Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. XIII - n° 3 - mai-juin 2018
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R e v u e d e p r e s s e de l’Association des internes en hématologie
Équipe rédactionnelle :
Mathieu Meunier (Grenoble) Thomas Chalopin (Tours) Nicolas Stocker (Reims) Maya Belhadj (Paris) Jérôme Paillassa (Angers)
Coordination : Cédric Rossi (Toulouse et Dijon)
Ibrutinib et R-ICE : une union qui fait la force
Parmi les patients atteints d’un lymphome diffus à grandes cellules B (LDGCB) en rechute ou réfractaire (R/R) après une première ligne de traitement, seuls 40 % répondent à la chimiothérapie de rattrapage. Dans le but d’améliorer ce taux de réponse, cet essai de phase I monocentrique a testé l’association du R-ICE avec l’ibru- tinib, qui a déjà montré son efficacité en monothérapie dans les LDGCB de type ABC dans un autre essai de phase I. Vingt et un patients en R/R après une première ligne de chimiothérapie et éligibles à une autogreffe ont été inclus, dont 4 souffrant d’un lymphome B primitif du médiastin (LBPM) et 5, d’un syndrome de Richter (SR). Le taux de réponse globale est de 90 % dont 55 % de réponses complètes (RC), avec 89 % de RC chez les patients non GC, 100 % de réponse partielle (RP) pour les LBPM, 40 % de RC et 60 % de RP pour les SR. Aucune toxi- cité limitante n’a été rencontrée aux paliers de dose testés (420, 560 et 840 mg). Au total, 95 % des patients ont pré- senté une toxicité hématologique de grade ≥ 3, attendue et résolutive avant le cycle suivant, dont 4 épisodes de neutropénie fébrile. Peu de toxicités non hémato logiques ont été observées avec notamment 1 cas de fibrillation atriale et 2 cas de tachycardie sinusale.
Commentaire. Les résultats de cet essai sont très prometteurs avec, d’une part, des taux de réponse exceptionnels dans cette population au pronostic assez défavorable − on notera la forte proportion de LBPM et de SR − et en particulier pour les LDGCB de type ABC, et, d’autre part, un profil de toxi- cité acceptable, même avec 840 mg d’ibrutinib. Il convient maintenant de réaliser un essai de phase II qui, espérons-le, confirmera ces résultats.
M. Belhadj (Paris)
• Sauter CS, Matasar MJ, Schoder H et al. A phase 1 study of ibrutinib in combination with R-ICE in patients with relapsed or primary refractory DLBCL. Blood 2018;131(16):1805-8.
sein de la triade RANK-RANKL-ostéoprotégérine. Cette étude de phase III, internationale, en double aveugle, randomisée 1:1 a inclus 1 718 patients atteints d’un myélome multiple nouvellement diagnostiqué. L’objectif principal était la non-infériorité du dénosumab pour le temps à la survenue du premier événement osseux (SRE) par rapport à l’acide zolédronique. L’end-point a été atteint avec un hazard ratio à 0,98 (IC
95: 0,85-1,14 ; p = 0,010). Les effets indésirables principaux pour les 2 traitements sont la toxicité hématologique (neutro- pénie, thrombopénie, anémie), l’aplasie fébrile et la survenue de pneumopathies.
Commentaire. Devant l’importance des supportive care dans le myélome multiple, cet essai met en avant une nou- velle arme dans la prévention et le traitement de la maladie osseuse. Plus simple d’utilisation (voie sous- cutanée), d’ef- ficacité similaire et aussi plus maniable en fonction de l’in- suffisance rénale, le dénosumab pourrait s’imposer dans les services de soins si son coût par rapport aux biphosphonates ne freine pas les cliniciens…
T. Chalopin (Tours)
• Raje N, Terpos E, Willenbacher W et al. Denosumab versus zoledronic acid in bone disease treatment of newly diagnosed multiple myeloma:
an international, double-blind, double-dummy, randomised, controlled, phase 3 study. Lancet Oncol 2018;19(3):370-81.
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
Le dénosumab peut-il détrôner les biphosphonates dans le myélome multiple ?
Soixante-dix pour cent des patients atteints d’un myélome multiple souffrent d’une atteinte osseuse au diagnostic. Cette problématique a connu peu d’avancées significatives ces dernières années. Une immunothérapie s’avère cependant très prometteuse, le dénosumab, un anticorps monoclonal qui cible la protéine RANK-ligand, essentielle dans la maladie osseuse myélomateuse, au
Surcharge martiale et transplantation de CSH ne font pas bon ménage
L’effet de la surcharge martiale dans le contexte de
la greffe de cellules souches hématopoïétiques allo-
géniques (Hematopoietic Stem Cell Transplantation
[HSCT]) est sujet à controverse. Dans l’étude allemande
ALLIVE, observationnelle, prospective et multicentrique,
les auteurs ont étudié la valeur prédictive du fer stocké
(IRM hépatique) et du fer biologiquement actif (fer
plasmatique labile) sur les résultats post-HSCT chez
des patients atteints d’une leucémie aiguë myéloblas-
tique ou d’un syndrome myélodysplasique. Cent douze
patients ont été inclus. Le taux de fer intrahépatique
avant HSCT n’est pas significativement corrélé avec la
concentration de fer plasmatique labile. La concentra-
tion de fer plasmatique labile augmente rapidement
pendant le conditionnement et la plupart des patients
(79 sur 108 [73 %]) ont un taux supérieur à la norme le
jour de la transplantation. Les patients ayant un taux
en fer intrahépatique prétransplantation supérieur ou
égal à 125 μmol/g (7 mg/g) ont une incidence de mor-
talité non liée à la rechute à 100 jours (20 %, IC
95: 14-26)
supérieure à ceux avec des taux plus faibles (7 % ; IC
95:
2-12 ; p = 0,039). Les patients qui avaient présenté une
Revue de presse
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concentration de fer plasmatique labile élevée avant conditionnement avaient également une incidence significativement plus élevée de mortalité non liée à la rechute à 100 jours (33 % ; IC
95: 15-52) que ceux qui avaient une concentration normale (7 % ; IC
95: 2-13 ; p = 0,00034).
En conclusion, le fer plasmatique labile est détectable chez la plupart des patients avant et pendant le conditionnement pour HSCT, et des niveaux élevés peuvent prédire une augmentation de la mortalité non liée à la rechute surtout due à des infections.
Commentaire. Dans cette étude, les auteurs sug- gèrent un lien entre la surcharge martiale et la mortalité non liée à la rechute au décours de l’HSCT.
Au vu des résultats, il serait intéressant d’organiser un essai prospectif interventionnel avec une stra- tégie de chélation du fer pour approfondir cette hypothèse. Par ailleurs, le protocole MDS ALLO RISK (soutenu par le GFM) propose une chélation pré-allogreffe (NCT02757989). La principale cause de décès était due à des infections. Cette étude renforce l’hypothèse selon laquelle la croissance bactérienne et fongique se fait aux dépens du stock de fer de l’hôte. De plus, de nombreuses études montrent un bénéfice sur l’hématopoïèse de la chélation du fer avec diminution du stress oxydatif responsable de nombreuses atteintes cellulaires.
M. Meunier (Grenoble)
• Wermke M, Eckoldt J, Götze KS et al. Enhanced labile plasma iron and outcome in acute myeloid leukaemia and myelodysplastic syndrome after allogeneic haemopoietic cell transplantation (ALLIVE): a prospective, multicentre, observational trial. Lancet Haematol 2018;5(5):e201-e210.
MW et de LDGCB ABC MYD88 muté avec trans- fection lentivirale de BTKC481S, les auteurs ont montré une persistance de l’activation de l’axe BTK-PLCγ2-ERK1/2-p90RSK au cours du trai- tement par ibrutinib auquel ces cellules sont résistantes. L’utilisation d’inhibiteurs d’ERK1/2 conduit à l’apoptose des cellules, de façon synergique avec l’ibrutinib. Les auteurs ont également mis en évidence un relargage de cytokines pro-survie et pro-inflammatoires, en particulier l’IL-6 et l’IL-10, par les cellules trans- fectées BTK
C481Sau cours du traitement par ibrutinib. Ce relargage semble être la consé- quence de l’activation d’ERK1/2, puisqu'il est diminué par les inhibiteurs d’ERK1/2. Des expériences de coculture Transwell montrent que les cellules BTK
C481Stransfectées protègent des effets de l’ibrutinib les cellules BTK
WTvia un mécanisme paracrine. Les anticorps blo- quants anti-IL-6 et/ou anti-IL-10 abolissent cet effet de sauvetage (rescue). De manière intéressante, chez des patients ayant une MW en rechute, traités par ibrutinib et chez qui apparaît la mutation C481S de BTK, les taux sériques d’IL-6 et d’IL-10 sont élevés au cours de la progression de la maladie. Ainsi, la réac- tivation d’ERK1/2 semble jouer un rôle majeur dans la résistance à l’ibrutinib liée à BTK
C481Sdans ces 2 hémopathies MYD88 muté.
Commentaire. Ce travail fournit la première preuve expérimentale d’une activation persis- tante d’ERK1/2 médiant la résistance à l’ibru- tinib liée à BTK
C481Sdans la MW et le LDGCB ABC MYD88 muté. Ce mécanisme a également été constaté dans les cellules B de leucémie lym- phoïde chronique d’un patient avec la muta- tion BTK
C481Set ayant progressé sous ibrutinib, permettant d’émettre l’hypothèse d’un mode de résistance similaire dans les hémopathies MYD88 non muté. Cette étude permet également d’expli- quer comment une mutation présente dans un sous-clone minoritaire conduit à la progression de la maladie, via un mécanisme paracrine. Pour contourner cette résistance à l’ibrutinib, les options thérapeutiques pourraient être l’utilisation d’in- hibiteurs d’ERK1/2 ou d’anticorps anti-IL-6/IL-10.
J. Paillassa (Angers)
• Chen JG, Liu X, Munshi M et al. BTKCys481Ser drives ibru- tinib resistance via ERK1/2 and protects BTKwild-type MYD88-mutated cells by a paracrine mechanism. Blood 2018;131(18):2047-59.
(KRd) sur lénalidomide-dexaméthasone (Rd) en termes de survie sans progression (SSP). Les auteurs de cette étude ont ana- lysé la survie globale (SG) et la tolérance de ces mêmes patients. Entre 2010 et 2012, 396 sujets ont été inclus dans les groupes KRd ou Rd. Avec un suivi médian de 67 mois, la médiane de SG dans le bras KRd est de 48,3 mois contre 40,4 mois dans le bras Rd (HR = 0,79 ; p = 0,0045), soit un gain de SG de 7,9 mois. La médiane d’amélioration de la SG est influencée par le nombre de lignes de traitement antérieurs (gain de 11,4 mois en première rechute et de 6,5 mois au-delà).
En termes de tolérance, les principaux effets indésirables du carfilzomib sont observés sans nouvelle alerte (toxicités rénale, car- diaque, hématologique et neurologique).
Commentaire. Ces données confirment l’intérêt de l’association KRd en traitement du myélome multiple en rechute et le bénéfice en termes de SSP et de SG. Les résultats de l’étude ASPIRE, en sus de ceux de l’étude ENDEAVOR, démontrent l’im- portance du carfilzomib dans ce contexte et nos algorithmes thérapeutiques seront déterminants dans l’amélioration de la survie des patients. Cette association représente désormais un candidat sérieux en situation de première rechute.
N. Stocker (Reims)
• Siegel DS, Dimopoulos MA, Ludwig H et al. Improvement in overall survival with carfilzomib, lenalidomide, and dexa- methasone in patients with relapsed or refractory multiple myeloma. J Clin Oncol 2018;36(8):728-34.