (p. 50). Chacun sait que l'immense majorité des caractères chinois sont des idéophonogrammes, dont la partie phonétique donne, aujourd'hui encore, une bonne idée de la prononciation. Ce genre d'assertions contribue malheureusement à rendre la civilisation chinoise ancienne plus exotique qu'elle ne l'était en réalité.

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Nicolas Zufferey Université de Genève

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