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Parthenocarpie naturelle chez la tomate. IV. Etude de la parthenocarpie a determinisme polygenique de la
lignee ”75/59”
J. Philouze, M. Milesi
To cite this version:
J. Philouze, M. Milesi. Parthenocarpie naturelle chez la tomate. IV. Etude de la parthenocarpie a determinisme polygenique de la lignee ”75/59”. Agronomie, EDP Sciences, 1989, 9 (1), pp.63-75.
�hal-02726396�
Amélioration des plantes
Parthénocarpie naturelle chez la tomate.
IV. Etude de la parthénocarpie à déterminisme
polygénique de la lignée «75/59»
J. Philouze,
M. Milesi
INRA, Station dAmélioration des Plantes maraîchères, Centre de Recherches dAvignon, F 84140 Montfavet, France (reçu le 2-5-1988, accepté le 2-10-1988)
Résumé — La lignée «75/59» sélectionnée en Allemagne fédérale à partir du croisement «Atom» x «Bubjekosoko»
montre une aptitude à la parthénocarpie naturelle, facultative, de niveau élevé, s’exprimant à toute époque de l’année.
Neuf essais ont été réalisés, dans des conditions variées (serre verre ou plastique, chauffée ou froide, champ) à des époques de l’année différentes. Après un traitement avec castration sans pollinisation, les fruits sans graines qui se développent sont d’aspect et de poids comparables à ceux issus de fleurs pollinisées manuellement, quels que soient le type de culture et l’époque de l’année, à l’exception d’un essai où les fruits sont plus petits, ce qui traduit une sensibilité de l’expression de la parthénocarpie aux facteurs du milieu, sans que l’on puisse savoir, dans ce cas précis, quels fac-
teurs du milieu sont en cause.
’
Des fleurs de «75/59» laissées en fécondation libre donnent en mélange des fruits sans graines (de 34 à 94% dans
nos essais) et des fruits avec graines. Quand il y a ainsi compétition entre fruits avec ou sans graines à l’intérieur d’un
bouquet et/ou d’une plante, celle-ci se fait au détriment des fruits sans graines, qui sont alors significativement plus petits que les fruits avec graines issus du même traitement.
La parthénocarpie de «75/59» est récessive. Les tests d’allélisme ont montré qu’elle n’était due ni au gène pat (par- thenocarpic) présent chez «Montfavet 191 !,, ni au gène pat-2 de «Severianin». La parthénocarpie de «75/59» serait
sous le contrôle de 3 gènes récessifs au moins, et plus probablement 4 ou 5 gènes, dont nous faisons l’hypothèse qu’ils
sont indépendants et à action additive. Ces résultats sont discutés et comparés avec ceux obtenus par d’autres auteurs.
Lycopersicon esculentum - tomate - parthénocarpie - parthénocarpie naturelle - déterminisme génétique
Summary — Natural parthenocarpy in tomato. IV. Study of parthenocarpy with polygenic determinism of line
"75/59". Line "75/59", bred in West Germany from the cross between Atom" x "Bubjekosoko" shows an aptitude for high level, natural but facultative parthenocarpy at all times of the year. Nine experiments were carried out under varying conditions (glass or plastic houses, heated or unheated, open field) and at different periods of the year. After treatment involving emasculation without pollination, the appearance and weight of the seedless fruits which developed
were comparable to those of the seeded fruits issued from hand-pollinated flowers, regardless of cultivation type or per- iod of year. The findings for one experiment differed, in that the seedless fruits were smaller this indicates susceptibility of parthenocarpy expression to environmental factors. Notwithstanding, in the present case, it is not possible to identify
which environmental factors are involved.
Open pollinated flowers of "75/59" set a mixture of both seedless fruits (from 34 to 94% in our experiments) and see-
ded fruits. When both seeded and seedless fruits compete on a single inflorescence andlor plant, the seedless fruits suffer and in this case are significantly smaller than the seeded fruits issued from the same treatment
The parthenocarpy of "75/59" is recessive. The allelism tests revealed that this is not due to the pat (parthenocarpic)
gene present in °Montfavet 191 " neither is it due to the pat-2 gene in "Severianin". The parthenocarpy of "75/59" would appear to be controlled by 3 recessive genes at least, and more probably, by 4 or 5 genes. We are of the opinion that
these genes act independantly and that their effect is cumulative. These results are discussed and compared to those
obtained by other authors.
Lycopersion esculentum - tomato - parthenocarpy- natural parthenocarpy-genetic determinism
Introduction
Au cours de l’étude d’une collection variétale
(Philouze, 1985), la lignée « 75/5 9» a montré une aptitude de haut niveau à la parthénocarpie, apti-
tude qui mérite d’être étudiée plus avant. Une
revue bibliographique des travaux conduits sur
cette lignée et des lignées apparentées ou voi-
sines également sélectionnées en Allemagne
fédérale a été faite par Philouze en 1983. Depuis
cette date, des travaux réalisés dans différents pays avec la lignée « 75/59 » ont été publiés.
Nous décrirons ici les principales caractéris-
tiques de « 75/59 ». Puis nous étudierons le com-
portement de cette lignée dans différentes condi- tions de milieu (serre verre, tunnel plastique, plein champ) à des époques différentes de t’année.
Nous aborderons enfin l’étude génétique du carac-
tère de parthénocarpie de «75/59», en tentant de
déterminer le nombre de gènes en jeu et en fai-
sant les tests d’allélisme avec d’autres origines de parthénocarpie.
Caractéristiques de la lignée «75/59»
Un véritable travail de sélection pour l’aptitude à la par-
thénocarpie chez la tomate a été entrepris en Allemagne fédérale avec pour objectif l’obtention de
lignées extrêmement précoces. Plusieurs lignées sont
issues de ce programme. La lignée «75/59» semlble
parmi les plus intéressantes, il s’agit d’une F13 issue du
croisement «Atom» x «Bubjekosoko». Des travaux ont été conduits sur ce matériel en Allemagne fédérale, et publiés de 1968 (Reimann-Philipp) à 1978 (Preil); puis
les travaux ont cessé, la culture précoce de la tomate
sous serre n’étant plus économiquement rentable.
L’aptitude à la parthénocarpie de «75/59&dquo; et des autres lignées est héréditaire (Reimann-Philipp et Fuchs, 1969). Selon Preil et Reimann-Philipp (1969), le développement parthénocarpique du fruit ne serait pas dû à une mauvaise qualité du pollen, mais à la produc- tion de substances de croissance qui favoriseraient le
grossissement de l’ovaire avant que la fécondation n’in- tervienne (Musehold, 1972). Preil (1973) a montré le rôle des basses températures sur la formation des fruits
parthénocarpiques; les fluctuations dans les pourcen- tages de fruits avec ou sans graines récoltés à un moment donné sont ainsi à mettre en relation avec les fluctuations de températures au moment où les fleurs dont proviennent ces fruits sont au stade de jeunes bou-
tons.
Les plantes de «75/59» sont à croissance détermi- née (gène sp), avec un développement végétatif limité.
Elles portent des fruits petits (20 à 30 g), ronds à légère-
ment ovales, lisses, réguliers, de couleur uniforme avant maturité (gène u), à 2 ou 3 loges (2, 5 en moyenne). La
mise à fleur est précoce, les fleurs sont grandes et bien
formées en toutes saisons, même en jours courts. La
maturité des fruits est très précoce. Cette lignée est
résistante à Pseudomonas syringae tomato (Okabe), de
même que les 2 lignées parentes (Laterrot et Philouze, 1986).
Comportement de «75/59» dans des essais en
conditions variées
Les conditions de milieu autres que les basses tempéra-
tures ont-elles des incidences sur l’expression de la par-
thénocarpie de «75/59» ? Y-a-t-il des conditions dans
lesquelles la parthénocarpie de «75 / 59» s’exprime peu
ou mal ? Quelles sont par ailleurs les conditions les plus
favorables à la production de graines chez cette lignée ? Des essais conduits dans des conditions de milieu et à des époques de l’année différentes vont nous
permettre d’apporter quelques éléments de réponse à
ces questions.
Méthodes expérimentales
Neuf essais, pour lesquels le Tableau I donne le détail
des techniques culturales et expérimentales utilisées,
ont été conduits en pleine terre dans des conditions de milieu différentes :
-
7 essais ont été conduits sous serre verre : 5 essais
au printemps, dont l’un (essai n° 1) en culture antigel,
les 4 autres (n OS 2, 3, 4 et 5) en serre chauffée au cours d’années différentes; et 2 essais à l’automne, en serre chauffée (essais n os 8 et 9), au cours d’années diffé- rentes;
-
1 essai sous tunnel plastique, au printemps, en culture antigel (essai n° 6);
-
1 essai au champ (essai n° 7).
Les dates de semis et de plantation sont données dans le Tableau I.
Les traitements suivants ont été appliqués sur les
fleurs (Tableau 1) :
1) castration des fleurs avant la maturité du pollen, pas de pollinisation;
2) castration des fleurs, pollinisation par du pollen de
«Apédice» (lignée riche en pollen de bonne qualité)
récolté sur des plantes cultivées dans les mêmes condi- tions que celles de «75/59» (à l’exception de l’essai n° 1
où «Apédice» a été cultivée en serre chauffée);
3) castration ou non des fleurs, pollinisation par du pol-
len de «75/59» récolté sur des plantes cultivées dans
les mêmes conditions. Ce traitement correspond donc à
une autopollinisation;
4) vibration des inflorescences. Toute inflorescence por- tant une fleur épanouie est vibrée à l’aide d’un vibreur
électrique, à raison de 2 ou 3 passages par semaine;
5) fécondation libre : les fleurs, non castrées, sont lais- sées libres de s’autopolliniser naturellement.
Ces traitements ont été appliqués sur 1, 2 ou 4 plantes, sur 4 bouquets le plus souvent, parfois 5 ou 6.
Les bouquets des traitements 1, 2 et 3 sont limités à 8
fleurs au maximum, ceux des traitements 4 et 5 limités à
8 fleurs (essais n OS 4, 5, 6) ou non limités (essais n!s 1,
2, 8 et 9).
La période de floraison (de castration) sur l’ensemble
des bouquets travaillés, s’étend de début mars à mi-avril pour les essais réalisés sous serre verre et sous tunnel
plastique au printemps, en mai pour celui réalisé en
champ, de mi-septembre à mi-octobre pour ceux réali- sés sous serre verre à l’automne.
Tous les fruits noués ont été récoltés et pesés indivi- duellement, les graines extraites fruit par fruit et comp- tées. Pour les traitements où le nombre de fleurs a été limité à 8 maximum par bouquet, le pourcentage de nouaison a été calculé. Les comparaisons entre les poids des fruits obtenus à la suite des différents traite- ments ont été effectuées au moyen du test tde Student.
Ces comparaisons ont été faites entre les traitements 1,
2 et 3 d’une part; d’autre part entre les traitements 4 et 5. De même les comparaisons entre les poids des fruits
avec graines ou sans graines à l’intérieur d’un même traitement ont été effectuées au moyen du test t de
Student; cependant ce calcul n’a été fait que quand
l’une ou l’autre de ces 2 catégories de fruits représentait
au moins 9% du total. Enfin, pour les fruits obtenus à la suite de l’un ou l’autre des traitements avec pollinisation,
les coefficients de corrélation entre le poids des
fruits et le nombre de graines qu’ils contiennent,
ont été calculés.
L’aptitude à la parthénocarpie est jugée selon 2 cri-
tères :
-
l’aptitude à développer, après castration sans pollini- sation, des fruits d’aspect et de taille comparables à
ceux obtenus après pollinisation (par «Apédice» ou par
ce75/59»);
-
l’aptitude à développer, en fécondation libre, ou éven-
tuellement après vibration des inflorescences, un mélange de fruits avec et sans graines.
Résultats et Discussion
Les résultats sont donnés dans les Tableaux Il et III. A la suite du traitement avec castration sans
pollinisation, on obtient le plus souvent (5 essais
sur 7 : nos 1, 3, 4, 8, 9) des fruits dont le poids ne
diffère pas significativement de ceux obtenus après un traitement avec pollinisation manuelle
par «Apédice» ou «75/59» (Tableau 11). Cependant
dans un cas (essai n° 7, au champ), les fruits sont
significativement plus gros que ceux obtenus
après pollinisation par «Apédice». Dans un autre
cas, les fruits sont significativement plus petits que
ceux obtenus après pollinisation par «Apédice»; il s’agit de l’essai n° 5, où la parthénocarpie de
«75/59» s’exprime mal à la suite du traitement
avec castration sans pollinisation : seulement
45% des fleurs donnent des fruits, ceux-ci sont très petits (14,4 g), alors qu’après castration et
pollinisation par «Apédice», 93% des fleurs don-
nent des fruits de 29,9 g en moyenne. Le compor-
tement de «75/59» dans cet essai n° 5 est difficile
à interpréter, d’autant plus que dans les essais nos
3 et 4, réalisés également au printemps sous serre
verre chauffée, la parthénocarpie de «75/59» s’ex-
prime très bien à la suite du traitement avec cas-
tration sans pollinisation.
Parmi les fruits issus de fleurs castrées pollini-
sées par «Apédice» (Tableau 11), rares sont ceux qui ne contiennent aucune graine (dans ce cas,
ces derniers sont nettement plus petits que les fruits avec graines). Ce résultat indique que les
gamètes femelles de «75/59» sont parfaitement
fonctionnels.
Après autopollinisation manuelle (Tableau 11), le
pourcentage de fruits sans graines est extrême-
ment variable selon les essais (de 0 à 97% pour 5
essais). Si les fleurs de «75/59» ont toujours été
bien conformées, il convient de souligner que la quantité de pollen disponible a été très fluctuante d’un essai à l’autre, elle a parfois été quasi nulle.
C’est le cas pour l’essai n° 1, où les basses tem-
pératures peuvent être incriminées. Dans le cas
de l’essai n° 4, l’absence de pollen, sur des fleurs d’aspect parfaitement normal épanouies en mars,
en serre chauffée, n’a pu être expliquée. Notons
que dans l’essai n° 3, conduit aux mêmes dates que l’essai n° 4, mais une autre année, il y a eu au contraire production de relativement peu de fruits
sans graines (20%) après autopollinisation ma-
nuelle. Enfin dans les essais n° S 8 et 9, 98 à 100%
des fruits obtenus après autopollinisation manuel- le, sans castration, contiennent des graines. Les
fleurs épanouies en septembre-octobre conte-
naient beaucoup de pollen. Ces résultats montrent que la formation du pollen de «75/59 » est parti-
culièrement sensible aux conditions du milieu;
c’est avec des fleurs épanouies en début d’autom-
ne que la production de graines semble assurée dans les meilleures conditions.
Dans tous les cas où des inflorescences ont été laissées en fécondation libre (Tableau III), il y a
production d’un mélange de fruits avec et sans
graines; le pourcentage de ces derniers varie de
34 à 94%. Dans 6 essais sur 7, les fruits sans
graines sont plus petits que les fruits avec graines,
les différences sont significatives dans 4 essais.
Dans l’essai n° 8, les fruits sans graines sont légè-
rement plus gros, mais de façon non significative,
que les fruits avec graines. Nos résultats sont en
accord avec ceux de Scott et George (1984), qui
ont trouvé que les fleurs de «75/59» laissées en
fécondation libre donnaient un mélange de fruits
avec graines et sans graines : le poids de ces der-
niers est significativement plus faible que celui des fruits avec graines. Notons que dans l’essai n° 5, où la parthénocarpie s’est mal exprimée à la suite
du traitement avec castration sans pollinisation,
35% des fruits produits en fécondation libre ne
contiennent aucune graine.
La vibration des inflorescences augmente de façon notable la proportion de fruits avec graines (Tableau III). Le poids moyen de ces fruits, par rapport à ceux obtenus en fécondation libre, est significativement plus élevé dans 2 essais (n°s 1 et 2), mais significativement plus faible dans un autre
(n° 9). Le nombre de graines par fruit est très aug- menté dans l’essai n° 2, où les conditions sont
probablement favorables à la fécondation mais pas à la libération du pollen. Dans l’essai n° 1, en
serre froide, la production de graines, bien qu’améliorée, reste faible. Enfin dans l’essai n° 9, où les conditions sont favorables à la production
de graines, la vibration n’augmente pas de façon significative le nombre de graines par fruit, par rapport aux fruits obtenus sans vibration (environ
40 graines par fruit). De même Scott et George (1984) ont montré, dans un essai conduit au prin- temps sous abri en conditions non limitantes de
températures, que la vibration des inflorescences n’a pas augmenté la production de graines par rapport à la fécondation libre (fruits avec plus de
40 graines en moyenne pour les 2 traitements).
Ces essais montrent par ailleurs que, si les
températures froides sont une condition suffisante pour l’apparition de fruits parthénocarpiques (essais n°s 1 et 6), elles ne sont pas une condition
nécessaire, puisque on obtient des fruits sans
graines après castration sans pollinisation, et
aussi en fécondation libre dans des essais où la
température n’est pas un facteur limitant.
Il y a une contradiction apparente dans nos résultats : après castration sans pollinisation, il y ;a le plus souvent formation de fruits sans graines de
même poids que les fruits avec graines obtenus après pollinisation par «Apédice» ou «75/59&dquo;.
Mais dans les traitements où la pollinisation inter-
vient (traitements 2, 3, 4, 5), les fruits avec graines
sont plus gros que les fruits sans graines, dans la
grande majorité des cas. Ceci est à mettre en rela-
tion avec le fait que, dans tous les cas étudiés (à l’exception du traitement avec pollinisation par
«Apédice» dans l’essai n° 9, où le nombre mini-
mum de graines par fruit est 24, donc déjà élevé),
il y a une corrélation positive entre le poids des
fruits et le nombre de graines qu’ils contiennent.
Tout se passe comme si les fruits issus de fleurs castrées non pollinisées se développaient
sans compétition sur le bouquet ou sur la plante.
Par contre, quand il y a compétition (à l’intérieur du bouquet et/ou de la plante) entre fruits avec graines (ou jeunes ovaires avec ovules fécondés)
et fruits sans graines (ou jeunes ovaires avec
ovules non fécondés), celle-ci se fait au détriment
de ces derniers. Seules des études physiolo- giques permettraient de comprendre J’origine de
cette compétition (différences dans les teneurs en
substances de croissance, dans l’aptitude à utiliser
les produits de la photosynthèse ?). Musehold (1972) a émis l’hypothèse d’un facteur génétique qui permettrait l’action des substances de crois-
sance chez une lignée parthénocarpique voisine
de «75/59», ou qui la bloquerait chez le matériel
non parthénocarpique. En tout cas, il semble que la concentration-seuil en substances de croissan-
ce nécessaire pour le grossissement du fruit soit
disponible chez «75/59», puisque les fleurs cas-
trées non pollinisées donnent des fruits; cette concentration est probablement insuffisante dans l’essai n° 5, où la parthénocarpie s’exprime mal après le traitement avec castration sans pollinisa-
tion.
Cette compétition entre fruits qu’entraîne la pré-
sence d’ovules fécondés plus ou moins nombreux,
a des conséquences pratiques immédiates : en
conditions non limitantes pour la pollinisation et la fécondation, il y aura production d’un mélange de
fruits avec et sans graines; on introduira donc une
hétérogénéité dans le calibre des fruits. Il convien- drait par conséquent de se placer dans des condi-
tions où l’on n’obtiendrait que des fruits sans
graines : soit en conditions limitantes pour la pro- duction de pollen, la pollinisation et la fécondation,
par exemple à basse température, soit sur plantes
mâles-stériles.
Etude génétique de la parthénocarpie de
«75/59»
L’objectif est d’étudier le déterminisme génétique
de la parthénocarpie de «75/59u, et de faire les
tests d’allélisme avec d’autres origines connues de
parthénocarpie.
Matériel végétal
Etude du déterminisme génétique. Des croisements ont été réalisés entre «75/59» et 2 lignées non parthé- nocarpiques :
-
«Monalbo». On a observé les lignées parentales, la F1, la F2 et le rétrocroisement de la F1 avec «75/59»;
-
«Porvert». Cette lignée mâle-stérile est maintenue par croisement entre plantes soeurs ms10 3 5aa/ms10 35 aa et
ms1()35aa/
++ (le gène aa, anthocyanin absent, est lié au gène de stérilité mâle ms!5). On a observé l’hybride
F1 entre «75/59» et des plantes mâles-stériles de
«Porvert!, ainsi que des plantes mâles-stériles de la descendance F2.
Tests d’allélisme. Les tests d’allélisme ont été réalisés entre «75/59» et 2 autres lignées parthénocarpiques :
-
«Monttavet 191 » porte le gène pat (parthenocarpic)
de parthénocarpie (Philouze et Pécaut, 1986). On a
observé les lignées parentales et l’hybride F1 ;
-
«Severianin» porte le gène pat-2 (parthenocarpic-2) (Philouze et Maisonneuve, 1978a). On a observé les
lignées parentales, la F1, la F2 et les rétrocroisements de la F1 avec chacun des 2 parents.
Méthodes expérimentales
Plusieurs essais ont été réalisés, dans des conditions de milieu différentes : serre chauffée en culture de prin- temps ou d’automne, culture d’été au champ.
Différents traitements ont été appliqués pour appré-
cier l’aptitude à la parthénocarpie. Dans tous les cas, on a travaillé sur 4 bouquets par plante.
Pour l’étude des hybrides Fl, en comparaison avec leurs lignées parentales, les 4 bouquets d’une même
plante ont subi le même traitement (essai au champ,
Tableau IV). Trois traitements différents ont été
appliqués : 1) les fleurs ont été castrées mais non polli- nisées; 2) les fleurs ont été castrées et pollinisées avec
du pollen de «Apédice»; 3) les fleurs ont été laissées en
fécondation libre. Les bouquets dont les fleurs ont subi les traitements 1 et 2, avec castration, ont été limités à 8 fleurs maximum. Par contre les bouquets laissés en
fécondation libre n’ont pas été limités. Les fruits ont été récoltés et pesés individuellement, les fruits des traite- ments 2 et 3 ont été coupés et notés pour la présence
ou l’absence de graines.
L’aptitude à la parthénocarpie est jugée selon 2 cri-
tères :
1 ) l’aptitude à développer, après castration sans pollini- sation, des fruits dont l’aspect et le poids, comparés à
ceux des fruits obtenus après castration et pollinisation
par «Apédice», ne varient pas plus que ceux des témoins parthénocarpiques dans les mêmes conditions;
2) l’aptitude à développer en fécondation libre des fruits
sans graines dont le poids, comparé à celui des fruits
avec graines, ne varie pas plus que celui des témoins
parthénocarpiques dans les mêmes conditions.
L étude des générations en disjonction, F2 et rétro- croisements, est conduite de manière différente. Dans
ce cas, chaque plante doit être appréciée individuelle- ment. Pour cela, le 18! bouquet est soit vibré, soit laissé
en fécondation libre, selon les essais; les fleurs des
bouquets 2, 3 et 4 sont castrées et non pollinisées. Les
mêmes traitements sont appliqués aux lignées paren- tales et aux hybrides Fi , témoins des générations en disjonction. Le nombre de fleurs des 1e! bouquets n’a
pas été limité, celui des bouquets 2, 3 et 4 limité à 8 fleurs maximum.
Pour les croisements avec «Monalbo» (3 essais, Tableau V) et «Severianin» (1 essai, Tableau VII), l’ap- préciation de l’aptitude à la parthénocarpie se fait en comparant, pour chaque plante d’une génération en disjonction, l’aspect et le poids des fruits issus de cas-
tration sans pollinisation (bouquets 2, 3 et 4) à celui des
fruits du 18! bouquet; on effectue ce même rapport de poids de fruits pour chaque plante prise individuellement des témoins parthénocarpiques; on définit comme par-
thénocarpiques les plantes dont le rapport est égal ou supérieur à celui de la plante témoin la «moins parthé- nocarpique» (autrement dit chez laquelle ce rapport de poids est le plus faible). De plus, dans les cas où le ier bouquet a été laissé en fécondation libre, on apprécie l’aptitude à développer des fruits sans graines ayant un poids, par rapport au poids des fruits avec graines, pas
plus différent de ce que l’on trouve chez les témoins
parthénocarpiques (là encore on utilise les résultats sur
plantes individuelles).
Dans le cas du croisement «Porvert» x «75 / 5 9 » (2 essais, Tableau VI), seules des plantes F2 mâles-sté- riles ont été plantées. Les fleurs des 4 bouquets étudiés
n’ont subi aucun traitement. L’aptitude à la parthénocar- pie est jugée sur le développement de fruits sur ces plantes mâles-stériles.
Résultats
Déterminisme génétique de la parthénocarpie de
«75/59»
»Croisement avec Monalbo (Tableaux IV et V). La parthénocarpie de «75/59» est récessive : l’hybri-
de F1 «Monalbo» x « 75/59 » ne montre aucune
aptitude à la parthénocarpie (Tableau IV) : après
castration sans pollinisation, des fruits très petits
se développent, dont le poids ne représente que 26% de celui des fruits obtenus après pollinisation
par «Apédice», alors que chez «75/59» les fruits issus du premier traitement sont plus gros que
ceux issus du 2e traitement. De plus, tous les fruits
obtenus en fécondation libre chez l’hybride
contiennent des graines, alors que ce n’est le cas
que de 36% des fruits de «75/59». Dans cet essai,
«Monalbo» (résultats non reportés) n’a pas non
plus montré la moindre aptitude à la parthénocar- pie. Les fruits à 2 loges de cette lignée pesaient
environ 80 g dans les conditions de l’essai.
Les résultats de 3 essais conduits dans des conditions différentes et portant sur l’étude de la F2 et du rétrocroisement de la F1 avec «7 5/59 » sont donnés dans le Tableau V. Au total une seule
plante (essai n° 3) a été notée parthénocarpique
sur les 209 plantes F2 cultivées : le rapport du poids des fruits issus de fleurs castrées non polli-
nisées par rapport aux fruits obtenus en féconda- tion libre sur le 1 er bouquet est de 66%; le rapport de poids des fruits sans graines à celui des fruits
avec graines est de 99% chez cette plante, alors
que les chiffres les plus faibles obtenus pour
«75/59» dans le même essai sont respectivement
de 70% et 83%. De même, sur un total de 105 plantes du rétrocroisement avec «75/59», une
seule plante (essai n° 2) a été notée parthénocar- pique : le rapport du poids des fruits issus de fleurs castrées non pollinisées à celui des fruits issus de fleurs vibrées est de 56%, alors que le chiffre le plus faible obtenu pour «75/59» dans le même essai est de 52%.
Croisement avec «Porvert» (Tableau VI).
L’hybride F1 «Porvert» x « 75/5 9» ne montre aucu-
ne aptitude à la parthénocarpie (résultats non
reportés). La F2 a été étudiée en serre verre
chauffée, à 2 reprises, l’une au printemps, l’autre à
l’automne (Tableau VI). Sur les 312 plantes mâles-
stériles cultivées, une seule a développé des fruits
à partir de fleurs non pollinisées.
Hypothèses sur le nombre de gènes respon- sables de la parthénocarpie de «75159». Les ,x 2
sont compatibles avec les hypothèses suivantes : 3 gènes minimum dans le cas de la F2 avec
«Monalbo»; 3 gènes minimum dans le cas de la F2 avec «Porvert»; 4 gènes minimum si le calcul est fait sur le nombre total de plantes des 2 F2
«Monalbo» x « 75/59 » et «Porvert» x «75 /59 »; 5 gènes minimum dans le cas du rétrocroisement
(«Monalbo» x «75/59») x «75/59».
La seule conclusion que nous puissions donc
tirer de ces résultats obtenus par des effectifs limi- tés est que 3 gènes au moins sont responsables
de la parthénocarpie de « 75/59 », et plus vraisern-
blablement 4 ou 5.
Tests d’allélisme
Croisement avec «Montfavet 191 (Tableau IV).
Si après castration sans pollinisation on obtient
chez l’hybride F1 «75/59» x «Monttavet 191 des fruits dont le poids atteint 61 % de celui des fruits développés après castration et pollinisation par
«Apédice», seuls 14% des fruits obtenus en
fécondation libre ne renferment pas de graines,
alors que pour ce dernier traitement on obtient 100% des fruits sans graines chez «Montfavet 191 », et 64% chez «75/59». Nous en concluons que l’hybride F1 est non parthénocarpique. La par-
thénocarpie de «75/59» n’est donc pas due au
gène pat présent chez «Montfavet 191 !!.
Croisement avec «Severianin». «Severianin» est nettement parthénocarpique (Tableau IV). Les
fruits obtenus après castration sans pollinisation
ont 85% du poids des fruits obtenus après pollini-
sation par «Apédice». De plus 55% des fruits obtenus en fécondation libre sont parthénocar- piques.
Chez l’hybride F1 «75/59» x «Severianin», seu- lement 5% des fruits obtenus en fécondation libre
ne renferment aucune graine. Par contre on pour- rait déceler une tendance à la parthénocarpie au
niveau du développement de fruits après castra-
tion sans pollinisation; leur poids représente 87%
de celui des fruits obtenus après pollinisation par
«Apédice». Ces fruits obtenus sans pollinisation
avaient cependant une allure un peu différente de
ceux obtenus après pollinisation, avec en particu-
lier des côtes légèrement marquées, et une matu-
rité assez tardive. Cette légère tendance à la par-
thénocarpie ne s’est pas retrouvée dans d’autres essais dont les résultats ne sont pas reportés ici.
Nous en concluons que la parthénocarpie de
«75/59» n’est pas due au gène pat-2 présent chez
«Severianin».
La répartition entre plantes normales et parthé- nocarpiques chez la F2 «75/59» x «Severianin» et les rétrocroisements avec chacun des 2 parents (Tableau VII) a été faite en tenant compte des résultats obtenus avec «75/59» et «Severianin» :
on classe comme parthénocarpiques les plantes
pour lesquelles le poids des fruits issus de castra- tion sans pollinisation est égal ou supérieur à 52%
(chiffre le plus faible obtenu pour «75/59») du poids des fruits obtenus en fécondation libre. Les
x
2 pour la F2 et le rétrocroisement avec
«Severianin» sont en accord avec l’hypothèse
d’une ségrégation pour un gène récessif, pat-2 en
l’occurence. Le x 2 calculé pour le rétrocroisement
avec «75/59» est compatible (à la limite de la
signification au seuil 0,05) avec l’hypothèse que 3
gènes récessifs au moins sont en jeu.
Discussion
D’après nos résultats, la parthénocarpie de
«75/59» est récessive; elle serait sous le contrôle de plusieurs gènes, au moins 3, et plus probable-
ment 4 ou 5, considérés comme indépendants et à
action additive. Ces résultats sont en accord avec nos résultats préliminaires où nous suggérions qu’au moins 3 gènes récessifs étaient en jeu (Philouze et Maisonneuve, 1978c). D’autre part les résultats des tests d’allélisme confirment que la
parthénocarpie de « 75/59 » n’est due ni au gène pat de «Montfavet 191 », ni au gène pat-2 de
«Severianin» (Philouze et Maisonneuve, 1978b).
La sélection conduite en Allemagne fédérale a permis le cumul dans un même génotype de gènes favorables à la parthénocarpie, gènes qui
se trouvaient dispersés chez l’un et l’autre des parents du croisement dont «75/59» est issu, ou qui sont apparus par mutation au cours de la sélection. En effet, dans un essai au champ dans lequel la parthénocarpie de « 75/59 » s’est parfaite-
ment exprimée, aucune des 2 variétés «Atom» et
«Bubjekosoko» n’a montré la moindre aptitude à la parthénocarpie.
Il convient de souligner les difficultés que nous
avons eues pour classer en normales et parthéno- carpiques les plantes des générations en disjonc-
tion : les critères que nous avons retenus pour les
plantes parthénocarpiques (aptitude à développer
des fruits après castration sans pollinisation, apti-
tude à développer des fruits sans graines en fécondation libre; comparaison des poids relatifs
des fruits ainsi obtenus avec ce que l’on obtient pour les témoins parthénocarpiques) sont en effet quantitatifs, il existe toute une gamme d’intermé- diaires, et les chiffres seuils que nous avons rete-
nus sont en fait plus ou moins arbitraires. D’autre part, les comparaisons de poids de fruits obtenus
sur des bouquets d’étages différents, surtout si
ces bouquets portent des fruits en nombres variables, ne sont guère satisfaisantes. Il serait évidemment préférable d’effectuer ces tris dans des conditions de milieu favorables à l’expression
de la parthénocarpie, par exemple à basses tem- pératures, mais ces conditions sont difficiles ou
coûteuses à assurer à Montfavet.
La diversité des variétés normales utilisées en
croisement avec « 75/59 », les différences dans les conditions de milieu, et celles dans les méthodes retenues pour apprécier la parthénocarpie, les dif-
ficultés de tri au niveau de plantes individuelles de
générations en disjonction, peuvent expliquer les
différences entre nos résultats et ceux obtenus par d’autres auteurs.
Pour Vardi (1985) et Vardi et al. (1986), la parthénocarpie de « 75/59 » serait due à 3 gènes
récessifs avec action additive. La lignée «75/59&dquo; a
été croisée avec une série de lignées comportant des marqueurs génétiques situés sur différents
chromosomes. Les essais ont été conduits au
champ en hiver, conditions dans lesquelles seuls
des fruits sans graines sont produits. L’un des 3 gènes responsables de la parthénocarpie de
« 75/59
» serait sur le chromosome 1 (linkage avec dgt, diageotropica), un autre sur le chromosome 6
(linkage avec yv, yellow virescenn, le 3e n’a pas été localisé.
L’étude de croisements entre «75/59&dquo; d’une part, et d’autre part 2 lignées (paf-!), «Severianin»
(Nuez et al., 1986), et «Par 5-14» à fruits plus petits que «Severianin» (Ferrando et aL, 1987),
réalisée en culture d’hiver-printemps sous serre
plastique non chauffée à Malaga, a conduit ces
auteurs à la conclusion que la parthénocarpie de
«75/59» était due à 2 gènes récessifs pat-3 et pat-4. Les plantes parthénocarpiques ont l’un ou
l’autre des génotypes suivants :
-
homozygote pour pat-2 (c’est le cas de
«Severianin» et de «PAR 5-14»);
-
homozygote pour pat-3 et pat-4 («75/59»);
-
homozygote pour l’un ou l’autre des gènes pat-
3 ou pat-4, hétérozygote pour l’autre;
-