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Droit fiscal européen

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Droit fiscal européen

OBERSON, Xavier, YAZICIOGLU, Alara

OBERSON, Xavier, YAZICIOGLU, Alara. Droit fiscal européen. Annuaire suisse de droit européen , 2015, vol. 2014/2015, p. 159-169

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:142624

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(2)

Xavier Oberson/Alara E. Yazicioglu

Sommaire

A. Introduction

B. Questions préjudicielles adressées à la CJUE I. Compatibilité de la CDI-ALL avec l'ALCP

II. Application du principe ne bis in idem dans le cadre des infractions fiscales C. Modifications apportées aux directives européennes

I. Clause anti-abus introduite dans la Directive mère-fille

II. Elargissement du champ d'application de l'échange automatique d'informations D. Développements récents dans les relations entre la Suisse et l'UE

I. Déclaration commune sur la fiscalité des entreprises

II. Accord sur l'mtroduction de Péchange automatique de renseignements

A. Introduction

La présente contribution vise à exposer les principaux développements dans l'Union européenne en matière de la fiscalité. Elle est subdivisée en trois parties.

La première partie (B.) analyse deux questions préjudicielles adressées à la CJUE, à savoir la compatibilité de la CDI-ALL avec l'ALCP (par l'Allemagne) et l'application du principe « ne bis in idem » dans le cadre des infractions fis- cales (par l'Italie). La deuxième partie (C.) décrit brièvement les modifications récentes apportées aux deux directives européennes, nommément la Directive 2011/96/UE concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'Etats membres différents (ci-après la Directive mère-fille) et la Direc- tive 2011/16/UE relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal (ci-après la Directive sur la coopération administrative). La troisième partie (D.) énumère les développements récents dans les relations entre la Suisse et l'UE.

B. Questions préjudicielles adressées à la CJUE I. Compatibilité de la CDI-ALL avec l'ALCP

Suite à une demande de décision préjudicielle formée par le Finanzgericht Baden- Wùrttemberg (Allemagne), la CJUE est actuellement en train d'examiner

Convention du 11.08.1971 entre la Confédération suisse et la République fédérale d'Alle- magne en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et la fortune (RS 0.672.913.62).

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•l'imposition des travailleurs frontaliers « en sens inverse », plus précisément la conformité de « l'assujettisseruent fiscal élargi » prévu par la CDI-ALL2 à l'ALCP.

l. Imposition des-frontaliers selon les dispositions de la CDI-ALL a) Dispositions sur les frontaliers

La CDI-ALL contient une règle de partage spécifique concernant'les froùtaliers dans son article 15a. Le terme frontalier se trouve défini au paragraphe 2 de cet article qui dispose qu': « [e]st réputé frontalier [...] toute personne.qui est un ré- sident d'un Etat contractant, mais dont le lieu de travail est situé dans l'autre Etat coutractant, d'où il retourne régulièrement à son domicile. Si, après son travail, cette personne ne regagne pas régulièrement son domicile, elle perd sa qualité de frontalier uniquement si, pour une occupation sur toute l'année civile, elle ne re- gagne pas son domicile plus de 60 jours ouvrables en fonction de l'exercice de

son activité ». ' . . ,

Les personnes qui remplissent ces conditions sont ainsi qualifiées comme

« frontaliers » et imposées conformément au paragraphe l de.l'article 15a de la CDI-ALL. Selon cette disposition, l'Etat de résideuce conserve le droit d'imposer le salaire et autres rémunérations similaires qu'un frontalier reçoit au titre d'emploi. En revanche, comme compensation, l'Etat dans lequel le travail est exercé peut prélever un impôt à la source qui ne doit pas excéder 4,5% du mon- tant brut des rémunérations. La double imposition résiduelle est évitée par le mé- canisme prévu au paragraphe 3 de l'article 15a, soit par le système d'imputation . en Allemagne (par. 3 a) et par la réduction du montant brut des rémunérations

d'un cinquième lors de la fixation de l'assiette de l'impôt en Suisse (par. 3 b).

b) Assujettis sèment fiscal élargi aa) Généralités

L'.article 4 par. 4 de la CDI-ALL prévoit un assujettissement fiscal élargi. Selon cette disposition: « [Ijorsqu'une persorme physique, qui, est un résident de Suisse, ne possède, pas la nationalité suisse et à été assujettie de manière illimitée à l'impôt dans-la République fédérale d'Allemagne pendant au moins cinq ans au total, celle-ci peut l'imposer au cours de l'amiée où son assujettissement a pris fin pour la dernière fois et au cours des cinq années suivantes pour les revenus provenant de la République fédérale d'AIIemagne et pour les éléments de for- tune situés dans la République fédérale d'AIIemagne, nonobstant les autres dispositions de la présente Convention »..3 . . •

La Suisse conserve aussi son droit d'imposer les mêmes revenus et les élé- ments de fortune, conforçiément aux règles de partage.de la CDI. La double im- position est atténuée par un système d'imputation mis en œuvre par l Allemagne.

L'assujettissement fiscal élargi ne s'applique pas lorsque la persosne physique est devenue un résident de Suisse afin d'y exercer un emploi salarié effectif pour

2 A l'article4 par. 4 de la Convention.

Mise en évidence par les auteurs.

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le compte d'un employeur auquel elle n'est pas liée, indépendamment de ses rap- ports de service, par un intérêt économique substantiel direct ou indirect sous forme d'une participation ou d'une autre manière. Il en découle que la CDI-ALL traite les frontaliers différemment des autres employés. En effet, si une personne5 qui résidait en Allemagne pendant au moins cinq ans avant de s'installer en Suisse exerce un emploi salarié pour le compte d'un employeur'sis en Suisse, l'assujettissement fiscal élargi ne s'applique pas. Par contre, si une personne qui résidait en Allemagne pendant au moins cinq ans avant de s'installer en Suisse exerce un emploi salarié pour le compte d'un employeur sis en Allemagne, elle continue à être soumise aux impôts allemands sur ses revenus d'emploi.

bb) Qualification de l'impôt perçu par l'Allemagne

L'impôt perçu par l'Allemagne sur la base de l'assujettissement fiscal élargi constitue une sorte d' « exit tax ».7 Comme son nom l'indique, une exit fax est déclenchée lors du changement de domicile fiscal dû à une émigration. En géné- ral, l'impôt sera perçu préalablement au changement du domicile (exit fax ex ante). Cependant, une exit tax peut également être utilisée afin d'étendre l'assujettissement du contribuable au-delà du changement de domicile fiscal (exit tax ex post), comme c'est le cas de la CDI-ALL.

L'exit fax permet ainsi d'imposer un revenu qui serait imposable dans l'Etat concerné si le contribuable ne changeait pas son domicile fiscal. Dans la plupart des cas,-cet assujettissement prolougé s'éteint dans un délai qui varie entre cinq et dix ans. Dans le cadre de la CDI-ALL, le délai est de cinq ans.

La compatibilité des exit tax avec la liberté de circulation est une question con- traversée. En effet, l'article 2 al. 2 du Protocole n°4 à la Convention de sauve- garde des droits de l'homme et des libertés fondamentales prévoit que « [t]oute personne est libre de quitter n'importe quel pays, y compris le sien ». Or, les exit tax peuvent.être interprétées comme un obstacle économique à la liberté de circu- lation. Cependant, ce problème ne se pose pas dans le cadre de la CDI-ALL, étant donné que la double imposition est largement évitée par le système d'imputation.

Ainsi, Vexit tax en question ne risque pas d'alourdir la charge fiscale des contri- buables d'une manière à entraver leur liberté de circulation au sens de l'article 2 al. 2 du Protocole.

Article 4 par. 4 CDI-ALL.

Qui ne possède pas la nationalité suisse.

Ce qui pourrait être le cas des frontaliers.

La CJUE avait analysé la compatibilité de Yexit tax française avec la liberté (rétablissement dans le cadre de l'affaire Lasteyrie du Saillant (CJUE, aff. C-9/02, ECLI:BU:C:2004:138 [de Lasteyrie du Saillant]). Cependant, \'exit tax en question était différente de l'assujettissement fiscal élargi de la CDI-ALL. En fait, il s'agissait d'un impôt sur les gains en capital, qui était dû uniquement en cas de réalisation des biens concernés dans une cer- taine période de temps suivant le changement de résidence. Or, les revenus des contri- buables assujettis d'une manière élargie conformément à l'article 4 par. 4 de la CDI-ALL sont imposés en Allemagne sur les revenus concernés sans qu'une condition préalable soit réalisée. En outre, il ne s'agit pas uniquement des gains en capital mais de tous les revenus provenant d'Allemagne.

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La compatibilité des exit fax avec l'ALCP est une autre question controversée.

L'affaire Bukovansky porte exactement sur ce problème.

2. Affaire Bukovansky a) Faits

Bukovansky possède les nationalités allemande et tchèque. Avant 2006, Buko- vansky résidait en Allemagne, où il était assujetti à l'impôt sur le revenu,tout en travaillant en Suisse pour différentes sociétés appartenant à un groupe pharma- ceutique suisse. En mars 2006, Bukovansky a commencé à travailler, en Alle- magne, pour une société allemande filiale du même groupe pharmaceutique suisse. En août 2008, il a transféré sa résidence à Baie (Suisse) tout en continuant à travailler pour la filiale allemande. Il a été constaté qu'il retournait régulière- ment à son domicile en Suisse depuis son lieu de travail/

Selon Bukovansky à partir du transfert de sa résidence en Suisse, soit août 2008, il devait être imposé en Suisse conformément à l'article 15a de la CDI- ALL.10 Cependant, les autorités allemandes ont fait valoir que ses revenus de- vaient être soumis à l'impôt sur le revenu allemand en application de la règle de l'assujettissement fiscal élargi prévue à l'article 4 al. 4 de la CDI-ALL.11

Bukovansky a fait recours contre cette décision. La Cour allemande compétente a décidé de sursoir à la procédure et de soumettre à la CJUE la question préjudi- cielle suivante: L'assujettissement fiscal élargi de l'article 4 al. 4 de la CDI-ALL, lu conjointement avec l'article 15a de la même Convention, est-il compatible avec les dispositions pertinentes de l'ALCP ?

b) Conclusions de l'Avocat Général aa) Dispositions pertinentes de l'ALCP

L'article 21 al. l de l'ALCP prévoit que « [l]es dispositions des accords bilaté- raux entre la Suisse et les Etats membres de la .Communauté européenne en ma- tière de double imposition ne sont pas affectées par les dispositions du présent

accord ».12

L'article 22 de l'ALCP, intitulé « [r]elation avec les accords bilatéraux dans les matières autres que la sécurité sociale et la double imposition », prévoit que

« [..,] le présent accord n'affecte pas les accords liant la Suisse, d'une part, et un ou plusieurs Etats membres de la Communauté européenne, d'autre part, tels les accords-concernant les particuliers, les agents économiques, la coopération trans- frontalière [...] dans la mesure où ils sont compatibles avec le présent accord. En

CnjE,'aff. C-241/14, ECLI;EU:C;2015:296 (Roman Bukovansky contre Finanzamt Lor- rach).

Conclusions de l'Avocat Général M. Paolo Mengozzi présentées le 30.04.2015, aff. C- 241/14 (Roman Bukovansky contre Finanzamt Lôrrach), cons. 16-19 <http://eur-lex.europa.

eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:62014CC0241> (consulté 18.06.2015), ci-aprês Conclusions de l'Avocat Général.

Avec un impôt à la source de 4,5% en Allemagne selon le même article.

Conclusions de l'Avocat Général, cons. 20-21.

Mise en évidence par les auteurs.

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cas d'incompatibilité entre ces accords et le présent accord, ce dernier pré- vaut».

bb) Raisonnement de l'Avocat Général (l) Sur les relations entre l'ALCP et les CDI

L'Avocat Général commence par rappeler que l'ALCP, en tant que traité intema- tional, doit être interprété, conformément à l'article 31 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, de bonne foi, suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but.15 Or, dans son article 21 al. l, l'ALCP prévoit expressément une exception à sa propre application face aux dispositions des CDI conclues entre la Suisse et les Etats membres de l'Union. Il ressort de la formulation de cette disposition que cette exception est sans condition. Si les parties avaient entendu faire prévaloir l'ALCP sur les dispositions des CDI, elles l'auraient explicité, comme elles l'ont fait dans l'article 22 pour les autres types d'accords bilatéraux.17 A défaut d'une telle clause, l'Avocat Général indique qu'il est plausible de penser que l'intention des parties contractantes était de prévoir une. exception générale et incondition- née.Î8

Sur ce point, l'Avocat Général précise que le but de l'ALCP est de renforcer les liens entre la Suisse et les Etats membres de la Communauté européenne, sans pour autant étendre l'application des libertés fondamentales dans leur ensemble à îa Confédération suisse. Dans leur interprétation de l'ALCP, les Etats membres doivent prendre en compte le fait que la libre circulation des personnes entre l'Union et la Confédération suisse ne coïncide pas forcément avec l'esprit et la finalité des libertés de circulation prévues par les Traités dans le cadre du marché intérieur institué entre les Etats membres de l'Union. Ainsi, examiner la compa- tibilité d'une disposition contenue dans une CDI avec l'ALCP malgré la règle claire de l'article 21 al. l de l'ALCP, serait contraire au but de celui-ci.

A la lumière de cette analyse, l'Avocat Général conclut que l'article 4 par. 4 de la CDI-ALL est compatible avec l'ALCP.

(2) Sur la compatibilité de la disposition qui prévoit un assujettissement fiscal élargi avec l 'ALCP

L'Avocat Général analyse également la compatibilité de l'assujettissement fiscal élargi avec l'ALCP pour le cas où la CJUE interpréterait l'article 21 al. l ALCP d'une manière différente.

13 14 15 16 17 18 19 20

Alinéas l et 2 de l'article 22 ALCP.

Convention de Vienne sur le droit des traités (RS 0.111).

Conclusions de l'Avocat Général, cons. 42.

Idem. cons. 43.

Idem. cons. 46.

Idem.

Idem. cous. 52.

Idem.

163

(7)

(3) Egalité de traitement

Selon l'Avocat Général, l'assujettissement fiscal élargi ne viole pas l'article 9 al.

l de l'ALCP qui prévoit qu' « [ù]n travailleur salarié ressortissant d'une partie contractante ne peut, sur le territoire de l'autre partie contractante, être, en raison de cette nationalité, traité différemment des travailleurs nationaux salariés en ce qui concerne les conditions d'emploi et de travail, notamment en matière de ré- munération [...] ». En fait, l'application de l'article 4 par. 4 de la CDI-ALL em- pêche uniquement le contribuable de bénéficier d'un traitement fiscal plus favo- rable en Suisse. Cependant, il reste soumis au même taux d'imposition qu'il était soumis lorsqu'il résidait en Allemagne.22 En outre, le critère de résidence antérieure constitue un critère légitime de rattachement aux fins de la répartition fiscale entre les Etats contractants.23

L'Avocat Général cite sur ce point l'arrêt Weigel,2'1 rendu en matière d'impôts indirects, mais qui dégagerait un principe applicable à tous les cas en matière fis- cale. Selon l'arrêt, les règles sur la libre circulation ne sauraient garantir à un tra- vailleur que le transfert de ses activités dans un Etat membre, autre que celui dans lequel il résidait jusque-là, serait fiscalement neutre. L'important est de ne pas désavantager le travailleur par rapport à ceux qui étaient précédemment assujettis au même impôt.26

Néanmoins, à notre avis, le cas d'espèce diffère du cas traité dans l'arrêt Wei- gel. En effet, dans le cadre de l'arrêt Weigel, l'impôt indirect était perçu par le nouvel Etat de résidence, soit l'Autriche. Il ne s'agissait ainsi pas d'une exit tax ex post prélevée par l'Etat de résidence antérieure, soit l'Allemagne. Aussi, le mécanisme de l'impôt sur le revenu reste très différent de celui des impôts sur la consommation. Dans l'affaire Weigel, l'impôt était uniquement perçu au moment de l'importation des voitures en question sur le territoire d'Autriche. En re- vanche, dans le cas de Bukovansky l'assujettissement continuera pendant cinq ans suivant le changement de résidence.

Il en découle que l'applicabilité du principe contenu dans l'arrêt Weigel à l'affaire Bukovansky est discutable. En outre « ne pas pouvoir bénéficier du ré- gime fiscal plus favorable de la Suisse » semble justement aboutir à une diffé- renée de traitement de Bukovansky par rapport aux travailleurs suisses.

(4) Non-discrimination

L'Avocat Général examine par la suite la compatibilité de l'article 4 par. 4 de la CDI-ALL avec l'article 2 de l'ALCP qui prévoit que « [l]es ressortissants d'une partie contractante qui séjournent légalement sur le territoire d'une autre partie contractante ne sont pas, dans l'application et conformément aux dispositions annexes I, II et III de cet accord, discriminés en raison de leur nationalité ».

Il conclut que l'assujettissement fiscal élargi prévu par la CDI-ALL ne viole pas le principe de non-discrimination pour les deux raisons suivantes: le critère de

21 22 23 24 25 26

Conclusions de l'Avocat Général, cons. 66.

Idem.

Idem. cons. 67.

CJUE, aff. C-387/01, ECLI.-EU:C:2004:256 (Weigel).

Idem, cons. 54-55.

Idem.

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nationalité peut être utilisé comme critère de la répartition de la compétence fîs- cale et ne doit pas être considéré, en tant que tel, comme une discrimination fon- dée sur la nationalité (i)27 et comme déjà examiné par la Cour dans l'affaire Van Hilten (ii), un assujettissement fiscal élargi qui utilise le critère de rattachement de la nationalité aux fins de la répartition de la compétence fiscale ne peut être considéré comme discriminatoire. A notre avis, les arguments avancés par l'Avocat Général sur ce point sont discutables.

De prime abord, il convient de préciser que l'arrêt Van Hilten porte sur l'impôt sur les successions. La législation nationale concernée, plus précisément le droit hollandais, prévoyait un assujettissement élargi de dix ans. Le but de cette règle était, comme exprimé par la Cour, de limiter les cas d'evasion fiscale, en empê- chant les contribuables de s'installer dans des Etats à fiscalité plus avantageuse dans l'unique but d'éviter ou de diminuer d'une manière significative l'impôt sur les successions hollandais. Sur ce point, force est de constater que le mécanisme des impôts concernés ainsi que les buts visés par les deux assujettissements élar- gis divergent largement. L'impôt sur les successions n'est perçu qu'une seule fois et uniquement si la condition nécessaire, soit la mort du contribuable, survient, tandis que l'impôt sur le revenu est périodique. En outre, l'imposition des revenus d'emploi suite au changement de résidence ne peut poursuivre un but d'éviter les évasions fiscales. Ainsi, l'affaire Van Hilten diverge largement du cas de Buko- vansky.

L'utilisation du critère de la nationalité, en tant que tel, ne saurait en effet constituer une discrimination. Cependant, il convient d'examiner les autres as- pects du principe de non-discrimination afin d'aboutir à une conclusion sur ce point. Les quatre points essentiels du principe de uon-discrimination découlant de la jurisprudence bien établie de la CJUE peuvent être résumés comme suit: pour qu'il y ait une discrimination il faut que des règles différentes soient appliquées à des situations comparables (i); les règles sur la libre circulation des personnes prohibent non seulement les discriminations ostensibles fondées sur la nationalité, mais encore toutes les formes dissimulées de discrimination, qui, par application d'autres critères de distinction, comme la résidence, aboutissent au même résultat (ii); en matière d'impôts directs, les situations des résidents et des non-résidents ne sont en principe pas comparables (iii); si le revenu perçu sur le territoire d'un Etat par un non-résident constitue l'essentiel de ses revenus et la quasi-totalité de ses revenus familiaux, le non-résident en question, qui peut être qualifié comme un « quasi-résident », se trouve dans une situation comparable à celle d'un rési- dent de l'Etat concerné (iv).

Or, le respect du principe de non-discrimination dans le cadre de l'article 4 par. 4 de la CDI-ALL est loin d'être clair. En effet, si tout en étant dans une situa- tion comparable, Bukovansky possédait la nationalité suisse, l'assujettissement élargi n'aurait pas trouvé application. En outre, si Bukovansky avait choisi de tra- vailler pour le compte d'une société sise en Suisse, il n'aurait pas été soumis aux

27 28 29 30

Conclusions de l'Avocat Général, cons. 80.

CJUE, aff. C-513/03, ECLI:EU:C:2006:131 (van Hilten-van derHeijden).

Conclusions de l'Avocat Général, cons. 81.

Voir sur ce point Xavier Oberson/Alara E. Yazicioglu, Droit fiscal européen, in: Epiney/

Diezig (éd.), Annuaire suisse de droit européen 2012/2013, 2013, 156.

165 ^vi, :9t

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impôts allemands. Ainsi, l'application de cette disposition aboutit à une discri- mination de certains frontaliers uniquement, à savoir ceux qui: n'ont pas la natio- nalité suisse (i); travaillent pour le compte d'une société sise en Allemagne (ii) et résident en Suisse (iii). Les autres frontaliers qui se trouvent dans des situations parfaitement comparables, mais qui ne remplissent pas l'une de ces conditions seront soumis aux impôts en Suisse à la place des impôts allemands.

e) Conclusion

A la lumière de l'article 21 al. l de l'ALCP, l'article 4 par. 4 de la CDI-ALL sera fort probablement considéré comme étant compatible avec l'ALCP par la CJUE.

Cependant, si la disposition claire de l'article 21 al. l n'existait pas, la compa- tibilité d'une telle clause avec le principe de non-discrimination aurait été discu- table.

II. Application du principe ne bis in idem dans le cadre des infrac- tions fiscales

Ne bis in idem est un principe de droit pénal, qui peut être défini comme suit:

«[...] nul ne peut être poursuivi ou puni à raison de faits pour lesquels il a été acquitté ou condamné par un jugement définitif».32 La portée de ce principe en matière de fiscalité est controversée. La question préjudicielle adressée à la CJUE ,par les autorités italiennes dans le cadre de l'affaire Burzio33 porte sur le pro- blème d'application de ne bis in idem aux sanctions administratives (amendes fiscales).

l. Faits

Dans le cadre d'une procédure pénale conduite en Italie, Burzio est poursuivi pour une infraction fiscale, au motif que, en sa qualité de représentant légal d'une société, il n'a pas versé, dans le délai imparti pour la présentation de la déclara- tion annuelle de tiers payeur se substituant à l'assujetti, des retenues certifiées concernant l'année d'imposition 2008.

Cependant, ces mêmes faits ont déjà fait l'objet d'une procédure administrative en Italie, au terme de laquelle la contestation de Burzio a été rejetée et sa dette d'impôt, incluant les intérêts ainsi que les pénalités, a été confirmée.3 La déci- sion rendue suite à la procédure administrative est définitive.

Les autorités italiennes ont adressé une question préjudicielle à la CJUE afin de clarifier si la procédure pénale engagée contre le contribuable viole le principe du ne bis in idem, prévu par l'article 50 de la Charte et par l'article 4 par. l du

L'article 4 par. 4 ;'n^ne de la CDI-ALL.

Robert Zimmermann, La coopération judiciaire internationale en matière pénale, 2004, cous.

427.

Aff. C-497/14, (Hûnnebeck/Finanzamt Krefeld), JO 2015 C 34,3.

Ordonnance de la Cour du 15.04.2015 (ci-après Ordonnance), cons. 14.

Idem, cons. 15.

166

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Protocole n° 7, en raison de la procédure administrative déjà conduite et la déci- sion définitive rendue sur l'affaire.

2. Ordonnance de la CJUE

Dans une ordonnance rendue le 15.04.2015, la CJUE s'est déclarée incompétente pour répondre à la question préjudicielle. Selon la Cour, la situation juridique relève uniquement du champ d'application du droit national italien, étant donné que la procédure pénale en cours ne porte pas sur une réglementation nationale mettant en œuvre le droit de l'Union européenne.37 Or, lorsqu'une situation juri- dique ne relève pas du champ d'application du droit de l'Union, la CJUE n'est pas compétente/0 Les dispositions de la Charte ne sauraient, à elles seules, fonder3^

cette compétence.'" Pour les mêmes raisons, la Cour n'est pas non plus compé-39 tente pour interpréter l'article 4 du Protocole n 7 dans le cadre de l'affaire Bur- ZIO.40'

L'étendue du principe ne bis in idem en droit interne doit ainsi être déterminée par les autorités compétentes de chaque Etat membre. Reste à voir comment la Cour italienne interprétera les dispositions invoquées de la Charte et du Protocole n 7 pour résoudre l'affaire concernée.

C. Modifications apportées aux directives européennes

Lors d'un Conseil ECOFIN qui s'est tenu le 08.12.2014, les ministres des fi- nances des Etats membres de l'UE ont adopté deux propositions visant à réduire la concurrence dommageable en matière fiscale et à prévenir les pratiques d'évasion et de fraude fiscale. Ainsi, une clause générale anti-abus a été intro- duite dans la Directive mère-fîlle et le champ d'application de l'échange automa- tique et obligatoire d'informations entre les administrations fiscales a été étendu au-delà des revenus de l'épargne.

I. Clause anti-abus introduite dans la Directive mère-fille

Certains groupes de sociétés exploitaient l'asymétrie du traitement fiscal appliqué aux distributions de bénéfices entre Etats membres et la lacune de la Directive sur ce point afin de générer les avantages fiscaux indus. Le but de la clause nouvel- lement introduite est de mettre fin à ces situations, qui résultaient en une double non-imposition de certains types de bénéfices.

37 38 39 40 4l

Protocole n° 7 annexé à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Ordonnance, cons. 29.

Idem, cons. 31.

Idem.

Idem.

<http://www.europaforum.public.lu/fr/actualites/2014/12/conseil-ecofin/index.html> (con- sulte26.05.2015).

Idem.

167

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Conformément à la clause anti-abus insérée dans l'article 4 par. l lit. a de la Directive, en règle générale, l'Etat dans lequel la société mère est sise doit s'abstenir d'imposer les bénéfices provenant de la filiale. Cependant, si les distri- butions de bénéfices sont fiscalement déductibles dans l'Etat membre où la filiale se trouve, l'Etat de la société mère ne peut pas exonérer les bénéfices reçus par la société mère. Une éventuelle double non-imposition se trouve ainsi évitée.

Il s'agit d'une règle de minimis. Autrement dit, les Etats membres peuvent ap- pliquer des. règles nationales plus strictes tant que celles-ci n'aboutissent pas à une double imposition des bénéfices. Le délai de transposition se trouve fixé au 31.12.2015.

II. Elargissement du champ d'application de l'échange automatique d'informations

L'UE dispose déjà, depuis une dizaine d'années, d'un système d'échange automa- tique d'informations. En effet, dès l'adoption de la Directive sur la fiscalité de l'épargne en 2003, un échange automatique d'informations existe en matière de revenus d'épargne sous forme de paiement d'intérêts. Ce système est en plein développement.

En effet, l'article 8 par. l de la Directive sur la coopération administrative du 11.03.2011 prévoit un échange d'informations automatique et obligatoire aux périodes imposables depuis le 01.01.2014 sur les catégories de revenus suivantes:

revenus professionnels; jetons de présence; produits d'assurance sur la vie non couverts par d'autres actes juridiques de l'Union concernant l'échange d'informations et d'autres mesures similaires; pensions; propriété et revenus de biens immobiliers. Conformément à l'article 29 de la Directive sur la coopération administrative, les Etats membres étaient tenus de procéder à des modifications nécessaires de leur droit interne pour se conformer à l'échange automatique de l'article 8 à partir du 01.01.2015. Il était prévu que la liste des catégories de reve- nus visées par l'article 8 par. l pourrait être étendue dans le futur, au cours de ou après 2017, aux dividendes, plus-values et redevances.

En date du 12.06.2013, la Commission européenne a proposé d'inclure dans la liste des catégories faisant l'objet d'un échange automatique d'informations les revenus suivants: les dividendes, les plus-values ainsi que toutes les autres formes de revenus financiers et les soldes des comptes.46 Le but était de réviser la Direc- tive sur la coopération administrative, de sorte que l'échange automatique d'informations s'applique, à partir de la même date que les autres revenus, soit le 01.01.2015, à ces revenus récemment inclus.

Le du 14.

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45 46

Directive 2003/48/CE du Conseil du 03.06.2003 en matière de fiscalité des revenus de l'épargne sous forme de paiements d'intérêts, JO 2003 L 157, l.

Directive 2011/16/UE du Conseil du 15.02.2011 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal, JO 2010 L 84, l.

Article 8 par. 5 de la Directive sur la coopération administrative.

Communiqué de presse du 12.06.2013 de la Commission européenne. Lutte contre la fraude fiscale: la Commission propose un champ d'application maximal pour l'échange automa- tique d'informations au sein de l'Union, l.

Idem.

VSso IÊS1.

168

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Le Conseil EÇOFIN a donné son accord à cette proposition lors de la session du 14.10.2014. L'échange automatique et obligatoire d'informations au sein de l'UE se trouve ainsi étendu aux intérêts, dividendes et autres revenus financiers, ainsi qu'aux soldes de comptes et aux produits de ventes d'actifs financiers. En revanche, ces revenus n'ont pas été inclus à la liste à compter du 01.01.2015. Les Etats membres, dont le Luxembourg, disposent d'un délai de transposition jusqu'à septembre 2017, à l'exception notable de l'Autriche qui a obtenu un délai

supplémentaire d'une année, soit jusqu'à septembre 2018.

D. Développements récents dans les relations entre la Suisse

et PUE

I. Déclaration commune sur la fiscalité des entreprises

Le 14.10.2014, la Suisse et l'UE ont signé une déclaration commune sur la fisca- lité des entreprises. Ce sujet causait des tensions depuis une dizaine d'aimées, notamment à partir de la décision du 13.02.2007 de la Commission européenne.

Dans cette décision, la Commission avait considéré que trois régimes fiscaux can- tonaux de fiscalité des sociétés, nommément holding, auxiliaire et mixte, étaient contraires à l'Accord de libre-échange de 1972 entre la Suisse et l'UE. Depuis, les deux parties n'étaient pas en mesure de trouver un compromis et l'UE mena- çait la Suisse de prendre d'importantes mesures de rétorsion.

La déclaration commune a ainsi mis fin à cette controverse. Dans cette déclara- tion, le Conseil fédéral a confirmé sa volonté d'abroger certains régimes fiscaux dans le cadre de la troisième réforme des entreprises, notamment ceux qui pré- voient une différence de traitement entre les revenus de source suisse et les reve- nus de source étrangère (« ring-fencing »).

II. Accord sur l'introduction de l'échange automatique de rensei- gnements

Le 19.03.2015, la Suisse et l'UE ont paraphé un accord sur l'introduction de l'échange automatique de renseignements. Conformément à cet accord, la Suisse et l'UE pourront échanger des données bancaires à partir de 2018, après l'entrée en vigueur des bases légales nécessaires. L'accord a été signé le 27.05.2015.

<http://www.europaforum.public.lu/fr/actualites/2014/10/conseil-ecofin-eai/index.html>

(consulte27.05.2015).

<https://www.sif.admin.ch/sif/fr/home/themen/interûationale-steuerpolitik/untemehmensbes teu-emng/eu-untemehmenssteuerdialog.html> (consulté 27.05.2015).

Idem.

Confer: <http://www.efd.admin.ch/themen/wirtschaft_waehmng/02779/index.html?lang:=fr>

(consulte27.05.2015).

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