• Aucun résultat trouvé

Le médecin de famille peut-il accepter des cadeaux?

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Le médecin de famille peut-il accepter des cadeaux?"

Copied!
1
0
0

Texte intégral

(1)

Vol 59: decemBeR • décemBRe 2013

|

Canadian Family PhysicianLe Médecin de famille canadien

1255

This article is also in English on page 1254.

Éditorial

Le médecin de famille peut-il accepter des cadeaux?

Roger Ladouceur

MD MSc CCMF FCMF, RÉDACTEUR SCIENTIFIQUE ADJOINT

Q

uel médecin de famille n’a pas déjà reçu un cadeau de l’un de ses patients? Ne serait-ce qu’une boîte de chocolat, une tarte aux pommes ou une bouteille de vin? Même si les chiffres publiés révèlent que seuls 20 % disent en avoir déjà reçu1, cela ne m’étonnerait pas que ce soit l’inverse. Les méde- cins de famille qui n’ont jamais accepté un quelconque cadeau sont plutôt rares.

De fait, plusieurs codes de déontologie permettent aux médecins de recevoir des remerciements d’usage sous forme de cadeaux modestes et de valeur raisonnable.

Mais qu’est-ce qu’un cadeau modeste et de valeur raisonnable? Si, pour quiconque, accepter une tarte au sucre peut sembler anodin et simplement témoigner de la gratitude du patient, qu’en est-il d’une bouteille de vin, de billets pour un match de football ou d’une invita- tion à une croisière?

Évidemment, tout dépend de la bouteille, des billets et de la croisière. Un Château d’Yquem n’a pas la même valeur, ni la même signification qu’un vin maison; tout comme une invitation à la Coupe Grey plutôt qu’à un match local de l’école secondaire; comme une escapade dans les Antilles plutôt que sur l’étang du village dans le cadre du Festival du pêcheur.

Tous s’entendront pour dire que l’Yquem, la Coupe Grey et les Antilles ne sont pas ce que l’on peut appeler des cadeaux modestes et de valeur raisonnable.

Toutefois, il est vrai qu’en ce domaine, tout est relatif:

une bouteille de St-Georges n’est peut-être pas grand- chose pour vous, mais il est possible qu’elle représente les économies hebdomadaires d’une famille qui tire le diable par la queue, alors qu’une croisière en Alaska peut vous sembler exagérée mais fort peu pour le riche entrepreneur en construction qui vous l’offre.

Or, il est relativement facile de déterminer si le cadeau que l’on vous offre est de valeur modeste et raisonnable. L’offririez-vous, à votre tour, au pré- posé aux bénéficiaires ou à l’accueil avec qui vous travaillez? Après tout, ne le mérite-t-il pas autant que vous? Si vous hésitez, dites-vous bien qu’il y a anguille sous roche.

Certains diront qu’il serait préférable de refuser sys- tématiquement tout cadeau. Peut-être bien, mais c’est certainement plus facile à dire qu’à faire et pas toujours approprié. Comment refuser cette paire de pantoufles en Phentex—que vous ne porterez certainement pas—

que votre patient vous a tricoté patiemment, comme il en tricote pour bien d’autres, sans l’offusquer? Même en prétextant, très poliment, que votre code d’éthique vous l’interdit, il est fort probable que votre patient ne comprendra pas: « Voyons, docteur, c’est rien, c’est juste des pantoufles! » En effet, il est vrai que certains patients offrent des cadeaux en signe de reconnaissance, et non en vue de quelque avantage éventuel en retour. Alors que d’autres, pour lesquels nous nous sommes dévoués, corps et âme, n’auront même pas la délicatesse de nous dire « Merci, Docteur ».

Toutefois, au-delà de la valeur du cadeau, il importe aussi de considérer l’influence potentielle d’accepter celui-ci sur la relation avec le patient. Comment réa- girez-vous la prochaine fois que votre salle d’attente sera pleine à craquer et que parmi les patients se trou- vera le gentil donateur? Et comment vous comporterez- vous lorsque cette même personne, habituellement affligée de multiples maux et malaises, viendra pour faire compléter le certificat médical pour le renouvellement de son permis de conduire, miraculeusement guérie de toutes ses afflictions? Serez-vous capable de garder votre objectivité? Pourrez-vous indiquer qu’elle n’entend pas bien ou qu’elle a des épisodes d’hypoglycémie ou, au contraire, serez-vous porté à occulter ces faits? Si c’est le cas, dites-vous bien que les chaussettes de Phentex viennent d’interférer dans votre relation. A plus forte raison si le cadeau que vous avez accepté n’est ni modeste ni de valeur raisonnable.

Encore faut-il que le médecin de famille ait la con- science et le jugement nécessaires. Or, pour ceux qui auraient de la difficulté à refuser « 2 billets, toutes dépenses payées, pour aller voir Céline Dion chanter à Las Vegas » ou « mon condo dans les îles Vierges », en prétextant que ce n’est pas grand-chose (!) et que cela ne changera rien (!!), sachez que tout finit par se savoir et que notre ordre professionnel n’est jamais loin pour veiller à l’application du code de déontologie.

Sur ce, je vous invite à lire « Accepter des cadeaux de patients» que nous publions en page e5231. À propos, j’ai une paire de pantoufles en Phentex à offrir pour les fêtes.

Intérêts concurrents Aucun déclaré Référence

1. Caddell A, Hazelton L. Accepter des cadeaux de patients. Can Fam Physician 2013;59:1259-60 (ang), e523-5 (fr).

Références

Documents relatifs

Il vaut la peine d’examiner les arguments de part et d’autre sur le plan de l’éthique et de prendre en considération la façon dont la décision d’accepter ou non des

Plusieurs facteurs ont contribué au déclin de l’intérêt des étudiants en médecine pour une carrière en médecine familiale, notamment les plus faibles prestige et

1 , qui affirment que la dimension cognitive de l’empathie renvoie à la capacité d’un intervenant de comprendre l’expérience rapportée ou l’émotion

Pour penser que le médecin peut et doit se mettre à la place du patient, il faut avoir une vision tronquée non seulement de la moralité, mais aussi de la relation

D re Lussier est professeure agrégée au Département de médecine familiale et de médecine d’urgence de la Faculté de médecine à l’Université de Montréal, au Québec, et

L’empathie, quand on respecte sa dimension essentiellement affective et qu’on ne limite pas sa définition aux dimensions cognitives et comportementales, risque selon moi de

D’autant plus surprenant si l’on considère le débat “Les médecins s’entendent-ils sur ce qu’est le professionnalisme?” publié ce mois-ci en page 972,

Le dépistage, le diagnostic, le traitement et le suivi continu de l’hypertension se traduisent par 20 millions de visites chez les médecins de famille et les internistes