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L É G I S L A T I O N
La taxation de la force motrice des chutes d'eau à l'impôt foncier
(A propos de la revision décennale en cours)
Par P A U L B O U G A U L T , Avocat à la Cour d'Appel de Lyon.
La reprise de la révision décennale qui, après avoir été ordonnée par la loi du 22 mars 1021 est actuellement en cours, a appelé l'attention des Industriels sur de multiples problèmes dont le principal csl le suivant : la taxation de la force motrice d'une chute d'eau est-elle légale? El, dans le cas de l'affirmative, comment doit-elle être opérée? L'article que l'jn va lire a pour but de répondre à celle question.
Le principe de la taxation de la force motrice. — U n e force est produite p a r une masse d'eau qui t o m b e d'un point à un a u t r e : c'est, en réalité, une chose immatérielle et l'on doit d ' a u t a n t moins en douter a u j o u r d ' h u i , m ê m e au point de v u e légal, que la loi du 16 octobre 1919 a dissocié l'un de l ' a u t r e ces deux élé- m e n t s : l'eau, considérée dans les usages agricoles et domestiques qui c o n t i n u e n t à être régis p a r les principes du Code Civil, et la force motrice ou l'énergie qu'elle p r o d u i t qui est réglementée p a r la nouvelle loi, dans des conditions qui v a r i e n t selon la puissance o b t e n u e . On se d e m a n d e c o m m e n t , a u point de v u e foncier, — ce qui est s y n o n y m e d'immobilier, — c'est-à-dire sous l'aspect le plus matériel que l'on puisse concevoir, la t a x a t i o n d'une chosj immatérielle p e u t être p r a t i q u é e ?
L a cause première se t r o u v e é v i d e m m e n t dans le désir de ne pas laisser perdre, p o u r le Trésor Public, u n e source a b o n d a n t e de revenus. Mais, le p r é t e x t e juridique destiné à voiler c e t t e cause, est plus difficile à déterminer : il semblerait m ê m e qu'il fût impossible à t r o u v e r : car une force motrice n'est j a m a i s créée sans u n canal et, précisément, la loi organique de la contribution foncière du 3 Frimaire a n V I I (23 N o v e m b r e 1798) contient un article ainsi conçu : a r t . 104 : * l e s - c a n a u x destinés à conduire
« les e a u x des moulins, forges et a u t r e s usines, ou à les d é t o u r n e r
« pour l'irrigation, seront cotisés, mais à raison de l'espace seu-
« l e m e n t qu'ils occupent et sur le pied des terres qui les b o r d e n t . » D ' a p r è s ce t e x t e , é t e n d u p a r la loi du 5 Floréal a n X I (25 Avril 1803) à t o u s les c a n a u x de navigation, on ne doit p a s considérer le canal comme a y a n t une valeur plus g r a n d e que la t e r r e sur laquelle il repose (Code des Lois poi. V° Contributions Directes, p., 150 et 151).
Mais, la J u r i s p r u d e n c e , p o u r échapper à ces considérations, a toujours appliqué en les c o m b i n a n t e n t r e eux, d e u x a u t r e s a r t i - cles de la m ê m e loi (1) : l'article 5 et l'article 87 d'après lesquels
(1) Voir dans le Code des Lois Pol. eodem verbo, p . 172, le t e x t e de ces articles : article 5 : « le revenu net imposable des maisons,
« et celui des fabriques, forges ,moulins et autres usines sont t o u t
« ce qui reste au propriétaire, déduction faite sur leur valeur loca- K tive calculée sur un nombre d'années déterminé, de la somme
« nécessaire pour l'indemniser du dépérissement et des frais d'en-
« tretien et de réparation. » Article 87 : « le revenu net imposable
« des fabriques, manufactures, forges, moulins et autres usines,
« sera déterminé d'après leur valeur locative, calculée sur dix
« années, sous la déduction d'un tiers de cette valeur en considé-
« ration du dépérissement et des frais d'entretien et de répara-
« tion » On remarquera que la contribution des chemins de fer a été établie p a r tous les cahiers des charges annexés a u x lois por- t a n t concession des entreprises de cette n a t u r e et mise à la charge des concessionnaires : on retrouve aussi dans les cahiers des che- mins de fer d'intérêt local cette rubrique qui m e t à la charge des concessionnaires la contribution foncière, t a n t de la voie que des propriétés bâties, la première seule [étant calculée comme pour les canaux. Il en est de même pour les chemins de fer de l ' E t a t (loi du 22 déc. 1878, art. 9, D . P . 79. 4. 10).
les moulins, comme les a u t r e s propriétés immobilières cons- t r u i t e s , doivent être taxés à la c o n t r i b u t i o n foncière d'après la valeur locative, c'est-à-dire le revenu q u ' e n t r o u v e r a i t le proprié- taire : ce revenu bénéficie, au p o i n t -de v u e liscal, de certaines réductions. Or, q u a n d un moulin est offert en location, la force m o t r i c e qu'il p e u t procurer est un des éléments les plus impor- t a n t s qui influe sur le loyer d o n t le, p r i x est d é b a t t u . On a même v u des usines h y d r a u l i q u e s données à bail, bien qu'elles fussent privées de leurs « engins t o u r n a n t s » ; car il suffit de remplacer les artifices disparus p o u r r e t r o u v e r l'utilisation de la force, qui a persisté m ê m e p e n d a n t la durée du chômage.
Ces considérations sont passées d a n s nos m œ u r s juridiques e t s'expriment c o u r a m m e n t p a r l'adage s u i v a n t : « est soumise
« à la t a x a t i o n foncière la force motrice b r u t e d ' u n e usine, h y d r a u -
« lique ». P r a t i q u e m e n t , si l'usine est. louée, la v a l e u r locative imposable est trouvée d ' a p r è s les usages légaux, en m a t i è r e de t a x a t i o n des usines ; si elle, n'est p a s louée, é t a n t exploitée p a r le propriétaire lui-même, les a g e n t s du fisc s'efforcent d'évaluer la valeur locative du cheval à l'extrémité de la dérivation (1), sauf à lui ajouter, p o u r avoir une t a x a t i o n complète, la valeur locative de la roue ou de la t u r b i n e .
Exemples de jurisprudence : Décisions du Conseil d'Etat. — P e u de questions ont été aussi s o u v e n t portées d e v a n t les J u r i - dictions compétentes, que ce p r o b l è m e de la t a x a t i o n de l'énergie h y d r a u l i q u e . On a m ô m e multiplié les m o d e s de présentation, mais on n ' a pu réussir à o b t e n i r une décision favorable : la t a x a - tion à l'impôt foncier de la force h y d r a u l i q u e est une règle in- flexible.
Sans vouloir donner une é n u m é r a t i o n complète, nous pouvons grouper les décisions et les classer d a n s les catégories suivantes : 1° Décisions ayant affirmé explicitement ou implicitement le principe de la taxation : A r r ê t du 29 Avril 1904, d a m e Deval (Rec. Cons. E t . 1904, page 352) (2) : le canal s e r v a n t à alimenter la c h u t e d'eau qui fournit à un moulin la force motrice, doit être considéré comme faisant partie de ce moulin, et il doit être tenu c o m p t e de cet élément d'imposition d a n s l'établissement de la c o n t r i b u t i o n foncière. Arrêt du 3 Février 1900, d a m e Monnicr (Rec. Cons. E t . 1900, p a g e 98) : u n e usine doit être imposée à raison du sol, de la force motrice, de l'outillage. Arrêt du 19 J a n - vier 1901, Caron (Rec. Cons. 1901, page 51) : la v a l e u r locative doit être appréciée, en t e n a n t c o m p t e de la force motrice existante e t non de celle v é r i t a b l e m e n t utilisée. Arrêt du 26 Mars 1886, Truffa u t (D. P . 87. 3. 90) : un meunier n'est pas fondé à soutenir q u ' o n a tenu compte à tort comme élément d'imposition de son usine, de la force motrice d o n t dispose son moulin.
(1) Voir plus loin la méthode employée.
(2) Cet arrêt est également reproduit dans DalIoZj 1906. 5. 10, Article published by SHF and available athttp://www.shf-lhb.orgorhttp://dx.doi.org/10.1051/lhb/1924039
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2° Décisions ayant répondu ci certaines questions spéciales : arrêt du 20 Mars 1886, B r u n e i (D. P . 87. 3 90) : le propriétaire d'un moulin n'est pas fondé à d e m a n d e r la réduction de la contri- bution foncière établie d'après le loyer qu'il retire de son moulin, en se basant sur ce qu'il paie une redevance de 5.800 fr. pour con- cession de la force motrice utilisée (1). Arrêt du 5 Août 1921, Basse et Société Electro-métallurgie de Saint-Béron (Rec. Cons.
E t . 1921, page 822) : cet arrêt est ainsi conçu : « considérant que
« pour d e m a n d e r réduction du revenu net imposable assigné à
« son immeuble, lequel c o m p r e n d n o t a m m e n t une chute d'eau
« t r a n s f o r m é e en force h y d r a u l i q u e , le sieur Basse soutient que
« c'est à fort qu'il a été fait é t a t pour l'établissement de ce
« r e v e n u , du prix de location d'une pat lie de cette force portée
« à un bail en cours intervenu e n t r e sa locataire, la Société Elec-
« tro-métallurgique. de Saint-Béron et la Société Ilydro-élcc-
« trique de Guiers ; que ce procédé c o n d u i t à imposer la force
« de l'eau, alors qu'il ne doit être t e n u compte que de la valeur des
« installations s e r v a n t à e n g e n d r e r et diriger cette force : consi-
« déranl, d ' u n e p a r t , que ladite chute d'eau envisagée dans son
« ensemble, constitue l'un des éléments de la v a l e u r locative de
« l'immeuble en cause et doit dès lors, être comprise, pour sa lotu-
« lité, d a n s les bases de calcul de la contribution foncière ; que,
« p o u r d é t e r m i n e r la v a l e u r locative de cette chute, transfo-mée
« en force h y d r a u l i q u e , il a p p a r t e n a i t à l'Administration de pro-
« céder, soit au m o y e n des actes de location, a u x q u e l s cette force
« a v a i t pu d o n n e r lieu, soit p a r comparaison avec le loyer des
« c h u t e s similaires de. la région, soit, à défaut de ces bases, p a r
« voie d ' a p p r é c i a t i o n directe ; considérant, d ' a u t r e p a r t , qu'il
« résulte de l'instruction, et n o t a m m e n t de l'expertise à laquelle
« il a été procédé, le 27 J a n v i e r 1*913, q u ' e n f i x a n t à 87.022 fr.
« la v a l e u r locative de l ' i m m e u b l e d o n t s'agit; après avoir t e n u
« c o m p t e , non s e u l e m e n t des t e r r a i n s , des b â t i m e n t s et de l'ou-
« tillagc, mais encore de la chute d'eau cl de son aménagement,
« l ' A d m i n i s t r a t i o n des c o n t r i b u t i o n s directes n ' a p a s fait une
« évaluation exagérée de ladite v a l e u r locative. »
Mais, il faut a t t a c h e r une i m p o r t a n c e particulière à l'arrêt du 5 x\ o û t 1921, Compagnie des P r o d u i t s Chimiques d'Alais et de la C a m a r g u e (Rec. Cons. E t . 1921, p a g e 824). Soit p o u r la contri- b u t i o n foncière, soit p o u r la t a x a t i o n à la p a t e n t e , la Société r é c l a m a n t e faisait valoir les d e u x a r g u m e n t s s u i v a n t s : a) la chute d'eau était constituée p a r u n e dérivation d o n t le b a r r a g e et la plus g r a n d e p a r t i e du canal d ' a m e n é e , é t a i e n t situés sur une com- m u n e différente de celle sur laquelle l'usine é t a i t établie : on ne p o u v a i t donc p a s a p p l i q u e r la force à l'usine m ê m e , car elle est en réalité produite, p a r t o u t e l ' é t e n d u e de la dérivation : elle a u r a i t donc dû être imposée sur le t e r r i t o i r e des c o m m u n e s t r a - versées ; b) la force h y d r a u l i q u e est utilisée n o n point sous la forme de m o u v e m e n t , mais sous forme de chaleur qui sert au chauffage des cuves s e r v a n t à la fabrication de l ' a l u m i n i u m .
Le Conseil d ' E t a t a jugé i n o p é r a n t s ces deux m o y e n s de défense p a r un a r r ê t ainsi conçu : « Considérant qu'il résulte de l'instruc-
« tion q u e la Compagnie des P r o d u i t s Chimiques d'Alais et de la
« C a m a r g u e dispose, d a n s l'usine p a r elle occupée, de la force
« h y d r a u l i q u e p r o d u i t e p a r d e u x chutes d ' e a u ; que la dite force,
« utilisée p o u r la fabrication de l ' a l u m i n i u m , constitue u n moyen
« m a t é r i e l de p r o d u c t i o n et doit, dès lors, n o n o b s t a n t le fait que
« les dites chutes d'eau seraient situées sur le territoire d'une com-
Kinune voisine, être comprise d a n s le calcul de la v a l e u r locative
« de l ' é t a b l i s s e m e n t ; considérant que la circonstance q u ' u n e (1) Voir également arrêt du 13 janvier 1899, Compagnie des Salins du Midi (D. P . 1900. 3. 42-) : « C'est à bon droit que, poni-
li apprécier la valeur locative de la force motrice, il n'a pas été
« fait de déduction de la redevance que la Compagnie paie à l ' E t a t
« pour la concession de l'eau. »
« partie de la force h y d r a u l i q u e d o n t s'agit sert à p r o d u i r e l'éner-
« gie électrique exclusivement employée au chauffage des cuves,
« n'est pas de nature à justifier l'exclusion de cette force des élé-
« m e n t s imposables de l'usine. Considérant, d ' a u t r e p a r t , qu'il
« résulte de l'instruction e t n o t a m m e n t de l'expertise à laquelle
« il a été procédé, que les valeurs locatives assignées p a r l'Admi-
« nistration a u x installations de la Compagnie r e q u é r a n t e , sises
« sur le territoire de la c o m m u n e de Saint-Martin-la-Porte et
« qui o n t servi de base a u x droits proportionnels de p a t e n t e ,
« afférents a u x années 1905 à 1911 inclusivement, et a u x contri-
« b u t i o n s foncières des a n n é e s 1910 et 1911, auxquels elle a été
« imposée sur les rôles de la dite c o m m u n e , n ' é t a i e n t p a s exagé-
« rées p a r comparaison à celles des établissements similaires de
« la région. Que, par suite, c'est avec raison que le Conseil de
« Préfecture a rejeté les réclamations de la Compagnie. » (1) 3°) Décisions ayant non seulement prononcé le principe de la taxation, mais encore donné des renseignements sur les méthodes d'évaluation : ces arrêts sont très n o m b r e u x ; les plus intéressants sont les s u i v a n t s :
a) Arrêt du 5 a o û t 1921, Société Escarfail (Rec. Cons. E t . 1921, page 825) : t a n t en ce qui concerne la contribution foncière des
propriétés bâties que la t a x a t i o n à la p a t e n t e , il faut déterminer la valeur locative, soit a u moyen de b a u x a u t h e n t i q u e s et de déclarations verbales d û m e n t enregistrées, soit par comparaison avec d ' a u t r e s locaux d o n t le loyer a u r a été régulièrement cons- t a t é ou sera n o t o i r e m e n t connu, et ce n'est qu'à défaut de ces élé- ments d'instruction qu'elle peut être déterminée par voie d'appré- ciation. L a force motrice qui donne l'impulsion à u n e usine, cons- t i t u e un m o y e n matériel de production. Le Conseil de Préfecture a d é t e r m i n é la v a l e u r locative de cette force par voie d'apprécia- tion directe et sans tenir c o m p t e de la valeur locative de la force utilisée d a n s des établissements similaires, cités au cours de l'ins- t r u c t i o n , et n o t a m m e n t d a n s le r a p p o r t des e x p e r t s : il y a lieu de d é t e r m i n e r cette valeur locative, d'après celles qui o n t é t é ainsi indiquées p a r voie de comparaison. Le Conseil d ' E t a t ré- forme t a n t p o u r la p a t e n t e que pour la c o n t r i b u t i o n foncière.
b) Il faut r a p p r o c h e r de cet a r r ê t celui du 28 J u i n 1918, Mizgier (Rec. Cons. E t . 1918, page 648) : la valeur locative de la c h u t e d'eau, utilisée p o u r la force, h y d r a u l i q u e de l'usine du r é c l a m a n t , doit être évaluée par comparaison avec d'autres chutes d'eau dont le loyer a été régulièrement constaté, et en t e n a n t c o m p t e de la situation et du régime de la chute d'eau d o n t il s'agit. Le Conseil d ' E t a t a d o p t e , t a n t p o u r la p a t e n t e que pour la contribution foncière, le recours du Ministre des Finances contre divers arrêtés du Conseil de Préfecture de la Savoie : il déclare qu'il résulte de l'instruction, et n o t a m m e n t de l'expertise à laquelle il a été p r o - cédé, que le Conseil de Préfecture a fait u n e évaluation insuffi- s a n t e de la v a l e u r locative de la c h u t e d'eau utilisée pour la force h y d r a u l i q u e de l'usine du r e q u é r a n t ; p a r comparaison avec d ' a u -
tres chutes d'eau, d o n t le loyer a été régulièrement constaté e t en t e n a n t c o m p t e de la situation et du régime de la chute d'eau
(1) Le Recueil du Conseil d ' E t a t (année 1915, page 169), cite encore un arrêt du 14 mai 1915, relatif à une question de contri- bution foncière, qui rejette un pourvoi contre un arrêté du Conseil de Préfecture de l'Isère (affaire du canal d'arrosage de la R o m a n - che) ; il lui donne ce sommaire : « pour fixer le, revenu net iinpo-
« sable d'une usine actionnée par un m o t e u r hydraulique, il y a
« lieu de tenir compte de la valeur locative de la chute d'eau u t i -
« lisée et qui constitue un des éléments de la valeur locative de.
« l'immeuble ; » (rejet implicite d'une objection tirée de ce que la Houille blanche dérivant des chutes d'eau é t a n t un combustible, ne doit pas entrer en compte pour le calcul de l'impôt) ; il s'agis- sait d'un recours relatif à la t a x a t i o n foncière des propriétés bâties sur la commune de Jarrie.
206 LA H O U I L L E BLANCHE d o n t il s'agit, il sera fait une exacte valuation de sa évaleur loca-
tive. en la fixant à 30 fr. par cheval-vapeur ; q u ' e n faisant é t a t de cet élément d'imposition, seul contesté p a r le Ministre des Finances et le sieur Mizgier, il y a lieu de fixer à 27.475 fr. le revenu net devant servir de base à l'imposition de la contribution foncière (1).
c) Un arrêt du 7 Juillet 1909, Société Française des Forces H y d r a u l i q u e s du R h ô n e (Rec. Cons. E t . 1909, p . 660) : cette décision établit une différence de principe e n t r e la t a x a t i o n de la chute à la contribution foncière et la t a x a t i o n de la même c h u t e à la p a t e n t e . L a v a l e u r locative servant'de base à un impôt qui est fixé pour 10 ans, dcit comprendre la valeur totale de la chute d'eau d o n t dispose la Société, encore bien qu'elle n'en utilise q u ' u n e seule p a r t i e dans l'exercice de son industrie, la chute faisant t o u t entière p a r t i e i n t é g r a n t e de l'établissement. Au con- traire, en ce q u i concerne le droit proportionnel de la p a t e n t e , la valeur locative de l'établissement industriel doit être calculée i n d é p e n d a m m e n t du r e n d e m e n t effectif de l'exploitation et du bénéfice qu'elle p r o d u i t ; mais ce principe n'autorise pas le Ministre des Finances à p r é t e n d r e que la valeur locative de la chute doit être établie sur t o u t e la force nominale, mais seule- m e n t sur la partie de cette force qui p e u t être effectivement t r a n s - formée en énergie électrique : car c'est simplement d a n s la limite où cette t r a n s f o r m a t i o n p o u v a i t être opérée, que la force h y d r a u - lique constituait un moyen matériel de production, au sens de l'article 12, p a r a g r a p h e 3 de la loi du 15 Juillet 1880. (La valeur locative p o u r la p a t e n t e a été estimée à 22.163 fr. et p o u r la contribution foncière à 38.878 fr.).
Evaluation de la valeur locative du cheval brut. — On com- prend quelle difficulté p r a t i q u e on r e n c o n t r e q u a n d il faut cal- culer le loyer d'un cheval théorique, et les erreurs sur ce point sont tellement r é p a n d u e s que l'on doit indiquer, t o u t d'abord, celles d a n s lesquelles on p o u r r a i t tomber.
1°) L a valeur locative du cheval est absolument i n d é p e n d a n t e du p r i x de revient de la c h u t e . Il est évident que, dans la m ê m e région, deux chutes ne tireront pas de la puissance d o n t elles p e u v e n t disposer, un intérêt différent, parce que l'une a u r a dû consacrer à son premier établissement des sommes plus considé- rables que celles avancées p a r l ' a u t r e ; sans doute, au point de vue commercial, le r e n d e m e n t et l ' a m o r t i s s e m e n t des c a p i t a u x engagés seront moins a v a n t a g e u x dans la première affaire que dans la seconde ; mais, la valeur du cheval employé ou loué à des tiers restera identique, soit qu'il s'agisse d ' u n e t r è s basse
(1) C ' e s t u n p r i n c i p e q u e le Conseil d ' E t a t n e m a n q u e p a s d'af- l i r m e r : c ' e s t s e u l e m e n t à d é f a u t d e t e r m e s d e c o m p a r a i s o n , q u e la v a l e u r l o c a t i v e d e s l o c a u x i m p o s a b l e s à la c o n t r i b u t i o n fon- cière p e u t ê t r e é v a l u é e d i r e c t e m e n t : u n c o n t r i b u a b l e q u i p o s s è d e u n i m m e u b l e , d o n t la v a l e u r l o c a t i v e a p u ê t r e n o r m a l e m e n t d é t e r - m i n é e p a r v o i e d e c o m p a r a i s o n a v e c les b â t i m e n t s s i m i l a i r e s d u q u a r t i e r , n e s a u r a i t d e m a n d e r q u e c e t t e v a l e u r l o c a t i v e f u t fixée p a r v o i e d ' a p p r é c i a t i o n d i r e c t e (5 f é v r i e r 1 9 1 5 , L a u r e n t , R e c . C o n s . E t . , 1 9 1 5 , p a g e 12).
c h u t e à gros débit, cpii coûte un prix très élevé, soit qu'il s'agisse d'un faible débit dérivé sur une forte p e n t e , soit que les t r a v a u x aient été ou non p r a t i q u é s dans un tunnel plus ou moins favo- rable à la construction.
2°) Il ne faut p a s confondre, la valeur locative du cheval b r u t , avec le prix du cheval équipé, ou si l'on v e u t du k i l o w a t t v e n d u . L a vente du c o u r a n t électrique suppose d ' a b o r d au profit du v e n d e u r un bénéfice commercial, et il est de j u r i s p r u d e n c e cons-.
t a n t e en m a t i è r e d ' i m p ô t foncier et m ê m e de p a t e n t e , que la valeur locative ne doit rien avoir de c o m m u n avec le profit com- mercial : si un propriétaire, louait sa maison à un c o m m e r ç a n t en fixant comme loyer un p o u r c e n t a g e sur les recettes du com- merce, il ne ferait p a s un bail dans le sens réel du m o t , mais une sorte d'association en p a r t i c i p a t i o n : il a u r a i t le droit absolu de d e m a n d e r q u ' a u c u n compte ne fut t e n u du c o n t r a t antérieur, et la valeur locative de. son immeuble serait trouvée par compa- raison avec un i m m e u b l e de. m ê m e i m p o r t a n c e dans la m ê m e région. De plus, d a n s le p r i x du kilowatt, v e n d u , on trouve non seulement l a valeur locative du cheval b r u t , m a i s encore celle des engins hydrauliques ou électriques de t r a n s f o r m a t i o n (tur- bines ou a l t e r n a t e u r s ) qui o n t concouru à la production du cou- r a n t . Lorsque l'agent fiscal réclamera p a r conséquent, la commu- nication des c o n t r a t s passés par l ' e x p l o i t a n t avec les communes, le d é p a r t e m e n t , l ' E t a t , on p o u r r a satisfaire à son désir, parce que la publicité de ces d o c u m e n t s lui p e r m e t t r a toujours de se les procurer. Mais, il y a u r a lieu de lui faire observer qu'ils ne d o n n e n t en ce qui concerne la valeur locative, a u c u n renseigne- m e n t v r a i .
Le seul m o y e n , un peu empirique, p o u r c o n n a î t r e la valeur locative du cheval, consiste p o u r l'Administration à rechercher d a n s la région une location faite, dans des conditions indiscu- t a b l e s et ne p o r t a n t que sur u n b a r r a g e e t u n canal, c'est-à-dire sur u n e force motrice installée, mais non équipée : on rencontre plus f r é q u e m m e n t q u ' o n le suppose, à première v u e , des t r a c t a - tions de cette n a t u r e , g é n é r a l e m e n t d a n s le cas où des affaires peu prospères ou l'exiguité de m o y e n s financiers ont a m e n é la cession d ' u n e entreprise a v a n t son a c h è v e m e n t . Le prix de loca- tion, p o u r le, n o m b r e d o n n é de chevaux, divisé p a r ce n o m b r e fait t r o u v e r la valeur de l'unité.
Il est é v i d e n t que ce prix unitaire ne doit p a s être p u r e m e n t e t s i m p l e m e n t t r a n s p o r t é d a n s l'affaire e x a m i n é e : les valeurs locatiyes d'une puissance v a r i e n t d'une région à une a u t r e : la commodité de l'accès d a n s l'usine, les m o y e n s de c o m m u n i c a t i o n (chemin de fer, c a n a u x ) , l ' a b o n d a n c e de la m a i n - d ' œ u v r e dans l é p a y s r e n d r o n t la location plus facile q u e d a n s d ' a u t r e s régions.
D e plus, on t r o u v e plus a i s é m e n t u n p r e n e u r p o u r une puis- sance normale que p o u r une puissance considérable exigeant des c a p i t a u x très i m p o r t a n t s . D a n s la région du S u d - E s t la valeur locative du cheval b r u t a y a n t été fixée à 30 fr. vers 1910 p o u r des chutes a d m i r a b l e m e n t situées, la m ê m e valeur a été abaissée à 15 fr. pour d ' a u t r e s moins h e u r e u s e m e n t placées et b e a u c o u p plus considérables.