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L’École nationale d’apprentissage par la marionnette : un théâtre vivant

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Academic year: 2021

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L’ÉCOLE NATIONALE

D’APPRENTISSAGE PAR LA

MARIONNETTE

UN THÉÂTRE VIVANT

Sous la direction de

Marcelle Dubé et

Ève Lamoureux

Coll

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et

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conom

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en

ts

sociaux

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L’École nationale d’apprentissage par la marionnette

Un théâtre vivant

Recherche et rédaction

Marcelle DUBÉ, professeure en travail social, Université du Québec à Chicoutimi Ève LAMOUREUX, professeure en histoire de l’art, Université de Québec à Montréal Avec le soutien des assistantes de recherche

Catherine Noël, Université du Québec à Chicoutimi

Marie-Claude Gingras-Olivier, Université du Québec à Montréal Annie Ouellet, Université du Québec à Chicoutimi

Composition du comité d’encadrement Francis Allicie, élève participant, ÉNAM Réjean Arsenault, coordonnateur, ÉNAM Richard Bouchard, directeur général, ÉNAM Paule Coutu, enseignante, ÉNAM

Marcelle Dubé, professeure, département des sciences humaines, UQAC Marie-Claude Gingras-Olivier, étudiante, 2e cycle, histoire de l’art, UQÀM

Ève Lamoureux, professeure, département de l’histoire de l’art, UQÀM Johanne Maltais, adjointe administrative, ÉNAM

Nathalie Maltais, élève participante, ÉNAM

Catherine Noël, étudiante, 2e cycle, sciences humaines, UQAC

Josée-Anne Riverin, agente de développement, Service aux collectivités, UQÀM Crédit photo de la couverture : Paule COUTU

Coordination de l’édition : Suzanne TREMBLAY Mise en page : Catherine TREMBLAY

©Université du Québec à Chicoutimi Dépôt légal – 4e trimestre 2015

Bibliothèque et Archives Canada Bibliothèque Nationales du Québec

Cette recherche a été réalisée avec le soutien financier du Service aux collectivités de l’Université du Québec à Montréal, de l’Université du Québec à Chicoutimi et de l’Agence de la santé et des services sociaux 02 (aujourd’hui appelée Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Saguenay–Lac-Saint-Jean)

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i

Présentation du GRIR

La création du GRIR résulte de la rencontre de deux volontés : l’une, institutionnelle et l’autre, professorale. Sur le plan institutionnel, après un débat à la Commission des études sur l’opportunité d’un Centre d’études et d’intervention régionales (CEIR) à l’UQAC, les membres de la commission décidaient, le 4 avril 1981, de « différer la création d’un centre d’études et d’intervention régionales, de favoriser l’éclosion et la consolidation d’équipes en des groupes de recherche axés sur les études et intervention régionales ». Deux ans plus tard, la Commission des études acceptait et acheminait la requête d’accréditation, conformément à la nouvelle politique sur l’organisation de la recherche. Reconnu par l’UQAC depuis 1983, le GRIR s'intéresse aux problèmes de développement des collectivités locales et régionales d'un point de vue multidisciplinaire.

Les objectifs du GRIR

Le GRIR se définit comme un groupe interdisciplinaire visant à susciter ou à réaliser des recherches et des activités de soutien à la recherche (séminaires, colloques, conférences) en milieu universitaire, dans la perspective d’une prise en main des collectivités locales et régionales en général, et sagamiennes en particulier. Les collectivités locales et régionales, objet ou sujet de la recherche, renvoient ici à deux niveaux d’organisation de la réalité humaine. Le premier niveau renvoie à l’ensemble des personnes qui forment un groupe distinct par le partage d’objectifs communs et d’un même sentiment d’appartenance face à des conditions de vie, de travail ou de culture à l’intérieur d’un territoire. Le deuxième niveau est représenté par l’ensemble des groupes humains réunis par une communauté d’appartenance à cette structure spatiale qu’est une région ou une localité, d’un quartier, etc.

En regard des problématiques du développement social, du développement durable et du développement local et régional, le GRIR définit des opérations spécifiques de recherche, d’intervention, d’édition et de diffusion afin de susciter et concevoir des recherches dans une perspective de prise en main des collectivités et des communautés locales et régionales; d’encourager un partenariat milieu/université; de favoriser l’interdisciplinarité entre les membres; d’intégrer les étudiants de 2e et 3e cycles; de produire, diffuser et transférer des connaissances.

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Les activités du GRIR

À chaque années, le comité responsable de l’animation scientifique invite plusieurs conférenciers et conférencières du Québec et d’ailleurs à participer aux activités du GRIR. C’est ainsi que des conférences sont présentées rejoignant ainsi plus de 500 personnes issues non seulement de la communauté universitaire (étudiants, employés, professeurs, etc.), mais aussi du milieu régional. Le comité responsable de l’édition scientifique publie chaque année des publications de qualité. Ce volet du GRIR offre à la communauté universitaire et aux étudiants des études de cycles supérieurs l’occasion de publier des actes de colloque, des rapports de recherche ou de synthèse, des recherches individuelles ou collectives. Vous pouvez consulter la liste des publications sur notre site internet : http: //grir.uqac.ca/

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REMERCIEMENTS

Cette recherche n’aurait pas pu se réaliser sans la volonté, l’ouverture et la participation directe de nombreuses personnes que nous tenons à remercier chaleureusement.

Tout d’abord, il faut souligner le formidable accueil que l’ÉNAM (l’équipe de travail, les élèves participant.e.s et les membres du CA) a réservé aux chercheures au cours de l’année de cueillette de données et des quatre incursions, d’une semaine chacune, que nous avons vécues avec eux/elles en 2012-2013. Leur disponibilité leur écoute, leur confiance, leur humanité et les échanges que nous avons eus, au fil des mois, nous ont permis de mieux comprendre la complexité des logiques à l’œuvre au sein du groupe et du modèle d’intervention qu’il met de l’avant, du moins nous l’espérons.

Nous avons eu le bonheur de travailler avec trois assistantes de recherche, Catherine Noël, Marie-Claude Gingras-Olivier et Annie Ouellet, passionnées et compétentes qui nous ont fourni un soutien indispensable lors de la réalisation de la revue de littérature, de la cueillette de données et de la codification. Deux d’entre elles nous ont aussi accompagnées au sein du comité d’encadrement. Soulignons également le travail de transcription des entrevues réalisé par Colette Désilets, la révision linguistique et la mise en page accomplies par Anne Goldenberg.

Nous remercions aussi les partenaires, les intervenant.e.s, les ancien.ne.s travailleurs et travailleuses, les ancien.ne.s participant.e.s, ainsi que les spectateurs et spectatrices pour leur généreuse contribution dans le cadre de cette étude. Nous espérons avoir été fidèles à nos engagements de départ et avoir su rendre compte du magnifique projet qu’est l’ÉNAM, de l’énorme travail qui s’y accomplit chaque jour et de l’amour de l’art, de la culture et de la personne que nous y avons trouvé.

Finalement, nous remercions ceux qui ont permis que cette recherche se réalise, soit le Service aux collectivités de l’UQAM et, plus spécifiquement, la grande disponibilité et l’expertise de Josée-Anne Riverin, les membres du comité d’encadrement pour leur patience et leur engagement, et l’apport financier de nos deux universités respectives, UQAM et UQAC, ainsi que celui de l’Agence de la santé et des services sociaux 02 (aujourd’hui appelée Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Saguenay–Lac-Saint-Jean).

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TABLE DES MATIÈRES

Introduction

... ...

1

1. Mise en contexte de la recherche et cadrage théorique et méthodologique ... 3

1.1 Origine et mise en œuvre de la recherche ... 3

1.2 Objet et cadre théorique ... 4

1.3 Méthodologie ... 7

2. L’ÉNAM d’hier à aujourd’hui : histoire, acteurs/actrices et activités ... 11

2.1 Un bref historique ... 11

2.2 Présentation des différent.e.s acteurs/actrices ... 13

2.3 Description du groupe et de ses activités ... 18

3. La philosophie et l’approche de l’organisme ... 27

3.1 Les principaux objectifs de l’organisme ... 27

3.2 Philosophie et approche de création/intervention ... 30

4. Les dynamiques à l’ÉNAM ... 35

4.1 Un portrait des relations ... 35

4.2 Les habiletés et les qualités essentielles pour être à l’ÉNAM ... 39

4.3 Les principales forces et défis ... 40

4.4 Place et influence des élèves participant.e.s ... 41

5. Les apports que génère l’ÉNAM ... 45

5.1 Quels apports pour les élèves participant.e.s? ... 45

5.2 Les apports spécifiques de l’art ... 49

5.3 Quels apports pour les travailleurs/travailleuses? ... 51

5.4 Quels apports l’ÉNAM a-t-elle dans la communauté? ... 52

5.5 Quels effets produisent les spectacles?... 54

6. Conclusion : Quel avenir pour l’ÉNAM ... 59

6.1 Un modèle innovateur à préserver et à renforcer ... 59

6.2 Les enjeux qui se dessinent ... 62

6.3 Mot de la fin ... 64

Bibliographie ... 67

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vi

INDEX DES TABLEAUX ET DES ILLUSTRATIONS

Index des tableaux

Tableau 1 Les axes de questionnement ... 7

Tableau 2 Échantillonnage ... 8

Tableau 3 Les motivations des élèves participant.e.s ... 13

Tableau 4 Mots clés pour décrire l’organisme ... 18

Tableau 5 Cycle de création ... 21

Tableau 6 Mots clés pour décrire l’approche ... 30

Tableau 7 Mots clés pour décrire les gens et les rapports interpersonnels ... 35

Index des figures Figure 1 Les trois périodes décrivant l’ÉNAM ... 11

Figure 2 La 3e période : l’ère des partenariats ... 12

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1

INTRODUCTION

Le présent rapport propose les résultats d’une recherche évaluative participative qui s’est déroulée sur une période de trois ans (2011 à 2014) et qui visait à documenter la pratique de l’École nationale d’apprentissage par la marionnette (ÉNAM). La démarche qualitative empruntée ici, pour dresser le portrait de ce modèle de création/intervention pour le moins innovateur et singulier, offre un panorama détaillé des différentes constituantes au cœur de ce projet qui s’active maintenant depuis 25 ans avec des personnes qui ont vécu ou vivent des problèmes de santé mentale. Au fil des sections, se retrouve l’ensemble des éléments qui montrent l’originalité, la pertinence et les effets qu’une telle initiative produit au quotidien. Au nombre de six, le contenu de chacun de ces chapitres se décline comme suit : dans un premier temps seront situés l’origine, la mise en œuvre et le cadrage théorique et méthodologique de la recherche. Puis en second lieu, suivra une description du groupe présentant des éléments historiques, les acteurs/actrices qui s’y trouvent et leur motivation à s’y investir, ainsi que le fonctionnement et les activités développées. Le troisième chapitre abordera le modèle d’intervention spécifique élaboré par l’ÉNAM en décrivant la philosophie et l’approche qui le caractérise. Le quatrième chapitre abordera les dynamiques et les relations nouées entre l’ensemble des acteurs/actrices de ce groupe. Quant au cinquième chapitre, il brossera un portrait des différents apports et notamment ceux de l’art qui sont centraux dans le cadre d’une pareille expérience. Puis nous terminerons ce parcours en nous interrogeant sur l’avenir de l’ÉNAM et les enjeux cruciaux auxquels cet organisme doit faire face. Il est souhaitable que pareille incursion au cœur de cette étonnante aventure permette de mieux saisir les logiques et la complexité que ce modèle donne à voir et le défi qu’il pose.

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3

1-MISE EN CONTEXTE DE LA RECHERCHE ET CADRAGE

THÉORIQUE ET MÉTHODOLOGIQUE

Trois thèmes seront abordés dans ce chapitre : les motivations ayant concouru à cette recherche et sa mise en œuvre, l’objet et le cadre théorique adoptés, ainsi que la méthodologie employée.

1.1 Origine et mise en œuvre de la recherche

Les discussions préalables à la mise en œuvre de cette recherche ont débuté à l’automne 2011. L’idée de réaliser une recherche évaluative des pratiques de l’ÉNAM découle, au départ, d’une demande de la Direction régionale d’Emploi-Québec lors de l’instauration d’un projet pilote avec l’organisme, et ce, afin d’analyser les résultats de l’intervention auprès des élèves participant.e.s. Une stratégie de collecte de données quantitatives a alors été mise en place par l’ÉNAM, à la satisfaction de la Direction régionale d’Emploi-Québec. Cependant, la graine avait été semée, l’équipe de travail de l’organisme envisageant maintenant une analyse plus complexe et qualitative, souhaitée pour trois raisons :

(1) la stratégie de création/intervention originale et diversifiée exige d’être mieux documentée, évaluée et justifiée

(2) les multiples partenaires et subventionnaires doivent toujours être (re) convaincus de la pertinence de financer le groupe

(3) la mise sur pied du projet pilote a non seulement consolidé le nombre de personnes bénéficiant des activités de l’ÉNAM — du moins pendant les cinq ans de l’entente —, mais elle a ouvert la possibilité d’une certaine « exportabilité » du modèle développé.

C’est dans ce cadre que l’organisme a contacté l’unité d’enseignement en travail social de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) et qu’une discussion a été entamée avec la professeure Marcelle Dubé1. C’est cette dernière qui a contacté Ève Lamoureux2, professeure en histoire de l’art à

l’Université du Québec à Montréal (UQÀM), lui proposant de faire équipe dans le cadre de ce projet. L’évaluation formative et participative envisagée permettait ainsi à l’ÉNAM de répondre — tout en ayant pris l’initiative et en étant partie prenante du projet — à l’exigence croissante en matière d’évaluation des résultats de l’intervention. Cette exigence, à l’œuvre depuis quand même plusieurs années dans le domaine de l’action sociale et communautaire, prend de l’importance auprès des organismes qui adoptent la culture comme stratégie d’intervention relative à des enjeux sociopolitiques (exclusion, pauvreté, violence, etc.). Or le développement d’outils d’évaluation dans le champ socioartistique doit être fortement renforcé, et ce, de façon à contribuer à l’amélioration des pratiques (Jacob, 2012). Cette question est d’ailleurs un des axes majeurs d’analyse du Groupe de

1Marcelle Dubé a une longue expérience de travail en intervention sociale dans le mouvement communautaire

ainsi qu’une expertise spécifique dans l’évaluation des pratiques des groupes qui composent celui-ci.

2Ève Lamoureux détient une expertise dans l’analyse de projets artistiques en milieu communautaire et visant

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4

recherche sur la médiation culturelle (GRMC), qui regroupe des organismes culturels comme Culture pour tous et Exeko, différent.e.s professeur.e.s et étudiant.e.s universitaires (dont les deux chercheures de cette enquête), ainsi que des travailleurs et travailleuses en culture des villes de Montréal, de Vaudreuil et de Saguenay.

Au sein du GRMC, nous faisons partie de l’axe de recherche « Inclusion sociale et diversité ». Nos travaux permettent de renouer avec la dimension politique, engagée et engageante de la culture. La culture, en tant que mouvement qui participe à la fabrique du social, trouve à être reconnue comme une composante à part entière du vivre ensemble et non comme un marché à développer où un substrat devant alimenter une identité nationale. Nos terrains nous permettent de mesurer les effets qu’ont des projets de médiation culturelle sur la transformation des cadres de vie. Ils démontrent que ces effets s’inscrivent dans la durabilité, qu’il ne s’agit pas d’expériences anecdotiques et qu’ils représentent une valeur ajoutée par rapport à d’autres types d’action de nature plus sociale ou politique. Travailler de concert avec les acteurs/actrices des projets nous permet aussi de penser plus démocratiquement le processus de production des connaissances. En considérant qu’ils/elles ont droit de cité dans la gestion du projet de recherche, nous nous trouvons à constituer des espaces collaboratifs de recherche (milieu culturel et milieu universitaire) qui sont inclusifs et contribuent à la coproduction de nouveaux savoirs.

1.2 Objet et cadre théorique

L’objet de cette recherche participative est l’évaluation formative de l’approche et des pratiques de l’ÉNAM. Il se déploie dans un contexte où l’organisme utilise une stratégie complexe de création/intervention qui s’ancre dans quatre axes d’action diversifiés (auxquels sont associés d’ailleurs différents partenaires et bailleurs de fonds) : un axe santé (mieux-être), un axe culture (art et création), un axe éducation (formation) et un axe travail (intégration). Ceux-ci se retrouvent agencés de façon à produire une intervention originale, cohérente et unifiée, mais dont les buts sont variés : favoriser un meilleur équilibre et un mieux-être, une intégration sociale, des apprentissages formels et informels et une appropriation de l’art et de la culture; le tout avec des moyens majoritairement artistiques favorisant chez les élèves participant.e.s l’expression, l’agir en commun, le développement de liens sociaux et la création. L’ÉNAM devient ainsi un « lieu où il fait bon de vivre » (Mannoni, 1979) puisqu’il stimule la remise en mouvement, l’estime de soi, bref il redonne un sens à la vie des personnes qu’il rejoint.

La problématique de recherche adoptée puise dans trois grandes sources théoriques : d’abord le champ des pratiques alternatives en santé mentale puisque les élèves participant.e.s vivent des difficultés à ce niveau et que la pratique adoptée peut être qualifiée d’« approche globale » (RRASMQ, 2005; Corin, Poirel et Rodriguez, 2011); ensuite dans le champ de la médiation culturelle et de l’art communautaire puisque l’ÉNAM imbrique étroitement intervention, art et culture; et, finalement, dans le champ méthodologique de l’évaluation participative dans un contexte de médiation culturelle. Les pratiques alternatives en santé mentale, telles que développées au Québec au sein de plusieurs ressources alternatives, depuis les années 1980, mettent de l’avant une « approche globale », centrée

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sur l’entièreté de la personne tout en jumelant un encadrement individualisé. Cette façon de faire tranche radicalement avec les pratiques de type biomédical qui ont été mises de l’avant pour répondre aux problèmes de santé mentale. Ainsi les grands principes qui se dégagent de cette approche globale sont axés sur « l’accueil de la personne dans le respect de ses choix, sur la primauté du lien avec l’autre dans un rapport volontaire et égalitaire, sur la conception globale de l’individu plutôt que sur une vision fragmentaire de celui-ci en matière de besoins et de déficits, sur la capacité à reprendre du pouvoir sur sa vie et sur l’enracinement d’une pratique au cœur de la communauté » (RRASMQ, 2005 : 3). Outre l’ensemble de ces éléments qui caractérisent l’intervention, cette approche globale prend également en compte la personne dans sa globalité en portant une attention à toutes les dimensions qui la composent (trajectoire de vie, valeurs, genre, conditions socio-économiques, etc.), en cherchant à comprendre ce qui fait problème tout autant qu’en découvrant le potentiel et les forces de celle-ci. En somme, « variété, diversité et pluralisme, ainsi que souplesse, créativité et autonomie » sont les couleurs qui teintent les pratiques (RRASMQ, 2005 : 10).

La culture est vouée à jouer un rôle social, politique, économique de plus en plus important depuis la fin du 20e siècle. Cette situation est tributaire d’une triple crise (Caune, 1999) : crise économique : la

culture envisagée comme stratégie de croissance (Brault, 2009); crise politique : la culture promue comme vecteur de lien social et de lutte à l’exclusion et à la marginalisation (Lamoureux, 2010); et crise culturelle faisant apparaître un besoin criant de développer de nouvelles stratégies pour répondre à la déconnexion entre les publics et l’art, surtout contemporain (Lacerte, 2007), mais plus largement pour recréer du « sens commun » (Fortin, 2000) dans un contexte de perte assez généralisé de repères collectifs. Dans ce cadre, on assiste à une multiplication de projets et de groupes qui tentent d’intervenir grâce à et au moyen de la culture ainsi qu’à un travail de théorisation et d’analyse de ce phénomène.

Le concept de médiation culturelle peut regrouper plusieurs de ces expérimentations terrains, surtout si nous en adoptons une définition assez large qui, comme le montre Fontan (2007), ne concerne pas uniquement le rapport entre une œuvre et son destinataire, mais toutes les formes de participation au sens large du développement culturel d’une société. On adopte alors une vision non pas de démocratisation culturelle, mais bien de démocratie culturelle. Cette dernière refuse la hiérarchisation des différentes formes culturelles, met de l’avant, notamment, la culture populaire et celle des groupes minoritaires ou minorisés, reconnaît le rôle social joué par la culture et privilégie une participation active de celle-ci (Santerre, 2000 : 48). La médiation culturelle dans ce cadre, suivant Beillerot (2000 : 679), est envisagée comme relevant de l’éducation informelle. Situées à l’intersection du culturel, de l’éducation, de la formation continue et du loisir, ses visées sont donc simultanément éducatives, récréatives et civiques ou citoyennes (entendu au sens de devenir potentiellement acteur/actrice de sa vie et de celle de sa collectivité). Cependant, même en adoptant cette compréhension de la médiation culturelle, il existe encore une diversité assez grande de types de pratique.

Nous situons l’ÉNAM dans la catégorie des projets participatifs qui favorisent la cocréation (Casemajor, Lamoureux et Racine, 2015) entre des artistes professionnel.le.s et des gens plus néophytes. Cette forme de médiation met sur pied un processus créatif où toutes les personnes

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partie-6

prenante du projet contribuent concrètement à la création et influent sur les paramètres de celle-ci. L’ÉNAM se rapproche donc, ainsi, des arts communautaires (Chagnon, Neumark, Lachapelle, 2011; Lamoureux, 2010), même si son modèle de création/intervention ne correspond pas totalement à cette catégorie, notamment, puisqu’il fonctionne selon une logique hiérarchique — tous les acteurs et actrices du projet ne sont pas égaux; il y a, d’un côté, des élèves participant.e.s, de l’autre, des personnes enseignantes, intervenantes, artistes. En outre, se combinent à l’ÉNAM certains principes associés à l’art thérapie par la marionnette et d’autres plus liés aux arts communautaires. Dans cette dernière tradition, on parle souvent de healing practices (pratiques de guérison ou de cicatrisation) : même si l’approche n’est pas thérapeutique au sens médical et psychologique du terme, de tels projets ont souvent des effets bénéfiques qui favorisent un mieux-être à la fois individuel, social et, parfois, politique.

Ces grandes orientations permettent d’établir un cadre général dans lequel situer l’approche et les pratiques de l’ÉNAM. Cela dit, l’analyse évaluative de 4e génération (Patton, 1978, 1980; Monnier,

1992; Guba et Lincoln, 1989) est celle qui va nous permettre de réfléchir à la spécificité du modèle adopté par l’ÉNAM, au processus qu’il requiert, aux partenariats qu’il nécessite, aux résultats qu’il obtient, donnant ainsi l’occasion « de chercher à radicaliser les éléments potentiellement les plus novateurs de certaines orientations et de contribuer à l’examen critique de leur opérationnalisation » (Corin, 1995 : 34). Ce type d’évaluation est formatif et participatif (Jacob, 2012). Il s’agit d’un exercice de réflexion collective continue, intégrée au projet, qui répond d’abord aux besoins du groupe, même si des chercheur.e.s extérieur.e.s sont impliqué.e.s et que la recherche doit aussi contribuer au développement général du savoir. L’analyse réalisée porte autant sur les processus que sur les résultats. Ainsi, l’alliance créée entre les chercheur.e s et les personnes du milieu est fondamentale. Ces dernières collaborent étroitement à toutes les phases de la recherche et aident, notamment, à circonscrire le corpus de recherche, à formuler les thèmes des entrevues et à valider l’analyse réalisée. Les indicateurs de l’évaluation découlent directement des objectifs poursuivis par l’organisme et des moyens mis en œuvre et non de principes normatifs extérieurs. Les questions que l’ÉNAM a formulées au départ de la recherche ont aussi permis de cadrer la conduite de celle-ci. Le modèle proposé repose sur les 4 principes reconnus par le Réseau québécois de recherche partenariale en économie sociale (RQRP-ÉS, 2007) : la participation, la transparence, l’autonomie et la réflexivité.

Suivant les objectifs spécifiques de l’ÉNAM, cette recherche évaluative se concentre autour de 4 grands axes de questionnement

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7 Tableau 1 Les axes de questionnement

Axe 1 Axe 2 Axe 3 Axe 4

L’approche, la philosophie et les objectifs

Les pratiques Les dynamiques de la vie interne

Les effets de l’ÉNAM

Quelle est l’approche spécifique? Quels sont les objectifs poursuivis? Quels sont les principes de

création/intervention qui guident la

pratique?

Quelles sont les diverses activités de création ou autres? Quels sont les objectifs de chacune? Comment se déroulent les divers ateliers ou activités? Comment fonctionne l’équipe de travail? Quel espace accorde-t-on aux élèves participant.e.s? Quelles sont les dynamiques entre les différent.e.s acteurs/actrices que l’ÉNAM regroupe? Quel est le rôle des partenaires? Quelle est

l’influence concrète des partenaires et bailleurs de fonds?

Quels effets l’approche et les pratiques ont-elles sur les élèves participant.e.s, les

intervenant.e.s, les partenaires? L’ÉNAM arrive-t-il à avoir un effet sur d’autres organismes communautaires ou liés à la santé et aux services sociaux? Quels effets les spectacles ont-ils sur leur public?

1.3 Méthodologie

Nous avons donc opté pour une recherche évaluative telle qu’elle a été circonscrite ci-haut. Cette dernière permet de clarifier les buts poursuivis, de cerner et de renforcer le modèle de création/intervention (en soulignant ses points forts, mais aussi en favorisant les ajustements et en ciblant les défis à relever), de mieux définir le rôle et les responsabilités des différentes personnes engagées et de renforcer les arguments justificateurs de ce modèle (Matarasso, 2009; De Perrot et Wodiunig, 2008). Cette recherche est de nature exploratoire et qualitative (Paillé, 2006; Paillé et Muchielli, 2003; Deslauriers, 1991; Huberman et Miles, 1991), sous forme d’étude de cas à visée évaluative (Hamel, 1997; Yin 1994).

Une triple stratégie de collecte des données a été réalisée.

1. Une revue de la littérature couvrant deux aspects: d’abord une meilleure connaissance de l’organisme alimentée par la lecture des documents produits par l’ÉNAM et des découpures de presse que l’organisme avait conservé dans ses archives (principalement entre 2007 et 2012), puis les 3

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8

champs nourrissants notre problématique : pratiques alternatives et pratiques artistiques en santé mentale; médiation culturelle et art communautaire; évaluation participative.

2. Des observations participantes ont été réalisées sur une période de 10 mois entre septembre 2012 et juin 2013, à raison de quatre incursions d’une durée d’une semaine chacune, afin de saisir les dynamiques à l’œuvre dans l’organisme et les différentes phases dans la production d’un spectacle : en novembre peu après le départ d’une nouvelle année; en février et en avril au moment où les spectacles prennent réellement corps (lors des ateliers de confection des marionnettes, d’écriture de textes, des répétitions en vue des spectacles); et, finalement, en juin lors des activités de fin d’année et au moment où les spectacles sont mis en scène et joués.

3. Nous avons également réalisé plusieurs entrevues3 avec les groupes d’acteurs/actrices suivants qui

se sont portés volontaires : Tableau 2 Échantillonnage Les travailleurs et travailleuses Les élèves participant.e.s Les collaborateurs et collaboratrices Les spectateurs et spectatrices 8 entrevues individuelles

avec l’équipe régulière 2 entrevues de groupe, 1 avec 6 contractuel.le.s 1 de groupe avec 3 ancien.ne.s travailleurs/travailleuses 8 entrevues de groupe (rejoignant 39 personnes), complétées par 3 entrevues individuelles courtes à la demande de certain.e.s participant.e.s 1 entrevue de groupe avec 5 ancien.ne.s participant.e.s 3 entrevues de groupe, 1 de groupe avec 9 membres du CA, une avec 4 partenaires et

bailleurs de fonds, et une avec 6

intervenant.e.s du réseau de la santé et des services sociaux (3) et du milieu communautaire (3)

68 sondages courts4

administrés auprès des personnes ayant assisté aux spectacles de l’ÉNAM produits en juin 2013

Il est à noter que les abréviations suivantes seront utilisées afin d’indiquer de quel groupe d’acteurs/actrices proviennent les citations : équipe de travail (ET), élèves participant.e.s (EP), membres du conseil d’administration (CA), les partenaires (PA) et les spectateurs/spectatrices (SP).

L’analyse du discours nous a permis de traiter le matériel recueilli. Celui-ci a fait l’objet d’une analyse thématique réalisée en fonction des objectifs et du cadre d’analyse, tout en restant sensibles et ouvertes à l’émergence de nouveaux thèmes. Nous avons adopté une approche qui laisse une large place à

3Voir les questionnaires en annexe.

4Trois méthodes de cueillettes des données ont été utilisées : 20 fiches papiers ont été remplies par des

étudiant.e.s, leurs professeur.e.s préférant encadrer, en classe, cette activité de retour sur le spectacle; 18 entrevues audio ont été réalisées à la sortie des représentations; et 30 personnes ont accepté de répondre par courriel. Les questions étaient les mêmes, peu importe la manière utilisée pour y répondre.

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9

l’induction, grâce à une démarche itérative. Les phases d’entrevue et d’observation, de même que celles de codification et d’analyse se sont chevauchées, chacune des étapes alimentant et orientant les autres. L’analyse a été réalisée selon les quatre axes déjà énoncés (section 1.2). Le comité d’encadrement de la recherche a joué, ici, un rôle essentiel à toutes ces étapes. Notons que le projet a été approuvé par le comité d’éthique de l’UQAM.

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2-L’ÉNAM D’HIER À AUJOURD’HUI : HISTOIRE, ACTEURS/

ACTRICES ET ACTIVITÉS

Dans ce deuxième chapitre sera relaté un bref historique du groupe, suivi d’une présentation des différents acteurs/actrices qui agissent au sein de l’ÉNAM et leurs motivations à s’y investir, ainsi qu’une description du fonctionnement et des activités qu’on y réalise.

2.1 Un bref historique

C’est en 1990 que l’ÉNAM commence ses activités. Si à l’origine son projet était de créer une école et de dispenser de la formation sur les arts de la marionnette, elle a vite opté pour la valorisation du rôle social de l'art en prenant, dès 1992, une voie qui fut déterminante : l’intégration, dans ses créations, de personnes qui ont des problèmes de santé mentale. Ainsi, comme le souligne un article de cette époque, « […] l'ÉNAM se distancie de l'alliance entre les approches traditionnelles de la psychiatrie et la thérapie par la marionnette, pour développer une conscience et une valorisation de techniques plus alternative » (Druart, 1994). C’est ainsi que l'embryon de l’ÉNAM, telle qu'on la connaît aujourd’hui, semble avoir pris forme. Ce choix a été déterminant et a donné l’opportunité au groupe de développer son expertise. Plusieurs créations et projets d’envergure ont permis, au fil des ans, de mettre en action, d’expérimenter et de valider ce modèle d’intervention. Ici on pense aux spectacles Métamorphose (1992),

l’Allégorie du cabaret de Platon (1995), ….Et la Bête (2000), La maison des émotions (2002), Allô j’écoute et La couleur de l’imaginaire (2009), Histoire de famille et Rêves et imaginaire (2011).

À la lumière de la revue de littérature que nous avons réalisée en parcourant les écrits de ce groupe, trois périodes distinctes se dégagent dans l’histoire de l’ÉNAM.

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Dans le cadre de cette recherche, nous nous sommes concentrées sur la dernière période qui a été un moment marquant du développement de l’organisme. En voici les faits saillants :

 L’ensemble des partenariats que l’ÉNAM a établi avec le Centre de formation générale des adultes de la Commission scolaire des Rives-du-Saguenay1, le projet pilote avec Emploi-Québec (durée de 5

ans, 2009 à 2014), la récurrence en santé via le Programme de soutien aux organismes communautaires, une incursion dans le domaine de la culture et un apport de Bell Aliant.

 Le développement de la cible représentant les quatre grandes sphères qui s’activent et s’entrecroisent au cœur des pratiques et du projet de l’ÉNAM (travail/intégration, santé/mieux-être, culture/création, éducation/formation).

 Trois déménagements.

 La constitution d’une équipe où les personnes engagées par l’ÉNAM et l’apport des ressources fournies par le Centre de formation générale des adultes se côtoient quotidiennement.

 La mise en place de la chorale les Énamoureux du chant.  Le passage de 17 à 51 élèves participant.e.s.

 Les célébrations des 20 ans de l’ÉNAM et la réalisation d’un colloque international Marionnette pour l'éducation et la santé, sous le thème Donner un sens au mouvement. (2011)

 Une série de spectacles et un cycle de création construits sur une période de deux ans.  Et finalement le début de la recherche évaluative.

Certains de ces faits saillants sont illustrés dans la représentation temporelle qui suit : Figure 2 La 3e période : l’ère des partenariats

1 Il est important de rappeler qu’au moment de la réalisation de cette recherche le Centre portait le nom de Laure

Conan et que les différentes restructurations que vivent les Commissions scolaires au Québec ont modifié, depuis 2013, son nom.

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En résumé, il apparaît essentiel de mentionner, dans ce bref historique, que si la première période a permis de jeter les bases du modèle de création/intervention qui s’est institué à l’ÉNAM (dont l’inclusion de personnes souffrant de difficultés en santé mentale), la 2e période a été vécue comme un

entre-deux temps marqué d’incertitudes et d’ambivalences, au moment où il fallait consolider les bases initiales en développant des alliances nécessaires à la poursuite de l’aventure. Bien sûr, ces multiples partenariats auxquels l’ÉNAM souscrit dans la 3e et dernière période ne sont pas sans modifier le

quotidien de ce groupe, mais le défi reste : celui de ne pas perdre le sens de son action et d’affiner son modèle de création/intervention. C’est ce que la suite des prochaines sections de ce rapport nous permettra de constater.

2.2 Présentation des différent.e.s acteurs/actrices

Les élèves participant.e.s

Les élèves participant.e.s qui fréquentent l’ÉNAM sont âgé.e.s entre 18 et 60 ans. Ils/elles ont, majoritairement, des problèmes de santé mentale, parfois, des handicaps physiques ou intellectuels. Ces personnes sont généralement reconnues, par l’administration publique, comme « inaptes au travail » et « éligibles aux programmes d’employabilité ». Certaines vont manifester au départ leur intérêt pour les arts, mais on ne vise pas nécessairement qu’elles aient des talents artistiques. Ceux-ci peuvent se développer et se découvrir au fil du temps.

Pour une majorité, le premier contact avec l’ÉNAM se fera soit parce qu’ils/elles en entendent parler par un.e élève participant.e qui fréquente déjà l’organisme ou en y étant référées par des professionnel.le.s avec qui ils/elles sont en lien, par exemple l’agent.e d’aide sociale, un.e intervenant.e de la santé ou du milieu communautaire. D’autres vont venir d’eux-mêmes/d’elles-mêmes.

Les motivations des élèves participant.e.s

Quelles sont les motivations qui font que l’on a envie de venir à l’ÉNAM? Voici celles qu’ont évoquées les élèves participant.e.s interrogé.e.s.

Tableau 3 Les motivations des élèves participant.e.s 1. Pour socialiser (combattre

la solitude, l’isolement et l’ennui, et faire quelque chose)

« Je viens ici pour chercher l’amitié » « Je viens ici pour me changer les idées »

2. Pour retrouver un groupe d’appartenance (ses semblables et une expérience commune)

« Pour rencontrer d’autres personnes comme moi qui vivent des problèmes de santé mentale »

« Je viens parce que l’ÉNAM ça été ma porte de sortie quand j’ai eu des idées suicidaires »

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Tableau 3 Les motivations des élèves participant.e.s (suite) 3. Pour le statut obtenu (être

une personne avant un malade)

« Parce qu’on est égal(e) aux autres »

4. Pour le respect et l’accueil « Je sens qu’on me comprend »

« On est respecté (on ne se fait pas brasser et bousculer) » 5. Pour apprendre,

développer l’autonomie et cheminer

« Ça me valorise de venir ici, j’apprends à faire des choses, seule, et à devenir autonome »

« Venir ici diminue mon stress, je passe la journée à apprendre de belles affaires, j’évolue »

« Je viens ici pour chercher ma confiance, travailler sur moi »

« Je viens ici parce que je trouve que l’ÉNAM est une place pour moi » 6. Pour le volet artistique, les

activités et l’équipe qui encadre

« Parce que j’aime le dessin, la couture, fabriquer toutes sortes d’affaires » « Le côté artistique de l’ÉNAM m’intéressait beaucoup (j’adore écrire et j’ai un côté assez créatif, alors être ici ça me satisfait) »

« La diversité des activités et l’arrivée des nouvelles personnes dans l’équipe »

7. Pour se sentir utile personnellement et socialement

« On donne de l’importance à ce que l’on fait »

« Je viens ici parce qu’il n’y a plus personne qui veut nous engager à 59-60 ans! »

8. Pour le plaisir, le bien-être et la valorisation qu’on en retire

« Quand je sors d’ici je suis positive et fière d’avoir des activités qui m’apportent »

« Je suis bien à l’ÉNAM et y puise mes ressources de vie » 9. Pour trouver un sens à la

vie

« Je viens ici me refaire et trouver un sens à ma vie »

10. Pas pour l’argent « Tu ne viens pas ici pour l’argent, quelqu’un qui vient ici pour l’argent, il ne reste pas longtemps »

Les travailleurs et travailleuses

L’équipe de base de l’ÉNAM est composée de huit postes, dont sept sont occupés par les mêmes personnes depuis plusieurs années (2007).

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Cinq personnes sont engagées et payées par l’ÉNAM et travaillent à temps plein : trois hommes et deux femmes. Deux font partie des fondateurs de l’organisme et occupent les postes de direction générale et de coordination. Les trois autres sont arrivées en 2003 pour une, puis au moment de l’entente partenariale avec la Commission scolaire des Rives-du-Saguenay en 2006 et 2007, pour les deux autres. Elles occupent les emplois suivants : adjointe administrative, technicienne en fabrication et travailleur de milieu.

Trois autres personnes sont engagées et rémunérées par la Commission scolaire des Rives-du-Saguenay (une à temps plein et deux à temps partiel). Il s’agit de trois femmes, deux enseignantes, une en français (depuis 2007), l’autre lié à l’art et à l’art thérapie (depuis 2008), et la troisième est travailleuse sociale.

Au cours de l’année 2012-20132, six autres personnes sont engagées avec des contrats d’une durée

déterminée : cinq femmes et un homme. Sauf une, les autres sont beaucoup plus jeunes que les membres de l’équipe stable. Leurs fonctions ont été pensées pour correspondre aux ressources humaines jugées minimales par l’équipe3. Malheureusement, le maintien de ces emplois est tributaire

de nouvelles sources de financement.

Voici les postes qu’occupaient ces six personnes contractuelles :

 Un technicien/caméraman, cinq jours par semaine, avec un mandat lié au développement de la présence de l’ÉNAM sur le web.

 Une technicienne en cinéma et vidéo, une journée par semaine, vouée aussi au mandat web.  Une chef de chorale, engagée une demi-journée par semaine, avec comme mandat de diriger la

chorale (une « nouvelle » employée occupe cette fonction depuis septembre 2012).

 Une scénariste, une journée par semaine, avec le mandat d’assurer la mise en scène d’une chorale marionnettiste.

 Une scénariste/marionnettiste, cinq jours par semaine, avec comme mandat d’encadrer l’écriture des scénarios, puis de s’investir dans la fabrication des marionnettes.

 Une scénographe/marionnettiste, quatre jours par semaine, se consacrant à la fabrication des marionnettes et des décors (avec l’idée de contribuer à « professionnaliser le tout un peu ») et qui apporte une vision plus globale dans la création des spectacles de marionnettes (jouer le rôle de liant entre les différentes phases et fonctions, faciliter la communication).

Les formations, expériences et cheminements précédant leur venue à l’ÉNAM

Les travailleurs et travailleuses de l’ÉNAM détiennent cinq profils de formation différents :

 Huit personnes ont des formations (scolaires et/ou par expériences dans le milieu) liées à l’art : marionnettes, art et technologie des médias, arts visuels, musique et chant, graphisme, théâtre (mise en scène), cinéma (montage, éclairage, caméra). Elles ont toutes des expériences dans le

2 Rappelons que l’année 2012-2013 fut celle où nous avons été sur le terrain de l’ÉNAM et où nous avons réalisé

les observations et les entrevues dans le cadre de la présente recherche.

3Le hasard a voulu que la cueillette de données de cette recherche arrive à un moment où l’organisme avait un

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milieu professionnel : deux comme comédiens/marionnettistes; une comme musicienne; huit dans des postes dits techniques (fabrication, mise en scène, chef de choral, montage vidéo, etc.).  Deux personnes sont enseignantes et possèdent un baccalauréat en enseignement, pour l’une, une formation en arts, pour l’autre, un diplôme d’études collégial en arts visuels et une maîtrise en art thérapie.

 Une personne détient une formation en comptabilité.

 Une personne est travailleuse sociale (diplôme technique d’études collégiales et baccalauréat).  Deux autres personnes ont des formations et des expériences professionnelles éloignées des

arts et autres diverses fonctions de l’ÉNAM (agente de la faune et archiviste)4.

Les motivations des travailleurs/travailleuses

Le désir de venir travailler à l’ÉNAM répond à plusieurs motivations. De façon presque unanime, il y a le plaisir d’être auprès de personnes atteintes de difficultés en santé mentale. Pour plusieurs, il s’agit d’une première expérience qui leur apparait extrêmement stimulante, malgré quelques craintes de départ. Plusieurs sont aussi motivé.e.s par le désir d’aider, de se sentir « utile ». La dimension humaine du travail semble importante, « c’est le travail le plus humain que je n’ai jamais fait », de même que la dimension concrète et non routinière de celui-ci. L’amour de l’art et de la marionnette est aussi au cœur des motivations de plusieurs. Certain.e.s artistes insistent sur leur besoin d’intégrer dans leur pratique une dimension sociale, d’autres une dimension plus pédagogique. Une personne aime bien la dimension interdisciplinaire des productions artistiques de l’ÉNAM qui lui permet d’allier ses compétences et ses intérêts variés. Les personnes enseignantes soulignent le caractère alternatif et innovateur de l’approche développée, de même, pour une, le fait que son travail lui permet d’explorer « la fonction soignante de l’art ». Enfin, une personne insiste sur son désir de sensibiliser plus largement la population à la question de la santé mentale, alors qu’une autre cherche plutôt à sortir les élèves participant.e.s des logiques ou du cycle de la psychiatrie traditionnelle (forte médication, psychiatrie, hospitalisation récurrente, etc.).

Les membres du CA

Le conseil d’administration de l’ÉNAM est composé au total de neuf postes électifs dont deux sont occupés par des élèves participant.e.s et les autres par des personnes issues de la communauté (en essayant d’avoir des gens dont l’expertise diversifiée, rend compte des multiples dimensions de l’approche : art, santé, éducation, travail). Ces gens ont pour mission de « veiller à la pérennité de l’organisme » (CA). Ils doivent s’intéresser autant à la qualité de l’intervention de l’équipe de travail, qu’au financement et à la reconnaissance du groupe. Ils doivent « croire dans la cause de l’ÉNAM » (CA) et s’impliquer réellement. S’ajoutent à ces personnes deux membres de l’équipe de travail, dont le directeur général qui siège d’office à cette instance.

4Dans les deux cas, les personnes se sont d’abord impliquées à l’ÉNAM — sur le CA, en soutien à des activités

spéciales et comme participante — avant d’y être embauchées. L’une l’a été en tant que technicienne à la fabrication créatrice d’artisanat et après avoir suivi une formation comme préposée aux bénéficiaires. L’autre, en tant que « travailleur de milieu », au nom de son expérience personnelle.

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Les motivations des administrateurs/administratrices

Les raisons invoquées par les membres du CA pour s’impliquer sont multiples et de nature variable : la croyance en la mission de l’ÉNAM et du travail exceptionnel qu’elle réalise, le fait de souscrire à la cause (santé mentale), l’envie de donner une aide aux personnes qui fréquentent l’organisme (souvent oubliées et mal perçues dans la société), parce qu’un/e membre de leur famille vit des problèmes de santé mentale et qu’ils/elles sont touché.e.s de près par ces réalités, l’accueil et l’humanité de l’approche (ici on voit les gens comme des personnes à part entière avant de les étiqueter), pour le sentiment d’utilité que donne l’ÉNAM à ces personnes et la croyance qu’elle a en leur potentiel ou tout simplement pour connaître l’expérience d’un CA.

Les partenaires

L’ÉNAM a recours en matière de financement, depuis 2007, à un montage complexe de partenaires et de bailleurs de fonds, dont les principaux sont les suivants :

 le Centre de formation générale des adultes (CFGA) de la Commission scolaire des Rives-du-Saguenay (principal partenaire qui fournit, notamment, les locaux, plusieurs professeur.e.s, une travailleuse sociale et d’autres ressources matérielles; l’ÉNAM faisant partie, via ce partenariat, des centres périphériques voués à la mission d’intégration sociale des CFGA)

 le ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale (grâce à un projet pilote, mis en place durant 5 ans (2009-2014) et à d’autres programmes qui permettent à des personnes ayant des contraintes sévères à l’emploi de bénéficier d’une mesure de réinsertion au travail, soit le fait d’être élève participant.e à l’ÉNAM);

 l’Agence de la santé et des services sociaux 02;  la Ville de Saguenay;

 le ministère de la Culture et des Communications;  des bailleurs de fonds privés.

Les motivations des partenaires

Quant aux motivations des partenaires, seule la Commission scolaire nous a livré son point de vue à ce sujet. Elle voit à la clé que ce partenariat est un échange de services, les élèves participant.e.s de l’ÉNAM pouvant profiter du volet enseignement que l’éducation aux adultes offre, alors que l’ÉNAM propose des services complémentaires permettant d’atteindre des objectifs liés à l’intégration sociale. Elle se dit gagnante, car un programme comme l’ÉNAM fait partie intégrante de sa mission et de sa vision.

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Les spectateurs/spectatrices

Bon nombre des spectateurs/spectatrices qui viennent assister aux spectacles de l’ÉNAM, sont des membres de la famille, des proches et des ami.e.s des élèves participant.e.s. Nous retrouvons également, au sein du public, des intervenant.e.s sociaux, des professeur.e.s du Centre de formation des adultes avec des groupes d’élèves, des partenaires, des connaissances et des proches de l’équipe de travail.

Les motivations pour assister aux spectacles

Les motivations qui font que l’on a envie d’assister aux spectacles que produit l’ÉNAM sont variées. Plusieurs diront y venir pour encourager et soutenir le travail et les efforts que les élèves participant.e.s ont mis, « Je trouve que tous ces efforts sont fantastiques et qu’ils méritent d’être encouragés » (SP). D’autres viendront pour voir la fierté que vivent les élèves participant.e.s, pour « voir des étincelles dans les yeux des gens » (SP) ou encore pour « les applaudir parce qu’ils le méritent beaucoup » (SP). Certains.e.s viennent également pour souligner le travail réalisé par l’équipe de travail. Un groupe d’habitué.e.s dira d’emblée aimer les spectacles de l’ÉNAM et leur qualité : « Parce que je savais que cela serait bon, parce que c’est toujours intéressant, puis ça nous parle toujours de valeur à respecter » (SP). On reconnaît la part sensible des messages livrés à travers les sketchs et on la recherche : « Les spectacles me touchent particulièrement, il y a quelque chose qui vient me cherche au cœur » (SP). Puis on a hâte et même on est « curieuse de voir la nouvelle production et l’évolution des élèves participant.e.s » (SP). « C’est un groupe que j’affectionne particulièrement pour les bienfaits qu’il procure et leur grand sens artistique au service de personnes qui vivent avec de grandes difficultés » (SP). Enfin, une enseignante mentionne que ce spectacle lui servira « d’exemple de persévérance, de réussite et d’espoir. Il devrait y avoir plus d’écoles comme la vôtre » (SP).

2.3 Description du groupe et de ses activités

Aujourd’hui, comment décrit-on l’ÉNAM? Voici les différentes expressions que les personnes interrogées ont nommées :

Tableau 4 Mots clés pour décrire l’organisme

Comment décrit-on l’ÉNAM ? Qu’est qui caractérise l’Énam ? «Un milieu de vie»

«Ici, on appelle ça une école» «Un théâtre vivant»

«Une grande famille» «Un lieu d’apaisement»

«Être un phare» «Aller à l’essentiel» «Exceptionnel»

«Être différent et respecter la différence» «Dynamique»

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19 Tableau 4 Mots clés pour décrire l’organisme (suite)

Comment décrit-on l’ÉNAM ? Qu’est qui caractérise l’Énam ? «Une école où l’on apprend à vivre avec la

vie»

«Vivre avec les participant.e.s» «Une place où on est bien»

«Ils ont des vacances, ils ont des congés, ils ont un salaire!»

«Un travail»

«On n’aurait pas l’ÉNAM on n’aurait pas d’emploi, on n’aurait rien»

«Une belle équipe de travail»

«Diversité des personnes et respect de l’unicité de chacune»

Fonctionnement général

Au moment de nos entrevues et des observations, il y avait une quarantaine d’élèves participant.e.s inscrit.e.s à l’ÉNAM. Ces dernier.e.s sont divisé.e.s en deux groupes d’une vingtaine de personnes. En début de semaine, les lundi et mardi, les deux groupes sont présents simultanément. Puis, le mercredi et le jeudi, en alternance, un seul des deux groupes y vient. L’équipe de travail dispose du vendredi pour planifier son travail, tenir des réunions, avancer dans des tâches autres que l’intervention auprès des élèves participant.e.s. L’organisme a adopté un horaire formalisé comparable à celui d’une école secondaire type (avec des heures d’arrivée et de départ fixes, une pause le midi, et des pauses entre les plages de travail). Au niveau du contenu des activités, par contre, il n’y a pas de routine préétablie, celles-ci variant en fonction de l’avancement de chacun des projets ainsi que des besoins et des demandes formulées. Il y a aussi une grande ouverture aux activités spéciales et ponctuelles.

Une journée type à l’ÉNAM débute par une réunion matinale de planification pour l’équipe de travail (de 8 h 30 à 9 h). S’en suit une période consacrée à l’accueil des élèves participant.e.s, au dévoilement des activités de la journée (inscrites au tableau vert) et à une période d’exercices physiques dans la grande salle. Si la température le permet, les gens vont à l’extérieur faire une marche. À leur retour, ils se dirigent vers l’activité inscrite à l’horaire.

Cet horaire est en place du début septembre jusqu’à la fin juin. L’été, les élèves participant.e.s viennent à l’ÉNAM deux jours par semaine. Il y a moins de travailleurs et travailleuses5 et l’organisme

fonctionne différemment avec des activités adaptées à la période estivale.

5Les vacances expliquent qu’il y ait moins d’employé.e.s, mais aussi le fait que les enseignant.e.s embauché.e.s

par la Commission scolaire des Rives-du-Saguenay prennent leur congé conventionné (plus ou moins deux mois l’été).

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Les activités proposées et mises au programme

Bien que diverses activités soient proposées (cours de français et ateliers d’informatique, visites culturelles, chorale), la plus importante est la réalisation d’un spectacle de marionnette.

Les spectacles de marionnettes

Au niveau de la production des spectacles de marionnettes, l’ÉNAM fonctionne sur un cycle de deux ans. Une année, chacun des groupes crée un spectacle (donc deux) qui sera joué aux mois de mai ou juin; l’année suivante on les perfectionne et les rejoue6.

Quel est donc le cycle de création de ce spectacle?

Chaque spectacle est composé d’environ 5 ou 6 sketchs, ce qui permet une participation de tous/toutes; est associée à chacun de ces sketchs une équipe formée de 2 à 5 personnes sous encadrement de

l’équipe de travail. Les élèves participant.e.s sont libres de choisir avec qui ils/elles travaillent7, de

même qu’ils/elles jouent un rôle essentiel, décisionnel dans la création.

Bien que certains sketchs abordent les problèmes liés à la santé mentale, il est important de préciser que plusieurs créations touchent des sujets fort diversifiés. Le rêve, la maladie, la famille, l’amour, la pauvreté, l’itinérance, l’amitié, la colère, en sont quelques exemples. Certains explorent également les dimensions poétiques et symboliques de l’art sans « message »8.

La création du spectacle n’est pas linéaire et plusieurs des phases se chevauchent entre les mois de septembre et de mai. Voici la présentation de chacune de ces étapes et comment elles s’enchaînent et constituent un ensemble pour aboutir aux représentations.

6 Trois principales raisons sont fournies pour ce mode de fonctionnement : prendre le temps d’améliorer chacun

des sketchs et l’enchaînement des spectacles puisqu’il manque toujours de temps afin de peaufiner le tout la première année, avoir l’opportunité de jouer les spectacles plus que 3 ou 4 fois et de les faire voir à un plus grand nombre de personnes, et avoir, 1 an sur 2, un rythme un peu plus lent, moins stressé, et ce, tant pour les participant.e.s que pour l’équipe de travail, afin de faire place à d’autres projets et de transmettre de nouvelles connaissances.

7 Il arrive, en cours d’année, que des ajustements doivent être faits, notamment, si des élèves participant.e.s

quittent ou reviennent pour des raisons de santé. La liberté dans le choix des équipes a des avantages et des inconvénients. Elle est positive puisque les gens s’associent en fonction de leurs affinités et du désir de créer ensemble. Cela dit, elle génère aussi un certain déséquilibre dans les équipes (nombre d’élèves participant.e.s, habiletés, motivations, etc.) qui, parfois, apporte un surplus de travail pour les travailleurs et les travailleuses.

8Voir en annexe les programmes des spectacles, produits à l’été 2013, qui présentent les différents titres de ces

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21 Tableau 5 Cycle de création

LES ONZE ÉTAPES DU CYCLE DE LA CRÉATION

1. Le travail débute par une période d’idéation de la thématique du sketch grâce à des remue-méninges;

2. puis vient l’élaboration d’un canevas de l’histoire et des personnages;

3. suit l’écriture du scénario, des dialogues et leur transcription sur support informatique; 4. le choix des types de marionnettes;

5. la confection des marionnettes, des décors, parfois des costumes;

6. la pratique du jeu à deux niveaux : la voix et la manipulation des marionnettes, notamment en faisant des improvisations et en se filmant (afin « d’apprendre à se voir et à s’aimer » (ET)); 7. l’enregistrement des voix (pour éviter le stress de se remémorer un texte devant public et se

concentrer sur le jeu et la manipulation des marionnettes, et puisque l’élocution de certain.e.s est parfois difficile);

8. l’enregistrement filmé d’extraits qui s’insèrent « dans la pièce », soit des parties vidéo du spectacle projetées sur écran;

9. l’élaboration de la mise en scène (assurée seule par les travailleurs et travailleuses); 10. les répétitions générales;

11. et enfin les spectacles.

Ce processus n’est pas exempt de difficultés. Deux touchent les élèves participant.e.s. Certain.e.s auraient du mal à envisager le processus de création dans son ensemble et à faire les liens nécessaires entre les différentes phases (exemple, comment le scénario peut influencer le choix des types de marionnettes, qui lui influe sur le décor et la mise en scène). Pour d’autres personnes, toute la phase d’idéation et de création du scénario est difficile (notamment, mais pas uniquement, pour ceux et celles qui sont analphabètes).

Une stratégie précieuse a été pensée et mise en pratique pour répondre à ces difficultés. Au fil des années, l’ÉNAM a constitué un cahier des élèves participant.e.s qui leur permet de suivre pas à pas les différentes phases de la création d’un spectacle. Cet outil didactique vise à mieux structurer le travail, à développer une conscience de l’ensemble du processus, mais sert aussi à favoriser l’apprentissage informel de la lecture et de l’écriture.

Au niveau des travailleurs et des travailleuses, ce processus de création est aussi assez exigeant: énormément de travail (deux spectacles, 5 à 6 sketchs par spectacle, un nombre multiplié de marionnettes et de décors à créer, l’ajout des projections de film, etc.) et enfin une accélération du tempo qui se termine généralement dans l’urgence à quelques semaines des représentations. Tout le monde s’entend pour affirmer qu’il « manque toujours quelques semaines » le soir de la première !

Les ateliers et autres activités

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Les ateliers de fabrication servent, en premier lieu, à créer les marionnettes et les décors des spectacles. Cela dit, particulièrement l’été et lors de l’année de perfectionnement des spectacles, ils permettent aussi d’offrir des moments de création plus libre, « éveil à la créativité », ou de faire des projets spéciaux : dessin, masques, peinture sur roche, vestons, etc.

Des ateliers de « mieux-être » sont également offerts par une personne spécialisée en art thérapie. Elle y explore la prise de parole, l’image de soi, la gestion des émotions, avec des moyens artistiques variés : expression spontanée, collage, dessin, peinture, etc.

L’apprentissage de la langue, du français et de l’informatique reste une préoccupation à l’ÉNAM qui se fait et se perfectionne à travers d’autres activités. À titre d’exemple, le français est mobilisé dans l’écriture des scénarios et à l’aide du guide des élèves participant.e.s; l’informatique lorsqu’il faut taper les scénarios, faire des recherches internet pour bonifier les sketchs. Alors qu’il y a quelques années, très peu d’élèves participant.e.s savaient comment se servir des courriels, presque tous/toutes, aujourd’hui, le font.

Il existe aussi, depuis longtemps, des ateliers de sensibilisation visant à développer les connaissances culturelles et artistiques des élèves participant.e.s. Pendant longtemps, une attention plus particulière a été portée à la tradition marionnettiste, à la lecture de pièces de théâtre, au visionnement de films. Plus récemment, l’approche a été modifiée afin de rendre plus « actifs » ces ateliers. L’improvisation a fait son arrivée (avec des règles simplifiées élaborées en collaboration avec des élèves participant.e.s); la vidéo a aussi été un médium plus exploré (afin de suivre l’évolution des projets de l’ÉNAM).

Plusieurs autres activités régulières ou plus ponctuelles ont lieu à l’ÉNAM. Sans en faire une liste exhaustive, notons :

 des rencontres individuelles avec la travailleuse sociale;  des sorties culturelles (visite d’expositions, de spectacles);

 des projets spéciaux initiés à l’interne ou proposés par d’autres organismes (notamment le projet les Vire Capots, réalisé en collaboration avec les Impatients et qui consistait à exposer, au Centre national d’exposition de Jonquière, des vestons très originaux créés par les élèves participant.e.s);

 des activités sportives ou liées à l’exploration de la nature;

 des conférenciers (environ 5 fois par année), notamment sur la défense de droits ou sur des enjeux importants pour les élèves participant.e.s (budget, sexualité, etc.);

 des prestations de sketchs ou des témoignages des élèves participant.e.s lors de colloques.

La chorale

L’ÉNAM s’est doté, en 2008, d’une chorale, les ÉNAMOUREUX du chant, qui se présente en spectacle, selon l’année, dans différents contextes : fête de Noël et de fin d’année scolaire, dans le cadre de la Nuit des sans-abris, etc. Il y a eu, jusqu’à présent, deux chefs de chorale successifs engagés spécifiquement pour encadrer cette activité (1/2 journée semaine). La chorale permet de pratiquer la

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voix et la diction des élèves participant.e.s (mieux prononcer et apprendre à projeter), de développer leur rythme et leur oreille, de les mettre en action, de même que d’offrir l’opportunité de participer à un autre type de spectacle que celui de marionnettes. Cela dit, l’activité a rencontré de la résistance de la part de certaines personnes qui refusent de chanter (même pendant les pratiques). En 2012, l’équipe de travail a donc choisi de joindre aux chansons un jeu de marionnettes manipulées par ceux et celles qui ne veulent pas chanter. De façon contractuelle, une scénariste a été engagée afin de travailler à la mise en scène9.

Le volet WEB

Au cours des dernières années (2011), l’ÉNAM a décidé de développer des productions diffusées son site internet10; l’idée étant triple : expérimenter autrement le médium de la vidéo11 en créant des

productions artistiques web et en enregistrant des témoignages des élèves participant.e.s à propos de leur expérience dans l’organisme; augmenter la visibilité des créations de l’ÉNAM en étant présent sur le web; et hausser et diversifier le financement de l’organisme.

Un regard critique sur les activités

Quelle appréciation les acteurs/actrices de l’ÉNAM ont ils/elles sur l’ensemble des activités? Quel regard posent-ils/-elles à leur endroit? Et quelle évaluation en font-ils/-elles?

Si les membres de l’équipe de travail constatent que les activités proposent des « pratiques de proximité » ou encore des « pratiques hors-normes », elles offrent, sans contredit, une diversité d’apprentissages qui « favorisent des expériences de réussite et de valorisation », permettant aux élèves participant.e.s de vivre « autonomisation et dépassement ». Dans l’organisme, on « touche à tout », et l’importance mise sur le processus permet de « vivre avec les élèves participant.e.s » et de « créer des ponts ». « Implication, action et prise de conscience » se font tant du côté de l’équipe que chez les élèves participant.e.s.

Pour les élèves participant.e.s, ce qu’on aime à l’ÉNAM, c’est qu’« on ne fait jamais la même chose c’est varié, c’est pour ça que c’est plaisant ». À travers cette variété, un nombre important d’élèves participant.e.s va cibler une étape plus précise reliée à la création du spectacle, allant de l’écriture du scénario à la fabrication, la confection, le bricolage, la réalisation des personnages, le jeu avec les marionnettes et la prestation des spectacles. Quelques-un.e.s diront préférer les aspects audio « être à l’ombre, faire la voix, j’aime ça être caché », et réaliser « l’enregistrement post synchronisé ».

Pour un bon nombre, ce sont également les sorties culturelles et toutes les activités extérieures, parce que cela change la dynamique du groupe, on discute différemment, on est en contact avec d’autres

9Au moment des entrevues, une dizaine de participant.e.s avaient opté pour la manipulation de marionnettes au

lieu du chant.

10 Ce nouveau volet est financé, notamment, par des commandites obtenues de Bell Aliant.

11 Il était utilisé auparavant comme outil de pratique du jeu et, dans une moindre mesure, comme médium de

Figure

Tableau 2 Échantillonnage  Les travailleurs et  travailleuses  Les élèves  participant.e.s   Les collaborateurs et collaboratrices  Les spectateurs et spectatrices  8 entrevues individuelles
Figure 1 Les trois périodes décrivant l’ÉNAM
Tableau 3 Les motivations des élèves participant.e.s  1.  Pour socialiser (combattre
Tableau 3 Les motivations des élèves participant.e.s (suite)
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