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A propos d’une collecte de sang gastronomique

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2506 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 21 décembre 2011

actualité, info

A propos d’une collecte de sang gastronomique

L’affaire commence avec une gentille invita- tion adressée à la cantonade par le service de presse des Hôpitaux universitaires de Genève. Elle est signée d’une assistante du secteur presse et relations publiques (direc- tion de la communication et du marketing) . C’est une «invitation… à la fameuse collecte de sang "gastronomique" qui se déroulera lundi 12 décembre prochain, de 9 à 19 heures aux HUG». Une lecture rapide nous trouble un moment. Du sang gastronomique ? Relire ramène à la raison : c’est moins le sang que ce qui entoure sa collecte qui est l’objet de cette qualification. Peut-être le trouble pro- vient-il aussi du rapprochement, toujours possible, entre le gastronomique et sa cousine l’astronomique. S’émouvoir ? Nous savons tous que le sang véhicule bien autre chose que ses seuls constituants cellulaires et molécu- laires.

«Madame, Monsieur, Chers Représentants des médias,

Les HUG et leur centre de transfusion san- guine seraient très heureux de vous compter parmi les généreux donneurs de la mainte- nant célèbre collecte de sang "gastronomi que"

organisée grâce au soutien fidèle du célèbre chef Philippe Chevrier, lui-même donneur.

Pour la quatrième année consé cu- tive, une collation digne des res- taurants étoilés sera offerte à cha- cun des donneurs du jour. Nous nous réjouissons de vous accueillir à la salle des Pas Perdus (entrée principale de l’hôpital) de vant l’au- ditoire Marcel Jenny dès 9 heures.

Pour les nouveaux donneurs d’en- tre vous, quelques informations uti les se trouvent en fichier joint.

Avec nos cordiales salutations,»

Le temps presse, comme sou- vent ; les con traintes géographi ques font qu’il nous faudra tristement renoncer à prendre le chemin de la Suisse. Pour autant, comment ne pas rester un instant, le temps d’une chronique, sur un tel mes- sage ? Le fichier joint est a priori sans surprise qui traite du dérou-

lement du don. Il durera environ une heure et se déroulera en six étapes, le prélèvement ne demandant, lui, qu’une dizaine de mi- nutes, soit le temps suffisant pour recueillir près d’un demi-litre de ce que l’on appelle, aux HUG, votre énergie renouvelable. Viendra alors temps du repos et de la collation. Le

don est réciproque : dans le cas où le donneur ne remplit pas, ce jour-là, les exigences du Service suisse de la transfusion sanguine, une détermination de son groupe sanguin est effectuée de même qu’une numération de la formule sanguine ; ce sans prélever la poche de 450 ml. Et bien évidemment le En marge

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… Le postulat est qu’il existe un joli réservoir de fins gourmets chez les donneurs potentiels …

donneur sera informé en cas de dépistage d’anomalies de sa constitution sanguine.

Et à garder en mémoire pour les prochains dons (tous les quatre mois pour les dames et tous les trois mois pour les messieurs) : sur- tout ne pas, la veille ou le jour même, prati- quer un sport de manière intense ; un délai de 48 heures est nécessaire avant et après le don pour ce qui est de la plongée sous-ma- rine, de l’escalade et de toute forme de com- pétition. Mieux vaut aussi éviter, autant que faire se peut, les repas tenus pour être lourds (la fondue au tout premier chef) et plus en- core la consommation de boissons alcooli- ques vingt-quatre heures avant le don. «Le jour du don, ne venez pas à jeun et prenez soin de boire avant et après, un litre mini- mum en plus de vos boissons habituelles sur la journée» précisent les organisateurs.

Enfin parmi les recommandations post- prélèvement : «ne pas négliger la collation et les boissons qui vous sont offertes après votre don ; elles peuvent prévenir un éven- tuel malaise». Elles peuvent aussi procurer certains plaisirs. A commencer lorsqu’on a choisi, comme à Genève, de faire rimer gas- tronomie et don du sang. Le postulat, on l’ima- gine, est qu’il existe un joli réservoir de fins gourmets chez les donneurs potentiels. «Nous sommes toujours en quête de donneurs, ce genre d’opération séduction est précieux pour notre centre que ce soit pour fidéliser les anciens ou en recruter de nouveaux» ex- pliquait ainsi, il y a quelque temps dans un communiqué de presse, l’infirmière respon- sable du Centre de transfusion sanguine des HUG.

Sans doute y a-t-il d’autres manières de séduire de nouveaux donneurs. Ainsi en 2007, l’institution genevoise avait-elle reçu

le soutien de huit personnalités – toutes donneuses de sang – émanant du monde du sport et des médias ainsi qu’une ancienne Miss Suisse Romande et, déjà, Philippe Che- vrier, chef étoilé que l’on ne présente plus.

Et voici M. Chevrier aux fourneaux en ce mois de décembre 2011. Faute d’avoir été présent, nous ne pouvons donner ici le dé- tail de ce qui a pu être présenté et proposé à l’appétit des donneurs. Mais on imagine que le tonique chef genevois aura sans mal pu piocher dans son savoir-faire (qui n’est pas mince) comme en témoignent ses alléchan tes propositions de traiteur sur La Toile.

Au hasard, dans le rayon des amuse-bou ches salés froids : mini-pâté en croûte de canard à

l’orange ; tartare d’huîtres en gelée de citron vert et crème au Moluga ; mousse de foie gras à la pomme «Granny Smith», toast au pain d’épices ; carpaccio de Saint-Jacques au piment doux. Sur l’étagère des amuse-bouches salés chauds : cuisse de caille et oignons rou- ges confits, jus des carcasses ; brochette de homard du Maine pané au satay ; fricassée de champignons en émulsion aux noisettes torréfiées ; crème de moules de bouchot «fa- çon mouclade» ; brochette de ris de veau de Simmental sautés à la moutarde de Meaux.

Sans oublier, pour finir, le macaron au mar- ron et gelée de coing, la tartelette aux figues

à la cannelle, la crème au chocolat noir du Venezuela, gelée au fruit de la passion et/ou la crème brûlée à la pistache de Sicile.

Tout cela pour une petite pinte de bon sang ? On exagère bien évidemment, mais c’est pour mieux poser le problème, un peu à la façon de ce philosophe provocateur à la mode dont la recension du dernier ouvra ge 1 vient justement d’être faite dans ces colon- nes (Rev Med Suisse 2011;7:2367-8) par Alex Mauron. Le problème ? Définir ce qu’il en est des frontières sacrées du bénévolat et de la gratuité dans ce domaine ; étant entendu qu’il importe, pour le bien commun, de re- cruter sans cesse de nouveaux donneurs. En France, où l’on ne rapproche pas sans grand danger l’argent du sang, tout est dit dans l’article D1221-1 du code la santé publique :

« Le don de sang ou de composants du sang

ne peut donner lieu à aucune rémunération, directe ou indirecte. Sont notamment prohi- bés à ce titre, outre tout paiement en espèc es, toute remise de bons d’achat, coupons de réduction et autres documents permettant d’obtenir un avantage consenti par un tiers, ainsi que tout don d’objet de valeur, toute prestation ou tout octroi d’avantages».

Il n’en reste pas moins la nécessité, à Paris comme à Genève, de proposer une collation au donneur. Etrangement, ce terme désigne aussi l’action de conférer un bénéfice. Auprès de l’Etablissement français du sang, on pré- cise que la gratification (somme versée en plus de la rémunération promise ou due, décidé- ment…) ne saurait dépasser les six euros.

Dans l’Hexagone les amuse-bouches étoilés genevois n’auraient ainsi pas pu dépasser cette valeur par donneur. Sauf, évidemment si le chef-traiteur-donneur avait tout offert et la matière première et son savoir-faire ; sa sueur, son sang, sa joie.

Jean-Yves Nau jeanyves.nau@gmail.com

1 Ogien R. L’influence de l’odeur des croissants chauds sur la bonté humaine et autres questions de philosophie morale expérimentale. Paris : Bernard Grasset, 2011.

ISBN : 978-2-246-75001-7

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