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a (personne de l analyste)

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Texte intégral

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10-05-2012

… commence par la question de la place de l’analyste, la place de l’analyste dans le transfert, qui est le sujet du séminaire : où se situe-t-il mais aussi où l’analysé le situe-t-il ? Comment est-ce que l’analysé et l’analyste se situent l’un par rapport à l’autre ? On peut sûrement dire qu’il n’y a pas de place unique ou univoque ni pour l’un ni pour l’autre. Et c’est me semble-t- il la raison pour laquelle Lacan est opposé à cette théorie du transfert et du contre-transfert.

Ce n’est pas qu’il ignore que l’analyste peut avoir un contre-transfert ou même doit avoir un contre-transfert, ce n’est pas ça la question, c’est que en parlant de transfert et de contre- transfert, on donne l’idée qu’on pourrait situer l’un par rapport à l’autre dans une relation duelle, où il y a deux places. A la place de cela, on peut exposer très clairement ce qu’il nous propose : il ne dénie pas le fait qu’il y ait du contre-transfert et du transfert a fortiori mais il refuse d’éclairer le transfert par cette question du contre-transfert. Et c’est ce qu’il introduit notamment dans La direction de la cure, qui est un écrit antérieur, mais enfin qui est en jeu dans la question du transfert et où il parle du bridge psychanalytique càd que l’analyste a au moins deux places qui ne peuvent pas coïncider et l’analysé a également deux places qui ne peuvent pas coïncider. Donc il y a au moins quatre places et pas deux places.

On peut spécifier ces quatre places et dire que d’une part l’analyste est ce qu’il est, avec ses sentiments, son affectivité, etc. et d’autre part il est aussi à une place que l’analysé lui prête, qui ne correspond que très vaguement à la réalité. Donc il y a cette divergence propre à l’analyste, de même qu’il y a une divergence propre à l’analysé puisque d’une part il y a la personne qu’il sait être et d’autre part il y a la question de ce qu’il est, au fond, en tant que sujet dans l’inconscient. Donc on peut mettre en place ces quatre places dans le schéma L que vous connaissez : on peut dire qu’à première vue, il y a la personne de l’analyste telle qu’elle est en face de l’analysé ( axe a’-a), donc il y a une espèce de face à face duel, en miroir pourrait-on dire, de l’analysé et de l’analyste, c’est à ce niveau-là qu’il peut y avoir un transfert et un contre-transfert, mais là, on ne fait qu’expliciter une relation purement duelle, imaginaire, normale, quelconque, d’une personne en face d’une autre – en face d’une autre, c’est pour cela que précisément en analyse on évite la relation de face à face. Donc il y a ces deux personnes imaginaires dont l'un a un transfert et l'autre un contre-transfert (l'un par rapport à l'autre) mais ça c'est ce qui se joue dans toute rencontre humaine mais il y a plus puisque l’analysé n’est pas sans la dimension du grand Autre et il n’est pas non plus sans un sujet problématique qu’il ignore, le sujet de l’inconscient.

Sbarré a’(personne de l’analyste)

a(nalysé) A

Donc on peut dire que les places se répartissent en deux, c’est moi qui met la limite pour que vous voyez mieux qu’il y a à gauche ce qui concerne l’analysé et à droite ce qui concerne l’analyste.

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Donc vous avez ici une partie à quatre, et pas une partie à deux. Si vous dépliez ou plutôt si vous détordez ce schéma, vous voyez le schéma qui est un carré, donc vous voyez bien que comme au bridge, a’ et A jouent ensemble et a et Sbarré jouent ensemble.

Déplié : a’ Sbarré

a Autre

Ce que doit faire l’analyste, dit Lacan, c’est qu’il doit faire le mort en la place de a’, càd qu’il n’a pas à répondre aux demandes en tant que personne réelle, donc il n’a pas à répondre de ces questions de contre-transfert qui viendrait troubler la chose et replonger la relation dans quelque chose d’absolument imaginaire. Donc l’analyste, en tant qu’il est à cette position du grand A, en tous les cas qu'il soutient cette position, joue avec le mort de telle sorte, non pas de gagner la partie, mais que l’analysant puisse découvrir non pas la relation imaginaire qu’il y aurait avec l’analyste, mais qu’il puisse découvrir ce qu’il y a du côté de l’inconscient, càd ce qu’il y a du côté de Sbarré. Je pense que la situation, on le voit, est d’une part complexe puisqu’il y a cette division tant de la place de l’analyste que de la place de l’analysé et on voit que ça ne correspond absolument pas à la polarité transfert – contre-transfert. Même si Lacan sait aussi bien que quiconque qu’il y a du contre-transfert, mais ce n’est pas en mettant ça à l’avant qu’on va s’en sortir, au contraire, en accentuant le transfert et le contre- transfert, càd cet axe a-a’, on va nécessairement dans une relation d’adaptation, rationnelle, bien équilibrée, tout ce qu’on veut mais on ne met pas en question, on ne met pas en jeu la place du grand Autre et on ne va pas non plus découvrir forcément la place du S barré (389).

Ceci donc pour le propos général du séminaire, que Lacan réévoque au début de cette séance. Ici, on peut même aller plus loin et dire avec Lacan qu’on peut voir ça comme au bridge, ils jouent les uns après les autres et on voit bien que l’analyste doit jouer en se taisant à cette place (en a’) et qu’il ne va pas précisément se précipiter là-dessus pour ne pas accentuer cet axe-là, donc il va faire le mort à cette place pour que quelque chose puisse apparaître ici, en A

- Qui joue avec qui, en fait ?

- Donc l’analyste joue avec l’analyste, A avec a’, donc quand je tords le schéma comme il est dans le schéma L, toute la partie droite, c’est l’analyste, la partie gauche, c’est l’analysé. Si on le détord, si vous parcourez cette figure, vous voyez bien que chacun joue à son tour. Chacun joue à tour de rôle, c’est une fois une place de l’analysé, une fois une place de l’analyste, etc.

L’important me semble-t-il, c’est de bien situer que l’analyste doit faire le mort, càd ne pas répondre à la demande, à une demande qui est toujours imaginaire pour mettre en jeu précisément quelque chose d’autre, d’inouï, d’inconnu – c’est naturellement là la grosse différence avec la psychothérapie où on est supposé savoir et où on arrange les choses…

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Si on expose ainsi les choses, est-ce que l’analyste devrait savoir ? Quand on a ce schéma au tableau, on a l’impression que l’analyste devrait savoir la place où il devra se mettre, en tous les cas vers laquelle il tend. Puisque nous tendons donc vers une certaine place, telle qu’elle est exposée ici – même si ici ça date de quelques années auparavant, trois ans auparavant, La direction de la cure, c'est écrit en 1958. Mais ici, Lacan pose la question : est-ce que l’analyste devrait avoir un idéal de la position de l’analyste ? Donc il y a cette notion d’un idéal de l’analyste et c’est dans cette optique là qu’il fait remarquer que cet idéal, ça dépend bien sûr d’un groupe. Du groupe de psychanalystes, ou de la psychanalyse ou du mouvement psychanalytique. L’analyste fait partie d’un groupe et plus précisément d’une masse et Lacan se réfère directement à son écrit de 1921, Massenpsychologie und Ich-Analyse, La psychologie des masses et l’analyse du moi. Lacan fait remarquer que c’est écrit en même temps que le début de la deuxième topique en 1920. Lacan commente d’ailleurs ironiquement dans la séance un peu plus loin, ce titre, Analyse du moi et psychologie des masses, en renversant et en disant Psychologie du moi ( càd une déviation de la psychanalyse) et l’analyse des masses.

Faire partie d’une masse, ça ne veut pas dire recevoir le brevet, la reconnaissance de la masse elle-même. Faire partie d’une masse, suivant l’écrit de Freud lui-même, ça veut dire poser la question de l’idéal, l’idéal qui fait fonctionner la masse. Et Freud, fait remarquer Lacan, a écrit cet article ou ce petit livre, Analyse du moi et psychologie des masses, au moment où il organisait la société de psychanalyse, en vue de mettre en place un certain idéal. On peut faire remarquer d’ailleurs à ce propos-là que Lacan dira que en organisant cette société et l’IPA, Freud a figé ses dits, càd ce qu’il avait dit réellement et que son dire a été oublié. Et Lacan aura comme prétention précisément de retrouver, de redégager le dire qui est impliqué dans cette fondation-là plutôt que les dits de Freud (qu'on répète), les dits que Freud a fixé dans cette société de psychanalyse. Donc avec cela est posée la question de cette notion de l'idéal du moi de l'analyste : quel est l'idéal du moi de l'analyste ? Qu'est-ce que doit être un analyste idéalement ? C'est pour cette question de l'idéal du moi que Lacan reprend l'article (393) de Ludwig Jekels et Edmund Bergler, « Transfert et Amour » (sur internet, les Luxembourgeois l'ont traduit...). Cet article date de 1933, il a été prononcé à la Société psychanalytique de Vienne et il a été publié l'année d'après. Cet article différencie amour et transfert, donc l'amour, ce n'est pas la même chose que le transfert. C'est différent.

On voit déjà peut-être une différence avec ce qu'on a vu jusqu'à présent, dans l'introduction de ce séminaire. Et puis une autre différence c'est que l'idéal, ce n'est pas le surmoi.

Je vous propose un résumé succinct de cet article qui est composé de 7 paragraphes qui sont d'importance en nombre de page et en contenu fort différent. Je vais reprendre ces 7 points les uns après les autres.

Le premier point s'appelle le prodige de l'investissement de l'objet. Ce premier point part de la théorie de Freud de l'introduction du narcissisme. Si la libido est essentiellement narcissique, si le moi s'aime lui-même, pourquoi est-ce que le moi va sortir de lui-même pour aimer un objet ? C'est absolument inattendu, il n'y a aucune raison puisqu'il est si bien avec lui-même... C'est ce que les auteurs appellent le prodige de l'investissement de l'objet.

Comment ça se fait qu'il va se mettre un jour à sortir puisqu'il est si bien chez lui ? La réponse de Freud, on peut dire que c'est dans le sens d'éviter un trop grand (amassement) de libido à l'intérieur, cette stase de la libido produit du déplaisir donc il est obligé de s'en dégager, de sortir de lui-même vers l'objet. Donc le premier paragraphe annonce très clairement que les

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auteurs se situent dans l'optique du narcissisme de Freud et on voit bien sûr pourquoi et comment à ce niveau-là Lacan s'oppose d'une certaine façon à cette lecture freudienne qui part de Pour introduire le narcissisme... Ils s'inscrivent d'une façon assez radicale dans l'optique du narcissisme freudien et dans le narcissisme premier fondamental, d'une libido essentiellement narcissique.

Le 2ème paragraphe s'appelle le vouloir être aimé. Et au fond leur thèse c'est qu’aimer, c'est vouloir être aimé. Ça va naturellement d'une certaine façon de pair avec ce que Lacan dit que l'amour est toujours réciproque : l'aimer va de pair, au moins problématiquement avec le vouloir être aimé et ils expliquent cela parce que aimer va toujours de pair avec la peur du manque de l'objet. Il y a cette angoisse de perdre l’objet, cette angoisse de la séparation, du danger de la séparation, et donc forcément cette séparation et cette angoisse, elle est conjurée par le fait que l'autre aimerait aussi – il ne voudrait pas non plus qu'il y ait séparation et donc il y aurait une certaine unité narcissique qui pourrait être maintenue.

Le troisième paragraphe, qui est peut-être le plus important, part du développement du surmoi. Les auteurs font remarquer que Freud a d'abord développé la question de l'idéal du moi, notamment dans Pour introduire le narcissisme. Que l'idéal du moi se présente, on pourrait dire de façon d'abord positive : ce que je dois être, le meilleur que je peux être. Ce n’est que secondairement, notamment à partir d'Au-delà du principe du plaisir, et dans Psychologie des masses et analyse du moi, c'est seulement à partir de là qu'il y a cette notion de la pulsion de mort et de l'agression qui apparaît et va se développer non plus l'idéal du moi mais le surmoi. Le surmoi en tant que là, c'est une puissance destructrice répressive, qui a une fonction quand même plutôt négative alors que l'idéal du moi avait une fonction positive. Néanmoins, surmoi et idéal du moi continuent à coexister. Et même, à partir de là il y a deux racines à la formation de l'idéal du moi qui fait que l'idéal du moi apparaît comme un mixte de quelque chose de positif, d'une tendance libidinale positive et d'autre part de quelque chose qui relève de l'agression et de la pulsion de mort.

A partir de ce mixte des deux, il est intéressant bien sûr de faire dériver, c'est à partir du fait qu'on reconnaît cette pulsion de mort, d'agressivité contre soi-même, il est important de pouvoir faire dériver sur des objets l'agressivité qui autrement serait uniquement portée contre le moi. Donc la pulsion de mort peut être dérivée vers les objets. Du côté de l'idéal du moi, le sentiment de la toute-puissance, de pouvoir conserver la maîtrise de la libido, etc. va dans le sens positif de l'idéal du moi.

La question cruciale c'est toujours la question de la perte de l'objet et de l'angoisse que ça pourrait produire. Pour ne pas perdre l'objet, un des systèmes, c'est de s'identifier à l'objet.

Une fois que vous êtes identifié à l'objet, vous l'avez avec vous sous la main continuellement.

Cette identification à l'objet va de pair avec l'idéal du moi, puisque c'est ça l'idéal du moi auquel on s'identifie et cet objet aimé supposé parfait. Mais ça va de pair, disent les auteurs, avec une désexualisation. Une désexualisation qui est l'action de la pulsion de mort précisément sur le côté sexuel. On s'identifie à l'objet aimé et en même temps on le désexualise, la question de la sexualité se perd. Donc les auteurs disent que sous l'influence de la pulsion de mort, de Thanatos, le moi se libère du sexuel qui est en jeu dans la pulsion orale, dans la pulsion anale, dans la pulsion urétrale et ils donnent à cette pulsion une valeur non sexualisée, une valeur désexualisée, càd une valeur fonctionnelle, la pulsion orale se sera mise au service des besoins de manger, la pulsion anale au service des besoins d'excrétion et urétrale, la même chose. Ils rapportent ça à la période de latence. Donc on voit

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que tout pour eux se joue à partir d'une espèce de mixte qui est l'idéal du moi et qui comporte ces côtés positif et négatif. Il faut remarquer que dans la névrose, cette désexualisation et cette identification ne se fait pas bien et qu'au contraire le névrosé resexualise ces fonctions, il resexualise les fonctions orale, anale et urétrale, suivant les cas plus ou moins l'une ou l'autre fonction. Par contre il désexualise la question du génital. On voit par exemple le névrosé qui est impuissant, qui est frigide.

Donc les auteurs promeuvent ça pour avancer un idéal qui est au fond un composite, une zone intermédiaire, neutre, à partir duquel on peut aller dans un sens ou dans un autre. Ils disent que c'est comme ça, que c'est par l'intermédiaire de cet idéal du moi qu'on peut expliquer la transformation directe d'affects en leur contraire, càd comment est-ce qu'un amour peut tout d'un coup virer en haine : ce serait, selon ces auteurs, par le fait qu'il y a une énergie – je pense que le terme d'énergie est fondamental, vous saisissez aussi d’ailleurs que dans le texte Pour introduire le narcissisme, l'énergie est le terme central, la question de l'énergie, de la libido est vue comme une accumulation, une stase d'énergie. Donc il y aurait une énergie indifférenciée, déplaçable soit du côté de l'amour, soit du côté de la haine. Ils font remarquer qu'il y a ce composite de deux pulsions opposées et que le surmoi aussi d'ailleurs est à deux faces : le surmoi, ça peut être « tu dois », positivement, ce serait dans le sens positif de l'idéal du moi, ou il y a le côté absolument négatif « tu ne peux pas, il est interdit de- ».

Donc ils disent qu'il faut tenir compte de cet idéal du moi qui peut fonctionner à des fins opposées, soit pour soutenir le moi soit pour l'attaquer.

Le quatrième paragraphe s'appelle Amour et sentiment de culpabilité. Tout comme le surmoi, ou tout comme le côté composite de l'idéal du moi, on peut dire que l'amour est aussi l'expression – pour ces auteurs - de la lutte entre deux pulsions originaires. Donc l'amour se définit par le fait qu'il y a un objet extérieur, ce qui suppose bien sûr la haine de l'objet, mais il y a plus : il y a la projection de l'idéal du moi sur l'objet et en plus de ça il y a la réintrojection de l'idéal ainsi projeté dans le moi. Donc l'amour, disent ces auteurs, représente une tentative pour restaurer l'unité narcissique menacée, pour refaire ce narcissisme qui est menacé par l'angoisse de perdre l'objet et l'angoisse de perdre l'objet, c'est toujours, disent-ils, en fonction d'un sentiment de culpabilité, d'être coupé de l'objet en fonction de la culpabilité propre au surmoi destructeur.

Donc ce que ces auteurs disent, c'est que tout amour dépend du sentiment de culpabilité, c'est une espèce de guérison du sentiment de culpabilité et la restauration d'une unité narcissique menacée.

En ayant ainsi présenté l'amour, ils peuvent différencier l'amour du transfert. Ils vont faire remarquer que le transfert apparaît comme quelque chose d 'inévitable et notamment ils font remarquer que le transfert peut se jouer indépendamment du sexe, indépendamment de l'âge, indépendamment de la beauté ou des qualités de l'analyste. En plus de ça, ils font remarquer que ça a une temporalité, (même pas une temporalité,) ça a une impétuosité éventuellement fulgurante, que le transfert peut déjà s'installer avant que l'analysant ait rencontré l'analyste, dans la salle d'attente alors qu'il ne l'a jamais vu.

A partir de ces éléments, ils disent que le transfert c'est quelque chose de tout autre que l'amour. Malgré cette description, on peut naturellement rester quand même relativement sceptique sur les caractères différenciant l'amour et le transfert, il me semble qu'on peut voir aussi dans l'amour des choses qui ne tiennent pas nécessairement compte ni du sexe ni de l'âge ni des qualités de la personne, ni de la temporalité où les gens réfléchissent bien avant

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de prendre... Donc on en pense ce qu'on veut mais la grande différence, elle est, au fond, pour ces auteurs, elle est métapsychologique : dans l'amour, seul l'idéal du moi est projeté, avec son côté positif marqué. Tandis que dans le transfert, tout le surmoi est projeté, avec son côté destructeur, etc.

De nouveau, je pense qu'on peut quand même émettre des réserves quant à leur explication mais on voit où ça va : l'amour c'est une affaire d'idéal du moi, positif, qui est projeté, tandis que dans le transfert il y a tout le surmoi avec son côté destructeur et cette pulsion de mort.

Dans le cinquième paragraphe, qui est beaucoup plus petit, ils parlent de la fiction autarcique, ce qui n'est au fond qu'une reprise de la thèse freudienne du narcissisme, le moi infantile baignerait avec délices dans l'illusion de sa toute-puissance. Donc je passe sur ce 5ème paragraphe.

Le sixième paragraphe s'appelle Supplément au problème du transfert et se réfère notamment aux Remarques sur l'amour du transfert (1915), où Freud dit que le transfert et l'amour c'est la même chose, et Jekels et Bergler disent qu'au fond, il faut distinguer le transfert positif qui est, lui, identique à l'amour et le transfert négatif qui est lui identique à la haine et donc le transfert est essentiellement ambivalent.

Le septième paragraphe parle de la double fonction des objets, qui est d'abord une tentative de restitution narcissique, dans le sens positif, et d'autre part une décharge d'agression. On reconnaît l'objet qui est d'abord ce qui est haï et qui est rejeté par après, rejeté par le moi en dehors de lui et qui est comme ça créé, ce qui est rejeté hors de lui le crée comme objet mais en même temps cet objet peut servir de lieu de projection de l'idéal du moi et puis de restitution narcissique pour autant qu'on parvienne à aimer cet objet.

Voilà donc un aperçu de cet article dont vous voyez qu'il est quand même tout entier centré autour d'une métapsychologie freudienne, centré autour du narcissisme et de la dualité des pulsions.

Alors revenons à la question de Lacan : quelle est la place de l'analyste ? Quelle est la place idéale de l'analyste ? Qu'est-ce que le groupe psychanalytique imagine comme idéal de l'analyste ? Et une deuxième question aussi, l'analyste est éventuellement mis en place d'idéal par l'analysé, ce qui est naturellement encore tout autre chose. Donc que veut dire idéal et que veut dire idéal du moi ?

Lacan insiste sur la difficulté de situer le déterminant de l'idéal, ce qui déterminerait l'idéal ou bien ce qui déterminerait quelque chose comme idéal. Donc il y a deux choses différentes : on peut dire on parle d'abord d'idéal, c'est l'idéal du moi ou on parle du moi et on voit le moi comme ce qui était idéal. Il fait remarquer bien sûr qu'en allemand, Ich Ideal, ça veut dire idéal du moi, puisque quand on veut expliquer ce que c'est l'idéal, on met le déterminant avant. En français, on fait le contraire, on met le déterminant après. Tandis que l'Ideal Ich, c'est le moi idéal, on parle du moi et on le détermine comme idéal.

Donc il y a deux termes fort différents, dit Lacan, qu'on peut décrire d'un point de vue psychologique éventuellement. Dire par exemple que l'idéal du moi, c'est plus du côté symbolique et le moi idéal c'est plus du côté imaginaire. Et puis on peut faire des petits exemples à ce niveau-là pour illustrer ces différenciations.

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Mais ce qui importe pour Lacan, c'est de trouver la structure de leur différence, donc de ne pas en rester à une description de ce qui les différencierait, ce qu'il s'agit de faire, c'est de voir la structure de leur différence.

Alors est-ce que l'analyste est mis en place d'idéal du moi ? Lacan dit que ça peut arriver, ça arrive éventuellement facilement dans une analyse que l'analyste soit mis à cette place mais il semble quand même qu'il ne peut pas rester à cette place à la fin de la cure. Malgré les théories de la fin de la cure qui disent que la fin de la cure, c'est l'introjection du surmoi de l'analyste, ou c'est l'introjection de l'idéal du moi de l'analyste, ou c'est l'introjection du moi fort de l'analyste.

Donc la question de l'idéal du moi en tant que l'analyste est éventuellement mis à cette place-là, est une question complexe puisque on peut donner des descriptions mais dans la structure, c'est quelque chose qu'il faut différencier très précisément malgré qu'il y ait un glissement sémantique continuel d'une des notions sur l'autre. Càd on prend l'idéal du moi pour le moi idéal, on glisse aussi de l'idéal du moi vers le moi, et Lacan fera remarquer que précisément quelques années après cet article de Jekels et Bergler, qui date de 1933, quelques 15 – 20 ans après, on ne parle plus de l'idéal du moi propre à l'analyste, on parle du moi de l'analyste. On a remplacé l'idéal du moi par le moi de l'analyste et le moi fort, càd celui qui sait bien gérer les choses, au niveau génital, etc. L'analysant devrait s'identifier en fin de cure non pas simplement à l'idéal du moi, non pas simplement au surmoi mais même au moi fort de l'analyste. Donc le moi idéal, ce n'est pas simplement un moi idéal, l'idéal du moi ne serait pas simplement un idéal du moi, ce serait un moi idéal et le moi idéal serait en plus déjà réalisé dans l'analyste, l'analysant n'aurait plus qu'à imiter l'analyste d'une façon ou d'une autre.

Or Lacan insiste précisément pour ne pas rentrer là-dedans, dans ces glissements mais pour au contraire dégager la structure. Et il se réfère à l'inconscient tel que Freud l'a dégagé dans les premières années du vingtième siècle et il fait remarquer que ça fonctionnait très bien (394): quand on donnait des interprétations, ça avait le plus souvent des bons effets, tout allait bien. Mais il fait remarquer que par là, nous n'avons que les effets de nos discours, les effets d'un discours, momentanés, de cette époque-là. Parce que ça marche pendant un certain temps et puis ça ne marche plus, l'inconscient s'adapte et il commence à résister, comme les bactéries résistent aux antibiotiques, après un certain temps. Elles sont tout à fait bien habituées : on pourrait dire que l'inconscient s'est habitué lui aussi et il est devenu insensible aux interprétations classiques. Même si Freud, dit Lacan, aurait dit dans les Ecrits techniques profitons de l'ouverture de l'inconscient, parce que bientôt il aura retrouvé un autre truc et donc nos interprétations n'iront plus, ne fonctionneront plus; donc on devrait se précipiter, donc il y a cette idée qu'il y a cette ouverture de l'inconscient et puis on voit chez Lacan cette idée aussi que cet inconscient se referme très rapidement non seulement dans l'histoire ou le discours freudien classique, les interprétations freudiennes du début du 20ème siècle ne fonctionnent plus mais même l'inconscient s'ouvre, l'espace d'un instant et puis se referme tout de suite, c'est exposé dans les Quatre concepts : quelque chose qui apparaît et puis hop ! qui disparaît. La personne raconte un rêve et puis vous essayer de le reprendre par après mais c'est tout à fait perdu, non seulement elle a oublié mais vous aussi et vous avez perdu le fil, tout ça s'est échappé d'autant plus facilement que vous essayez de rationaliser les choses.

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Donc il y a cette question d'ouverture et de fermeture de l'inconscient, ce qui a d'ailleurs poussé à la technique lacanienne des séances brèves : on peut penser que ces séances brèves, c'est aussi un effet de discours à un certain moment inventé par Lacan, ce n'est pas la réponse, bien sûr, « type » à l'inconscient.

Donc on a des effets de discours mais ces effets de discours cristallisent et opacifient le discours et la structure et donc il s'agit de retrouver la recherche de la structure du discours.

A ce niveau-là, je vais me permettre un petit excursus : on connaît cette théorie des quatre discours, le discours hystérique, le discours du maître, le discours de l'universitaire et le discours de l'analyste. On a cette notion des quatre discours, on a cette notion de la ronde, comment ils fonctionnent, etc. Lacan se pose quand même très vite la question, remettant en cause sa propre théorie, me semble-t-il, dans D'un discours qui ne serait pas du semblant.

Càd un discours qui ne correspondrait pas à cette structure, qui ne correspondrait pas à ce truc des quatre discours : c'est toujours la question que Lacan pose. Donc on a à partir de là une nouvelle façon d'aborder les discours qui n'invalide sans doute pas totalement les 4 discours mais qui quand même relativise tout à fait cette schématisation à outrance, puis ce sera naturellement la question de l'écriture qui sera introduite par-là et la question de la topologie. Peu importe. A propos de discours, je vous rappelle que mardi je présente mon livre à Livre ouvert, vous êtes bien sûr les bienvenus. C'est dans ce sens-là que le discours analytique n'est pas repérable comme quelque chose qu'on pourrait saisir, tenir en main et puis croire qu'on l'a : interroger la structure, c'est autre chose que simplement mettre des points d'appui fixes sur lesquels on pourrait tenir, faire tenir tout un...

Donc on pourrait dire tout change et on sait que dans la psychanalyse on insiste sur ce côté qui est toujours changeant, sur ces nouvelles pathologies, on peut multiplier ces nouvelles pathologies, les points d'appui de ces nouvelles pathologies. Ce qui me paraît plus important , c'est quand même ce que Lacan fait continuellement, c'est de questionner qu'est-ce qui fait la cure analytique, quelle est la structure de la cure analytique, ou encore quelle est la direction de la cure. La direction de la cure, ce n'est naturellement pas d'étaler un certain nombre de stades qu'il faudrait suivre pour arriver à une fin type comme l'introjection du moi de je ne sais trop qui. Donc la direction de la cure, c'est précisément, me semble-t-il la fonction de relance propre au désir et c'est ça que Lacan recherche dans la question du transfert. Si l'analyste doit se taire à la place du mort, c'est précisément pour libérer l'autre place, la place de Sbarré et la place du grand Autre, qui restent totalement inconnus et non fixés ponctuellement.

Donc Lacan dit bien qu'il y a une structure stable et puis il parle de structure stable – j'ai presque dit structure sable, c'est tout dire, les sables mouvants... ! Et il parle de fait dans ce texte-là d'ondes stables, ce qui est aussi très problématique, on peut voir, on peut imaginer peut-être une particule stable dans la physique... mais une onde stable, c'est naturellement beaucoup plus difficile à imaginer, c'est presque une expression oxymorique.

Donc ce sont des points stables mais des points stables qui valent en fonction d'un mouvement qu'il est impossible de déterminer entièrement. Si on précise ça, c'est au moins pour dénoncer un certain nombre de mirages dont le moi fort. Le moi fort, càd le moi de l'analyste par exemple, qui pourrait servir de point de repère.

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Une des faces du séminaire de Lacan pourrait s'appeler Psychologie du moi et analyse des masses, càd analyse de la masse mouvante de l'action analytique et la psychologie du moi se réduit à quelque chose de stades mis dans un coin et qui n'a pas tellement d'importance.

Dans cette optique-là, il va parler de l'action analytique mais en même temps de toute action humaine. Donc là, dans ce séminaire Le transfert, on a une avancée qui va aller jusque

« L'acte analytique », au-delà de l'acte analytique, qui va déboucher sur les Quatre discours – qui sont des mises en musique, on pourrait dire de L'acte analytique, puisque aux 4 places de l'acte analytique vont correspondre les 4 places des discours, enfin, je ne vais pas m'avancer là sinon je m'écarte trop du sujet. Mais donc toute action humaine, dit-il, est toujours impliquée dans la tentative, dans la tentation de répondre à l'inconscient (396-397).

Autrement dit, quand il parle d'action authentiquement humaine, il n'entend pas une action programmée par le moi, qui se dirait je vais faire ceci donc je vais programmer mon action donc en avant... passons à l'acte : ce n’est pas ça du tout. Ce qu'il y a de sous-jacent dans toute action humaine, c'est l'acte, l'acte en tant qu'il n'est pas programmable, la programmation manque, qu'il y a quelque chose qui part de l'inconscient et que je ne saisis pas et qui débouche sur quelque chose qui me dépasse.

A fortiori, l'action analytique, ce à quoi nous avons affaire, et dans ce séminaire bien sûr, ce n'est pas une action programmée, d'aucune façon. Plutôt, ce qui est programmé c'est précisément la mise entre parenthèses de l'imaginaire càd la mise entre parenthèses de ce qui serait une programmation. C'est de nouveau le cadre du bridge analytique où l'analyste fait le mort à la place de l'objet ou de la personne qui saurait programmer ces petites paroles, ces petites idées, ces contre-transferts, etc. Ce dont il s'agit c'est précisément de faire taire ça pour que il y ait ce lieu de l'inconscient qui puisse parler à partir du grand Autre et provoquer la venue du Sujet barré.

Donc l'action analytique est une tentative de répondre à l'inconscient par excellence. Et, dit Lacan, c'est visible dans l'acting out : l'acting out, c'est le type même d'action analytique, c'est le type même qui manifeste l'action analytique. On peut bien sûr éventuellement dire que l'acting out, c'est l'effet de nos conneries, dit Lacan, càd des choses qui ont été faites à côté par l'analyste, on a l'exemple classique dans l'histoire des cervelles fraîches dans La direction de la cure, l'analyste fait quelque chose de travers et l'analysant lui répond par l'acting out qui le remet en principe sur la bonne voie, s'il veut bien faire attention. Ou on pourrait dire que l'acting out, c'est une rechute du sujet, vous pouvez retomber dans un symptôme. Mais tout ça ce sont des explications particulières, secondaires, par rapport à la tentative de répondre à l'inconscient.

Je pense que quand il dit que l'action analytique c'est la tentative de répondre à l'inconscient, vous saisissez que ça répond tout de suite au schéma du bridge analytique. Donc le sujet exige une réponse plus juste càd plus conforme à l'inconscient, en tenant compte de l'inconscient.

Comment est-ce qu'on peut expliquer ce fait de tenir compte de l'inconscient ? Lacan recite la Versagung – qu'il ne faut pas traduire par frustration, comme je le disais la fois précédente, mais on pourrait dire par un renoncement au système, un renoncement à l'arrangement premier qui expliquerait tout, qui expliquerait même le désir, comme on le voyait chez Sygne de Coûfontaine. C'est un renoncement au métalangage. Avec Sygne de Coûfontaine, on peut dire qu'on a les arrangements qu'elle a faits avec son cousin, on a un certain type de métalangage qui permet de situer les choses, de situer le projet qu'elle a avec son cousin.

Donc bien sûr il y a une métalangue, une métalangue qu'on peut retrouver et qu'on retrouve très régulièrement dans les explications psychanalytico-psychologiques, je ne dirais pas

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psychanalytiques parce que ça ne conviendrait pas tout à fait, mais quand on dit vous dites ça parce que en fait dans votre inconscient c'est ci ou ça, on fait du métalangage bien sûr, quelle que soit l'explication qu'on donne, c'est une explication métalinguistique. Vous employez ce mot parce que ceci, je repère ce signifiant parce que – etc., on est dans le métalangage. Mais ce qui est en jeu c'est précisément de renoncer à cette dimension et à cette façon de faire, c'est bien pour cela que Lacan s'attarde sur la tragédie et sur la tragédie absolue. Càd là où le système, où l'explication métalinguistique ne fonctionne plus. Cette Versagung, ce renoncement radical, c'est naturellement ce qui va de pair avec l'Urverdrängt, le refoulement originaire, càd quelque chose qui serait de l'ordre d'un dire primordial, forcément indicible, qu'on ne peut pas réduire à quelque dit ou à quelque vérité que ce soit.

C'est ce que j'expose e.a. dans Le discours psychanalytique.

Càd le lieu vide d'où jaillit un acte non programmé. Càd un acte qui sort d'on ne sait où, ce n'est naturellement pas du tout une action et ce n'est pas réductible à un dit de vérité, qui suivrait la vérité, c'est le jaillissement direct de la parole.

Donc on peut bien dire qu'il y a du métalangage et Lacan dit qu'il y a du métalangage, notamment au niveau de ces α, β, γ, δ, l'explication de la Lettre volée, le début des Écrits, il y a les notations mathématiques au niveau psychologique, on peut supposer ça, on peut solidifier les motivations et les sentiments et dire que l'action vient de tel sentiment et de telle motivation etc ., ça, il y a du métalangage. Mais au niveau de la parole – au plein sens du terme (le mot plein ne convient peut-être pas du tout, le plein sens du mot, de même que la parole pleine, ne conviendrait peut-être pas) mais au niveau de l'acte de parole, il n'y a pas de métalangue. Il y a simplement l'avancée de ce qui se dit, directement, sans réexplication ultérieure. Ou en tous les cas, la réexplication ultérieure, ça c'est du métalangage et ce n'est pas ça qui est intéressant.

Donc je pense que vous saisissez cette dimension de l'acte qui est visée dans ce renoncement radical de la Versagung, qui touche le jaillissement de la parole à partir de ce qu'on appelle l'inconscient mais que nous ne maîtrisons pas ou à partir d'un dire que nous ne saisissons jamais non plus : c'est ça qu'il s'agit de mettre en route. Et Lacan dit que c'est ça qu'il s'agit de penser dans le fantasme. Donc si on parle du fantasme, de façon intelligente, c'est pour questionner cette dimension de la Versagung radicale, de l'Urverdrängt, du dire primordial, et c'est bien en cela qu'il s'oppose, ou plutôt il complète Mélanie Klein, avec son bon ou son mauvais objet, qui a fixé les choses-là mais qui perd peut-être cette dimension du fantasme en tant que lieu d'interrogation où apparaissent bien sûr un objet et un sujet dont la consistance est d'ailleurs tout à fait problématique.

Donc on a cette notation du fantasme par Lacan, Sbarré poinçon a, on peut bien sûr dire qu'on voit plus ou moins ce qu'est le sujet, l'objet a, on voit plus ou moins ce que c'est, mais la question c'est précisément de mettre en jeu et de remettre en question l'un et l'autre par l'intermédiaire de ce transfert, càd d'un jeu de 4 opérations non figées et qui n'ont aucun contenu, sinon de s'exercer et de jaillir dans la parole.

Alors revenons maintenant à Jekels et Bergler, et à la question de la structure sur laquelle Lacan insiste. Ce que Jekels et Bergler disent, c'est que ce n'est pas que l'amour est souvent coupable, ça ce serait une constatation plus ou moins clinique, c'est la structure. C'est ça qui intéresse Lacan, c'est que on aime pour échapper à la culpabilité, toujours, c'est de structure.

C'est la thèse de Jekels et Bergler.

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Mais Lacan insiste sur un autre point et il dit que nous devons séparer l'amour et la culpabilité. Nous devons les séparer plus radicalement que ce que font Jekels et Bergler.

Pourquoi est-ce que nous devons séparer radicalement les deux ? Toujours pour une question de structure, parce que, dit Lacan, l'intérêt de nos découvertes repose tout entier sur ces effets de tassement du symbolique dans le réel. Il y a cet effet de tassement du symbolique dans le réel, autrement dit on s'intéresse à la psychanalyse parce qu'on retrouve bien ses billes, c'est naturellement un intérêt qu'on peut peut-être dépasser, et justement, dépasser par les questions de structure.

Lacan fait une remarque d'emblée, c'est que on peut bien sûr ne pas accepter la thèse de Jekels et Bergler, càd qu'on n'admettrait pas que l'amour serait toujours la conséquence d'un sentiment de culpabilité mais il dit que même si on admet pas cette thèse-là, on doit quand même bien admettre qu'il y a un lien qui est quand même très souvent là présent dans l'amour, càd que dans l’amour on répond souvent à l'idéal du moi de l'autre ou on tente de répondre à l'idéal du moi et même plus, on répond souvent au surmoi, il suffit de voir comment dans les couples plus ou moins vieux, l'un demande la permission à l'autre, s'il peut faire ceci ou cela, et s'il ne demande pas, ça fait quelques problèmes. Donc on voit comment les choses se mêlent quand même de toute façon.

Mais la critique de Lacan est naturellement beaucoup plus radicale que cette critique un peu légère de Jekels et Bergler. Elle porte au fond sur le texte de Freud, l'introduction du narcissisme.

L'introduction du narcissisme, (cette unité) primordiale qu'il faudrait restaurer après séparation, c'est la thèse du développement du moi de Freud. On peut voir que c'est le développement du moi, qui développe ses objets à l'extérieur, qui les aime et puis qui les récupère parce qu'il est content d'avoir réussi un amour par rapport à ces objets.

Donc dans la perspective de 1914, l'investissement des objets est peut-être un miracle, on voit difficilement, dit Lacan, ce qui pourrait conditionner cet énorme détour et Lacan fait remarquer que Jekels et Bergler suivent Freud assez servilement, càd en suivant le point de vue énergétique, je pense.

Certes on a une toute autre affaire qui est avancée avec le surmoi et la pulsion de mort, il se trouve à ce moment-là que le temps de la séance, l'heure avance, Lacan trouve qu'il en a assez dit et donc il va nous laisser sur notre faim à cet endroit-ci, mais on peut quand même penser que la critique de Lacan elle irait dans le sens que je devrais esquisser ici, c'est qu'il ne faut pas prendre ce point de vue de l'énergétique, ne pas croire qu'il y a une énergie matérielle, pulsionnelle, qui pourrait expliquer bien sûr tout, une énergie psychique comme des petits corps qui s'amoncellent et puis qui se déchargent comme de l'énergie électrique ou magnétique, etc. : on se donne bien sûr une solution qui n'est qu'une solution propre à la physique, à la stase physique, etc. Je pense que la solution de Lacan va dans le sens de ce qu'il a déjà dit auparavant, càd de pointer cette dimension de l'acte et de l'acte dans sa dimension qui ouvre l'inconscient, cette dimension de l'acte qui va aller non pas dans le sens du tout d'une énergétique mais dans le sens du développement de cette parole, des discours, etc., c'est donc la suite de la théorie lacanienne qui se développe en contre-point, par opposition à l'énergétique de l'introduction au narcissisme.

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Mais enfin l'heure est presque terminée et avant de quitter... ses auditeurs, il propose une petite articulation rapide du moi idéal et de l'idéal du moi, qui est amusante, humoristique et qui par ailleurs je pense peut être fort intéressante. Donc dans cette articulation du moi idéal et de l'idéal du moi, il fait d'abord référence au stade du miroir. On pourrait dire très brièvement que l'enfant voit son unité intégrée, càd le moi idéal, dans le miroir. C'est l'image qu'il voit : un enfant unifié, alors que ses fonctions ne sont pas encore bien unifiées. Il le voit sous le regard de la mère, sous le regard de l'idéal du moi. Voilà une première explication.

Deuxième explication, le moi idéal, si vous voulez le côté imaginaire, le moi idéal du fils de famille, qui avec sa petite voiture de sport, fait de son nez, va faire le malin, défie les jolies filles, la règle, la police, de savoir ce qu'il peut montrer et ne pas montrer, voilà donc qu'il joue avec sa petite voiture de course. Mais ce moi idéal du fils à papa au volant de sa voiture prend sa place dans le fantasme – et vous retrouvez ici le fantasme, qui va interroger non pas la relation imaginaire, qui est adaptée ou pas adaptée, c'est selon, mais qui interroge la structure de ce qui se passe. Car il y a entre Sbarré et petit a, les deux termes imaginables du fantasme, il y a quelque chose qui glisse entre les deux termes qui fait que l'un peut disparaître au niveau de l'autre, le sujet barré notamment peut disparaître au niveau de cet objet a représenté par cette petite voiture de course que j'imagine rouge ! Et ce qui glisse entre ces deux termes, c'est petit phi, le phallus imaginaire. Ce qui a naturellement disparu là-dedans, c'est l'Urverdrängt, càd cette dimension du dire absolu, c'est disparu au niveau de cette imagerie qui fait courir le fils à papa.

Mais il reste en sous-jacent, pourquoi est-ce qu'il a sa voiture, pourquoi est-ce qu'il est comme ça ? Parce qu'il est le fils à papa et parce que il y a quelque chose là de son dire qui est perdu dans cette histoire au niveau de son père, par exemple. C'est voilé.

Il prend un autre exemple, il l'appelle Marie-Chantal, qui s'inscrit au parti communiste, c'est bien sûr le moi idéal et elle s'inscrit au parti communiste pour faire chier son père, de nouveau, pour l'idéal du moi, par rapport à l'idéal du moi.

Donc on pourrait reprendre ces exemples et montrer que ce fils et cette fille réintrojectent l'idéal du moi, représenté par le père et qu'ils l'aiment et que ça s'exprime par le moi idéal, etc. Mais ce qui n'est pas dit dans la théorie de Jekels et Bergler, c'est l'importance précisément de cet idéal du moi en tant que y est impliquée fondamentalement la question d'un dire, la question de cette Versagung primordiale, la question de cet Urverdrängt. C'est ça qui manque. On croit que simplement ils ont un objet, il suffit d'essayer d'éviter la séparation, il faut au contraire montrer comment dans la séparation elle-même, il y a cette notion fondamentalement tragique, d'où l'intérêt de la tragédie pour Lacan, qui nous indique ce point

Alors il termine par le cas d'une patiente à lui, semble-t-il, qui est jolie, mignonne, qui a des enfants, qui est une mère de famille plus ou moins excellente, qui trompe son mari mais enfin qui n'en est pas moins une bonne mère et avec son son mari aussi, on peut imaginer la femme en question. Et Lacan dit « j'étais bien son idéal du moi », càd son idéal du moi, c'est ce qu'il nous dit, une garantie, mais qu'elle ne voulait rien savoir de ma propre structure familiale – et la structure familiale de Lacan qui n'est naturellement pas très idéale- mais enfin, elle ne voulait rien en savoir. De telle sorte que son moi idéal peut continuer, elle peut continuer son manège, son ménage, qui fonctionne relativement bien. Tout le monde a l'air plus ou moins content. Mais ce que Lacan dit, c'est que l'analyste lui, ne peut pas ignorer la vraie dynamique des forces : on est dans une toute autre partie que Jekels et Bergler et c'est

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ici que l'analyste a son mot à dire, non pas du point de vue de la conformité de la personne au moi de l'analyste, ni au moi idéal de l'analyste, ni à l'idéal du moi de l'analyste.

Et il y a cette fin que je trouve excellente, la chose incontestable, dit-il, « elle avait les plus jolis seins de la ville » (404). Comme ça tout de go, comme si c'était la révélation. Alors il rajoute : « ce que les vendeuses de soutien-gorge ne contredisent jamais ».

Il me semble que ce côté humoristique n'est pas sans importance pour la structure et c'est ça naturellement qu'il faut essayer d'entendre, c'est que ce qu'il introduit là-dedans, les plus jolis seins de la ville, c'est naturellement l'objet a, c'est pour ça qu'il introduit ça, ce n'est pas pour les marchands de soutien-gorge, à ceci près que les marchands de soutien-gorge ce serait peut-être du côté de l'analyste, qui a à soutenir la structure, càd la place de l'objet a.

Donc le manque qui vient se substantifier dans cet objet a, les plus jolis seins de la ville, non sans mettre en œuvre la dynamique de l'objet, qui a des forces et qui ne vient que sous la condition de cette Versagung primordiale.

Donc je pense que dans cette petite présentation humoristique, l'analyste apparaît non pas du tout comme l'idéal du moi, non pas comme le moi idéal, non pas même comme le moi fort, un moi plus ou moins parfait ou imparfait, mais il tient la place, non pas directement de l'objet a mais du semblant de l'objet a, donc c'est pour ça que je dirais que l'analyste est présenté plutôt comme le vendeur de soutien-gorge que comme autre chose, càd que c'est lui qui soutient la structure de l'objet a.

Voilà donc pour cette leçon du 31 mai.

La leçon suivante commence, ou plutôt continue par la réévocation du stade du miroir. On connaît la question du stade du miroir, l'enfant voit une image unifiée alors qu'il n'est pas unifié et qu'il n'est pas bien coordonné. Ces deux faits, une image unifiée et le fait qu'il n'est pas bien coordonné – donc ça ne fonctionne pas si bien que ça – ça crée un conflit, un ou bien ou bien, ou bien on choisit l'image unifiée mais alors on perd la réalité et ça fonctionne comme ça fonctionne, ou bien on choisit l'autre côté mais alors on perd l'autre aussi. C'est donc une aliénation qui s'introduit dans le stade du miroir. A partir de là, on a une agressivité qui est tout à fait articulable, quel que soit le choix que vous fassiez, vous pouvez toujours regretté de ne pas avoir choisi l'autre . Donc le semblable sera toujours dans cette opposition aliénante propre au stade du miroir, donc l'agressivité surgir avec le stade du miroir. Et puis Lacan dit, cette agressivité, on peut penser que les deux comparses, l'enfant et son semblable son frère ou son image, sont armés d'une pierre l'un contre l'autre mais rien ne se construira avec la pierre, même s'ils déposent leur pierre, s'il n'y a pas l'Autre. Donc devant cette image aliénante, où l'enfant voit une image unifiée alors qu'il n’est pas unifié, il se retourne vers l'adulte qui le porte, vers la mère, pour lui demander un accord, un témoignage. Donc on a d'une part le jeu du moi idéal par opposition au moi tel qu'il est, non unifié, et d'autre part l'adulte qui porte l'enfant, la mère par exemple, et qui est la personne vers laquelle il se retourne pour demander un accord, un témoignage.

Dans le schéma optique – donc le schéma optique par rapport au schéma du miroir, a l'intérêt d'introduire la fonction du grand Autre sous la forme du miroir plan – il n'a naturellement pas du tout la même fonction dans le stade du miroir.

Donc il y a une image unifiée alors qu'il n'est pas unifié qui se produit dans cette illusion, dans cette image réelle du bouquet de fleurs dans le vase et il voit bien cela dans le miroir plan, càd il le voit par l'intermédiaire du grand Autre, éventuellement situable de l'autre côté

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du miroir plan (si vous voulez) alors qu'il est morcelé, alors qu'il y a cet éparpillement des fleurs.

Donc ici on voit qu'il voit sous la condition du grand Autre alors que dans le stade du miroir, il voit, il est unifié et c'est évident, l'image le montre.

Ici on voit que le moi idéal dépend du grand Autre. Autrement dit que la voiture du fils à papa dépend non pas simplement de l'argent du père mais aussi de l'idéal du moi qui se situe du côté du père ici.

Jekels et Bergler considèrent que l'unité primordiale narcissique est soumise à la pulsion de mort, donc il y a cette séparation, cette angoisse, et que l'amour va se développer comme introjection de l'idéal – une projection puis une réintrojection.

Lacan voit les choses différemment puisqu'il voit l'agressivité dans le miroir, immédiatement.

Donc l'agressivité ce n'est pas une pulsion de mort mythique qui serait là à l'extérieur, elle est repérable dans le processus le plus simple du stade du miroir. Mais ça, ça ne suffit pas : il faut que la pierre déposée après cette agressivité primordiale, il faut qu'elle puisse servir à construire et donc il y a un Autre qui est nécessaire dans la structure elle-même, alors que dans le stade du miroir, il y avait simplement un appel à l'Autre secondaire. Dans le schéma optique, c'est le grand Autre qui permet de voir l'unité qui se fait.

Donc l'unité ne s'aperçoit pas sans le grand Autre. On peut douter donc qu'il y ait un moi idéal quelconque qui puisse exister sans l'idéal du moi. Ça donne à la destruction une toute autre valeur, ce n'est pas quelque chose de déterminé, quelque chose qui est déjà là et qu'on va peut-être agresser, détruire par après, c'est du côté de ce qui est préalable à l'apparition de quelque chose, donc cette destruction, c'est du côté de la création symbolique. C'est pour ça qu'il est nécessaire de soutenir la Versagung primordiale, ce lieu où tout l'arrangement structurel, symbolique, défaille et qui est propre à la tragédie. C'est seulement à partir de ce point tragique où tout s'écroule, où il n'y a pas de métalangage, où il n'y a plus rien qui tient, c'est à partir de là que le moi idéal peut secondairement avoir cette force de risque, de défi, de progrès et d'avancée. Ce n'est pas à mépriser ce côté de risque, de défi, de progrès, du fils à papa avec sa voiture de course, la question c'est de savoir repérer d'où ça vient et de mobiliser cette force-là qui n'est pas (...) C'est naturellement tout autre chose que ce que Jekels et Bergler visent, cette espèce d'empathie, il y a là tout autre chose que Lacan met en évidence.

Alors on peut revenir maintenant à Psychologie des masses et analyse du moi, notamment à ce chapitre sur l'identification.

Ce chapitre comporte une première partie où Freud expose l'identification classique, œdipienne, normale, on pourrait dire, qu'il n'est pas nécessaire de commenter ici. Et puis il en arrive à ce qu'il appelle une identification pathologique. C'est celle-là qui est en jeu le plus souvent dans les citations de ce texte de Lacan.

Il y a trois types d'identification pathologique : la première, qu'on pourrait dire c'est l'identification primordiale. Prenons le cas du petit garçon, c'est une identification masculine, le petit garçon s'identifie à son père, càd il prend un trait de son père et voilà, il est son père.

Il peut prendre n'importe quel trait. Il s'identifie à son père avant de s'engager dans l’œdipe, il est un petit homme comme son père. On dit que c'est une identification primordiale parce que c'est après que se pointerait le désir de la mère.

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Deuxième type d'identification, l'identification non plus au père, à l'homme, le petit homme que le petit garçon est quand il s'identifie, mais l'identification à l'objet aimé et perdu. Donc ce serait par exemple l'identification à la mère pour ne pas perdre la mère. Donc là il peut aussi prendre un trait de la mère, comme ça il a la mère avec lui de son côté et tout va bien.

Enfin, la troisième identification, c'est l'identification hystérique par excellence, parce que les deux premières sont quand même des identifications aussi hystériques, si on regarde les exemples, ce sont des exemples tirés de Dora. Donc la troisième identification hystérique par excellence, càd c'est l'identification à un trait d'une situation – c'est l'exemple des jeunes filles du pensionnat, une jeune fille reçoit une lettre de son amoureux … elle fait une crise et voilà tout le pensionnat qui a saisi que c'était une question d’amour et voilà le pensionnat en crise par imitation de la jeune fille.

Freud parle de l'einziger Zug après les deux premières identifications. Donc l'identification primordiale du petit garçon au père, vous ferez la correspondance avec la fille si vous voulez, et l'identification à l'objet aimé, à la mère pour le petit garçon de nouveau.

L'einziger Zug, c'est d'abord un signe, ce n'est pas encore un signifiant. Lacan dit : parce qu'il n'y a pas la batterie signifiante (417-418) Enfin, prenons-le comme un signe qui n'est pas encore un signifiant. Et notamment, ce qui n'est pas encore un signifiant, c'est l'identification primaire. Mais avec la question du regard de l'Autre, qui va permettre d'interroger cette agressivité fondamentale au niveau de l'expérience du miroir, il va se jouer la question de la préférence de l'Autre, càd de l'amour de l'Autre : celui qui regarde, qui porte l'enfant, qu'est- ce qu'il préfère ? Est-ce qu'il préfère cette image unifiée parfaite ou est-ce qu'il préfère ces fonctions morcelées ?

Cette préférence s'inscrit dans le trait unaire et on pourrait dire que le moi idéal n'intervient que comme introjection de ce trait unaire, càd qu'il y a ce trait unaire qui est un signe mais l'idéal du moi n'intervient que par le fait que l'enfant se retourne vers la mère pour voir qu'est-ce qu'elle préfère. Càd qu'on passe ici du trait unaire en tant qu'il serait simplement le signe comme dans l'identification primordiale – l'enfant égale l'homme comme le père – à l'identification au trait unaire comme trait relatif à la personne aimée. Donc par là on a un trait unaire qui devient tout à fait signifiant puisqu'il n'est plus simplement la marque du père qui fait que l'enfant est égal au père.

Vous saisissez par-là, par cette question du trait unaire, comment se joue quelque chose de tout à fait autre que le moi idéal qui vous présente un tableau imaginaire, que Lacan s'est amusé par exemple à développer dans la séance précédente à partir du fils à papa avec sa voiture de course et tout ce qu'on peut faire, c'est tout un cinéma qui est là présenté, toute une structure éventuellement du côté qu'on pourrait dire d'une identification œdipienne, avec tout ce que ça peut symboliser, etc.

Ici on a quelque chose qui se passe au niveau du trait unaire en tant qu'il est structuralement conditionné par l'idéal du moi.

– Mais ça peut se passer sans parole en fait ? Le passage du signe au signifiant ? – Tout à fait, c'est une question structurelle, on ne peut pas repérer l'un ou l'autre, on peut entendre et faire fonctionner... C'est l'écoute qui peut faire développer les différents niveaux, même si on peut trouver des exemples de trait unaire -tiens, ce trait unaire se rapporte à la personne à laquelle on s'identifie, identification primordiale ou à la personne aimée. Je crois que c'est quand même une

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question de lecture et a fortiori, comme tu dis, ce n'est pas une question de repérage de la parole audible, enregistrable

– Mais c'est le fait que l'enfant s'est retourné pour ce passage du signe – C'est cela.

– S’il ne se retourne pas ?

– Alors on se place dans le cas du schéma optique... Càd quand même il s'est retourné ; càd quand même l'idéal du moi est là, de toute façon, je crois que c'est l'intérêt du schéma optique, c'est de dire que dans la structure du moi idéal, il y a moyen de voir l'idéal du moi. C'est ça qu'il faut faire, l'enfant ne se retourne pas le plus souvent, ou bien alors on colle les trucs comme si on disait l'analysant qui se retourne... Il ne faudrait pas que l'analysant se retourne : non, c'est une question structurelle.

C'est une question structurelle qui est propre à l'amour, le se retourner, on pourrait dire que c'est la question de l'amour qui s'introduit là. Cette question de l'amour ne peut apparaître que pour quelqu'un qui peut parler, càd demander. On peut demander ce qu'il demande, qu'est-ce qu'il demande et puis on spécifie ce qu'il demande et s'il l'a ou s'il ne l'a pas. Mais en faisant ça, on réduit la demande à la demande, càd à la demande et au besoin qui peut la fixer. Or la demande suppose toujours l'inconditionnel, càd une demande où ce qu'on demande n'a qu'une valeur relative à la demande elle-même. C'est bien pour ça que nous pouvons revenir à ce schéma du bridge analytique, l'analyste fait le mort, càd il ne répond pas à la demande quant à son être, à ce qu'il est, aux sentiments qu'il a, au contre-transfert, il ne répond pas. Pourquoi ? Pour faire apparaître la dimension pure de la demande intransitive, où peu importe tous les sentiments qu'il peut avoir, peu importe ce qu'il peut donner ou ne pas donner, ce qui compte c'est la structure de la demande et la structure de la demande en tant qu'il n'y a rien qui peut la combler.

Donc on a au-delà de la demande et en deçà de la demande quelque chose qui est flottant et ce flottement ou cette absence, cette Versagung est mise en évidence par la tragédie : c'est tout le sens de la tragédie, de l'étude de la tragédie de Lacan, c'est de mettre en évidence das Ding, de mettre en évidence la Versagung primordiale, etc.

Donc le désir n'est jamais le désir de ceci ou de cela, mais le désir tout court : une fois qu'on dit le désir de ceci ou de cela, c'est naturellement une demande. Là cette promotion de la notion de désir « voilà un enfant désiré », etc., càd un enfant voulu, demandé, ça ne veut rien dire d'autre que ça. Le désir n'est pas désir de ceci ou de cela, donc le désir ne peut se dire que par métaphore, càd en sachant que la chose primordiale, on ne l'a pas. Ou autrement dit, pour reprendre la métaphore du désir telle qu'elle est au début du séminaire, la main qui se tend vers la bûche, la bûche vous croyez l'avoir mais non, c'est la bûche qui tend la main vers vous. De la bûche sort une main qui se tend vers vous, donc qui marque le manque fondamental de l'objet dans le désir et ce manque fondamental, c'est ce qui permet la formule de Lacan : l'amour, c'est donner ce qu'on n'a pas.

Donc Lacan peut revenir dans cette séance sur le mythe de la naissance de l'amour qui est sans doute le jour de la fête de la naissance d'Aphrodite et quand on dit la fête, Lacan entend bien que c'est les riches qui font les fêtes, qui peuvent payer des fêtes, mais ce n'est pas la fête qui engendre l'amour. C'est la Pénia, la pauvreté, le manque absolu. Pour qu'il y ait l'engendrement de l'amour, il y a une richesse sans doute mais il faut pouvoir, il faut que ce

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riche trouve sa Versagung, càd un manque fondamental, une déréliction, un trou fondamental. C'est la pauvreté qui permet d'aimer. D'où la difficulté pour le riche d'aimer (419). Et Lacan dit que le riche est souvent impuissant.

Il fait référence aussi à Grisélidis, une héroïne de Boccace qui est cité assez longuement par Jacques Le Brun dans son livre L 'amour pur, c'est une pauvre femme que son mari riche met à l'épreuve au point de vue de ses enfants, qu'il lui prend, dont il la sépare, puis il va prendre une autre femme, enfin il lui met tout une série d'épreuves, et la Grisélidis accepte tout, jusque y compris l'enfer, en restant dans cet amour puisqu'elle n'a rien et qu'elle n'attend rien en échange. Donc c'est à partir du rien, à partir de ce trou, de cette Versagung, de cette Chose que peut naître l'amour.

Il cite aussi encore à la fin de cette séance Orian (421), qui est le riche par excellence – Orian donc va tomber amoureux de Pensée – un riche particulièrement crasseux, dit Lacan, crasseux parce qu'il est non seulement riche financièrement mais encore il est le riche d'être la joie du pape, le représentant du pape, de Dieu, etc. Donc c'est le saint. Et Lacan en profite pour dire que le psychanalyste, la fonction du psychanalyste, ce n'est sûrement pas d'être un saint. Donc sûrement pas d'être un riche à ce niveau-là.

– Il a dit le contraire aussi, dans Télévision ? Si je me souviens bien, que le psychanalyste était un saint, il l'affirme, peut-être que quelques années plus tard il a changé d'avis ?

– Oui, c'est une excellente remarque mais je pense qu'il a changé d'avis sur la position du saint.

– Pas du psychanalyste

– Non, parce que quand on voit, quand il parle du saint ici, il en parle – de Orian, le délégué du pape : il est nanti, il est nanti même au niveau spirituel, ce qui fait qu'il dit que c'est un riche particulièrement crasseux, il est encrassé par ça en plus. Dans la lettre c'est contradictoire mais je pense que l'acception du mot saint a changé. C'est ce dépouillement radical qui est central dans la place de l'analyse et dans la place du transfert puisque, c'est ça qui est en jeu aussi et par là on peut penser que Lacan répond à Jekels et à Bergler que quand même, la psychanalyse, ou le psychanalyste et ce qui se joue dans le transfert, c'est bien avant tout du côté de l'amour, de cette question du rien, et pas du côté de l'ambivalence tel que l'exposent Jekels et Bergler, à partir de cette idée qu'il y a d'une part une énergétique mais une énergétique avec deux genres différenciés d'énergie qui se rassemblent dans une seule et même énergie. Ce que Lacan fait, c'est tout autre chose donc il insiste sur cette position où il n'y a pas de métalangage, où il y a le trou absolu, le dire absolu, où il y a l'Urverdrängt, la Versagung, etc. qui est fondamentalement le trou, le sans ressource, la pauvreté, le rien qui explique l'ensemble du processus.

– Je me suis posé la question, quand on dit il n'y a pas de métalangage, quand on ...les rêves, tout ce qu'il y a … les associations, c'est pas un peu du côté du métalangage ?

– C'est justement ce qui est à éviter càd pas le processus littéraire qui étudie et qui métalangue les choses mais la parole subite, le prime saut qui ne demande aucune interprétation et le terme d'interprétation doit être revu fondamentalement dans ce sens-là. Pas dans le sens d'une explication ou du commentaire sur ce qui a été dit, sur le signifiant, pointer le signifiant, etc. Ça me semble être ... du côté du métalangage.

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