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HAL Id: tel-02584180

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Submitted on 14 May 2020

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Jeanne Dachary-Bernard

To cite this version:

Jeanne Dachary-Bernard. Approche multi-attributs pour une évaluation économique du paysage. Sciences de l’environnement. Doctorat ès Sciences Economiques, Université Montesquieu Bordeaux IV, 2004. Français. �tel-02584180�

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DROIT, SCIENCES SOCIALES ET POLITIQUES, SCIENCES ECONOMIQUES ET DE GESTION

Equipe d’accueil : Unité ADER – Cemagref Bordeaux

APPROCHE MULTI-ATTRIBUTS POUR UNE

EVALUATION ECONOMIQUE DU PAYSAGE

Thèse pour le Doctorat ès Sciences Economiques

présentée par

Jeanne DACHARY-BERNARD

et soutenue publiquement

le 29 novembre 2004

MEMBRES DU JURY

Mme Brigitte DESAIGUES

Professeur, Université Paris I, rapporteur

M. Claude LACOUR

Professeur, Université Montesquieu-Bordeaux IV, président du jury

M. Patrick POINT

Directeur de recherche CNRS, Université Montesquieu-Bordeaux IV, directeur de thèse

Mme Mbolatiana RAMBONILAZA

Chargé de recherche, CEMAGREF de Bordeaux, suffragant

M. Nils SOGUEL

Professeur, Université de Lausanne et IDHEAP, rapporteur

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Cette thèse est le fruit de quatre années de recherche sous la direction de M. Patrick Point. Je tiens donc en premier lieu à lui exprimer mes plus profonds remerciements pour avoir accepter de diriger cette thèse. Je lui suis reconnaissante de l’intérêt et de la confiance qu’il m’a accordés tout au long de ce travail. Par la disponibilité dont il a fait preuve à mon égard et au travers des discussions que nous avons eues et des conseils qu’il m’a prodigués, cette thèse a pu voir le jour dans les meilleures conditions.

Mme Mbolatiana Rambonilaza, par son dynamisme, son enthousiasme et sa disponibilité, m’a permis de bénéficier au quotidien d’un soutien enrichissant. Un grand merci, donc, pour tous les conseils et les commentaires de qualité qu’elle a su m’apporter et qui ont fait de cet encadrement scientifique une relation professionnelle agréable et fructueuse.

J’adresse également mes sincères remerciements à Dominique Cairol et Daniel Terrasson du département « Gestion des Territoires » pour avoir accepté de faire partie de mon comité de thèse.

Je souhaite remercier les Professeurs Brigitte Desaigues et Nils Soguel pour l’intérêt qu’ils ont témoigné à cette thèse en acceptant d’en être les rapporteurs. Toute ma gratitude va également au Professeur Claude Lacour qui m’a fait l’honneur de prendre part à ce jury. Cette thèse a bénéficié d’un co-financement de la part du Conseil Régional d’Aquitaine et du Cemagref. Par ailleurs, l’unité ADER du Cemagref de Bordeaux m’a accueillie pendant ces quatre années et m’a procuré le confort indispensable au bon déroulement de ce travail. Je remercie pour cela Ramon Laplana. C’est d’une manière plus générale tous mes collègues et amis de l’unité que je remercie pour leur bonne humeur et leurs cafés quotidiens. Mes remerciements vont tout particulièrement à Jacqueline, Sophie et Philippe de l’équipe « paysage » pour m’avoir fait prendre connaissance des apports de la sociologie à l’étude du paysage. Un grand merci aussi à Odette, Stéphanie et Cécile pour leur aide au quotidien ; Sandrine pour son coup de main lors du travail d’enquête.

Cette thèse a nécessité un lourd travail de recueil de données pour lequel je remercie les « enquêteurs » Kami, Christophe, Sabine, Ludo et Pierre : la qualité de leur travail et leur

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Mes remerciements vont également à tous ceux qui, d’une façon ou d’une autre, ont participé à l’avancée de cette thèse. Chantal, Patou, Dédé ont été d’une aide précieuse. J’ai une pensée particulière pour Marie, Fabienne, Guillaume, Stéphane et tous les autres de Bordeaux IV ; pour Claire, Tania, Caro, Françoise, François, Steph, Jeremy, Isa, Anne-so, les Ludo, Olivier et tant d’autres…sans oublier les otolithes qui ont su m’intéresser et me « dépayser » !

Merci à Bruno Collet pour la touche artistique qu’il a apportée à ce travail scientifique… Je salue également « Dico Jojo » pour son oreille attentive et ses conseils pertinents.

Toute ma gratitude va à mes amis, ma famille et tout particulièrement mes parents. Ils m’ont apporté depuis le début leurs encouragements, leur confiance et leur soutien logistique aux moments charnières…

Enfin, bien que je les cite en dernier, mes premiers remerciements s’adressent à Corentin et nos deux fils Mahé et Peio nés au cours de cette thèse : vous m’avez procuré un cadre d’épanouissement personnel et professionnel. « La thèse est une histoire de famille » dit-on, c’est véritablement le cas. Merci à Mahé et Peio pour l’équilibre qu’ils m’ont apporté tout au long de cette thèse. Leur présence de chaque jour (et de chaque nuit !) m’a permis de relativiser les difficultés rencontrées dans ce travail pour mieux les résoudre. Merci à Corentin pour sa présence apaisante des plus salutaire, son réconfort, sa patience et son aide quotidienne qu’il m’a accordés afin que j’inscrive le point final.

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Le lac S

t

Michel. 23-08-04

Bruno Collet

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INTRODUCTION GENERALE ……… 1

CHAPITRE INTRODUCTIF. La notion de paysage en économie……….. 7

PARTIE 1. ELEMENTS ECONOMIQUES POUR UNE EVALUATION DES TRANSFORMATIONS DU PAYSAGE……….. 27

Chapitre 1. Fondements théoriques à la demande de paysage ………..……. 29

Chapitre 2. Evaluation économique du paysage : un choix méthodologique ……… 71

PARTIE 2. CADRE EMPIRIQUE DE L’ETUDE ……….. 107

Chapitre 3. Le paysage des Monts d’Arrée ………... 109

Chapitre 4. Enquêtes : protocole et données ……….…… 137

PARTIE 3. DEVELOPPEMENT ECONOMETRIQUE ……….. 171

Chapitre 5. Modélisation des préférences paysagères ……….…… 173

Chapitre 6. Discussion générale – Politique publique et demande de paysage ……….……… 205

CONCLUSION GENERALE ……… 233 CemOA : archive ouverte d'Irstea / Cemagref

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« La théorie, c'est quand on sait tout

et que rien ne fonctionne.

La pratique, c'est quand tout

fonctionne et que personne ne sait

pourquoi.

Ici, nous avons réuni théorie et

pratique : Rien ne fonctionne… et

personne ne sait pourquoi ! »

Albert Einstein

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INTRODUCTION GENERALE

Avec un espace rural européen accueillant plus de la moitié de la population de l’Union et qui représente 90 % du territoire communautaire, le développement rural est un domaine politique important. Cet état de fait, exposé par la commission européenne en juillet 2004 dans le cadre d’une proposition de règlement concernant le soutien au développement rural par le fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) (Commission des communautés européennes,2004), est également adapté à l’échelle française.

La notion de « ruralité » se place au cœur de la réflexion politique engagée à ce stade. Pour (Barthelemy and Vidal,1999), on peut aborder cette notion en suivant 4 axes : (i) la population, sa dynamique et sa structure, (ii) le revenu et l’emploi, (iii) le territoire et (iv) l’environnement. En adoptant une vision intégrée, il se dégage un lien étroit et incontournable entre espace rural et espace agricole. Le territoire rural est pour majeure partie un espace agricole : 44 % du territoire européen et 54 % du sol français sont couverts par des terres agricoles. Mais il faut ajouter à cela d’autres espaces (naturels, boisés) qui sont également entretenus par les agriculteurs et qui génèrent un autre type de « produits ».

On parle à ce titre des services collectifs rendus par les espaces ruraux. La loi d’orientation pour l’aménagement et le développement durable adoptée en 1999 propose une approche à partir de la notion de « services collectifs des espaces naturels et ruraux » afin de répondre à la demande sociale en faveur d’un environnement de qualité.

Parmi ces services, certains sont liés aux aménités et sont définis de la façon suivante par la DATAR : « fournisseurs d’agréments nécessaires au bien-être ressenti par les habitants et les usagers des espaces naturels et ruraux, certains territoires présentent à cet égard un attrait particulier qui repose sur des réalités matérielles (paysages, activités ludiques, type d’agriculture, relief, forme du bâti, éléments naturels) et s’appuie sur des représentations ressenties, symboliques, culturelles ou sociales. ». Ces aménités rurales sont une ressource très importante pour le développement rural (OCDE,1999).

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Le paysage est une de ces aménités. En effet, pour reprendre les termes employés dans la convention européenne du paysage (Conseil de l'Europe,2000), le paysage est « un élément essentiel du bien-être individuel et social et de la qualité de vie des populations. Il participe de manière importante à l'intérêt général, sur les plans culturel, écologique, environnemental et social et constitue une ressource favorable à l'activité économique, avec le tourisme notamment. ».

Cependant, qu’il s’agisse de l’évolution des techniques agricoles ou du développement de l’urbanisme et des transports, le paysage rural a connu ces dernières années de profondes transformations. Ainsi, par exemple, la déprise agricole qui déprime les campagnes depuis quelques années est une des principales menaces qui pèsent sur le paysage rural : le boisement volontaire est souvent associé à une telle baisse de l’activité agricole et rend les paysages moins attrayants pour les touristes et les habitants, il « ferme » le paysage. De plus, ce phénomène vient renforcer les effets des politiques de remembrements d’après-guerre en laissant les bocages s’enfricher et disparaître.

Ces deux exemples illustratifs des transformations que connaît le paysage rural mettent en évidence le fait qu’un même phénomène puisse générer des transformations paysagères au niveau de plusieurs éléments de ce paysage. De la même manière, une action publique paysagère aura vraisemblablement des effets sur plusieurs des composantes paysagères. La prise en compte de ce caractère multi-dimensionnel du paysage est donc incontournable. Adopter une approche multi-attributs qui considère le paysage à partir de ses différentes composantes est donc adaptée pour étudier les bénéfices qu’il génère pour ses usagers.

Mais de quels « usagers » s’agit-il ? Qui est en attente aujourd’hui de tels services de la part des espaces ruraux ?

Les touristes ont un rôle non négligeable et notamment d’un point de vue de la demande paysagère.

En effet, la France est la première destination touristique mondiale avec 75 millions de touristes accueillis en 2000 (IFEN,2002). A la différence de leurs voisins, les Français passent l’essentiel de leurs vacances dans leur pays et prioritairement à la campagne. Celle-ci est la destination de 35 % à 40 % des séjours touristiques nationaux (DATAR,2003) et on parle à ce titre de tourisme rural ou encore de tourisme vert. Cette attractivité des campagnes est principalement expliquée par la qualité et la diversité des paysages du quotidien. Il s’agit d’une recherche de Nature, de « vraies valeurs ». Mais cette demande reste contradictoire dans le sens où les touristes souhaitent pouvoir bénéficier du caractère sauvage de la Nature,

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tout en attendant d’elle qu’elle soit accueillante et aménagée. Ainsi, les touristes exercent par ces exigences de confort croissantes une réelle pression sur l’environnement : artificialisation des espaces naturels et consommation éventuelle de ressources naturelles (IFEN,2002). Un tel constat a fait se développer depuis plusieurs années l’écotourisme, tourisme soutenable d’un point de vue économique, social et environnemental, si bien que l’ONU a déclaré que l’année 2002 était l’année de l’écotourisme.

Mais les usagers sont aussi les ruraux eux-mêmes.

La France rurale est caractérisée par une faible densité de population (54 habitants /km²) et une population deux fois plus importante que celle de ses voisins européens. Parallèlement, la quasi-totalité de l’espace est occupée et accessible. De ce fait, les espaces ruraux deviennent attractifs pour les résidents, si bien que la période de l’exode rurale semble être finie (DATAR,2003). On note en effet un regain démographique qui résulte d’un apport migratoire supérieur au déficit naturel. Même si ce constat s’applique essentiellement aux zones sous influences urbaines du fait de la péri-urbanisation, le solde migratoire devient positif même dans les zones rurales isolées (Bessy-Pietri, et al.,2000). Ainsi, entre 1990 et 1999, ces zones connaissent un solde migratoire positif (+0,29 % par an) qui reste cependant encore insuffisant pour compenser le déficit naturel (-0,34 %). Les « néo-ruraux » sont donc à l’origine de ce regain d’intérêt pour les campagnes. On peut également évoquer à ce titre les résidents secondaires qui, même si la croissance de cette population tend à stagner voire à ralentir (DATAR,2003), privilégient de plus en plus la campagne comme lieu d’implantation. Gaucher (Gaucher,2002) propose même de remplacer le terme de « résidence secondaire » par « seconde résidence » pour souligner le comportement nouveau de ces résidents sur leur lieu d’habitation secondaire. Cette attractivité vers les campagnes s’explique par la recherche des racines, par un « retour aux sources » (Mathieu,1998).

Qu’il s’agisse des touristes ou des résidents, les motivations fortes qui prévalent à leurs attentes en terme d’aménités rurales en général et paysagères en particulier relèvent donc de plusieurs ordres. La recherche de valeurs environnementales, la recherche de Nature en sont un exemple. Mais il existe aussi des motivations d’ordre culturel, historique ou symbolique. Le souci de trouver un nouveau cadre de vie et notamment un nouveau « décor » autrement dit un nouvel environnement paysager est également un facteur de premier plan pour justifier de ces attentes. « Oui, on l’aime cette France-là, terrienne et paysanne, sauvage et naturelle, terre de plaisir et de mémoire. » (Hervieu and Viard,1996, p.7). Dans un

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contexte général de remise en question des valeurs de la société et d’un besoin d’en chercher de nouvelles, l’espace rural semble être un lieu de prédilection (Jollivet,1997). En effet, la société française de 1968 à la recherche « d’authentique » n’a-t-elle pas trouvé refuge et lieu d’expression dans les campagnes rurales ardéchoises ?

Les attentes des usagers pour les aménités paysagères apparaissent comme un élément fort dans les réflexions qui touchent à la ruralité. Mais cette demande est hétérogène, si bien qu’une question sous-jacente se pose en terme de conflits potentiels entre les différents groupes d’individus : Comment gérer ces demandes variées ? Cette interrogation nécessite de devoir s’intéresser aux préférences paysagères (multi-attributs) des différents groupes présentés : touristes, et résidents permanents et secondaires.

Dans le cadre d’une demande sociale croissante en faveur des aménités rurales et notamment paysagères, les espaces ruraux doivent trouver leur équilibre entre leur fonction productive agricole et leur fonction de fournisseur d’aménités. Les politiques doivent, pour leur part, agir de manière à promouvoir conjointement le développement économique et social des régions rurales et la protection des espaces naturels et des services qu’ils rendent aux populations.

Dans un tel contexte, les pouvoirs publics doivent être capables d’intégrer dans leur réflexion et leur processus de prise de décision l’existence de ces aménités paysagères. Pour aider à cela, l’évaluation économique ex-ante est un outil couramment proposé et employé. Il s’agit d’une évaluation ayant pour objet d’estimer les bénéfices attendus d’une mesure politique particulière, et non de se prononcer sur l’efficacité d’une politique vis à vis de ses objectifs de départ (ce qui correspond à une évaluation ex-post). Même si le calcul économique est tenu en suspicion (Godard,2004), il n’en demeure pas moins un instrument nécessaire dans le cadre des analyses coût-bénéfice classiquement mises en œuvre pour supporter la prise de décision.

Compte tenu des préoccupations croissantes pour les aménités rurales et parmi elles pour la qualité paysagère, le paysage apparaît comme un objet d’étude et de réflexion tout indiqué. C’est la raison pour laquelle cette thèse a choisi de s’intéresser au paysage rural. Fort des différentes raisons sous-jacentes à de telles attentes paysagères, c’est une approche par la demande de paysage qui sera suivie et nous nous intéresserons pour cela aux groupes sociaux « usagers » des aménités paysagères générées par les espaces ruraux. Dans un souci d’aide à

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la décision publique, visant une adéquation entre demande sociale et politique publique, cette recherche propose une évaluation économique ex-ante de la demande de paysage.

La thèse vise pour cela deux objectifs. Tout d’abord un objectif théorique qui consiste à proposer un cadre d’analyse conceptuel du paysage permettant d’envisager son évaluation d’un point de vue économique. Sur le plan empirique ensuite, la thèse cherchera à développer un modèle d’évaluation des préférences paysagères dont le but est de fournir des indicateurs d’aide à la décision. La démarche retenue sera appliquée au site paysager des Monts d'Arrée en Bretagne.

La thèse s’attachera à répondre à ces attentes en suivant une structure en trois parties précédées d’un chapitre introductif. Celui-ci examine le concept de paysage en général et en donne une interprétation économique. Le caractère multi-attributs, central dans la définition proposée, déterminera le reste de l’analyse à mener. Ce chapitre préliminaire conclut par la formulation des principales questions auxquelles le reste de la thèse cherchera à répondre et relatives aux caractéristiques du paysage et de la demande qui lui est adressée.

La première partie vise à établir le cadre d’analyse nécessaire à une évaluation du

paysage.

Un premier chapitre présente les fondements théoriques standards à la demande. Nous y verrons également que la définition économique retenue du paysage nécessite de faire appel à certains outils dérivés de l’approche traditionnelle : théorie multi-attributs de Lancaster (Lancaster,1966) et théorie de l’utilité aléatoire de McFadden (Mcfadden,1974). Le concept de valeur économique est ensuite étudié dans le cadre des biens environnementaux non-marchands et du paysage en particulier.

Le chapitre 2 a pour objet de déterminer la méthode d’évaluation adaptée à un bien tel que le paysage. Les méthodes d’évaluation traditionnelles sont présentées dans un premier point. Leurs atouts et leurs faiblesses pour traiter du paysage sont soulignés à travers quelques résultats d’études empiriques ayant employé ces méthodes dans le cadre d’une évaluation paysagère. Cette première section nous amène directement à déterminer la méthode d’évaluation retenue. C’est ainsi que la méthode des choix multi-attributs fait l’objet de la seconde section : les principaux intérêts à utiliser cette méthode et la technique de sa mise en œuvre y sont revus.

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Les éléments théoriques et méthodologiques qui se dégagent de cette première partie permettent d’envisager un développement empirique qui sera l’objet des deux parties suivantes.

La partie 2 décrit ce contexte empirique.

Dans un premier temps, le chapitre 3 expose les diverses caractéristiques du terrain choisi : les Monts d’Arrée dans le Finistère-centre. Les principaux enjeux paysagers de cette zone y sont détaillés afin de laisser entrevoir les éléments-clé de ce site autour desquels pourra se mettre en œuvre la méthode. Les attributs paysagers retenus sont la lande, le bocage et le bâtiment agricole non traditionnel.

Le chapitre 4 fait ensuite le lien entre la description du site et l’évaluation proprement dite. La méthode retenue étant une méthode directe, un lourd travail d’enquêtes est nécessaire. Ce chapitre décrit dans un premier temps le protocole d’enquêtes suivi. Il caractérise ensuite les données ainsi recueillies de manière à dégager quelques premières impressions sur les préférences paysagères des individus enquêtés.

La partie 3 de la thèse présente les résultats économétriques du modèle de choix

paysagers proposé dans la perspective de servir de support à la prise de décision publique. Le chapitre 5 modélise les préférences paysagères des individus. Il adopte pour cela une démarche progressive en présentant les différents modèles successifs estimés. Les résultats de l’estimation du modèle finalement retenu sont mis en perspective avec les hypothèses directrices de cette thèse. Ils permettent également de dégager deux conclusions intéressantes : l’une concerne les divergences de préférences entre usagers d’une part et gestionnaires d’autre part vis-à-vis de l’attribut paysager de lande ; l’autre conclusion révèle l’existence d’un sentiment de satisfaction morale chez les enquêtés lorsqu’ils sont amenés à révéler leurs préférences pour les attributs paysagers.

Enfin, le chapitre 6 propose une discussion générale sur le thème : politique publique et demande de paysage. Nous revenons donc sur les fondements théoriques du choix public en privilégiant l’approche utilitariste à laquelle nous intégrons des éléments de théorie du choix social. Les résultats du modèle permettent de dégager les principaux indicateurs nécessaires à la prise décision. Enfin, le prise en compte dans le choix public des deux conclusions dégagées dans le chapitre précédent fait l’objet d’une analyse.

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Chapitre introductif. La notion de paysage en économie

Dans un rapport publié en 2002 (IFEN,2002), l’IFEN révèle que la dégradation de l’environnement s’affiche début 2001 comme une des trois préoccupations montantes des Français avec les maladies graves et la violence. 18 % des Français se déclarent ainsi préoccupés par ce sujet. Cette progression particulièrement forte sur les dernières années (+10 points entre 1999 et 2001) est certainement liée aux évènements environnementaux qu’a connu la France tels que le naufrage de l’Erika en 1999 ou encore les tempêtes de fin 2000. On peut alors supposer qu’avec le naufrage du Prestige en 2002 cette tendance aille en s’amplifiant. Parmi les actions que l’Etat doit mener en priorité pour protéger l’environnement, les Français souhaitent une action en faveur de la qualité de l’air, de l’eau et de la faune et la flore. S’agissant des paysages, leur protection est considérée prioritaire par 6% des français en 2001, au lieu de 5% en 1999, intérêt relativement faible par rapport aux autres enjeux environnementaux mais malgré tout présent.

Les dépenses engagées par les différents agents de l’économie (administrations publiques, entreprises, ménages) pour protéger les paysages représentent en 2001 près de 3% du budget destiné à la protection de l’environnement : 785 M€ sont alloués au pôle « biodiversité et paysages », soit 8,1 % d’augmentation par rapport à l’année précédente.

Les considérations paysagères sont donc désormais présentes dans le débat public. Qu’il s’agisse du développement des infrastructures de transports ou des nouvelles pratiques agricoles, les importantes transformations connues par le paysage rural inquiètent, interpellent et justifient une action publique de protection.

Face à ce constat, des textes ont été adoptés pour légiférer le paysage, le protéger. Et parallèlement, les politiques cherchent à prendre en compte cette variable. Mais qu’entend-on par « paysage » ? Nous chercherons à mieux cerner cette notion avant de nous attacher à présenter le contexte réglementaire cherchant à le protéger. Ces différents points permettront d’identifier les principales questions soulevées dans cette thèse, et auxquelles nous chercherons à répondre au cours des chapitres suivants.

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1. Qu’est-ce que le paysage ?

Le paysage est un terme relativement banal, dans le sens où il fait partie de notre vocabulaire courant. Il est alors compris comme « la partie d’un pays que la nature présente à l’observateur » (Petit Robert). Mais en tant qu’objet de recherche, ce qui est le cas dans ce travail, il nécessite d’être plus finement défini.

1.1 Le paysage : histoire d’un élément pictural devenant objet d’étude

Le mot de « paysage » est apparu en France au 16ème siècle grâce au domaine de la peinture où le second plan des toiles laissait place à un paysage de campagne ou un jardin. Plus exactement, c’est par une fenêtre ouverte que le paysage prenait place comme un élément du tableau distinct de la scène principale. Durant tout le siècle suivant, le paysage devient le thème de prédilection des peintres vénitiens et des Flamands. Ce n’est qu’à partir des 18ème et

19ème siècles, lorsque les paysages deviennent associés à des scènes de mer ou de montagne, que le paysage devient également un objet littéraire. « Et elle resta glacée quand elle évoqua ce paysage d'hiver, ce lac figé et terni sur lequel ils avaient patiné ; le ciel était couleur de suie, la neige cousait aux arbres des guipures blanches, la bise leur jetait aux yeux et aux lèvres un sable fin. » Emile Zola, La curée (1872).

L’art appréhende le paysage à travers la subjectivité, les sentiments et la perception. C’est en ce sens qu’il se distingue de l’approche scientifique et objective des géographes.

La géographie a en effet commencé à s’intéresser au paysage au 18ème siècle en l’objectivant avec la géographie descriptive. Ce n’est qu’au milieu du 20ème siècle qu’une autre dimension est donnée au paysage, avec la géographie zonale. Les paysages sont alors associés à des zones caractérisées par leur climat. L’analyse de la structure des paysages est plus particulièrement étudiée à partir des années 70 et notamment dans le rapport des éléments paysagers à l’homme. La géographie part de la notion d’écosystème pour inventer le terme de géosystème qui prend en compte les interactions homme-nature. Rougerie et Beroutchachvili (Rougerie and Béroutchachvili,1991) approfondissent, à partir de ce concept, la recherche menée sur le paysage : le paysage est un complexe dynamique ayant un potentiel écologique exploité biologiquement notamment par l’homme. Les géographes s’approprient donc cette notion de paysage d’une façon moins objective que jusqu’alors.

Outre la géographie, d’autres disciplines s’attachent à travailler sur cet objet d’étude qu’est désormais le paysage : la philosophie, la sociologie, l’ethnologie… Mais loin d’en

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proposer une définition satisfaisante autorisant une sorte de consensus scientifique, la confusion règne toujours autour de cette notion. L’Encadré 1 ci-dessous, inspiré de celui de P. Donadieu (Donadieu,1993) lui-même établi d’après l’ouvrage de Rougerie et Beroutchachvili (Rougerie and Béroutchachvili,1991), présente quelques définitions proposées selon les disciplines et les courants de pensée. Plusieurs caractéristiques du paysage ressortent tout de même de ces recherches et semblent faire l’unanimité.

Le paysage ne peut pas être considéré comme uniquement un objet ni seulement comme un produit perceptif : « Le paysage ne réside ni seulement dans l’objet, ni seulement dans le sujet, mais dans l’interaction complexe de ces deux termes. » (Berque, et al.,1994, p.5). L’ « interaction » dont il est question fait donc référence à la nature et l’environnement d’une part, et aux individus spectateurs d’autre part. Le paysage est, en effet, composé d’éléments naturels physiques, mais ne doit pas pour autant être réduit à la notion d’environnement comme cela a longtemps été le cas (Roger,1997). La perception que les spectateurs ont de cet ensemble naturel, le regard qu’ils y portent en fait alors un paysage : « L’environnement (…) est imprégné de notre subjectivité. Nous n’y sommes pas seulement plongés biologiquement ; il conditionne aussi notre identité et notre personnalité par le biais des valeurs que nous y attachons. Autrement dit : en tant que paysage. » (Berque, et al.,1994, p.26).

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GEOGRAPHIE .

G. Bertrand : « Produit social, …, à la fois naturel et culturel » P. Gourou : « Aménagement voulu par une civilisation » A. Bailly : « Renvoie à l’expérience existentielle de chacun » A. Berque : « Empreinte et matrice d’une civilisation » PHILOSOPHIE.

M. Serres : « Assemble des lieux, …, commence quand chaque science et humaine se tait »

A. Roger : « Manière de présenter la nature qui en permet l’appréciation esthétique »

ECOLOGIE.

T. Forman et M. Godron : « Espace hétérogène composé d’écosystèmes interagissant et caractérisé par sa structure, son fonctionnement et les modifications qui mènent à son évolution »

P. Blandin : « Complexe d’écosystèmes, écocomplexes » AGRONOMIE.

J.P. Deffontaines : « Portion de territoire perçu par un observateur, où s’inscrit une combinaison de faits et interactions dont on ne voit, à un moment donné, que le résultat global »

ETHNOLOGIE.

B. Lizet : « Miroir des relations anciennes et actuelles de l’homme avec la nature (…). Le paysage a une histoire à raconter »

Encadré 1. Différentes acceptions du terme de paysage d’après (Rougerie and Béroutchachvili,1991).

De ce fait, le paysage ne doit pas être considéré comme statique. Il connaît une dynamique permanente générée par les évolutions de ses composantes physiques.

En adoptant cette approche « phénoménologique »1 qui considère que le paysage naît de la combinaison de ces deux éléments, il y a « paysage » lorsqu’il y a des individus pour le contempler, autrement dit lorsqu’il y a une « demande » de paysage. Mais le regard porté par les individus se dirige vers une (des) composante(s) physique(s) offerte par l’espace. Le paysage est plutôt de ce point de vue une notion ambivalente et non ambiguë qui peut être analysée économiquement sous les angles de l’offre et de la demande. Mais si ce n’est pas sur un marché que cette offre et cette demande se rencontrent en matière de paysage, c’est qu’il existe un autre lieu où cette confrontation est possible. Ce lieu est l’espace géographique sur lequel et par lequel existe le paysage. L’espace rural comme support du paysage va être étudié

1 Le terme de « phénoménologique » pour qualifier cette approche est employé dans le sens retenu par Facchini

[Facchini, F. (1993), "Paysage et économie: la mise en évidence d'une solution de marché". Economie Rurale 218, (nov-déc),12-18], mais ne signifie pas que l’on adopte ici le champ de la phénoménologie de la perception. Ce courant théorique cher à Merleau-Ponty ne constitue pas le support théorique clé de notre approche économique du paysage. CemOA : archive ouverte d'Irstea / Cemagref

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dans la section suivante. Nous verrons ensuite comment se caractérisent les offres et demandes de paysage qui s’y rapprochent.

1.2 Paysage et espace rural

L’espace support au paysage rural est le territoire rural, autrement dit les campagnes. Ce territoire a longtemps été considéré comme ayant pour unique fonction la production de biens agricoles. L’agriculture a en effet pendant longtemps été l’activité économique principale de ces zones. Mais à partir des années 1970, l’agriculture voit sa place dans l’économie et l’emploi national se réduire. Désormais, les campagnes ont plusieurs fonctions. Pour reprendre la terminologie proposée par la DATAR (DATAR,2003), les campagnes françaises assureraient toujours une fonction productive, mais également une fonction résidentielle, une fonction récréative et touristique, ainsi qu’une fonction environnementale. Cette dernière fonction souligne le lien étroit existant entre les territoires ruraux et les enjeux en matière d’espaces et de milieux naturels parmi lesquels le maintien des aménités et du cadre de vie. Le terme « aménité », qui a trait initialement à la qualité des relations entre des personnes, est utilisé à partir du 19ème siècle pour qualifier « l’agrément d’un lieu ». La définition retenue par l’OCDE est la suivante : « attributs, naturels ou façonnés par l’homme, liés à un territoire et qui le différencient d’autres territoires qui en sont dépourvus. » (OCDE,1999). Ces attributs font l’objet d’une appréciation positive de la part de certains individus.Le paysage tel que nous venons de l’aborder rejoint parfaitement cette définition. Il est à ce titre qualifié d’aménité rurale (Beuret,2002). Le paysage est en effet fortement lié « (…) à un territoire, dont la valeur est essentiellement liée aux éléments hédoniques (esthétiques, identitaires…) qu’il procure. » (Beuret, et al.,1999).

On comprend facilement, du fait de cette relation étroite entre espace rural et paysage, que toute transformation physique connue par le territoire aura d’importantes conséquences sur le paysage. L’espace rural a toujours connu des transformations sous l’effet principalement de l’exploitation des terres agricoles. C’est aussi en ce sens que le paysage n’est pas statique et change sans cesse. Cependant, les bouleversements connus par nos campagnes au cours de la seconde moitié du 20ème siècle sont d’une intensité autrement plus forte. Si on prend l’exemple analysé par Jean Cabanel du développement des friches agricoles (Cabanel,1995), ce phénomène a de nombreux facteurs explicatifs (industrialisation des pratiques agricoles, exode rurale, etc.) et des conséquences sur le paysage également variées : banalisation des paysages, fermeture des perspectives. Le problème principal soulevé par ce

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phénomène qui n’est pas nouveau est qu’il est apparu en période d’abondance et non d’épidémie ou de guerre, si bien que la question se pose du « comment » inverser la situation. De plus, le contexte est également particulier quant aux aménités attendues par les individus. Les campagnes sont de plus en plus sollicitées pour ce qu’elles peuvent apporter comme « dépaysement » et retour aux racines. Face à la montée du tourisme rural notamment du fait de l’engouement des citadins pour les zones rurales, les mutations connues par le paysage sont donc apparues d’autant plus brutalement et clairement aux yeux des spectateurs. Ils attendent donc des agriculteurs qu’ils continuent à façonner le paysage selon leurs goûts.

La confrontation entre l’offre et la demande de paysage prend alors toute sa signification, et l’espace rural, support du paysage, devient également le lieu où s’expriment ces conflits.

1.3 Le paysage comme produit d’une offre et objet d’une demande

Le paysage se définit, d’une part, à partir de composantes naturelles de l’environnement. Or, dans le cas d’un paysage rural, ces dernières sont rarement aujourd’hui des éléments purement naturels. Elles sont le fruit des activités agricoles et sylvicoles, ce qui vaut au paysage le qualificatif de « produit-joint à l’agriculture »2. Selon cette approche, la multifonctionnalité de l’agriculture est une spécificité du processus de production agricole. J-E. Beuret (Beuret,2002) indique que la production de paysages peut relever de trois types d’actes :

- Des actes productifs non-spécifiques par lesquels le paysage est parfaitement induit par l’activité agricole et n’engendre donc aucun coût supplémentaire pour les agriculteurs. On peut parler à ce titre d’externalités issues de l’activité agricole.

- Des actes spécifiques de production paysagère tels qu’entretenir un muret, replanter une haie, etc. qui ont un coût direct propre.

- Des actes spécifiques liés au fait de renoncer à une action pouvant avoir des effets dommageables sur le paysage (tel qu’abattre une haie par exemple) qui génèrent un coût supplémentaire qui est dans ce cas un coût d’opportunité.

2 Cette question mérite d’importants développements mais ne sera pas traitée ici. Pour plus d’informations à ce

sujet, on pourra se référer à l’ouvrage de l’OCDE OCDE (2001), Multifonctionnalité. Elaboration d'un cadre analytique. Paris: OCDE..

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En dehors de toute incitation publique, les producteurs n’ont pas intérêt à agir de façon spécifique, puisque cela leur est coûteux. Sauf dans le cas d’un comportement volontairement altruiste d’agriculteurs souhaitant rendre un service environnemental (Aznar and Perrier-Cornet,2003).

Les différents éléments de l’espace rural ainsi façonnés sont l’objet d’une contemplation, d’un regard, ce qui fait naître ainsi la notion de paysage. Le paysage se définit donc, également, à partir des individus qui l’observent. L’offre est donc confrontée à la demande de paysage.

La demande de paysage existe du fait que des individus cherchent, par son « usage », à satisfaire leurs besoins. Les géographes traitant du paysage dans un sens géosystémique soulèvent l’importance de cette « demande » sans employer ce terme, mais en parlant d’intentionnalité de la part des individus : le paysage naît notamment de l’existence d’une finalité chez les agents quant à « l’usage » qu’ils veulent en avoir (Rougerie and Béroutchachvili,1991).

Qu’attendent donc les individus du paysage ? Quels sont les différents regards portés sur le paysage ? Avant toute chose, le paysage est une source d’agrément, de plaisir : une aménité rurale. Certains évoquent même l’existence d’un besoin profond de paysage chez les hommes car ces derniers s’y reconnaissent. Ils trouvent dans le paysage leurs racines, leurs sources (Bersani,1994). En dehors de ce besoin fondamental, la satisfaction retirée d’un paysage est associée à différentes formes d’usage de l’espace concerné : des usages de loisir, des usages esthétiques ou encore des pratiques productives agricoles ou sylvicoles. La demande adressée au paysage est donc bien là, mais sous diverses formes selon les populations concernées. Cette demande de paysage, et d’aménités rurales au sens large, prend toute sa signification si on la replace dans le contexte de la fin des 30 glorieuses (Fourastié,1979). Une rupture forte dans la société s’est notée avec une montée de l’individualisme et un accroissement des exigences. Paradoxalement, cette évolution a eu lieu parallèlement au développement des formes d’associations et de coopérations pour toutes les questions touchant à la société, façon d’affirmer autonomie et détachement face aux institutions jusque là seules « penseurs » dans la société (Comte-Sponville and Ferry,1998). Cette évolution de la société se retrouve exactement sur la question du paysage : les exigences quant à la qualité du paysage se font de plus en plus fortes et parallèlement, les individus s’intéressent aux questions posées par les transformations des paysages. Cette « demande sociale » (Luginbühl,2001) ne renvoie pas à l’idée de demande de paysage en tant qu’objet de consommation, mais traduit une attitude active des citoyens et leur volonté de participer à des décisions publiques touchant la société.

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Si le paysage est considéré comme à la croisée de l’offre et de la demande, il n’en demeure pas moins un bien pour lequel aucun droit de propriété n’est défini. A qui appartient le Paysage ? interroge J-E. Beuret (Beuret,2002). Cette spécificité du paysage, comme de nombreux biens environnementaux, est susceptible de créer des conflits entre les producteurs d’une part ayant un « droit » sur ces espaces du fait des activités qu’ils y exercent et les consommateurs d’autre part qui souhaitent trouver en ces lieux ce qu’ils attendent. Les désirs sont partagés entre conserver les lieux de mémoire et voir perdurer la vie sociale et économique des campagnes. Comment les pouvoirs publics vont-ils gérer le spectacle de ces nouvelles campagnes ? Différents types d’instruments de régulation ont été mis en place progressivement afin de les y aider.

2. Contexte réglementaire encadrant le paysage

La protection du paysage est une question transversale. Elle fait l’objet de mesures spécifiques et apparaît dans les politiques plus générales de protection du patrimoine naturel. Nous nous focalisons ici sur les mécanismes de protection du paysage rural agricole. Deux grands types d’outils sont appelés pour gérer ce problème : les instruments juridiques et les outils politiques. Tous deux sont nés d’un processus de réflexion long et difficile sur le lien étroit unissant le paysage rural et l’agriculture.

2.1 Les instruments législatifs : d’un « droit des paysages » à un « droit au paysage »

(a) Niveau national

La protection du paysage en France n’est pas nouvelle puisqu’elle constitue un élément important du droit de l’environnement depuis le début du 20ème siècle (Rousso,1995). Mais la notion de paysage n’est alors pas clairement définie, si bien que les textes relatifs à sa protection parlent de « sites » plutôt que de paysage. Le droit a adopté une vision patrimoniale de la protection des paysages en ne s’intéressant qu’aux paysages remarquables, « patrimoine commun de la nation » (article L200-1 du code rural). La législation de protection s’élabore avec la loi de protection des monuments historiques (31/12/1913), puis s’étend au patrimoine naturel en 1930 avec la loi de protection des sites et monuments naturels (02/05/1930), reprise

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d’un projet de loi avorté en 1906. Les parcs nationaux (créés par la loi du 22 juillet 1960), les réserves naturelles (qui existent depuis la loi de 1930 mais dont le cadre législatif a été réactualisé par la loi de 1976) et les parcs naturels régionaux (définis par décret du 01/03/1967) sont autant d’instruments de gestion paysagère, dont l’objet reste encore toutefois associé au caractère remarquable des sites. Mais avec eux, on passe d’une vision du paysage uniquement protectrice à une approche gestionnaire qui considère le paysage d’un point de vue dynamique, c’est à dire en tenant compte de ses évolutions possibles. La loi Malraux du 4 août 1962 commence à faire naître l’idée d’une protection plus globale et moins sélective, mais elle ne concerne que le patrimoine architectural et urbain. C’est avec la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature que la législation commence à se « démocratiser » en prenant en compte les paysages moins exceptionnels mais spécifiques et/ou caractéristiques d’une entité géographique particulière.

Ce sont en effet les paysages ordinaires, du quotidien, qui entrent au cœur des préoccupations des individus, ce qui a incité le droit civil à s’intéresser à la question, et notamment le code de l’urbanisme (Ribard,1998). C’est dans les années 1980 que la vielle distinction urbain/rural est remplacée dans les codes par « la coupure entre d’une part la montagne et le littoral d’autre part…le reste. » (Oge and Romi,1990, p.10). La loi « Montagne » du 9 janvier 1985 reconnaît l’identité de la montagne en faisant de ce paysage une réalité objective faite d’éléments esthétiques mais également historiques, sociaux et économiques. La loi « Littoral » du 3 janvier 1986 adopte la même démarche en établissant les règles de protection des paysages des régions littorales (dunes, landes, etc.). Enfin, cette démocratisation de la législation du paysage est parachevée avec la loi « Paysage » du 8 janvier 1993. En effet, non seulement il s’agit désormais d’une approche non-élitiste du paysage, mais également de la consécration d’une approche gestionnaire basée sur la concertation entre les différents acteurs concernés. L’article 1er de cette loi définit les directives de protection et de mise en valeur des paysages : « Ces directives déterminent les orientations et les principes fondamentaux de protection des structures paysagères qui sont applicables à ces territoires. Elles sont élaborées à l’initiative de l’Etat ou des collectivités territoriales. Elles font l’objet d’une concertation avec l’ensemble des collectivités territoriales intéressées et avec les associations de défense de l’environnement et des paysages agréées et des organisations professionnelles concernées. » La loi du 2 février 1995 qui renforce la protection de l’environnement concourt à l’amélioration d’une qualité paysagère. CemOA : archive ouverte d'Irstea / Cemagref

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Le paysage est donc devenu un véritable objet du droit auquel les textes ont accordé l’importance nécessaire pour sa protection et sa gestion. Les années 1990 marquent aussi le tournant dans la vision de la protection du paysage à l’échelle communautaire.

(b) Niveau européen

Dès 1991, suite à la première Conférence des ministres européens de l’Environnement qui s’est tenue à Dobris en ex-Tchécoslovaquie, l’Agence européenne de l’environnement de l’union européenne a publié un rapport dont un chapitre est consacré à la question du paysage. « Les paysages d'Europe changent ou disparaissent en raison de l'intensification ou de l'abandon de l'agriculture, de l'expansion urbaine et du développement des infrastructures et des transports. La protection des paysages est appliquée sur 6% du territoire de l'Europe, mais elle repose souvent sur des bases juridiques assez faibles. » Ce rapport conclut sur la nécessité d’une convention européenne à ce sujet sur l’initiative du Conseil de l’Europe. C’est chose faite : dès 1994 un groupe de travail ad hoc est mis en place afin d’élaborer un projet de convention européenne du paysage. Cette convention est adoptée par le Conseil de l’Europe le 19 juillet 2000 et signée le 20 octobre de la même année. Elle concerne les espaces naturels, ruraux, urbains et périurbains, vise les paysages ordinaires et remarquables, qu’il s’agisse de paysages terrestres ou aquatiques. Cet instrument est destiné à la protection, à la gestion et à l’aménagement de tous les paysages européens. L’article 1 de la convention revient sur quelques définitions principales relatives au paysage, rappelées dans l’Encadré 2 ci-dessous. L’article 6 de ce même instrument réglementaire présente les mesures particulières pour lesquelles les différents signataires s’engagent. L’une de ces mesures précise la nécessité d’identifier les paysages au niveau national, d’analyser leurs caractéristiques, les dynamiques et les pressions qui les modifient et d’en suivre les transformations.

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« Paysage » désigne une partie de territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations.

« Politique du paysage » désigne la formulation par les autorités publiques compétentes des principes généraux, des stratégies et des orientations permettant l’adoption de mesures particulières en vue de la protection, la gestion et l’aménagement du paysage.

« Protection des paysages » comprend les actions de conservation et de maintien des aspects significatifs ou caractéristiques d’un paysage, justifiées par sa valeur patrimoniale émanant de sa configuration naturelle et/ou de l’intervention humaine.

« Gestion des paysages » comprend les actions visant, dans une perspective de développement durable, à entretenir le paysage afin de guider et d’harmoniser les transformations induites par les évolutions sociales, économiques et environnementales.

« Aménagement des paysages » comprend les actions présentant un caractère prospectif particulièrement affirmé visant la même valeur, la restauration ou la création de paysages.

Encadré 2. Principales définitions relatives au paysage retenues dans l’article 1er de la convention européenne du paysage.

L’approche dynamique du paysage est au cœur de la vision européenne de la protection du paysage de la même façon qu’au niveau national. Le bien-être que le paysage procure aux populations justifie à lui seul l’intérêt que doivent y porter les décideurs publics. Les outils réglementaires et législatifs sont désormais plus clairement dirigés vers le paysage et pour le paysage, et les politiques publiques ont les incitations nécessaires pour prendre les mesures adéquates.

2.2 Les outils politiques

A la forte demande sociale de paysage répond une demande publique qui s’intéresse à la qualité des paysages. La politique ne doit pas «(…) figer les paysages, qui sont évolutifs, mais (…) promouvoir une forme de réappropriation collective de l’environnement visuel. » (Barnier,1994, p. 9). Quelles sont les principales institutions chargées de l’élaboration des actions paysagères à prendre ? Quelles sont les mesures publiques agissant sur le paysage rural ? CemOA : archive ouverte d'Irstea / Cemagref

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(a) Institutions publiques en charge du paysage

Plusieurs organismes se sont vus accorder la tâche de mener des réflexions stratégiques sur la question du paysage dans le but d’aider à mettre en œuvre les mesures nécessaires. Dès les années 1970, période où le cadre réglementaire « démocratise » sa vision du paysage dans les textes comme nous l’avons vu, le Centre national d’études et de recherches sur le paysage est créé, remplacé en 1979 par la Mission du paysage. Celle-ci deviendra en 1994 le Bureau du paysage, directement rattaché à la direction de la Nature et des Paysages du Ministère de l’Environnement. Le budget de cette Mission passa de 610 000€ en 1992 à 3,4 M€ en 1993 puis 6,1 M€ en 1994 (Laurens,1997). Il s’agit d’une approche et d’un projet globaux pour le paysage, qui se sont orientés avec le temps sur l’avenir de l’agriculture et ses relations avec le devenir des paysages. Le budget accordé en 2004 à la direction de la Nature et des Paysages est de 109,8 M€, la priorité étant donnée à la stratégie nationale pour la biodiversité. Le réseau Natura 2000 constituera un axe essentiel de cette orientation.

Le Ministère s’est également doté d’une autre institution compétente qui lui est directement rattachée en créant en 2000 le Conseil national du paysage (arrêté du 8 décembre 2000). Cet organisme consultatif est chargé de proposer tous les ans au ministre un rapport sur l’évolution des paysages en France, de proposer également des mesures susceptibles d’améliorer leur situation et de faire un bilan de la mise en œuvre de la loi de 1993 sur la protection et la mise en valeur des paysages.

Outre ces institutions publiques nationales, les antennes régionales du Ministère (DIREN) sont particulièrement actives en matière de paysage à l’échelle régionale, d’autant plus du fait de la décentralisation. A une échelle encore plus réduite, les communes, et les institutions locales telles que les parcs naturels régionaux sont également initiateurs de nombreuses mesures ayant trait au paysage.

Les transformations connues par le paysage sont dues à plusieurs facteurs dont le développement croissant des infrastructures de transport, le développement du tourisme (notamment rural) et les changements technologiques connus par l’agriculture. Cette variété dans les facteurs jouant sur le paysage incite des institutions non environnementales à s’intéresser à la question en lien avec leur problématique première. Ainsi, le Ministère de l’Agriculture et celui de l’Equipement, des transports, de l’aménagement du territoire, du tourisme et de la mer s’interrogent sur la protection du paysage en rapport avec l’objet

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principal de leurs ministères respectifs. Le paysage est en ce sens un véritable objet de mesures intra-sectorielles. C’est ce que nous allons voir en étudiant les principaux outils politiques utilisés pour protéger et gérer le paysage qui sont aussi bien pensés dans une optique de multifonctionnalité de l’agriculture que dans un rapport direct à l’environnement et la biodiversité.

(b) Les outils politiques contractuels

Cette thèse s’intéressant au paysage rural, ce sont donc les outils politiques en rapport avec l’espace rural que nous présenterons. S’agissant du paysage rural, étant pour partie un paysage agricole, il va de soi que les politiques agricoles sont parmi les principales ayant des impacts sur le paysage. C’est en ce sens que la politique agricole commune (PAC), politique européenne donnant les orientations de la politique agricole nationale, ne peut être ignorée vis à vis de la question du paysage. Sans pour autant revenir à ses fondements, la PAC est essentiellement une politique de soutien des prix agricoles. C’est en 1992 qu’une importante réforme est prise. Cette nouvelle PAC va désormais, par certaines de ses mesures d’accompagnement, prendre en compte l’environnement et le paysage. Ces mesures comportent 3 volets : le régime des retraites, le régime agri-environnemental et l’aide au boisement. Ce sont les mesures relatives au régime agri-environnemental qui, par l’octroi de primes aux agriculteurs s’engageant dans des programmes de protection de l’environnement (techniques moins polluantes, extensification de la production, entretien des friches et des forêts, etc.), affichent la réelle prise en compte des préoccupations environnementales au sein des problématiques agricoles. Ces mesures agri-environnementales (MAE) ont pris en France la forme de trois types d’actions : au niveau national on note la « prime à l’herbe » et les « plans de développement durable », au niveau régional des mesures telles que les opérations de protection des eaux, les opérations de protection et de gestion de la faune et de la flore, ou encore les opérations locales agri-environnementales (OLAE). Cette dernière mesure, OLAE, est celle qui a connu le plus de succès. Il s’agit d’un contrat passé entre l’agriculteur et l’Etat pour 5 ans.

La Loi d’Orientation agricole du 9 juillet 1999 apporte un changement important en créant le contrat territorial d’exploitation (CTE). Ce nouveau dispositif national d’application des MAE est un instrument contractuel défini dans l’article 4 de cette loi : « Toute personne (...) exerçant une activité agricole (...) peut souscrire un contrat territorial d'exploitation (...) qui comporte un ensemble d'engagements portant sur les orientations de la production de

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l'exploitation, l'emploi et ses aspects sociaux, la contribution de l'exploitation à la préservation des ressources naturelles, à l'occupation de l'espace ou à la réalisation d'actions d'intérêt général et au développement de projets collectifs de production agricole( ...) ». Le CTE est donc un contrat par lequel l’agriculteur s’engage sur deux plans : un plan socio-économique et un plan environnemental.

Suspendu en août 2002 par le nouveau Ministre de l’Agriculture, un nouveau dispositif lui succède le 29 novembre 2002 : il s’agit du contrat d’agriculture durable (CAD) toujours aujourd’hui en vigueur. L’approche contractuelle est confortée et les contrats sont recentrés sur les enjeux environnementaux prioritaires des territoires, le volet socio-économique étant désormais facultatif. Un à deux enjeux environnementaux prioritaires par territoire sont déterminés parmi la liste suivante : diversité biologique, qualité des sols, risques naturels, qualité et gestion quantitative des ressources en eau, qualité de l’air, paysage et patrimoine culturel. Chaque enjeu prioritaire est traduit par un maximum de 3 actions agri-environnementales, deux actions au plus pouvant être contractualisées par parcelle. Le graphique suivant illustre la démarche suivie par cet outil (Graphique I).

Enjeux environnementaux Enjeux environnementaux prioritaires (2 max) TERRITOIRE Actions agri-environnementales CAD

Graphique I. Schéma de fonctionnement du contrat d’agriculture durable

La PAC vient de connaître une nouvelle réforme le 26 juin 2003. Les modifications principales touchent aux grandes cultures, à la viande bovine et aux produits laitiers, mais les mesures du Règlement sur le Développement Rural sont également renforcées (OCDE,2003). Le soutien communautaire aux MAE est accru de manière à représenter jusqu’à 85 % au maximum du coût dans les zones visées par l’«objectif 1 » (au lieu de 75 %) et 60 % (au lieu de 50 %) dans les autres zones.

D’autres instruments relevant d’une démarche partenariales existent, à une échelle plus locale. Il s’agit là encore d’outils contractuels et incitatifs, mais ils sont cette fois signés

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entre l’Etat et une ou plusieurs collectivités territoriales et non un particulier comme dans les CAD. Ils relèvent, à la différence des précédents instruments présentés, d’une volonté de la Direction de la nature et des paysages du Ministère de l’environnement. Les Plans de paysage sont des documents de référence pour les deux parties. Ils transcrivent un projet de devenir du paysage ayant pour but de guider les décisions et les projets d’aménagement. Ces plans définissent les actions concrètes à engager et les moyens nécessaires à leur gestion et leur suivi. Il existe d’autre part le Contrat pour le paysage, né de la circulaire du 21 mars 1995. Signé entre Etat et collectivités territoriales, c’est un outil qui exprime la mise en œuvre d’un programme d’actions concrètes, aboutissement d’un processus de concertation entre les différents acteurs concernés par les mesures.

Outre les outils contractuels, les pouvoirs publics se sont dotés de l’outil fiscal pour supporter leurs démarches de protection. A titre d’exemple, on peut citer la taxe départementale des espaces naturels sensibles (TDENS) qui existe depuis 1995. Cette taxe, perçue sur les permis de construire, permet d’une part d’acquérir des terrains dans des zones à fort intérêt biologique et paysager, et d’autre part de financer, après acquisition, l’aménagement et l’entretien de ces sites. Ainsi cette taxe au niveau du Finistère est de 1 % en 2000. Elle a permis de générer des recettes de 12 millions d’euros environ entre 1990 et 2000. Il se trouve que sur la zone d’étude, le parc naturel régional d’Armorique a mis en place une politique foncière pour acquérir les espaces de lande et les entretenir. Les départements fonctionnant souvent en partenariat avec d’autres institutions publiques, il est probable3 que une partie des recettes de cette taxe ont servi à mener cette politique foncière du Parc.

Face à la réelle apparition du paysage dans les textes ainsi que dans les politiques publiques mises en œuvre, le paysage est devenu un véritable objet d’action publique et de gestion. La question qui se pose alors est de l’intégrer au sein des processus de décision publics de façon à qu’il soit pris en compte le plus justement possible. La section suivante va s’attacher à définir la problématique de cette thèse en posant les questions-clés auxquelles ce travail va chercher à répondre.

3 Il ne s’agit cependant que d’une supposition car nous n’avons pas plus d’informations à ce sujet.

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3. Paysage et Economie : questions soulevées dans cette thèse

3.1 Nature économique du paysage et processus de décision publique

Le paysage est le produit d’une offre et satisfait une demande. Il est en ce sens un bien économique. Il n’a pas de prix puisqu’il n’appartient à personne et à tout le monde à la fois. Cet aspect lui confère par conséquent le statut économique de bien non-marchand, comme c’est le cas de nombreux biens environnementaux. Il présente également les caractéristiques d’un bien public. Le paysage est en effet un bien non-exclusif du fait de sa gratuité : aucun individu n’est exclu de la consommation de ce bien du fait de son coût. La seconde propriété propre au bien public est également présente : le paysage est un bien non-rival dans le sens où la consommation qui en est faite par un agent ne réduit pas la quantité de bien disponible pour un autre agent. Un problème lié au paysage est qu’il est une aménité et particulièrement lié à un territoire. Or le territoire fait, par définition, référence à un espace géographiquement délimité. Par conséquent, même si la quantité de paysage n’est pas affectée par la consommation qu’en font les individus, sa qualité peut l’être du fait d’un problème de congestion. On parlera donc plus rigoureusement de bien public imparfait ou encore de bien mixte. Enfin, d’après les considérations générales que nous avons eues au sujet du paysage, celui-ci est composé d’éléments naturels physiques. Les transformations connues par le paysage touchent ces différentes composantes paysagères : la destruction des bocages, le développement des friches agricoles, etc. sont autant de phénomènes qui modifient notablement le paysage tout en étant principalement lié à une de ses composantes. C’est cette caractéristique multi-dimensionnelle du paysage qui nécessite de considérer ce bien de façon multi-attributs.

Le paysage est donc considéré dans cette thèse comme un bien économique multi-attributs

non-marchand qui présente, partiellement, les propriétés des biens mixtes.

Comme nous l’avons vu, des politiques publiques cherchant à agir sur le paysage se développent de plus en plus sous l’effet de deux principaux facteurs. D’une part, les conditions de l’offre de paysage ont changé si bien que celui-ci a connu d’importantes mutations depuis le milieu du siècle dernier. D’autre part, une réelle demande de paysage existe associée à un intérêt croissant des populations pour les questions touchant au paysage et à sa protection. Si l’intervention des pouvoirs publics est ainsi justifiée, la question se pose de savoir comment agir sur le paysage. Comment doivent-ils intégrer cet élément dans leur

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processus de décision publique ? En admettant que leur démarche se fonde sur une approche en termes de coûts et de bénéfices, ils doivent pouvoir évaluer les coûts et les bénéfices associées aux mesures envisagées. C’est sur la question de l’évaluation des bénéfices que cette thèse va se focaliser. Quelle méthode d’évaluation économique permettra de fournir un indicateur monétaire à ces bénéfices ?

Cette approche retenue pour traiter du paysage en économie nécessite de faire appel à plusieurs outils théoriques microéconomiques. Dans cette optique, la première partie de cette thèse sera consacrée au cadre théorique de l’évaluation du paysage et au choix méthodologique qu’il implique.

3.2 Caractéristiques de la demande de paysage

L’approche économique envisagée pour évaluer le paysage s’intéresse aux bénéfices associés aux transformations du paysage ; c’est pourquoi elle doit s’attacher aux caractéristiques de la demande de paysage. Les connaître est une source d’information importante pour les décideurs publics selon l’orientation de la politique qu’ils souhaitent mener.

Le contexte général présenté a mis en évidence une certaine diversité dans la demande adressée au paysage et cela à deux niveaux distincts.

La première échelle intéressante d’analyse classifie les « demandeurs » selon leur fréquentation du paysage. L’hypothèse que l’on souhaite tester ici est que les individus n’accordent pas la même valeur au paysage et que celle-ci dépend du temps passé au contact du paysage. La distinction faite à ce niveau sépare la population des touristes de celle des résidents permanents et secondaires, ce qui est un découpage intéressant d’un point de vue d’aide à la décision dans des régions fortement touristiques (Hunziker,1995).

Un second niveau mérite également d’être étudié : la distinction rural / urbain chez les non-autochtones. On retrouve cette classification fréquemment dans la littérature traitant du paysage rural (Mathieu,1998;Mathieu,2000). Les urbains sembleraient avoir des attentes particulières vis-à-vis de l’espace rural (espace de nature, de repos, de retour aux sources). Notre travail va donc s’interroger sur la pertinence d’une telle distinction quant à la demande de paysage. CemOA : archive ouverte d'Irstea / Cemagref

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A côté de ces caractéristiques « spatiales », un autre aspect de la demande de paysage doit être soulevé. Le fait qu’il existe un intérêt croissant des populations pour les questions traitant du paysage laisse à penser qu’on pourrait conférer au paysage un caractère « social » ou « moral ». La demande de paysage n’est alors pas seulement une demande adressée afin de satisfaire une satisfaction personnelle et individuelle, mais elle adjoint également une dimension sociale : les individus accordent une valeur au paysage à partir de considérations collectives sur la base de comportements « altruistes » (Sagoff,1998). Notre travail va donc chercher à se prononcer sur l’existence d’une telle demande « morale » et sur les éventuelles conditions de son existence.

Afin de répondre à chacun des trois éléments précédents, relatifs aux caractéristiques de la demande de paysage, cette thèse va mener un travail empirique fondé sur l’étude des choix des individus pour le paysage rural et ses principaux attributs.

La seconde partie de cette thèse présentera donc le cadre empirique de l’étude.

Sa troisième partie pourra alors chercher à approcher la demande pour le paysage rural des

Monts d’Arrée. Elle mènera alors une réflexion en terme d’aide à la décision publique au regard du paysage rural en général, et de celui des Monts d’Arrée en particulier.

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Conclusion

Ce chapitre avait pour vocation de positionner le « paysage » au sein du champ de l’économie. Pour ce faire, nous sommes parties des conceptions du terme retenues par d’autres disciplines pour en retenir certains éléments-clé de définition.

Ainsi, nous considèrerons le paysage comme un bien économique non-marchand multi-attributs présentant également les propriétés des biens publics.

Si le paysage rural est à la fois produit d’une offre et objet d’une demande, c’est à l’évaluation de la seconde que cette thèse se consacrera. Ce chapitre a, dans cette optique, formulé quelques interrogations auxquelles le reste de la thèse s’attachera à répondre.

La principale hypothèse concerne donc la diversité de la demande de paysage selon le facteur « fréquentation » : le temps passé au contact du paysage explique les écarts de valeurs que les individus lui accordent. Nous étudierons pour cela les préférences paysagères des touristes, des résidents permanents et des habitants secondaires au regard du site breton des Monts d'Arrée.

Dans le même ordre d’idée, on testera si le cadre d’habitation principale est un facteur important dans les préférences paysagères : les ruraux et les urbains appréhendent-ils de la même façon le paysage ?

Enfin, compte tenu du caractère « social » lié au paysage, on peut se demander si les valeurs qui lui sont associées sont uniquement issues d’une réflexion individualiste de maximisation de l’utilité individuelle, ou également le fruit d’une recherche de satisfaction morale visant le bien-être de la société.

Ces questionnements seront au cœur de l’analyse menée au long de cette recherche. Le cadre de référence de cette analyse doit donc être présentée dans un premier temps ; c’est l’objet des deux chapitres suivants (partie 1).

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Graphique IV. Décomposition en effet de substitution et effet de revenu selon Slutsky (a) et Hicks (b)
Graphique VII. Variation compensatrice et demande compensée au niveau d’utilité initial (a) et (a’) ;  variation équivalente et demande compensée au niveau d’utilité final (b) et (b’)
Figure 2. Représentation du modèle « biens / attributs » de Lancaster dans sa version complexe  (bordeaux) et sa version simplifiée (verte)
Graphique IX) la frontière des possibilités de production obtenue suite à la minimisation des  coûts
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