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LÉGISLATION : Les Procès engagés par ou contre les Concessionnaires. Question des Tribunaux compétents.

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24 L A H O U I L L E B L A N C H E

L E G I S L A T I O N

Les Procès engagés par ou contre les Concessionnaires.

Question des Tribunaux compétents.

Par P A U L B O U G A T J L T , Avocat à la Cour d'Appel de Lyon.

Un procès est souvent compliqué par lui-même ; il est peut-être plus compliqué encore par le douk dans lequel se trouvent les demandeurs au sujet du tribunal à choisir. L'étude que l'on va lire résume les prin- cipes généraux.

Définition de la concession d'énergie électrique. — - O n a d o n n é d e très n o m b r e u s e s définitions d u m o t «concession »;

cette multiplicité provient d e ce fait q u e ce c o n t r a t a y a n t a v e c d'autres, b e a u c o u p d e points c o m m u n s , sans cepen- d a n t se confondre a v e c e u x , o n a été a m e n é à forger des définitions p o u r les besoins d e la cause, afin d e rendre plus particulièrement saillante l'opposition q u e l'on v o u - lait faire a v e c d'autres contrats. L'idée première qui se d é g a g e d u m o t « concession» est celle d'un « a b a n d o n » fait par u n e autorité, agissant c o m m e propriétaire d'une chose o u d'un droit, a u profit d'une autre personne. S a n s parler d e la concession perpétuelle o u temporaire d e la place q u ' u n e c o m m u n e accorde à u n e famille p o u r la sé- pulture d e ses m e m b r e s , d a n s u n lieu public et municipal appelé cimetière, o n p e u t citer : la concession des rivages d e la m e r p o u r l'établissement d e bains publics, la conces- sion autrefois d o n n é e à titre perpétuel d'une m i n e d e houille o u d e minerais, la concession d e l'énergie h y d r a u - lique visée p a r la loi d u 16 octobre 1919 ; l'autorité concé- dante, soit qu'elle se considère c o m m e propriétaire, des l'origine, des biens concédés (rivages de. la m e r ) soit qu'elle ait à accomplir des formalités p o u r taire t o m b e r u n e pro- priété préexistante, c o m m e e n ce qui concerne le tréfonds, livre ce bien à l'exploitation faite p a r u n tiers, la réglemente et réserve certains avantages pécuniaires o u autres a u profit d'une collectivité d o n t elle représente légalement les intérêts.

Si l'on définit (') la concession d e travaux publics d e

(') Nous donnons une définition.courante susceptible d'êlrc rete- nue dans ses détails essentiels par les praticiens qui nous lisent et m ê m e par les Tribunaux administratifs. Si l'on voulait recourir à une véritable définition de jurisconsulte, il faudrait prendre celle de M . Hauriou, précis de droit administratif, page 754 : « U n e opération dans laquelle une concession temporaire des droits de puissance publique nécessaires à la construction d'un ouvrage public et son exploitation, sous forme de service puMie, pour le compte d'une administration publique, étant instituée d'une façon réglementaire, les conséquences financières dè cette insti-

tution ainsi que les conditions de la construction et de l'exploi- tation de l'ouvrage sont réglées, entre l'administration et le conces- sionnaire, par u n contrat passé avec cahier des charges et tarif m a x i m u m . » C'est la seule qui contienne, en une phrase, la dou- ble indication de la situation réglementaire et du contrat admi- nistratif ; la situation réglementaire signifie que la concession doit d'abord être orientée dans le sens de l'amélioration, m ê m e par de nouvelles réglementations, te public ne devant pas souf- frir de la substitution de la concession à la régie ; le contrat admi- nistratif signifie* que des conditions financières seront stipulées pour assurer la rémunération de l'exploitant, sans faire obstacle à de nouvelles dispositions réglementaires.

la façon suivante : « l'opération p a r laquelle l'adminis- tration c o m p é t e n t e accorde, e n le réglementant, le droit d e maintenir des o u v r a g e s sur o u sous le d o m a i n e public, p e n d a n t u n t e m p s déterminé, m o y e n n a n t certains avan- tages stipulés, tant a u profit des intérêts collectifs que cette administration représente, qu'en v u e d e la rémuné- ration d e l'exploitant », la distribution d e l'énergie élec- trique rentre incontestablement d a n s la catégorie des concessions d e ce genre. L'idée qui d o n n e tout particuliè r e m e n t à u n e occupation le caractère définitif d e la conces- sion se trouve d a n s les termes suivants : « le droit contrac- tuel de maintenir (') des ouvrages sur ou dans le domaine public. » P o u r certaides occupations, le contrat n'existe p a s ; d a n s d'autres cas, o n n e voit p a s l'ouvrage implanté d a n s le sol public ; ainsi, l'absence d e contrat se révèle d a n s la permission d e voirie qui c o m p o r t e c e p e n d a n t une incorporation d'ouvrages a u sol public. D'autre part, bien qu'il y ait contrat, il n'y a p a s m a r c h é d e travaux publics d a n s les conventions d e services publics ; par e x e m p l e , le d o m a i n e public n'est p a s o c c u p é d a n s le sens matériel « d'emprise » p a r u n o u v r a g e : le service d'autobus o u d ' o m n i b u s e n est u n e x e m p l e frappant et

(!) Nous.pourrions m ê m e dire « entretenir» u n ouvrage place dans le sol public par u n service public ; car, c o m m e le dit le com- missaire du gouvernement, Pichat (affaire Thérond, 4 mars 1910), dans ses conclusions rapportées dans Dalloz, 1912. 3. 57, la juris- prudence est tellement extensive que le simple entretien d'ouvrages incorporés à u n sol public suffit pour faire attribuer à tout contrat le caractère de travail public ; ainsi, dans l'affaire P e n n a n n cpiitje la Ville d'Armentières, l'arrêt du 27 juillet 1906 (Dalloz,~-19Ô8;'^f, page 16), décide qu'un contrat ayant pour objet la garde d'un cimetière relève pour le tout du Tribunal administratif par le seul fait qu'il attribue au gardien l'exécution de travaux d'entre- tien général du cimetière, ledit lieu étant une dépendance du do- maine c o m m u n a l affectée à u n service public. O n ne saurait mieux préciser que Laferrière, Juridiction administrative, page 609, t. 2 : « Lorsqu'un contrat est mixte, il n'est pas nécessaire que le marché de travaux publics domine ; il suffit qu'il y apparaisse, m ê m e sous une 'forme très atténuée pour que la compétence du Conseil de Préfecture en résulte. L a jurisprudence a peut- être ainsi donné à la loi de pluviôse, an 8, une extension que n'avaient pas prévue ses auteurs, mais elle n'en doit pas moins être tenue pour acquise. » Laferrière cite c o m m e exemples les marchés de distribution d'eau et de gaz, du balayage et du net- toiement des voies publiques, du service des prisons, des entre- prises de p o m p e s funèbres. Voir aussi pour les marchés de four- nitures et d'installation de cloches, Conseil d'Etat, 5 août l.'l-1

et les renvois (D. P; 1906. 3. 48. Affaire Escoubet contre fabrique de l'église de Miraride). Cette jurisprudence était applicable :dan, l'espèce, où le concessionnaire, pendant tout le temps de sa conces- sion, était tenu de l'exécution de travaux publics.

Article published by SHF and available athttp://www.shf-lhb.orgorhttp://dx.doi.org/10.1051/lhb/1922007

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L A H O U I L L E B L A N C H E 25

se distingue essentiellement d u t r a m w a y : les d e u x opérations c o m p o r t e n t bien le droit d e faire stationner des voitures sur u n endroit d é t e r m i n é cle la voirie, mais, en plus, la- s e c o n d e entraîne le droit et l'obligation d'y incorporer des rails.

D a n s le m a r c h é d e fournitui'es, l'autorité contractante se propose é v i d e m m e n t d e servir o u d e protéger des inté- rêts collectifs (achat d e combustibles p o u r chauffage des salles c o m m u n e s , d e p a v é s p o u r les rues et les routes), mais, d'une part, le contrat n e c o m p o r t e (pas plus q u e le service public) a u c u n e occupation d u sol, et, d'autre part, la prestation qui doit être faite à u n jour d o n n é n'embrasse pas u n e série d e services à rendre p e n d a n t u n t e m p s plus ou moins long.

Négliger cette distinction, c'est s'exposer à saisir, en cas de difficulté, u n T r i b u n a l radicalement i n c o m p é - tent (').

- • E n principe, le contentieux d e s ' m a r c h é s d e fourniture est le Tribunal d e droit c o m m u n ; c'est ainsi q u e les four- nitures stipulées p a r u n e c o m m u n e d o n n e n t lieu à des litiges à porter d e v a n t le T r i b u n a l Civil. Il n'en est diffé- r e m m e n t q u e p o u r les m a r c h é s d e fournitures cle l'Etat;

ils sont régis p a r le décret d u 1 1 juin 1 8 0 6 , qui d o n n e compétence a u Conseil d'Etat p o u r statuer sur les déci- sions prises p a r les ministres a u sujet d'une discussion résultant d'un marché-(-).

(•) 11 a longtemps semblé, à beaucoup de techniciens, que la définition exacte d'un contrat administratif devait être reléguée dans le domaine des questions purement juridiques, c'est-à-dire constituant une querelle d'école. Des événements importants sont venus en démontrer le caractère essentiellement pratique.

a) La loi sur les loyers du 9 mars 1918 n'est applicable qu'aux baux immobiliers : quand une c o m m u n e a donné à bail u n casino, il faut, pour savoir s'il y a bail ou service public des eaux dont le casino ne serait que l'accessoire, interpréter le contrat : la Cour de Toulouse, dans u n arrêt du 10 février 1919 (Gaz. des Trib., 31 août 1919 et Communication du Contentieux, N ° 349, jan- vier 1920), reconnaît le caractère principal du contrat dans la concession des eaux, le service public dominant le bail accessoire du casino.

b) La loi Failliot (21 janvier 1918) n'est pas applicable aux baux immobiliers, mais seulement aux contrats commerciaux.

La Cour d'Appel de Grenoble, le 4 novembre 1919 (Com. Cont.

N° 366, année 1920, page 361), décide que le contrat, par lequel la Société Thermale d'Uriage a donné à son concessionnaire Buis- son tous les immeubles qu'elle possédait, est dominé par le ca- ractère de bail immobilier et échappe à la résiliation possible d'après la loi Failliot.

c)Xa diminution de jouissance, en vertu de l'article 1722 du Code Civil entraîne, au profit du preneur le bénéfice d'une dimi- nution de prix. L a Cour de Paris, dans u n arrêt du 3, mars 1917, reconnaît le caractère de bail immobilier à la concession du Casino, de Biarritz; estimant que, par la suppression des jeux pendant la guerre, les locataires Boulant et Catelaîn ont subi une: diminution certaine dans la possibilité de jouir pleinement des lieux loués, la Cour accorde une réduction de loyer (Com. Cont., N ° 347, an- née 1919, page 205). Déjà la Cour de Paris; dans un arrêt du 8 mars 1911, confirmé par Un arrêt de la C h a m b r e Civile du 18 juin 1912, avait décidé que la concession d'un terrain par une Ville, à la charge d'y construire un casino, n'avait en aucune façon 'e caractère cle travail public (Voir ces arrêts et le rapport du Conseiller Feuilloley dans la C o m . Cont., année 1912, page 56, Communication N ° 201).

(2) Il peut exister une certaine difficulté pour la distinction

entre le marché de fournitures et le marché de travaux publics, quand le premier comporte u n certain élément de travail, c o m m e , Par exemple, des conditions de montage,, d'assemblage des four- nitures livrées Tl v mira lipn d'analvser le, contrat et de lui donner

L e contentieux des travaux publics est dévolu e n pre- m i e r ressort a u Conseil d e Préfecture et sur appel a u Conseil d'Etat e n vertu d e l'article 4 d e la loi cle Pluviôse, a n 8 qui est ainsi c o n ç u : « L e Conseil d e Préfecture p r o n o n -

« cera... sur les difficultés qui p o u r r o n t s'élever entre les

« e n t r e p r e n e u r s d e travaux publics et l'administration,

« concernant le sens et l'exécution d e leurs m a r c h é s ».

L e contentieux d'un service public général, o u simple- m e n t c o m m u n a l , appartient directement a u Conseil d'Etat, en vertu d e l'article 9 d e la loi d u 2 4 m a i 1 8 7 2 qui. attribue à cette juridiction : « c o m p é t e n c e souveraine sur le.recours e n matière contentieuse administrative ». D a n s u n e af- faire Terrier q u e le Conseil'd'Etat a jugé le 6 février 1 9 0 3 (voir les conclusions d u C o m m i s s a i r e d u G o u v e r n e m e n t d a n s Dalloz, 1904. 3. 6 5 ) , il s'agissait d'une discussion a u sujet d'un p a i e m e n t d e primes sur le crédit ouvert p a r le Conseil général sur le b u d g e t départemental p o u r la destruction des vipères. C e n'était ni u n travail public, ni u n m a r c h é de fournitures. M . R o m i e u a revendiqué p o u r le Conseil d'Etat le droit d e c o m p é t e n c e absolue p o u r connaître d'un pareil litige. « T o u t ce qui concerne

« l'organisation et le f o n c t i o n n e m e n t des services publics ..« p r o p r e m e n t dits g é n é r a u x o u locaux, soit q u e l'admi-

« nistration agisse p a r voie d e contrat, soit qu'elle pro-

«. cède p a r voie d'autorité, constitue u n e opération a d m i -

« nistrative qui est, p a r sa nature m ê m e , d u d o m a i n e de.

« la juridiction administrative, a ù point cle v u e des litiges

« d e toutes sortes auxquels elle peut d o n n e r lieu, ce que-

« l'on p e u t encore e x p r i m e r ainsi : toutes les actions entre

« les personnes publiques et les tiers o u entre ces person-

« nés publiques elles-mêmes fondées sur l'exécution,

« l'inexécution o u la m a u v a i s e exécution d'un service

« public sont d e la c o m p é t e n c e administrative et relè-

« v e n t , à défaut d'un texte spécial, d u Conseil d'Etat,

« juge d e droit c o m m u n d u contentieux d e l'adminis-

« tration publique, générale o u locale. » C'est la m ê m e solution qui a été adoptée d a n s l'affaire T h é r o n d (1 avril 1 9 1 0 , Dalloz 1912, 3. 57) o ù l'on voit la Ville d e Montpellier concéder le service d e l'enlèvement des bêtes m o r t e s trouvées sur la voie publique, e n y ajoutant le privilège d e les prendre aussi chez les particuliers, c o n - trat c o m m u n a l d e louage d e service qui, p o u r e m p l o y e r l'expression de M . Pichat, revêt là f o r m e d'une conces- sion ; m a i s c o m m e celle-ci n e serait susceptible d'être exé- cutée q u e si le Maire, p a r u n arrêté illégal (Conseil d'Etat,

sa définition exacte d'après l'élément prédominant. Sur ce point M . Bluni, Commissaire du Gouvernement, a donné, dans l'affaire Société dé Granit des Vosges contre Ville de Lille (24 juillet 1012- C o m . Cont., N ° 198, année 1912, page 311), des conclusions remar- quables de netteté. Appelant contrat « administratif» le marché de travaux publics, et contrat «ordinaire » le marché de fourni- tures, il faut valoir, en s'appuyant sur différents arrêts (Départe- m e n t de Maine et Loire, 11 novembre 1910 ; L a m y , 26 janvier 1912 ; Agence Nationale d'Affichage, 10 m a i 1912), qu'en cas de doute, il faut reconnaître le caractère de contrat administratif, à celui qui reste teinté et influencé par le service public pour lequel il est conclu ; pour qu'un marché c o m m u n a l de fournitures de- vienne un contrat cle travaux publics, il faut -qu'il établisse des rapports précis du fournisseur ou de ses agents, soit avec la com- m u n e , soit avec le public : il faut qu'il associe le fournisseur dans une mesure quelconque à la gestion du service. Mais lorsque le marché, au contraire, n'établit pas enlrc la c o m m u n e et le contrac- tant des rapports différents de ceux pouvant exister entre un particulier quelconque et. un marchand quelconque, .la c o m m u n e a agi c o m m e un particulier : la compétence est celle îles Tribu», naux ordinaires.

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26 L A H O U I L L E B L A N C H E 1 8 janvier 1901. Affaire C h a i g n e a u , Dalloz 1902. 3. 5 0

et C h . C r i m . , 2 2 juillet 1899, affaire C h a i g n e a u contre ministère public, Dalloz 1901. 1. 4 8 2 ) , imposait a u x h a - bitants d e livrer les bêtes à l'équarisseur public, elle doit être déclarée nulle (')• P o u r le dire, u n e seule juridiction est c o m p é t e n t e : le Conseil d'Etat.

Difficultés entre la c o m m u n e et le concessionnaire. — Compétence. — L a C o u r d e Cassation, c o m m e le Conseil d'Etat attribue le caractère d e contrat d e travail public

à toute concession d e g a z et d'électricité ; il e n est ainsi

(J) Monsieur le. Commissaire du Gouvernement a'fait l'histo- rique de la transformation d'une jurisprudence qui avait débuté d'une manière toute différente : le Conseil d'Etat ne devait d'abord connaître que les recours dirigés contre des actes d'au- torité entachés d'illégalité. L e Tribunal des Conflits a affirmé la compétence exclusive et absolue de la juridiction administrative qui ne peut -être que celle du Conseil d'Etat) pour connaître d'abord la question de la responsabilité de l'Etat dérivant du fait de ses agents ; dans l'affaire Blanco, il s'agissait de faire con- damner l'Etat, assigné devant le Tribunal Judiciaire en m ê m e temps que ses ouvriers et c o m m e responsable de leur fait, parce que dans la Manufacture des Tabacs de Bordeaux, en m a n œ u - vrant un wagonnet, ils avaient blessé une petite fille. L a déci- sion du Tribunal des Conflits, du 1è r février 1873, décide que l'action intentée par le demandeur a pour objet de faire déclarer l'Etat civilement responsable, par application des articles 1382, 1383, 1384 du Code Civil, de l'imprudence de ses ouvriers, que cette responsabilité n'est ni générale, ni absolue, qu'elle a ses règles spéciales suivant les besoins du service ; qu'aux termes des lois des 16-24 août 1790, titre 2, article 13 et 16 Frudictor an 3, la séparation des pouvoirs veut que l'autorité administrative soit seule compétente (Voir Trib. des Confl., 1e r février 1873, Blanco, Dalloz, 1873. 3. 20). M ê m e solution quand le département est atta- qué en raison de la responsabilité d'un Préfet, à l'occasion d'un incendie allumé à une meule de paille par u n aliéné dangereux qui s'était évadé d'un asile départemental. Il est évident que le Pré- fet ne peut être responsable d'une mauvaise organisation d'un service tout entier ; personnellement, il n'est pas chargé de sur- veiller les aliénés (Trib. des Confl., 29 février 1908, affaire Feutry contre Çréfet de l'Oise, Dalloz 1908. 3. 49) ; m ê m e solution encore quand une c o m m u n e est actionnée en raison de la faute de ser- vice commise par ses préposés qui avaient, pendant un jour d'orage, ouvert les vannes du canal de Marseille (de Fonscolombe contre Ville de Marseille, Trib. des Confl., 11 avril 1908, Dalloz 1908.

3, 67), et, enfin; solution identique dans une affaire basée sur le m ê m e acte, mais dirigée contre l'Association Syndicale du canal de Grignac par Jouillé (Trib. des Confl., 26 mai 1908. Jouillé contre Ass. Synd. de Grignac. Dalloz 1908. 3. 67). Ladite asso- ciation est prise dans cette hypothèse c o m m e u n établissement public, c'est-à-dire un service public spécial personnifié (Voir, sur ce point, Hanrion, page 771).

D e cette orientation cantonnée, tout d'abord, par la juris- prudence, dans le domaine de la responsabilité, est née* en m a - tière contractuelle, une orientation identique, dessaisissant la juridiction judiciaire au profit du Conseil d'Etat. Sans doute, il n'y a eu aucun changement pour les contrats de l'Etat et des colonies, car la juridiction administrative reçoit une pleine com- pétence indiquée à des textes spéciaux (décret du 10. juin 1806, article 13). Mais, en ce qui concerne les c o m m u n e s , on peut citer plusieurs arrêts : il ne faut pas attacher une trop grande impor- tance, à l'arrêt c o m m u n e de Saissac contre Meîliés du 28 mars 1888 (Dalloz 1889. 3. 53) ; en présence d'une fourniture de pétrole et d'un louage de service consistant dans l'allumage et l'extinction des réverbères, le Conseil d'Etat a déclaré que le Conseil de Pré- fecture avait eu tort de se déclarer compétent ; ce qui n'était pas douteux; seulement, il n'a pas donné d'indication au sujet de la caractéristique principale du contrat : devait-on le considérer c o m m e un marché de fournitures (dans ce cas le Tribunal judi- ciaire aurait été compétent exclusivement à tout autre) ou c o m m e une concession de louage de service (avec compétence du Conseil d'Etat). L a Jurisprudence s'est nettement affirmée.dans l'arrêt précité Thérond, du 4 avril 1910, qui n'a visé qu'un louage de service, bien nettement caractérisé.

depuis 1 8 8 0 ; a u p a r a v a n t , ces d e u x juridictions faisaient u n e distinction entre d e u x éléments d u contrat. L a partie relative à l'installation des o u v r a g e s d a n s la voirie é(ait seule considérée c o m m e u n travail public ; la partie rela- tive à la distribution d u g a z était justiciable des tribu, n a u x d e droit c o m m u n d e m ê m e - q u e les conditions finan- cières d u contrat. L e T r i b u n a l des Conflits a r o m p u avec cette tradition et, affirmé la c o m p é t e n c e exclusive d u Conseil d e Préfecture, p o u r juger entre le concédant et le concessionnaire, toutes lés contestations (interpréta- tion (') o u exécution.

L a décision d u Tribunal d e s Conflits d u 16 déceirf- bre 1876, rapportée clans Dalloz 1 8 7 7 . 3. 5 7 , avec nue ilote très c o m p l è t e , était relative à u n e discussion entre la Ville d e L y o n et la C o m p a g n i e d u G a z d e la Guillotière.

sur u n e clause d u contrat p r é v o y a n t u n e participation éventuelle a u x bénéfices d e l'exploitation. Quatre ans après, la C o u r d e Cassation se ralliait à cette jurisprudenœ dans, u n e affaire o ù la C o m p a g n i e , l'Union des G a z , re- prochait à la Ville d e N î m e s d'avoir, e n cours d e contrat, surélevé ses tarifs d'octroi a u préjudice d e sa concession, naire (arrêt d u 2 m a r s 1 8 8 0 . C h a m b r e Civile, Dalloz 1880.

1. 2 3 1 ) . L e Conseil d'Etat a d m e t depuis fort longtemps les m ê m e s principes ; o n n e saurait citer u n arrêt plus com- plet q u e celui d u 1 4 juin 1 9 1 2 , affaire M o t t e t contre com- m u n e d e Saint-Martin-Vésubie ( Corn. C o n t . 1912, page 2 7 7 , N ° 196) ; le Conseil d'Etat déclare : a) q u e le prin- cipe d e la c o m p é t e n c e administrative n'est e n rien modi- fié d u fait q u ' u n article d u contrat attribue à la Munici- palité le droit d'acquérir l'installation c o m p l è t e d e l'éclai- rage électrique « m o y e n n a n t u n prix fixé à dire d'experts, d o n t u n choisi p a r la Municipalité, et, e n cas d e désac- cord, entre les d e u x , u n tiers expert étant n o m m é par le J u g e d e P a i x » ; b) q u e l'évaluation faite p a r ledit expert doit être considérée c o m m e tin r e n s e i g n e m e n t susceptible d'être discuté parle Conseil d e Préfecture; c) — m a i s que si, c e p e n d a n t , le Conseil estime qu'il doit recourir à u n e me- sure d'instruction et d e vérification, il n'est p a s lié par ce fait q u ' u n expert a été n o m m é p a r l e J u g e d e Paix qui était i n c o m p é t e n t , maisil lui i n c o m b e d e n o m m e r u n autre expert, c o n f o r m é m e n t à la loi d u 2 2 juillet 1889.

U n e c o m m u n e peut-elle intenter directement u n procès contre s o n concessionnaire p o u r soutenir les intérêts de ses c o n s o m m a t e u r s qu'elle juge sacrifiés ?

L a question n e p e u t se résoudre q u e p a r u n e distinc- tion.

Si u n e c o m m u n e trouve, d a n s s o n cahier des charges, u n article formel qui lui p e r m e t t e d'intervenir dans l'in- térêt général des c o n s o m m a t e u r s , elle p e u t intenter au principal u n e action d o n t le b u t sera d e contraindre le concessionnaire a u respect d u contrat. U n arrêt • du 5 avril 1 8 8 4 a décidé qu'elle était e n droit d e demander le respect d'un article d e s o n traité, p o u r obtenir l'abais- s e m e n t des tarifs d a n s certaines conditions prévues (Con- seil d'Etat, Affaire C o m p a g n i e Parisienne d u G a z conln- Ville d e Paris, 5 avril 1 8 8 4 , Dalloz 1885. 5. 2 7 1 ) . Mais la

(') Il faut, évidemment, pour que le Tribunal administratii soit complètement saisi, qu'il existe entre la c o m m u n e et le conces- sionnaire une difficulté réelle ; on ne saurait obtenir une « consul- tation » du Conseil de Préfecture sans qu'elle soit annulée par !e

Conseil d'Etat (Conseil diEtat : Ville d'Oran contre Compagnie Centrale du Gaz, 19 m a r s 1875. Dalloz 1875. 3. 107),

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L A M O U I L L E B L A N C H E 27 question s'est présentée d'une façon toute spéciale, e n ce

qUi concerne la rédaction des polices à i m p o s e r a u x con- sommateurs. U n e c o m m u n e peut, si elle a joint à s o n cahier des charges u n e police type,, assigner directement son concessionnaire d e v a n t le Conseil d e Préfecture et demander la modification d e certains t e r m e s d e ce type, pour le motif q u e , d'après ses prétentions a u m o i n s , ces termes sont contraires a u x textes d u traité : la receva- bilité de son action et la c o m p é t e n c e d u Conseil d e Pré- fecture proviennent d e ce fait qu'il y a incorporation d u modèle type a u traité municipal, et q u e ce traité peut toujours, p o u r interprétation, être s o u m i s p a r u n e c o m - m u n e au juge administratif (Voir arrêt d u Conseil d'Etat clu 4 d é c e m b r e 1 8 8 5 q u i a r e c o n n u l'action d e la c o m - m u n e cle S a i n t - M a n d é recevable, Dalloz 1887. 3. 4 7 ) .

M ê m e si, d a n s le traité qui n e contient p a s d e m o d è l e , il a été inséré u n article r e n d a n t nécessaire l'approbation par le M a i r e d e tout m o d è l e a établir, la c o m m u n e peut discuter les t e r m e s d e la police a v e c s o n concessionnaire devant le Tribunal administratif. M a i s elle n e p e u t refuser son approbation q u e si la police qui lui est proposée est contraire a u cahier des charges ; et u n e c o m m u n e qui, par erreur, prétendrait q u e le prix p r o p o s é p a r le concession- naire est e n contradiction a v e c le cahier des charges, et se refuserait p a r ce motif à a p p r o u v e r u n projet, engagerait sa responsabilité (29 janvier 1 8 7 5 , Ville d e Chartres. R e c . Lebon, p a g e 7 7 ) .

Mais si la clause, sans être contraire a u cahier des char- ges, est s e u l e m e n t non prévue, la c o m m u n e n'a p a s qualité pour s'y opposer, p a r e x e m p l e , p o u r d e m a n d e r qu'une Compagnie concessionnaire n'inscrive p a s d a n s ses polices l'entretien d u c o m p t e u r à la charge d e l'abonné, q u a n d la fourniture a u c o m p t e u r n'est p a s p r é v u e a u cahier des charges qui n'envisage q u e la fourniture à la jauge ( C o m - pagnie générale d e s E a u x contre c o m m u n e d e Clichy, 3 mars 1893. Dalloz 1894. 3. 42). C a r i a c o m m u n e n e peut se considérer c o m m e investie d'un m a n d a t légal d e ses h a - bitants p o u r faire respecter leurs droits q u e s'il existe, entre elle et son concessionnaire, u n lien direct q u e la juridiction administrative p e u t facilement saisir, p a r e x e m p l e u n prin- cipe à faire maintenir tel qu'il est écrit d a n s le cahier, o u une violation formelle d e ce contrat à e m p ê c h e r . Si la clause que le concessionnaire discute a v e c les c o n s o m m a t e u r s n'est pas en,opposition directe a v e c le cahier des charges, la c o m m u n e n e p e u t p a s faire juger la question : la simple omission d a n s u n cahier, o u u n s y s t è m e n o n p r é v u a u m o - ment d u contrat, n e p o u v a n t être assimilés à u n e viola- tion d'un texte administratif (Conseil d'Etat, c o m m u n e de Neuilly ; R e c . L e b o n , p a g e 7 3 2 , (1).

Conflits entre les consommateurs et les concessionnaires.

— C e s conflits relèvent toujours d e la juridiction judi- ciaire o u c o m m e r c i a l e et il n'appartient jamais a u Tri- b u n a l administratif d e p r o n o n c e r u n e c o n d a m n a t i o n a u profit d'un particulier contre le concessionnaire o u inver- s e m e n t (Conseil d'Etat, 1 4 n o v e m b r e 1879. C o m p a g n i e d u G a z d'Arles contre P u e c h , Dalloz, 1880. 3. 3 0 ) . - — Conseil d'Etat, 2 8 juillet 1916. Société d u G a z clu Midi, contre Société Chapellerie Montilienne. Voir C o m m u n i c a t i o n d u C o m i t é d u Contentieux de la C h a m b r e Syndicale des Forces H y d r a u l i q u e s , a n n é e 1 9 1 8 , p a g e 9 7 , N ° 3 1 9 ) . S e u l e m e n t , d a n s certains cas, les juges d e droit c o m m u n n e p o u v a n t interpréter u n contrat administratif renvoient le plaideur d e v a n t le Conseil d e Préfecture, p o u r solliciter l'interpré- tation nécessaire, et revenir ensuite d e v a n t e u x , afin d'en- tendre la c o n d a m n a t i o n o u le rejet d e la d e m a n d e .

L a seule difficulté est d e reconnaître quels sont les cas o ù le T r i b u n a l d e droit c o m m u n peut statuer i m m é d i a -

t e m e n t , et quels sont les cas o ù il doit passer par cet éche- lon intermédiaire, c'est ce q u e n o u s allons essayer d'éta- blir clairement :

1° Il t o m b e sous le sens, tout d'abord, q u e si le conflit est n é d'une police à interpréter pour des causes n'intéres- sant en rien le mode de fourniture o u le p a i e m e n t , la solu- tion doit être d o n n é e e n dehors de toute i m m i x t i o n clu T r i b u n a l administratif : p a r e x e m p l e , u n e police doit-elle être considérée c o m m e faite par son signataire, p o u r lui seul o u p o u r son successeur '? (').

N e doit-on p a s déclarer nulle, c o m m e sans cause et viciée p a r la violence, u n e transaction passée entre u n a b o n n é et la C o m p a g n i e des E a u x cle Paris, q u a n d cette C o m p a g n i e , v o u l a n t à tout prix recouvrer les s o m m e s à elle d u e s p a r le martre d'un lavoir public, a i m p o s é a u suc- cesseur d e celui-ci, c o m m e prix d'une police i m m é d i a t e et indispensable a u f o n c t i o n n e m e n t clu lavoir, le p a i e m e n t préalable d'une s o m m e d e 5 0 0 francs ? Il est évident qu'en r é p o n d a n t affirmativement p a r j u g e m e n t d u 16 d é c e m - bre 1 9 1 0 , le Tribunal d e la Seine n e faisait q u e trancher u n e discussion p u r e m e n t privée (Voir le .Journal Le Droit, d u 2 7 d é c e m b r e 1910, et Gaz. des frib., 2 0 d é c e m b r e 1910).

2° L a même décision doit être appliquée d a n s le cas o ù le c o n s o m m a t e u r demande à avoir tel ou tel tarif a u lieu d e tel.ou tel autre ; car il s'agit d e déterminer la catégorie à laquelle il appartient : il e n serait d e m ê m e si la qualité d u c o u r a n t fourni à ce c o n s o m m a t e u r était e n discussion : le concessionnaire étant t e n u é v i d e m m e n t d e d o n n e r la qualité prescrite a u cahier des charges, la question porte sur le point d e savoir si la fourniture qui est faite, est con- f o r m e a u x exigences d u contrat initial. C'est é v i d e m m e n t

(') O n sait qu'aux termes de ia loi du 5 avril 1884, article 123 tout contribuable, inscrit au rôle de la • C o m m u n e a le droit d'exer- cer à ses frais et risques, avec l'autorisation du Conseil de Pré- fecture, les actions qu'il croit appartenir à la c o m m u n e ou section et que celle-ci préalablement appelée à en délibérer a refusé ou négligé d'exercer ; la c o m m u n e ou section de c o m m u n e est mise en cause et la décision qui intervient a effet à cet égard. Par consé- quent, quand u n particulier croit que la c o m m u n e a le droit d'exi- ger, d'après son cahier des charges, certains avantages pour les.

Consommateurs, il est susceptible d'être tenté par la rapidité et

l a simplicité de la procédure administrative ; il ira plus prompte- ment que s'il assignait le concessionnaire devant le Tribunal de Commerce, avec d e m a n d e de renvoi au Tribunal administratif Pour faire interpréter le cahier des charges. Mais il faut remarquer P c le contribuable peut agir seulement s'il est démontré que action mise en œ u v r e appartiendrait bien à la c o m m u n e ;on ne

saurait, par exemple, admettre qu'un consommateur fit trancher par cette voie, en l'absence de tout désaccord entre ia c o m m u n e et le concessionnaire sur l'exécution du traité, la question de savoir s'il a le droit d'exiger u n abonnement (Conseil d'Etat, C o m p a - gnie générale des E a u x contre Michel, 21 novembre 1890. Dalloz 1892. 3. 50).

(2) Voir Cassation, 14 avril 1885 (Dalloz 1886. 1. 30 ; affaire Douine contre Société d'Eclairage au Gaz) ; Cassation, 6 lé- vrier 1899 (Dalloz 1899. 1. 280 ; affaire Barrcre-Lherbier) ; Coin de Lyon, 1e r avril 1908 (Revue de l'Hygiène, année 1909, page 69 affaire Compagnie des Kaux contre Habitants de Monlchat)

« L'action intentée par un propriétaire contre la Compagnie

« concessionnaire, afin de faire condamner celle-ci à abonner

« directement ses locataires aux conditions des polices, est de la

« compétence du Tribunal ordinaire » : tel est le sommaire de l'arrêt de la Cour dé Lyon.

(5)

28 L A H O U I L L E B L A N C H E

u n conflit d a n s lequel l'interprétation d u cahier des charges n'a p a s à être d o n n é e ('). Il a m ê m e été jugé p a r la C o u r d ' A m i e n s , le 1 6 février 1 9 1 7 ( C o m . C o n t , 1919, N ° 3 2 6 ) , cpic si le cahier des charges dispense le concessionnaire, en cas d e force m a j e u r e , d e faire la fourniture, il n'y a p a s lieu à renvoi, le Tribunal d e C o m m e r c e étant c o m p é - tent p o u r rechercher s'il n'y a p a s eu, e n fait, faute d u distributeur.

3° D u reste, quelle q u e soit la t e n d a n c e d u litige, a u c u n e difficulté n e se produit q u a n d le c o n s o m m a t e u r d e m a n d e a u distributeur d'exécuter p u r e m e n t et s i m p l e m e n t le cahier des charges qui est parfaitement clair. Il s'agit p o u r la juridiction judiciaire d e faire u n e application pure et simple d u texte administratif : ce qui est toujours d a n s le -pouvoir d u juge, à la différence d e l'interprétation d e ce

texte '(Cassation, 2 9 avril 1 8 8 5 . Dalloz, 1 8 8 6 , 1. 2 3 9 ; affaire Valette, et Dalloz, s u p p l é m e n t V ° T r a v a u x P u - blics, N ° 1954).

Ainsi, u n propriétaire allègue q u e le concessionnaire, p a r s o n cahier des charges, est tenu d e faire u n e colonne m o n t a n t e q u a n d le propriétaire lui assure a u m o i n s trois a b o n n é s d e trois a n s ; u n e simple lecture d u cahier suffit p o u r bien connaître les obligations d u concessionnaire, et les juges d u Tribunal Civil savent, lire : il n'y a lieu qu'à application et le juge la fait directement (Cassation, 11 janvier 1911, Mon. Jud., d u 2 5 avril 1 9 1 1 , rejet d'un pourvoi contre u n arrêt d e la C o u r d e Paris, d u 5 jan- vier 1909).

M a i s il faut s'arrêter a ce point, et dès que l'interpréta- tion, si minime qu'elle soit, est nécessaire (c'est-à-dire si le Tribunal peut avoir le plus léger' d o u t e sur la significa-

tion d u cahier des charges), il doit surseoir à statuer et renvoyer les parties au- Tribunal administratif, jusqu'à ce q u e la solution ait été d o n n é e p a r celui-ci (2). B i e n des procès ont été perdus à la C o u r d e Cassation, parce q u e , p o u r g a g n e r d u t e m p s , les parties plaidantes avaient poussé le Tribunal Civil à d o n n e r l u i - m ê m e l'interpréta- tion d u cahier des charges. Ainsi, p a r e x e m p l e , la C o u r d e Paris avait cru pouvoir, e n lisant le règlement d e la distribution des e a u x e n vigueur d a n s la c o m m u n e d e C h a r e n t o n , tirer d e certains articles des conséquences qui n'y étaient pas écrites, m a i s qu'elle prétendait en faire découler p a r u n simple r a i s o n n e m e n t . S o n arrêt d u 2 4 dé- c e m b r e 1 9 0 2 a été cassé p a r la C o u r S u p r ê m e e n date d u 2 3 juin 1 9 0 9 (Dalloz, 1910. 1. 2 3 , affaire C o m p a g n i e des E a u x contre B e r l u q u e ) .

(') L e prononcé de ce renvoi est nécessaire et les parties ne peuvent s'adresser directement elles-mêmes au Tribunal adminis- tratif qui, pour elles, n'est qu'un Tribunal d'exception : il y aurait donc impossibilité d'avoir une décision qui ne serait pas préala- blement basée sur le renvoi du Tribunal judiciaire (Conseil de Pré- fecture de la Seine du 6 mai 1910 ; Gazette des Tribunaux du 27 juin 1910; (Communication du Contentieux de la Chambre Syndicale des Forces Hydrauliques, année 1910, page 345, N ° 126).

(2) Cassation, 24 avril 1885 (Dalloz 1186. 1. 239 ; affaire Valette, Pallud et Greck) ; Cassation, 6 mars 1901 (Dalloz 1902. 1. 251 ; affaire Meyronet contre Air comprimé). Dans ces deux affaires, il a été donné des solutions intéressantes sur de nombreuses ques- tions : les difficultés invoquées par le consommateur, tirées de ce tait que ce n'était pas la Société exploitante, mais son prédéces- seur qui avait signéle'contrat, ou bien que ce n'était pas l'ayant droit lui-même, mais son vendeur ; enfin, on lira certains détails de force majeure alléguées pour la cessation d'un abonnement de la responsabilité d'un vice de construction dans les canalisa-

tions établies.

Si la police à interpréter fait corps a v e c le contrat ad ministratif, l'interprétation est, à plus forte raison, clé, f e n d u e a u Tribunal Civil (Cassation 3 0 juillet 1908. DaK loz; 1908. 1. 4 5 3 ; affaire C o m p a g n i e des E a u x d'Oran contre D r o u g n o n ) .

L a m ê m e solution a été d o n n é e ; p a r la C o u r d'Appel d e T o u l o u s e d a n s le cas suivant : u n a b o n n é prétendait qu'en lui faisant signer sa police le concessionnaire avait violé ses dispositions d e son cahier des charges. E t il y avait u n e certaine obscurité d a n s la fixation d e la portée exacte d u contrat administratif : c h a c u n e d e s parties prétendait y voir ce q u e l'autre n'y voyait p a s : la C o u r a renvoyé, d e v a n t le. Tribunal administratif. L e s T r i b u n a u x judi.

ciaires doivent m ê m e surseoir â statuer sur u n litige entre la C o m p a g n i e concessionnaire et ses ouvriers a u sujet de la détermination dès salaires, si la contestation nécessite l'interprétation d'une clause obscure o u a m b i g u ë d u cahier des charges. Cassation, 9 juillet 1 9 1 3 , C o m p a g n i e géné- rale d u G a z d e B o r d e a u x contre B o r d e l et autres (Com, Cont., a n n é e 1 9 1 4 , p a g e 1 0 2 ) .

Enfin, u n e discussion 's'étant élevée à A u x e r r e pour savoir si le concessionnaire d e l'éclairage et d e la force était t e n u d e d o n n e r la force motrice a u x usines pendant le jour s e u l e m e n t o u p e n d a n t la nuit et le jour, le Tribunal n'a c o n d a m n é le. concessionnaire à u n e fourniture perma- n e n t e qu'après avoir reçu d u Conseil d'Etat l'assurance q u e tel était bien le sens d u cahier des charges (Voir ar- rêt d u Conseil d'Etat d u 5 janvier 1 9 0 7 , Dalloz, 1908. 3. 79, arrêt Soissons contre C o m p a g n i e Universelle d'Eclairage, d e C h a u f f a g e et d e F o r c e motrice, C o m . Cont., F. I L , N ° 20).

Les Tribunaux compétents pour juger les différends entre le concessionnaire et consommateur sont les sui- v a n t s :

1° Le Tribunal de Commerce, q u i doit être nécessaire- m e n t saisi, si le litige est e n g a g é entre le distributeur (qui est s û r e m e n t u n c o m m e r ç a n t ) et u n autre c o m m e r ç a n t qui utilise le courant p o u r les besoins d e s o n c o m m e r c e . Le m ê m e Tribunal p e u t être saisi p a r u n n o n - c o m m e r ç a n t contre;

le distributeur ; le p r e m i e r a le droit d e choisir cette juridiction q u i n e p e u t p a s être récusée p a r le distri- b u t e u r : u n c o m m e r ç a n t , e n effet, n e saurait se plaindre d'être traduit d e v a n t s o n p r o p r e Tribunal.

2° Le Tribunal Civil, si le distributeur assigne u n consom- m a t e u r n o n c o m m e r ç a n t , ce dernier n e p o u v a n t être dis- trait d e ses juges naturels ; si c'est le c o n s o m m a t e u r qui assigne le distributeur, ce dernier, bien q u e commerçant n e p e u t récuser le Tribunal Civil, car il n e saurait, en effet, obliger u n d e m a n d e u r à recourir a u T r i b u n a l d e C o m m e r c e qui est u n T r i b u n a l d'exception. O n p e u t consulter sur ce point le Répertoire pratique de. Dalloz V ° compétence c o m m e r c i a l e N ° 19, et l'arrêt d e la C h a m b r e des Requêtes d u 1e r juillet 1 9 0 8 , affaire ,Coulon contre F a v a u d o n Dal- loz, 1919. 1. 11 ; cet arrêt a n o n s e u l e m e n t reconnu que le T r i b u n a l d e droit c o m m u n est c o m p é t e n t p o u r juger u n c o m m e r ç a n t à la requête d'un n o n c o m m e r ç a n t , mais q u e le s e c o n d p e u t e m p l o y e r contre le p r e m i e r les modes d e p r e u v e e n u s a g e a u T r i b u n a l d e C o m m e r c e , bien que re soit la juridiction d e droit c o m m u n q u i soit saisie.

3° Le juge de Paix, cette juridiction n'est compétente q u e si l'action e n g a g é e rentre p a r s o n t a u x et par sa na- ture d a n s le d o m a i n e d e la c o m p é t e n c e déterminée par la loi du- 1 2 juillet 1905.

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L A H O U I L L E B L A N C H E

29

Personne n'ignore q u e le juge d e p a i x p o u r toutes actions purement personnelles o u mobilières est c o m p é t e n t p o u r statuer e n dernier ressort jusqu'à u n e valeur d e 3 0 0 fr. ; entre 3 0 0 et 6 0 0 francs, il n e juge qu'en p r e m i e r ressort, Vest-à-dire q u e la partie p e r d a n t e p e u t déférer le juge-

ment a u Tribunal Civil qui constitue le second degré (').

D a n s les affaires qui n o u s o c c u p e n t , la nature de-l'ac- tion ne p e u t soulever a u c u n e difficulté. Elle sera toujours ou personnelle, c o m m e u n e d e m a n d e d e p a i e m e n t d e s o m - mes arriérées o u mobilière c o m m e u n e revendication d'ob- jets mobiliers, p a r e x e m p l e u n m o t e u r , des l a m p e s , etc.

Mais la détermination d u t a u x d u ressort présente des questions quelquefois c o m p l i q u é e s ; p a r e x e m p l e , u n con- s o m m a t e u r d e m a n d e a u juge d e paix d'abord d e c o n d a m - ner le distributeur a u p a i e m e n t d'une s o m m e d e 1 5 0 francs, pour rupture intempestive d e courant, et ensuite le réta- blissement d e ce courant, à peine d'une astreinte d e 5 fr.

par jour de retard p e n d a n t dix jours ; il semblerait a u pre- mier abord q u e cette d e m a n d e d û t être qualifiée e n der- nier ressort, p u i s q u e le d e m a n d e u r l u i - m ê m e n'en fait pas monter le chiffre m ê m e à 3 0 0 francs. N é a n m o i n s , la C o u r cle

(') La compétence clu juge de paix en matière mobilière étant générale dans les limites du taux précité, il a le droit d'examiner tous les moyens qui sont opposés par le défendeur à la demande et doit statuer sur les questions d'interprétation, d'existence, de validitéet m ê m e sur le mérite d'offres réelles qui ont été pratiquées.

U ne peut y avoir de difficulté que lorsque le défendeur fait valoir un moyen qui n'a pas simplement pour but de repousser la de- mande, mais qui oblige le juge à statuer sur u n droit propre au défendeur : il t o m b e sous le sens que l'ordre des compétences pourrait en être troublé : il y aura lieu alors- d'appliquer les règles suivantes : si la d e m a n d e principale et la d e m a n d e recon- ventionnelle, chacune étant prise isolément, rentrent toutes les deux dans le cadre cle la compétenco, Je juge de paix peut statuer sur le tout en dernier ressort ; lorsque la d e m a n d e recon- ventionnelle excède la compétence clu juge de paix, celui-ci doit se dessaisir de cette demande, et il peut soit retenir le jugement de la demande principale, soit renvoyer sur le tout les parties à se pourvoir devant le Tribunal de première instance sans préliminaire de conciliation ; s'il garde à son Tribunal la demande principale, en renvoyant la d e m a n d e reconventionnelle, son jugement ne peut être qu'en premier ressort (Répertoire prati- que V° Compétence Civile des Juges de Paix, numéros 46, 47 et suivants). Si cependant il s'agissait d'une demandée rconven- tionnelle en dommages-intérêts exclusivement basée sur -la demande principale, la loi dispose que cette d e m a n d e ne saurait rendre l'affaire susceptible d'appel, si le taux de la d e m a n d e prin- cipale ne comporte pas le deuxième degré de juridiction.

Un arrêt extrêmement intéressant a été rendu le 10 décem- bre 1888 par la C h a m b r e Civile, affaire Compagnie d'Assurances la Centrale contre Philippe (Dalloz 1889. 1. 441) : il s'agissait d'une demande reconventionnelle au sujet de laquelle la Cour a admis que la valeur de la d e m a n d e en résiliation d'une police d'assurance se détermine par la totalisation des primes qui seraient à payer jusqu'à l'expiration naturelle du contrat.

cassation, d a n s u n arrêt e x t r ê m e m e n t intéressant, a déclaré qu'il n'appartient p a s a u d e m a n d e u r , e n chiffrant le m o n - tant des dommages-intérêts, d e rendre « déterminée » la v a - leur d'une réclamation qui, p a r sa nature, est indéterminée-

L e d e m a n d e u r réclamait e n réalité d e u x choses bien dis- tinctes : line s o m m e très faible, c o m m e réparation d u pré- judice causé p o u r le passé ; d e ce chef a u c u n e difficulté,.

car u n e s o m m e est toujours u n e s o m m e ; il réclamait aussi la reprise d e la fourniture d u courant, clans u n délai d e dix jours, à peine d e cinq francs p a r jour : or la restitution d'un courant, n'a p a s u n e valeur fixée ; elle est i n d é p e n d a n t e des d o m m a g e s - i n t é r ê t s d u s p o u r la rupture, et d e l'astreinte re- lative à la reprise, puisqu'à l'expiration clu délai p e n d a n t lequel court l'astreinte, il faudra revenir d e v a n t le Tribunal p o u r être statué à fond. L e j u g e m e n t , e n vertu de.l'article

1 4 d e la loi d u 2 5 m a i 1838, n e pouyait être qu'en premier ressort. (Ch. civile, 1 8 janvier 1921). Cassation a u profit d e M a g n a u , propriétaire d u Secteur d'éclairage cle Bray-sur- Seine, p a r défaut contre M o r e a u d'un j u g e m e n t d u Tri- bunal.civil d é Provins d u 1 2 avril 1916, qui avait déclaré irrecevable l'appel contre u n e décision d u juge d e paix cle Bray-sur-Seine.

S'il est u n e question qui n o u s a été s o u v e n t posée, c'est celle d e la compétence, d u juge des référés q u e des personnes privées d e courant, p a r u n fait u n p e u b r u s q u e d u distribu- buteur, aimeraient à voir proclamer universellement : il est si c o m m o d e de recourir à u n magistrat qui juge rapide- m e n t et sans frais !

M a l h e u r e u s e m e n t , s'il est vrai q u e le juge des référés n e p e u t être saisi qu'en cas d'urgence, cette condition « d'ur- g e n c e » n'est p a s suffisante ; il faut aussi q u e la solution q u e l'on d e m a n d e a u juge d e d o n n e r sur l'heure, ne préjuge pas le fond ; l'article 8 0 9 d u C o d e d e P r o c é d u r e Civile le dit e x p r e s s é m e n t : « L e s o r d o n n a n c e s sur référé n e feront a u c u n préjudice a u principal. » C'est surtout d a n s le d o - m a i n e d u fait q u e la c o m p é t e n c e d u juge s'exerce ( ferme- ture d'une excavation dangereuse, étayage d'un m u r m e - n a ç a n t ruine, m ê m e n o m i n a t i o n d'un.expert d a n s u n litige qui serait d e la c o m p é t e n c e d u Tribunal Civil). Il p e u t aussi s'avancer sur u n terrain qui aurait été l'objet d'un contrat, m a i s à la condition q u e ce soit p o u r maintenir l'une des parties d a n s u n e prétention qui serait justifiée par u n titre très sérieux. A u contraire, o n considère gé- n é r a l e m e n t qu'il n e saurait dire si le courant a été c o u p é à tort sans faire l u i - m ê m e l'interprétation d u contrat tacite o u exprès qui est intervenu entre le distributeur et le c o n - s o m m a t e u r . Ainsi, le Tribunal Civil d e B r i a n ç o n siégeant e u référé s'est déclaré i n c o m p é t e n t pourfaire rétablir u n e four- niture d e courant q u e le distributeur avait r o m p u e sur le refus- d u c o n s o m m a t e u r cle signer u n e police (Af. J a c o b , 9 avril 1 9 2 1 . Bulletin des Usines Electriques, d é c e m b r e 1 9 2 0 - A o û t 1921.

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