1040 Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 11 mai 2011
présentation clinique Une femme de 29 ans se plaint, au ni
veau du membre inférieur gauche (MIG), de l’apparition de trajets veineux bien vi
sibles, d’œdème vespéral et d’une sen
sa tion de lourdeur, aggravée par la sta
tion debout. La patiente a présenté une throm bose veineuse profonde (TVP) proxi male (iliofémorale) du MIG, onze mois auparavant, alors qu’elle était sous contracep tion orale. Actuellement, à l’exa
men physi que, on relève une obésité, une asymétrie des périmètres des mem
bres inférieurs, la présence de télan
giectasies et de varices au MIG. L’exa
men ultra sono gra phi que veineux du MIG mon tre une thrombose résiduelle non occlusive, une insuf fisance veineuse pro
fonde et superficielle.
La patiente n’est actuellement au bé
néfice d’aucun traitement.
Quelle prise en charge fautil prescrire à cette patiente ?
commentaire
La patiente présente un syndrome post
thrombotique (SPT) du MIG ; il s’agit de la complication chronique la plus fréquente de la TVP (jusqu’à 50% des patients ayant présenté une TVP des membres inférieurs)1 et sa sévérité peut varier entre une sensa
tion de lourdeur, une claudication veineuse et des troubles trophiques ; la majorité des SPT surviennent jusqu’à deux ans après une TVP. Le SPT affecte la qualité de vie et la productivité d’un individu et a un impact sur les coûts de la santé. Le diagnostic de SPT est clinique et se base sur la présen ce, chez un patient avec antécédents documen
tés de TVP : 1) de symptômes, intermittents ou persistants (par exemple : douleur, fati
gue, lourdeur, crampes, prurit), ag gravés par la station debout ou la marche et améliorés par le repos et la surélévation des jambes et 2) des signes comme l’œdème, les télan
giectasies, les varices, une discoloration cutanée ou des ulcères. Le score de Villalta
(tableau 1) peut aider dans le diagnostic et la catégorisation du SPT.2
Les mécanismes responsables de la sur
venue du SPT sont encore incomplètement élucidés. Certainement, la combinaison d’une hypertension veineuse (due à un obs
tacle au retour veineux ou à une insuffi
sance valvulaire) et d’un déficit de la micro
circulation ou du système lymphatique joue un rôle important.
Parmi les facteurs de risque associés au développement d’un SPT, on retient : l’obé
sité, la récidive thrombotique ipsilatérale, la préexistence d’une maladie variqueuse, la localisation proximale (iliofémorale) de la TVP, l’âge. D’autres facteurs de risque de
meurent controversés : le sexe féminin, un mauvais contrôle de l’anticoagulation, la pré
sence d’une thrombose résiduelle, une élé
vation de cytokines inflammatoires ou mo
lécules d’adhésion (intercellular adhesion molecule 1 and interleukine 6). La pré
sence d’une thrombophilie héréditaire ne semble pas être un facteur de risque.1,3
prise encharge dusyn
-
drome post
-
thrombotique A l’heure actuelle, le traitement de base du SPT consiste en une compression par bandages ou bas d’au mois 3040 mmHg à la cheville. L’encouragement à une activité phy
sique régulière est aussi important, de mê me que la surélévation des jambes pendant le repos. L’efficacité des médicaments phlé
botropes n’a pas été étudiée d’une manière exhaustive, une étude clinique a démontré un
effet similaire à la compression sur la réduc
tion des symptômes chez 120 patients trai
tés avec l’hydroxyéthylrutoside pendant une année alors que la combinaison de ce trai
tement avec la compression n’a pas mon tré davantage de bénéfices.4 Quelques cas ont été rapportés dans la littérature (case re- ports, case series) de traitements endovas
culaires avec pose de stent ou valvuloplastie chirurgicale ; toutefois des études compa
ratives bien conduites sur le sujet manquent.
A l’heure actuelle, il n’existe pas de prise en charge pleinement efficace pour la pré
vention du SPT. Une métaanalyse de trois études a montré que l’utilisation d’une com
pression élastique après un épisode de TVP proximale réduisait d’une manière si
gnificative l’apparition du SPT.5 Par consé
quent, les recommandations de l’American college of chest physicians (ACCP) 6 pré
conisent l’utilisation de bas de compres
sion pour une durée d’au moins deux ans chez les patients avec TVP proximale.
Prise en charge du syndrome post-thrombotique
L. Mazzolai
Pr Lucia Mazzolai Service d’angiologie CHUV, 1011 Lausanne lucia.mazzolai@chuv.ch
Rev Med Suisse 2011 ; 7 : 1040
Symptômes Signes objectifs subjectifs (patient) (médecin)
• Lourdeur • Œdème
• Douleur • Douleur à la pression
• Crampes des mollets
• Prurit • Induration de la peau
• Paresthésies • Hyperpigmentation
• Rougeur
Pour chaque symptôme ou signe, des points sont attribués : 0 = absent, 1 = léger, 2 = modéré, 3 = sévère, ulcère présent = 1 ; ulcère absent = 0.
Interprétation : score m 4 : absence de SPT, 5-14 : SPT modéré, 10-14 : SPT intermédiaire, M 15 : SPT sévère ou ulcère présent.
Tableau 1. Score de Villalta pour le diagnostic et la catégorisation du syndrome post-thrombotique (SPT)
Implications pratiques
Un syndrome post-thrombotique (SPT) doit être suspecté lorsqu’un patient se présente avec œdème, douleurs/lour- deur des membres inférieurs après une thrombose veineuse profonde
Le traitement de base du SPT consiste en une compression élastique
La prévention du SPT se base sur l’utili- sation d’un bas de compression (30-40 mmHg) pendant au mois deux ans, voire plus longtemps si les symptômes persis- tent
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Bibliographie
1 Kahn SR, et al. The post thrombotic syndrome.
Thromb Res 2011;127:S89-92.
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