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Un professionnel de santé qui résout efficacement les problèmes: le raisonnement clinique
FAUCHER, Caroline, et al.
FAUCHER, Caroline, et al. Un professionnel de santé qui résout efficacement les problèmes: le raisonnement clinique. In: Pelaccia, Thierry. Comment (mieux) former et évaluer les
étudiants en médecine et en sciences de la santé ?. Louvain-la-Neuve : De Boeck Supérieur, 2016.
Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:91110
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Chapitre
Un professionnel de santé qui résout efficacement les problèmes :
le raisonn eme nt clinique
Caroline FAUCHER, Thierry PELACUA, Mathieu NENDAZ, Marie-Claude AUDETAT et Bernard CHARLIN
Paroles d'enseignants ...
• Le raisonnement clinique, c'est plein de théories qui laissent plutôt confus ! On parle souvent de prototypes et de scripts. Mais de quoi s'agit-il au juste ?
• Avec mes collègues, nous avons un débat récurrent sur le rôle des connaissances théo- riques dans le raisonnement clinique. J'aimerais en savoir plus !
• Je me demande à quoi porter attention lorsque j'essaie d'évaluer le raisonnement clinique de mes étudiants.
Les questions auxquelles nous répondrons
2.1 Que se passe-t-il dans la tête d'un soignant qui raisonne? 34
2.2 Quelles sont les connaissances utilisées par les soignants pour raisonner ? 36
2·3 Quels sont les critères et les indicateurs d'un raisonnement efficace ? 39 Q~~lles sont les stratégies qui favorisent le développement du raisonnement
chnique chez les étudiants ? 42
. raisonnement clinique désigne te~- Dans son expression la
pl~s
sidmple,~~èmes
cliniques. Son résultatcondu~t
essus de résolution e pro . ou plus globalement, e semble de~ proc 'il s'agisse d'émettre un d.iagnostic. -- d'investiguer davantage, à une action, qu. passe dans une situation donnee , œuvre un traitement.
reconnaître ce qui se . de rescrire ou mettre en . d proposer une intervention ou p définitions et théones d~
e De nombreuses t été élaborées, ce qui
raisonnement on . tion comme objet complexifie son appropd~~culté s'est encore d'enseignement. Cdettde lia remise en cause Un article à lire sur
1 "t. du raisonnement
la comp ex1 e
. processes: unravelling regar e
Clinical reasomng h' al accrue au . . h'storiquement séquen- complexity throug~ grap 1c récente d'u~e vis~on e~ différentes étapes du
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454 463 • h dé comme relevan
Medical Education, 46, PP· - ap~r: ~n (Charlin et al., 2.012).
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A rès avoir décnt es . bilisent pour raisonner, n , . d' n rai-
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et desindicat~::sd~e;uo~:~t str~tégies
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d'enseignement destrnees a des étudiants (2.4).
t il dans la tête d'un soignant 2.1 Que se passe.,- -
· · onne
qui rais . ,
tes professionnels de· ui Leur sont poses, ·ts nt
Afin de résoudre les problemes. q t tion mentale du cas auquel i so santé se forgent rapidement une
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mree·nctoac~m:t
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temporane . . écifique (Gruppen et autour d'une s1tuatio~ tsp. mettre en lien les l. . ue . donnees issues al.' 2.002). Elle c~nsis ~ laa situation nouvelle
L raisonnement c imq . . . f f ons relatives a t
e de la recherche et impllcat1ons in orma l térieures du soignan .
· ment et les connaissances an l 'te du raison-
pour l'enseigne d f s pour a sui
2005) Elle sert d~ ~on a ion v lue au fur et à mesure (Nendaz et al., nement clinique, :t é o t' n• sont disponibles
d. 1 6 pp 235-254 lles informa 10 ~ Pédagogie Mé JCa e, · · que de nouve
Pedagogie-medicale.org (Charlin et al., 2.012.). . t
www. . , 'té du ra1sonnemen .
· n rôle crucial dans ~ efficaci h othèses La représentation mentale JO~e u l de santé génèrent rapidement. des yp
Pour la construire •. les. professionned:marche de résolution du probleme.
. 'dent et qui orientent leur qu1 gu1
s voulons former Identifier le profil de professionnels que nou
Des processus intuitifs et analytiques
La théorie du double processus fait de plus en plus consensus afin d'expliquer la nature des processus qui permettent de générer les hypothèses et de les vérifier. Selon cette théorie, issue de la psychologie cognitive (Evans, 2008; Wason et al., 1975) et récem- ment appliquée au raisonnement clinique (Eva, 2005 ; Nendaz et al., 2005a ; Pelaccia et al., 2011), raisonner repose sur l'interaction entre deux types de processus cognitifs.
les processus intuitif s
Un article à lire en ligne sur La théorie du double processus An analysis of clinical reasoning through
a recent and comprehensive approach:
the dual-process theory (Pelaccia et al., 2011) Medical Education Online, 16
www.med-ed-online.net
Les processus intuitifs (parfois dénommés« non analytiques» ou« tacites») consistent à reconnaître, dans une situation, une similarité avec des cas rencontrés antérieurement (on parle de reconnaissance d'« exemples concrets» ou« instances»
en anglais) ou, le plus souvent, une configuration caractéristique de données contextuelles et cliniques (on parle de « reconnaissance de forme» ou «pattern recognition» en anglais). Ces processus offrent aux soignants la possibilité de générer des hypothèses automatiquement, de façon irrépressible et sans effort conscient, grâce à des connaissances expérienti'elles (Norman, 2005), c'est-à-dire issues du vécu particulier de chaque soignant. Les expériences permettent en effet de mémoriser des « exemples concrets », qui correspondent à des histoires cliniques telles qu'elles ont été vécues, et de fabriquer des « prototypes» (à l'origine de la
reconnaissance de forme). Nous reviendrons sur les prototypes page 37.
les processus analytiques
Les processus analytiques (parfois dénommés « réflexifs » ou « explicites ») impliquent un traitement actif des informations (Elstein et al., 1990). Les hypothèses analytiques émergent dans le cadre d'un cheminement conscient qui consiste à rechercher les données sur un mode délibéré, réflexif, et donc, très exigeant sur le plan cognitif. Par exemple, il s'agirait de collecter de façon systématique toutes les données chez un patient présentant des douleurs abdominales, avant de conclure, après les avoir associées et sans avoir généré cette hypothèse en amont, qu'il s'agit d'une pancréatite aiguë.
~n en sait peu sur les situations dans lesquelles les professionnels de santé mobi- bse~t préférentiellement l'un ou l'autre des processus. Le raisonnement intuitif serait le mode de pensée «par défaut» (Hogarth, 2001). Les soignants auraient recoürs aux processus analytiques lorsqu'ils sont confrontés à des cas par rapport auxquels ils ne sont pas familiers ou à des cas rares, complexes ou dont les enjeux sont élevés.
Chapitre 2 Un f .
pro ess1onnel de santé qui résout efficacement les problèmes ; le raisonnement clinique
Une mobilisation conjointe des deux types de processus
Les raisonnements intuitif et non analytique ne sont pas mutuellement exclusifs dans la démarche de résolution de problèmes cliniques. Les hypothèses et les décisions peuvent en effet émerger et être explorées dans le cadre d'une mobilisation conjointe de ces processus.
Historiquemen~
la vision de ce fonctionnement était plutôt linéaire et chronolo- gique, la formulation intuitive d'hypothèses enclenchant un processus analytique devérification et de hiérarchisation, consistant à confirmer ou à infirmer ces hypo- thèses en recueillant des données supplémentaires dans le cadre d'une démarche dite
«hypothético-déductive» (Eva, 2005; Nendaz et al., 20050; Pelaccia et al., 2011).
Oes travaux récents tendent à montrer que ces processus fonctionneraient plutôt en parallèle, avec une alternance selon la situation et la nature de la tâche à résoudre (Pelaccia et al., 2014). Le fait de rattacher les processus intuitifs à la genèse d'hypo- thèses et les processus analytiques à leur vérification est ainsi de plus en plus contesté.
Ces deux types de processus agiraient également tun sur tautre. Le raisonnement intuitif pourrait diriger et parfois même inhiber le raisonnement analytique, alors que ce dernier permettrait surtout de rationaliser et de contrôler le fruit du rai-
sonnement intuitif (Evans et al., 1996, dans Frankish, 2010).
Ces processus, grâce auxquels le professionnel de santé construit sa représentation mentale du problème clinique pour arriver à le résoudre, dépendent en grande partie de la mobilisation de connaissances spécifiques stockées dans la mémoire
à long terme.
2.2 Quelles sont les connaissances utilisées par les soignants pour raisonner 1
Les professionnels de santé disposent d'un réseau de connaissances struc- turées, développées au fur et à mesure de leurs expériences, qui leur permettent
de résoudre efficacement les problèmes cliniques.
Plu~eurs
modèles d'organisation des connaissances ont été décrits ' les prototypes, les exemples concrets, lesschémas, les réseaux sémantiques et les scripts (Nendaz et al., 20050).
À des fins didactiques, nous ferons la distinction entre les connaissances théo- riques - souvent nommées connaissances « fondamentales » ou « biomédicales ».
que Charlin et al. (2012) désignent sous le terme de « connaissances biologiques, psychologiques et sociologiques>> -, et les connaissances cliniques.
Les connaissances théoriques
Dans ce chapitre, le terme ((connaissances théoriques» sera employé pour référer aux connaissances nécessaires afin d'expliquer les différents phénomènes relatifs aux maladies, anomalies et autres problématiques rencontrées dans rexer- cice des soins. Jl peut s'agir de 'mécanismes physiopathologiques, de connaissances
biologiques, de connaissances psychosociales, ou même, de principes physiques (paf exemple, optiques ou acoustiques), selon la profession considérée. Ces connais·
sances sont de nature causale
fonctionnement du cor '. dans la mesure où elles décri
des maladies et de le!s
hum~frn
et~es
mécanismesphysiopat~elnt ~es
pri_ncipes deLe , - s mam estabons, o ogiques a torigine
. s etud1ants en science de la s , "
nques pendant leur f . ante acqu1erent beaucou d
dans le cadre des
sci:~;a"i°"d
Elles sont généralemente~se~g~~s
connaissances théo- biologie moléculairer·
es onam~ntales,
parmi lesquelles l'a~es
'.ndéb~t
de cursus offrent une corn réhi~munologre,
la pharmacologie ou en na omie, la biochimie, la préhension estc;ucia~:s10n
dfs _mécanismes impliquésdansc~e
lat~ysiologie.
Ellessymptômes, elle ' car Putot que de retenir ar c
~a
a ie. Cette com- des notions app.fs::m;!v'": etufünts de se forgerpune:~;é~:~,ti;te
de signes et de, onsant arns1 la mémori . • a rnn plus cohérente Le recours aux connaissances th, . sat10n a Long terme (Woods 2007 se développe. Grâce à
1• •?nques décroit au fur et â ' ).
ces connaissances vont :ccumulabon d'expériences de
confron~::~re
que texpertise cliniques pour forme n effet progressivement s' v enca psu 1 ro n a des patients, (Boshuizen et ol. 19;2unr~l
'.' même ensemble dénommt »a~x
connaissances sancesthéorique~
»(Sjh ~ds
agit du phénomène dit d'« encap: slcnt.pt de maladie »mi t et al., 2007). u a rnn des connais-
Les connaissances cl" . 1mques
Les. c?nnaissances cliniques ren . ,
les caractenstiques d'un . v01ent a des concepts int' , .
concernent, par exem 1 e maladi; ou d'une anomalie (Schmi egres qui décrivent associées, la nature :. e[ les '."a
~if~stations
d'une maladie, l:;e~ ?l.,
2007}. Elles façons de traiter lamalad~e~~rabilrte
des signes et dessymptô~:rntes
qui y sont permettent de lier le . es connaissances sont de natu s:o~
encore les des liens _associatifss~ ~i~:l~
et les~ym_ptômes
â desmala~i::.s~::acti~e,
c.a'. elles de connaissances utiles â 1 ppentarn~i
progressivement entre 1 d. 1ex~e!ience,
et actions qui Y sont tt a hc_omprehension d'une situation c1· . es ivers elements ra ac ees : c'est la formation des r rn1que, et les décisions Les prototypes P ototypes et des scripts.
Les prototypes sont .
tuels typiques se crée lors de' evoquant, par exemple, une entité q s , une association de quel ue
sign~s
. cliniques et contex- conduisent le!rvconfr~ntation
répétée à desexpé~:~ologiqu~.
Cette association l;<piques d'unema~~u
a conserver en mémoire à Ionce:
cbmques-_ Ces dernières le plus souvent ren ie, _qui correspondent à ceux qu: lerm~
les~gnes
les plusserait ((homme - â
contr~s.
Un exemple de protot e du e s01gnant concerné aura prototype dans lg~
mu.r - douleurs rétrosternal YP syndrome coronarien aigu~u'il
reconnaît d.'n memoue _à long terme d'unin~v~dsueu'.'
». \'.existence d'un tel Lhypothèse du s s son environnement ces quatre si u luipe~m~t,
a chaque fois de _refluxsangui~:d;me
coronarien aigu. Selon leg~;s,
de !enerer intuitivement :z;cula_tion » conduit~n:
un :•théier veineux qui aura~e, ~eca nis~e,
«r
absencele veineuse posif res rapidement et sans effort . e e « pose proche d'une
~~éde
lesprotot;~~nelle
ou d'une cathétérisation~~;:"•.nt
aux hypothèses d'une to née typique seras -correspondants dans sa mémoi r~eme,
chez le soigna nt qui ut comme ledentisteg~lem~~t
rapidementdiagnost~
a _long terme. Une atteinte e i ent1fiera très vite le tr 't quee _par un dermatologueai ement necessaire à une carie.,
Chapitre 2 U n professionnel d e santé qui ré saut efficacement les problèmes . 1 e raisonnement clinique
137
Les scripts d la théorie des scripts
d l cadre plus vaste e 'f s
Les scripts s'inscrivent ans e 90) Ils désignent des structures c~g~~ ifve
oo ·
Schmidt et al., 19 · - eau élabore dm or-(~:~~~:s e~a~I~, l!
0mé~oire
à longterm~a~~~n~o:~~~;~~~v~~ ~ee
5~mettant ~e r~~~~:~:
Un article à lire sur Les scripts
bl, es rencontres dans a p les pro em . , . e de diagnostiquer, de
clinique, qu'il s ag1ss lémentaires ou de , l' des examens comp
l d rea iser . l 2000). Les scripts sont Scripts and medical diagnostic kn~~ el ge. traiter (Charlm .et a., . tfü entre les ano-
theo"' and applications for cl1mca ftués de liens associa . ., . 'instruction and research con~ 1 aladies et leurs attributs, origines,
reasomng malles ou m d'investigation et de
(Charlin et al., 2000) conséquences, mo)lens . t l 2007a).
. . 182-190 traitement associés (Charlln e 0 .,
Academic Med1cme, 75, PP· d' mplacements (dénom-
• d' tisé sous la forme e l die
~; 5 cr<;~~:~~~· ~~ ~~~i:i:)~u~u~trr~~~se~;~!e~e~u~:é~:~a~!~~b~:;i::e~~ a~)l~;q~e~
lacement est couple a es a l script « s)lndrome coronane
C~~~~~c:~fables
de ces attributs: Par.exe~pl%~:e~rs
ede risquecardiovascul~ires
»;e. lu » les emplacements pourra1e~t e~re . (( la douleur » ; « signes électnques )~.
aig ' de la douleur » ; « localisation de l urs t)lpiques seraient respecti-
~o~:~~~e
le script est act\vé,lesdatt~nqt~: ~~~~~:~:c~~a~res
)), «douleur constrictive»,- e de facteurs e ns ST
vement « presenc «sus-décalage du segment )). , .
«douleur rétrosternale )) et . cliniques organisées pour l action.
Les scripts sont donc des,
rés~a~.x
de~o;;a~:~~:~~~nt
de plus en plus fonctionnels Avec l'expérience, ils s ermc issen(Nendaz. et al., 2005a).
La contribution des. c~nnaissances
· ement chmque
au ra1sonn . .
t l'' à la richesse des . . est rnt1memen iee , . La qualité duraiso~ne~ent c~~~~uc:lles-ci
sont organisées dansl~ me~o~;e
connaissances et, surtout, a la açon à long terme (Bordage, 1994; N~n a~ ~t l~~
---:-:---=
.==-\
f 2005a). Lorsq u'un soignant . novice, o d'spersées est L'importance de l'organisa ion connaissances sont réd.u1tes .o~ i 'l ten;e de des connaissances ? confronté à une situation cl~mque,l'i d nt ào ·
formation en a ossaL ___
:_C':es~t_::e:::.xp'.'...:l:iq~u.:...é .:...p_ag:...e-:-29-:-~~=, comprendre chaque m • , ensemble de - . ment reconnaitre qu un:~~~::~~~~~~~,:::~~~::Jj~i!:~ 1iEi~~~:~~:;~~:~~;~~ ·~~.~::~~:~;~~yfü
d~i~:~~t~~: ~;~s:s l'o~i~~ne
d'unenri:hissemen:~ ~~c~e~dlalecrr:~s~o:nement
de pluse . d réseaux de connaissances, et de scripts, es
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Les protot)lpes et Les
sc~ipt~ s;~~l~:~u: ;~:o~~re,
Lesprototy~~s pe:~:~~e~~
q;de raisonnement. Face a u l . rs hypothèses (par exemple, iagno générer intuitivement une ou p us1eu
. ous voulons former
identifier le profil de professionnels que n
conduisent à l'activation d'un ou plusieurs scripts. Celle-ci donne accès aux attributs associés au phénomène clinique concerné, guidant ainsi La démarche hypothético- déductive de hiérarchisation et de vérification des hypothèses. Les soignants utilisent les connaissances relatives à ces attributs pour chercher, par exemple, les signes et tes symptômes liés au script activé, en vérifiant leur adéquation avec les valeurs attendues. Lorsque ces valeurs sont acceptables, elles augmentent la probabilité de l'hypothèse explorée. Lorsqu'elles sont inacceptables, l'hypothèse est rejetée et de nouvelles hypothèses sont considérées. Dans les situations ambiguës, le soignant cherche, parmi ses scripts, celui qui correspond le mieux aux données disponibles. Dans notre exemple, où l'intuition du professionnel de santé aura permis de générer l'hypothèse d'un syndrome coronarien aigu, activant en conséquence un script« syndrome coronarien aigu», la valeur «électrocardiogramme normal» pour l'attribut « signes électriques » pourrait conduire Le praticien, selon ses expériences, à maintenir le script actif (s'il considère qu'il est possible de présenter une telle maladie tout en ayant un électrocardiogramme normal) ou à rejeter Le script (s'il considère que tout syndrome coronarien aigu est obligatoirement associé à des troubles électriques).
Cette recherche d'adéquation entre les scripts cliniques et Les données cliniques se produit pour toute action en lien avec la pratique des soins (Charlin et al., 2012). Ainsi, dans l'exercice de la médecine, une fois l'orientation diagnostique obtenue, les connaissances relatives aux moyens d'investigation et de traitement seront également confrontées aux données de la situation clinique, afin d'évaluer L'adéquation entre les caractéristiques du patient et les attentes incorporées en mémoire dans les scripts (par exemple, les indications ou contre-indications de ces moyens d'investigation ou de traitement).
Le raisonnement clinique se caractérise donc fondamentalement par un traitement actif constant de données, fait de genèse d'hypothèses ou d'options d'investigation et de traitement, impliquant déductions et comparaisons entre les connaissances cliniques organisées sous la forme de prototypes et de scripts, et les données de la situation. Le recours aux connaissances théoriques encapsulées se ferait occasion- nellement, par exemple, pour attirer l'attention du soignant sur des situations qui violent les attentes physiologiques normales ou Lorsqu'aucune hypothèse pertinente n'est trouvée (Charlin et al., 2012; Nendaz et al., 2005a).
2.3 Quel s so nt les critères et les indicateurs d'un rais onnement effi cace ?
Le développement du raisonnement clinique des étudiants va de pair avec l'organisation progressive des connaissances dans la mémoire à long terme sous la f~rme de prototypes et de scripts. Il est donc
étroitement lié à l'exposition clinique à de nombreux cas variés. Sans être exhaustive, cette section décrit quelques critères et indicateurs d'un raisonnement
Les critères et les indicateurs ? C'est expliqué page 114
efficace.
Chapitre 2 u f .
n pro ess1onnel de santé qui résout efficacement les problèmes : le raisonnement clinique
139
La capacité
àse représenter précocement la situation clinique
Tel que nous
~avons
mentionné précédemment, le raisonnement clinique sert à se construire une représentation mentale de la situation, afin de prendre les décisions nécessaires à la résolution du problème. Une représentation pertinente et précoce de~
situation clinique - c'est-à-dire la capacité à formuler le problème tôt lors de la rencontre avec le patient - est essentielle, notamment pour dia·gnostiquer (Chang et al., 1998). Elle témoigne d'un raisonnement clinique efficace.
Afin d'explorer la représentation mentale que s'est forgée un étudiant à tissue de sa confrontation à un patient réel ou simulé, nous vous suggérons de lui demander de décrire le cas en une seule phrase et de vérifier à quel moment ses hypothèses sur torigine du problème sont apparues. Si tétudiant parvient à resumer le cas et qu'il a émis des hypothèses en présence d'un nombre restreint d'informations, il s'agit
&un indicateur de sa capacité à se forger précocement une représentation mentale du problème, en associant de façon pertinente les données disponibles. Jnve"ement, un étudiant en difficulté de raisonnement pourrait ne pas avoir d'idée claire sur la nature du problème avant d'avoir investiguè davantage, notamment à travers la realisation de rexamen clinique ou d'examens complémentaires.
Ce~
témoignerait potentiellement d'un problème dans torganisation de ses connaissances, d'où des difficultés à reconnaître des formes et à activer rapidement les bons scripts cliniques.La qualité de la représentation mentale de la situation clinique se manifeste éga- lement à travers le vocabulaire utilisé par létudiant pour la décrire, tel que nous lexpliquons dans la sous-section suivante.
la capacité à réaliser une transformation sémantique
La transformation sémantique des données est une action qui témoigne de la qualité de la représentation mentale de la situation clinique. Elle consiste à traduire en des termes médicaux les données recueillies, en les agençant selon des axes sémantiques, c'est-à-dire selon des paires de qualificatifs opposés (par
Un article à lire en ligne sur la transformation sémantique
La prise de décision en médecine : quelques mécanismes mentaux
et des conseils pratiques (Bordage, 2005)
La Revue de Médecine Interne, 26, pp. 14-17
exemple, « chronique/aigu )}, « unilaté- ral/bilatéral}}, « central/périphérique )},
«patient jeune/patient âgé)}, etc.). Un patient de 50 ans dont le genou droit est toutes les nuits et depuis 48 heures gonflé et douloureux, et qui a déjà pré- senté des épisodes similaires neuf ans auparavant devient, après transformation sémantique, un cas de gonalgie nocturne aiguë, récidivante et unilatérale, surve-
nant chez un homme d'âge mûr.
www.crame.u-bordeaux2.fr/
pdf/Bordage_decision.pdf
La transformation sémant1que permet au soignant de donner du sens aux informa·
tions qu'il recueille (Bordage, 2005) et, ainsi, de reconnaitre des formes et d'activet en conséquence les scripts cliniques adaptés. Elle facilite en particulier la cornpa·
r~i:on de la situation actuelle à u
cite, une douleur chroni u . _n tout autre problème (par exe
précieuse au d" . q e bilaterale chez un enfant) . mple, dans le cas reprenant les
~~~';;;s%~t
Un étufünt qui résumerait I; ::sq~~n~o~lstitue
une aidecuit" • b. s que ceux du p ti , ' vous parle e
dan:s 1 .:~~:~:~ 0 ;e~~senter
sens a donner a le problèmec~ni~nu~e~~:~~: b::e~tied~~ement
· f orn etre accomp desdiffi~
- La transformation sém t. , ux rn ormations recueillies. agne , . an ique a elle seul t b"a un raisonnement clin· . e es ien entendu insuffi
ment tinformation
pe~que
effkace. le soignant doit en effet santep~ur
conclureappel à ses connaissan mente.
~
traduire en qualificatifs sémre~onnaitre
rapide-interprétation (Nendaz
c;: ~~te2neures,
., 002). afin d'orienter lacollect:n~~q~es, ~n
onnees et leur faisantLa capacité à confronter les hypoth.
~ . , eses
capac1te à générer et à
les similitudes et les différence comparer plusieurs hypothèses afin d' d'
::~~riminants
de chacune d'elle:,':,~~~~u~a~: rést~udr~, e~
considérantl:~ faec~:~~~
raisonnement efficace chez le , . en ere temo1gnant du dévelo
de santé performant r
r
s etudiants (Bowen, 2006) L pp:ment génère, sur la base dees~:
e; :flet entre elles les informations.do~t p~ofoss1onnel
tactivation des scripts Il
~.? ot~es,
un petit nombre d'hypothès! t~p?se
et~;~;~,~:~~~ pe~~;d
. les. emment decnt.scrip~:~;~ni 1 ~~e:n::;;~é:e;t h 1 ~;o~~~~~s
ees grâc:s âa recueillies,~ o;~;~~:c~:
tel que Afin de vérifier que cette ca . ,dia nt, demandez-lu· d .• pacite est efficacement mise e
~~t;~~:~:~:~:n:n:f l~~:~~th:~1~2~:l~~f ~~;j~~:'.~r~~:~l!f ;::füF~~~
qu'il recueille çd
pert1~ente ~
hièra rchie de ses hyp;th~
n de vous assurer qu'il le tri dans e nouve les données. Un étudiant .e~es
au fur et â mesure«ulcère
gas:~::po~ès:s
(par exemple, leshyp!~é::;a:t
des difficultés à faire ou qui ne pa .~e
. ore " lorsqu'un patient se pla" t d J'ncreatlte aiguë » et qu'unedonné::::~
"1:t~as
à. ta.ire évoluer~ hiéra:~ie
ed ouleursépig~striques)
de
~
douleur) est ve ,' evrait 1 po ent1ellement en difficult' y conduire (par exemple / d . ' ma iat1on transfixiantesed~ ~ypotheses
alorse e raisonnement.
Les c n eres mentionnés d 't'
de la représe t . . .a?s cette section sont évid . .
par temploi d;
ati~.n
m1tiale de la situation cli _emment mterreliés ' la qualité témoignent de~:a .1fic~tifs
sémantiquesapprop~~~ue
sema~if~ste
notammenttation
d'hypothês~vabon ~ncripts
et facilitent la :our~
decnre. Ces derniers permettre de ré~·
afin d orienter la collecte de do~para1son
et la confron-sou re le problème. onnees supplémentaires et de
Chapitre 2 U n professionnel d e santé q u · i resout · efficacement les problèmes : le raisonnement clinique
141
2.4 Qu elles sont les stratégies qui favorisent le développement du raiso nnement cliniq ue chez les étudiants '?
Si l'expérience est indispensable au développement du raisonnement clinique, celui-ci doit être accompagné par La mise en place, par l'institution, les enseignants et Les tuteurs de stage, de stratégies d'apprentissage propices à un tel développe- ment. Dans les prochaines sous-sections, nous ciblerons trois de ces stratégies. Le chapitre 12 (page 217) s'intéressera quant à Lui spécifiquement à l'usage du cas clinique dans cette perspective de développement.
Exposez les étudiants à de nombreuses situations cliniques vari ées
Pour développer les capacités des étudiants à raisonner, il est souhaitable que vous les confrontiez à de nombreuses reprises à des situations cliniques concrètes, complexes et variées. Cela leur permettra de se construire une grande banque de prototypes et de scripts cliniques. Afin d'illustrer l'importance de cette confrontation, prenons l'exemple du glaucome. Tous les cas de glaucome ne sont pas identiques.
Ils présentent des caractéristiques communes (l'atteinte du nerf optique), mais également des caractéristiques «facultatives» (une pression intraoculaire élevée et un angle iridocornéen étroit) ou partagées avec d'autres maladies oculaires (le défaut de champ visuel et l'atteinte pupillaire). L'exposition à de multiples cas de glaucome différents, de même qu'à d'autres atteintes pouvant créer certaines manifestations cliniques semblables, permettra à l'étudiant de fabriquer ses pro- totypes et d'enrichir ses scripts cliniques au fur et à mesure de ces expériences.
Cette stratégie facilitera l'activation du script « glaucome» en présence d'un cas ultérieur de glaucome. Elle offrira également à l'étudiant la possibilité d'éliminer plus rapidement le diagnostic de glaucome en cas d'inéquation d'une majorité des données cliniques avec celles du script «glaucome », et d'activer alors d'autres scripts correspondant à des diagnostics différentiels.
La nécessité d'exposer les apprenants à de nombreux cas légitime l'intérêt de mul- tiplier Les lieux de stage et, da.ns une certaine mesure, d'entraîner les étudiants dans un environnement simulé. Le seul fait d'être confronté à des expériences n'est toutefois pas une condition suffisante pour permettre le développement du raisonnement. Il est en effet nécessaire d'adosser ces expériences à une pratique délibérée, associée à des rétroactions.
Encouragez l'adoption d'une pratique délibérée
D'abord appliquée à l'apprentissage d'un art ou d'un sport, la pratique déli- bérée contribuerait également au développement du raisonnement clinique (Ericsson, 2008; Norman, 2005). Elle consiste à réaliser une tâche de façon répétée et réflexive, avec l'intention explicite d'améliorer ses performances (Ericsson, 2008).
Dans cette perspective, nous vous suggérons d'encourager les étudiants confrontés à un cas à se fixer des objectifs de performance précis, pouvant viser l'amélio-
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Concernant les principes généraux associés au raisonnement clinique J'ai intégré le fait que la théorie du double processus est une approche consensuelle quant à la façon dont les professionnels de santé raisonnent.
J'ai intégré le fait que les processus de raisonnement intuitifs reposent sur la reconnaissance automatique, rapide et sans effort conscient d'une configuration caractéristique de signes (grace aux prototypes) ou d'un cas similaire rencontré dans le passé (grâce aux exemples concrets).
J'ai intégré le fait que les processus de raisonnement analytiques reposent sur un cheminement conscient, et donc, cognitivement exigeant.
J'ai intégré le fait que les scripts sont des connaissances organisées dans la mémoire à long terme, qui sont activés lorsqu'une hypothèse est générée, afin de guider et d'orienter le professionnel de santé dans la collecte additionnelle de données visant à vérifier cette hypothèse, et dans les actions à entreprendre.
Concernant les activités d'apprentissage du raisonnement clinique Les activités que je mets en œuvre afin de favoriser
le développement du raisonnement des étudiants visent à la fois les processus analytiques et intuitifs.
J'expose les étudiants à de nombreuses situations cliniques qui présentent des caractéristiques variées, afin de les aider à construire leurs prototypes et leurs scripts.
Dans le cadre de la pratique délibérée, je favorise chez les étudiants l'adoption d'une posture réflexive associée à des objectifs précis d'amélioration de leur raisonnement.
J'offre aux étudiants des rétroactions fréquentes et constructives sur les tâches qu'ils ont réalisées, en ciblant la façon dont ils ont raisonné.
Je cherche systématiquement à identifier, chez les étudiants, des indicateurs du développement efficace de leur raisonnement, afin de repérer les apprenants en difficulté.
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