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Morphologie crânienne : forme et grandeur

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Academic year: 2022

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Morphologie crânienne : forme et grandeur

MENK, Roland

Abstract

On tâche de mettre en évidence l'intérêt capital de la distinction des variations morphologiques de forme et de grandeur, en insistant notamment sur les inconvénients, à cet égard, des mesures traditionnelles. On propose une méthode de neutralisation - au niveau des données individuelles - du facteur «grandeur», et on esquisse des voies permettant d'estimer la part de différence de «forme» et de «grandeur» au niveau des échantillons. Pour conclure, on aborde le problème de l'estimation de l'information «forme» relevée implicitement par un ensemble de mesures de «grandeur» (diamètres).

MENK, Roland. Morphologie crânienne : forme et grandeur. Archives suisses d'anthropologie générale , 1981, vol. 45, no. 1, p. 31-41

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:95646

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Morphologie crânienne: forme et grandeur

par

Roland MENK

Introduction

Dans une étude antérieure (Menk, 1978b ), nous avons présenté une première approche concernant le partage entre forme et grandeur, composantes fondamentales de l'informa- tion morphométrique. La problématique gravitant autour de ce partage est encore loin d'être épuisée, aussi bien sur le plan de la technique de saisie de données que sur celui de l'élaboration quantitative de ces dernières. Et ce ne sera pas par ces quelques pages qu'on parviendra à épuiser ce problème auquel se sont déja voué d'autres auteurs avant nous (D' Arcy Thompson 1917, Penrose 19 54, Bookstein 1978). On se contentera ici de présenter quelques tentatives« exploratrices» qui devront nécessairement être poursuivies par des recherches plus systématiques, et qui devront être prolongées par des développements méthodologiques ultérieurs dont on tâchera d'esquisser les grandes lignes.

Le partage forme/grandeur se situe - à notre avis - au carrefour de pratiquement tous les problèmes dont s'occupe l'anthropologie physique ( dans la mesure, évidemment, où ceux-là prennent comme base des données quantitatives), et cela quelle que ce soit la finalité des recherches qui en émanent. En effet, que celles-ci adoptent une orientation descriptive - en étant axées plutôt sur des aspects phénotypiques (exemple: les processus ontogéniques) - ou qu'elles cherchent à élucider des liaisons génétiques et historiques entre groupes humains (exemples: ethnogenèse, dynamique des populations)- il importe de pouvoir saisir, de façon différenciée, les effets de chacune des deux composantes.

Sil' on prend en considération l'existence de liaisons entre forme et grandeur- liaisons que tout le monde admet, mais dont on ne saisit que très mal la nature - on doit se rendre compte de l'importance capitale (mais malgré cela trop souvent ignorée) d'une connaissance plus approfondie des processus de changement de forme (Formenwandel), car celui-ci est bien souvent accompagné- ou conditionné?-par de fortes fluctuations de grandeur absolue:

allométrie

SIZE - - - + SHAPE

Il suffit de rappeler quelques mots-clés pour souligner l'intérêt et l'importance de notre question:

- variations diachroniques de la taille - gracilisation/dégracilisation

- brachycrânisation - effet d'hétérosis

- effets du régime alimentaire

- effets d'ordre endocrinologique (croissance, dimorphisme sexuel).

En soulevant le problème du partage grandeur/forme, nous entendons faire une contribution épistémologique à la morphologie descriptive: il faut mieux comprendre la

(3)

ROLAND MENK

signification intrinsèque de l'information morphométrique telle qu'on a l'habitude de la récolter( ... et que l'on élabore trop souvent sans aucun esprit critique face aux problèmes sous-jacents). Il s'agit donc de développer des méthodes permettant d'isoler, à partir des données de base, les divers éléments impliqués dans les processus de changement de forme, ce qui revient alors à en circonscrire les causes. En parallèle à cette démarche, il faudra soumettre à une revision critique les méthodes de la saisie des données, afin de pouvoir disposer d'une qualité d'information qui soit à la hauteur des problèmes abordés et se situe à un niveau qui corresponde à celui des nouvelles méthodes d'élaboration déployées à cet effet.

Si nous avons déjà abordé le problème du partage forme/grandeur dans un autre contexte (en passant en revue les distances de Penrose; Menk 1978b), nous aimerions revenir ici sur ce problème pour l'attaquer à la base, c'est-à-dire au niveau des données individuelles. On illustrera cette approche à l'aide de quelques exemples relatifs au dimorphisme sexuel et à la variabilité «raciale».

Matériel

Comme dans l'étude précédente, nous avons eu la chance de pouvoir utiliser les données individuelles de Howells (1973), portant sur 17 populations humaines récentes. En fonction de la problématique choisie nous avons retenu, parmi les 57 variables disponibles (diamètres, angles, courbes, rayons, hauteurs sous-tendant des arcs) 31 mesures linéaires (dont 14 sur le neurocrâne et 17 sur le splanchnocrâne; voir tableau 1 ). Ces mesures expriment donc en premier lieu la composante grandeur, mais - étant donné les «lois» de la structure architecturale du crâne - ces mêmes mesures renferment également, mais de façon vague et non explicite, de l'information de type forme; c'est exactement cette dernière que nous aimerions isoler.

Méthodes

ELIMINATION DE LA COMPOSANTE «GRANDEUR»

La neutralisation de la composante grandeur, au niveau des données individuelles, est effectuée par l'algorithme suivant:

mod.

f.

=

MO~

.!.

mod; = (

TI

x;J -P

j=l

[l]

i

=

1, 2, ... , i, ... N (individus) j = 1, 2, ... ,j, ... m (variables) [2]

[3]

p = nombre de variables retenues pour le calcul du modulus (ici p = 3) x1 = longueur (GOL) x2

=

largeur (XBC) x3 = hauteur (BBH) MOD = modulus moyen de l'ensemble des individus à traiter.

(4)

TABLEAU 1.-Liste des 31 variables craniométriques et leurs corrélations avec le module crânien.

Abrév. Description Données Données

Howells brutes réduites

1 GOL Diamètre antéro-post. max. 0.624 0.009

2 BNL Longueur basion-nasion 0.438 -0.115

3 BBH Hauteur basion-bregma 0.673 0.111

4 XBC Diamètre transverse max. 0.514 -0.106

5 XFB Diamètre frontal max. 0.317 -0.183

6 ZYB Diamètre bizygomatique 0.424 -0.327

7 AUB Diamètre biauriculaire 0.429 -0.200

8 WCB Diamètre transverse min. 0.262 -0.188

9 ASB Diamètre biastérique 0.436 -0.233

10 BPL Longueur basion-prosthion 0.235 -0.181

11 NPH Hauteur faciale sup. 0.292 -0.117

12 NLH Hauteur nasale 0.165 -0.256

13 OBH Hauteur orbitaire 0.113 -0.255

14 OBB Largeur orbitaire 0.227 -0.436

15 JUB Largeur bijugale 0.300 -0.438

16 NLB Largeur nasale 0.108 -0.250

17 MAB Largeur palatine 0.217 -0.264

18 MDH Hauteur mastoïdale 0.100 -0.119

19 MDB Largeur mastoïdale 0.131 -0.065

20 ZMB Largeur bimaxillaire 0.273 -0.219

21 FMB Largeur fronto-malaire 0.272 -0.453

22 EKB Largeur biorbitaire 0.293 -0.451

23 DKB Largeur interorbitaire 0.129 -0.079

24 WNB Largeur simotique 0.104 -0.011

25 IML Largeur malaire inf. 0.174 -0.088

26 XML Largeur malaire max. 0.266 -0.133

27 WMH Hauteur malaire 0.093 -0.143

28 FOL Longueur foramen magnum 0.258 -0.055

29 FRC Corde frontale 0.503 -0.121

30 PAC Corde pariétale 0.476 -0.009

31

occ

Corde occipitale 0.500 0.057

Dans une première phase de la procédure on détermine le module global ( MOD) qui doit être une valeur centrale de référence, de sorte que, à la suite de [1] et [2], on satisfasse la condition

Y1 = Y2 = ···

Yi

= ··· .Yg = Y [4]

faute de quoi on n'aura pas éliminé correctement le facteur «grandeur».

Dans une seconde phase on calcule, selon [l] et [2], les données individuelles réduites y.

En vertu de [4] tous les individus possèdent désormais le même module crânien - donc la même grandeur absolue - quel que soit le groupe (échantillon, sous-ensemble masculin ou féminin, etc.) auquel ils appartiennent.

Il faut remarquer que cette procédure de neutralisation de la grandeur n'entraîne aucune altération de forme. En effet, on aura

Yii Xii .

- = - ; 'ifJ, k = 1, 2, ... , m [5]

Yik xik

(5)

c'est-à-dire que pour chaque individu i les proportions de départ (indices) seront maintenues inchangées, pour autant qu'on se limite à n'utiliser que des mensurations linéaires comme données de départ.

Quelles sont alors les conséquences de cette transformation? Tous les individus de tous les groupes étant ramenés au même standard de grandeur, leurs nouvelles dimensions crâniennes et faciales se trouvent «vidées» de leur signification première qu'est la grandeur; leur nouveau contenu doit donc être assimilé à la composante «forme». Ce même raisonnement tient également pour les moyennes des groupes qui n'expriment désormais plus que des variations relatives, donc de forme.

Quant aux covariances, les répercussions de cette transformation sont des plus intéressantes. En effet, on peut admettre que Ry - la matrice des corrélations au niveau des données transformées - exprime, en quelque sorte, le déterminisme 1 de la forme. Il sera donc intéressant de faire des comparaisons entre les corrélations obtenues avant et après transformation des données de base.

- En cas de stabilité des corrélations on serait en présence d'une indépendance de la forme face aux variations de la grandeur (absence d'allométrie).

- En cas de divergence, par contre, il y aurait dépendance ( allométrie; Hemmer 1966), dont la quantité d,

=

ry - rx serait, en première approximation, un estimateur de l'intensité de la liaison allométrique entre les deux variables considérées. Le signe de d donnerait alors le sens de la liaison allométrique.

Il n'y a aucune raison apparente à supposer - à travers les différents groupements humains (géographiques, chronologiques, ethniques, etc.)- une uniformité des liaisons allométriques; cela ne fait qu'augmenter l'importance de la question soulevée ici.

EVALUATION DES EFFETS DE LA NEUTRALISATION DE LA GRANDEUR ABSOLUE

Dans l'intention de saisir et de comprendre les effets de l'algorithme de neutralisation précédemment décrit, on a soumis les données - alternativement sous forme brute (x), puis sous forme réduite (y) - aux analyses mentionnées ci-après. Afin de simplifier les démonstrations, on s'est restreint à n'utiliser que deux groupes à la fois, sélectionnés en fonction des besoins de la démonstration .

. 1) Analyse en composantes principales

Cette méthode permet une approche grossière du problème, car les individus des deux groupes sont soumis « en vrac». En revanche, les résultats peuvent être considérés comme étant «naturels» puisque - par opposition à 2) - aucune contrainte (ni exogène, ni intrinsèque) n'interviendrait lors de la répartition des individus dans le nouvel espace (voir fig. la et 1 b ). La part d'information attribuable à la grandeur générale est équivalente à la perte d'information entre le passage sur x et celui sur y. Celle-ci peut être estimée soit quantitativement (en comparant les valeurs propres respectives), soit qualitativement (en comparant les répartitions des individus dans les histogrammes (fig. la et b).

2) Analyse discriminante

Ici, les individus sont soumis par groupe. L'algorithme de l'analyse discriminante maximise le rapport entre l'intervariance (A) et l'intravariance (W), ce qui donne lieu à une représentation quelque peu forcée.

' Il s'agit d'un déterminisme brut (au niveau des phénotypes).

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L~ __ _]

FIG. la.- NoRSE: dimorphisme sexuel. Répartition des individus selon la première fonction discriminante (données originales x).

iJ hachures verticales; I' hachures horizontales

__ JJ

FIG. lb.-NORSE: dimorphisme sexuel. Répartition des individus selon la première fonction discriminante (données transformées y).

6 hachures verticales; I' hachures horizontales.

Résultats

PREMIER EXEMPLE: LE DIMORPHISME SEXUEL

Pour cette première démonstration nous avons choisi l'échantillon norvégien médiéval (Howells 1973: NORSE). Le tableau 2 en donne, pour les deux groupes, masculin et féminin, les moyennes des 31 variables retenues, avant et après transformation, ainsi que les différences (en %) entre les deux sexes.

Si, pour les principales dimensions du neurocrâne, les différences sexuelles se maintiennent à un niveau constant d'environ 4.5%, on remarque de très fortes variations dans les autres parties du crâne (face, apophyses mastoïdes). Quant aux indices traditionnels - que nous avons délibérément écartés dans cette étude - les différences

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1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31

TABLEAU 2.-Le dimorphisme sexuel (NORSE). Moyennes masculines et féminines ainsi que leurs différences (en %)

Données originales Données réduites

cj' 'i2 % cj' 'i2 %

GOL 188.473 179.982 4.71 184.473 184.009 0.25

BNL 101.800 97.309 4.62 99.665 99.485 0.18

BBH 131.727 125.964 4.57 128.896 128.782 0.08

XBC 141.873 136.291 4.10 138.833 139.320 -0.35

XFB 119.127 114.309 4.21 116.567 116.856 -0.24

ZYB 134.436 124.436 8.03 131.589 127.224 3.43

AUB 124.673 117.655 5.96 122.024 120.273 1.45

WCB 71.418 68.091 4.89 69.909 69.611 0.42

ASB 111.891 106.709 4.85 109.522 109.091 0.39

BPL 96.964 94.018 3.13 94.958 96.133 -1.22

NPH 68.927 64.255 7.27 67.476 65.700 2.70

NLH 51.964 49.164 5.69 50.869 50.269 1.19

OBH 33.745 33.218 1.58 33.049 33.962 -12.68

OBB 40.382 39.200 3.01 39.535 40.078 -1.35

JUB 117.127 110.018 6.46 114.673 112.500 1.93

NLB 25.418 24.182 5.11 24.885 24.736 0.60

MAB 63.618 60.109 5.83 62.296 61.469 1.34

MDH 29.545 26.018 13.56 28.913 26.611 8.65

MDB 13.127 11.727 11.94 12.853 11.989 7.20

ZMB 94.018 90.145 4.29 92.033 92.169 -0.14

FMB 99.018 94.600 4.67 96.945 96.727 0.22

EKB 98.891 94.855 4.25 96.816 96.991 -0.18

DKB 22.345 20.636 8.28 21.878 21.102 3.67

WNB 9.069 9.011 0.64 8.873 9.218 -3.74

IML 37.091 34.036 8.97 36.316 34.805 4.34

XML 55.291 50.709 9.03 54.138 51.847 4.41

WMH 24.200 22.291 8.56 23.702 22.782 4.03

FOL 36.527 34.800 4.96 35.738 35.589 0.41

FRC 113.127 107.982 4.76 110.704 110.393 0.28

PAC 114.436 109.527 4.48 111.987 111.989 -0.00

occ

97.255 95.327 2.02 95.202 97.467 -2.32

sont plutôt modestes, à l'exception toutefois de l'indice orbitaire (plus fort de 1.11 unités chez les femmes). Par contre, le module facial est considérablement plus grand chez les hommes (7.11 % sur données non réduites, et 2.98% sur données réduites).

Le but poursuivi étant de mettre en évidence les principales sources de variabilité et d'en quantifier l'importance, nous avons soumis les deux types de données à des analyses multivariées en espérant pouvoir saisir les effets dus d'une part à la grandeur, et d'autre part à la forme.

1) Analyses en composantes principales

L'analyse effectuée sur les données originales (x) a permis de dégager trois types de variation, d'importance très inégale: 1) différence de grandeur (facteur 1, résumant 39%

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de la variabilité totale) fortement liée au dimorphisme sexuel puisqu'il s'en dégage une bonne séparation des groupes masculin et féminin; 2) gradient de lepto-eurymorphisme facial commun aux deux sexes (facteur 2; 8 % de la variance totale); 3) dimorphisme sexuel de forme (facteur 3; 6%).

Quant à l'analyse effectuée sur les données transformées (y), le dimorphisme sexuel n'apparaît plus que discrètement dans cette population, et c'est logique à la lumière des résultats précédents, puisque le facteur le plus important - la grandeur absolue - est éliminé. Si l'on note une chute importante quant au pouvoir de concentration de cette méthode (les trois premiers facteurs n'absorbent plus que 40% de la variabilité totale contre 53% précédemment, dont 39% attribuables à size; voir aussi fig. la et lb), il faut relever toutefois que l'information propre à la forme ressort beaucoup mieux. Mais la majeure partie en est due à des causes autres que le dimorphisme sexuel.

Ces différences importantes entre les résultats des deux analyses témoignent de l'ampleur des effets de la neutralisation de la grandeur à l'égard des matrices de corrélation, bases de l'analyse en composantes principales. En comparant les deux matrices de corrélation on remarque une forte baisse du niveau des coefficients (valeurs absolues), ainsi qu'un remaniement de leur structure: le coefficient de corrélation entre les deux matrices2 est de 0.80. La variabilité indépendante (1 - r2), soit 36%, est donc attribuable à la composante grandeur. Ce chiffre concorde bien avec ce que nous avons relevé plus haut.

SECOND EXEMPLE: POLYMORPIDSME ETHNIQUE

Pour illustrer l'intérêt de cette méthode à un niveau plus général, nous avons choisi les deux comparaisons suivantes:

- BERG-ESKIMO: ces deux groupes étant très proches quant à la grandeur générale, - BERG-MOKAPU3: ces deux groupes étant très différents quant à la grandeur générale.

Etant donné la disparité géographique de ces populations - elles furent choisies pour l'efficacité de la démonstration - i l est évident que ces deux exemples ne relèvent d'aucune signification réelle; il s'agit donc de démonstrations purement «académiques» qui pourront cependant être transposées, dans la pratique, sur un grand nombre de cas réels:

nous pensons notamment aux nombreux cas où il s'agit de comparer - dans une perspective d'ethnogénèse- des groupes géographiquement proches, mais séparés par un certain laps de temps pendant lequel se déroulaient, pour des raisons diverses, des changements morphologiques plus ou moins profonds4

Quand on désire analyser plus en détail les différences existant entre deux ( ou plusieurs) groupes, c'est sans aucun doute l'analyse discriminante qui s'impose comme la méthode de choix (voir aussi plus haut). La matrice B (B = W-1 x A) contient l'information distinctive entre les groupes, et la trace t de B en représente une mesure quantitative globale. Dans le tableau 3 on a réuni les valeurs de ce paramètre t, telles qu'on les a obtenues par diverses analyses effectuées lors de cette étude. On est en droit

'Correlation calculée entre les scalaires des deux demi-matrices (sans diagonale).

3 Nous aîmerions remercier le professeur W.W. Howells de nous avoir donné accès à ses données individuelles. Dans ce travail. les échantillons suivants ont été retenus: NORSE- Norvégiens du moyen-âge; BERG - Greifenberg, Autriche; EsKIMO - Esquimaux Inugsuk, Groenland; MoKAPU - Polynésiens de Hawaï.

'Nous pensons à des phénomènes tels que la gracilisation ou la dégracilisation (Schwidetzky 1981; Menk 1977); à des modifications morphologiques de caractère local liées soit à des changements mésologiques, soit à des changements du mode de subsistance, soit à l'apport d'éléments biologiques nouveaux. Des recherches sont actuellement en cours pour élucider ce type de problème à l'aide de deux exemples concrets: le Mésolithique dans la région des Portes de Fer, et le Bronze ancien en Grèce.

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TABLEAU 3.-Analyses discriminantes sur 31 mesures linéaires sous forme X, puis Y. Comparaisons de plusieurs échantillons et estimations des différences size globales.

Echantillons comparés Trace de w-1 X A

Différence Différence

modules données X données Y des traces

(%) (%)

BERG - ESKIMO r3 0.38 11.611 11.872 -2.25

Sj2 1.79 12.424 11.082 10.80

BERG - MOKAPU r3 3.49 14.188 13.073 7.86

Sj2 3.56 11.924 9.566 19.78

NORSE r$ - NoRSE Sj2 4.27 4.093 2.031 50.38

d'attribuer à la différence des deux traces une signification qui va de pair avec le rôle joué par la composante size s

Cela nous amène à un point critique, immanent à toute recherche morphologique comparative basée sur des données métriques relevées selon les techniques traditionnelles.

Il s'agit du problème del' adéquation de l'information morphométrique face aux questions se rapportant à la nature profonde des différences morphologiques observées entre deux populations.

Ainsi qu'on l'a constaté plus haut, la part size peut se réduire, dans certaines conditions ( exemple BERG - EsKIMO ), à une quantité pratiquement négligeable. Cela revient à dire que la signification intrinsèque des mesures linéaires (après transformation en y) est du type shape. Ceci paraît être en pleine contradiction par rapport à leur nature propre. En effet, la localisation spatiale de ces différents diamètres étant non définie, ces derniers ne permettront pas de procéder à une reconstruction tridimensionnelle des objets.

Ainsi sa forme nous échappe, et cela en dépit d'un nombre souvent considérable de diamètres relevés. On se trouve donc dans un cas apparemment paradoxal, où les différences entre deux groupes sont exclusivement de type shape, mais où les relevés sont faits avec des paramètres de type size. Il s'agit alors de trouver une explication à ce paradoxe.

L'indétermination de la localisation spatiale des diamètres relevés est due au fait que, en les choisissant, on ne prend pas garde au fait que ceux-ci constituent un réseau fermé.

Dans un tel réseau (voir fig. 2) chacun des deux points terminaux d'un segment quelconque (diamètre) coïncide avec un point terminal d'un autre segment: un réseau fermé se caractérise donc par l'absence de segments partiellement ou entièrement déconnectés. Il est possible, dès lors, d'exprimer, pour n'importe quel ensemble de mesures linéaires, le degré de détermination spatiale ( ou de forme). Il convient de distinguer entre les deux états suivants:

1) indétermination: définie par le nombre de points terminaux non reliés au reste du réseau;

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··,-,

""'-, , \ .--,,

'''1,,.

z>

. \

... t .. ··· ·:'f

FIG. 2.- Points singuliers du crâne et de la face. - - - mesures traditionnelles non intégrées dans un réseau; - - - mesures constituant un réseau fermé (mesures en grande partie non prévues dans les techniques traditionnelles).

2) redondance: présence de segments surnuméraires ( certains noeuds du réseau reliant plus que deux segments). On pourrait parler de redondance locale lorsque ce fait est rencontré dans un réseau non fermé (voir fig. 2).

Il est clair qu'un ensemble de mesures affecté d'un certain degré d'indétermination renferme tout de même de l'information de type shape, ne serait-ce que pour la partie du crâne où le réseau est intact. On peut maintenant imaginer une série de paramètres additionnels, nécessaires pour combler les lacunes du réseau. Ces derniers paramètres entretiennent, avec l'ensemble des paramètres de départ, des intercorrélations - communément subsumées par des termes tels que «architecture générale du crâne»-qui constituent un autre élément de l'information shape.

1 p m

p

m

x1 = x,, i = 1, 2, ... p = ensemble des mesures linéaires de départ

x2 =x,, i = p + 1, p + 2, ... m = ensemble des mesures linéaires complémentaires, nécessaires pour obtenir un réseau fermé

R11 = matrice des corrélations de l'ensemble initial de mesures (réseau incomplet) R22 = matrice des corrélations des paramètres complémentaires

R12 = R21 = matrices des corrélations entre les deux ensembles

(11)

40 ROLAND MENK

Il est possible de définir, quantitativement, le déficit d'information shape, dû aux lacunes du réseau, en ayant recours à la corrélation canonique (rc) entre les ensembles Yi ... p

et Yp+J ... La quantité 1 - r/ exprime la part shape inhérente à l'ensemble Y choisi au départ.

Dans la pratique cependant, la détermination de cette quantité se heurte à un obstacle majeur: la non-existence d'un bon nombre de mesures complémentaires (yp+J ... m) dans les techniques craniométriques traditionnelles. En effet, de nombreux points singuliers - et notamment les plus importants comme la glabelle, l' opisthocranion, les euryons, les zygions, les asterions, etc. - au lieu d'être des points d'intersection, sont l'origine de mesures uniques, donc non intégrables dans un réseau fermé.

Si, dans l'avenir, on désire parvenir à mieux cerner la nature des processus responsables des variations morphologiques, il est impératif d'affiner les techniques craniométriques: a) soit compléter les techniques traditionnelles en introduisant de nouvelles mesures (glabelle-euryon, euryon -asterion, etc.)5; b) soit recourir au relevé stéréométrique des points singuliers (Benfer 1975; Menk 1978a; Jacobshagen 1980);

c) soit recourir à un enregistrement numérique des paramètres essentiels de profils (tangentes et leurs dérivées; Bookstein 1978). De telles adaptations sont inéluctables si l'on veut rétablir l'adéquation entre la qualité des données et les nouvelles méthodes servant à leur élaboration.

RÉSUMÉ

On tâche de mettre en évidence l'intérêt capital de la distinction des vanat10ns morphologiques de forme et de grandeur, en insistant notamment sur les inconvénients, à cet égard, des mesures traditionnelles. On propose une méthode de neutralisation - au niveau des données individuelles - du facteur «grandeur», et on esquisse des voies permettant d'estimer la part de différence de «forme» et de «grandeur» au niveau des échantillons. Pour conclure, on aborde le problème de l'estimation de l'information

«forme» relevée implicitement par un ensemble de mesures de «grandeur» (diamètres).

ZUSAMMENFASSUNG

In der vorliegenden Arbeit wird die grundlegende Bedeutung der Differenzierung zwischen Grossen- urid Formunterschieden bei morphometrischen Vergleichsuntersu- chungen dargelegt. Es wird dabei insbesonders auf die diesbezüglichen Unzulanglichkei- ten traditioneller Masse hingewiesen. Es wird eine Methode zur Bereinigung des allgemeinen Grossenfaktors bei Individualdaten prasentiert. lm weiteren werden Losungen vorgeschlagen, welche die Schatzung der Grossen- bzw. der Formkomponente von Gruppenunterschieden zum Ziel haben. Schliesslich wird noch das Problem der Evaluation des impliziten Form-Anteils bei eigentlichen Grossenmassen aufgegriffen.

SUMMARY

The present article is dedicated to the differentiation of size·and shape, a problem of fondamental importance, underlying to any comparative morphometrical study. In the

'Howells (1973) propose un certain nombre de paramètres, aisément mesurables avec des instruments usuels, qui reflètent son souci d'une meilleure saisie de la forme. Certaines de ces mesures vont dans le sens que nous venons de postuler (rayons autour de l'axe transméatal vers les points singuliers principaux du profil sagittal).

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first part, a method is presented allowing to neutralize the size-component of traditional linear measurements, on the level of individual data. Furthermore, a possible solution is proposed as to estimate the importance of the size and the shape components in morphometrical group-differences. Finally, an attempt is undertaken to assess the shape information implicitely contained in a set of typical size measurements (traditional diameters).

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Département d'Anthropologie Université de Genève 12, rue Gustave-Revilliod CH - 1227 Genève-Acacias

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