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Milstein, Köhler et la découverte des anticorps monoclonaux

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Academic year: 2022

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Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. XII - n° 2 - mars-avril 2017 101

h i s t o i r e

Milstein

Köhler

Milstein, Köhler et la découverte des anticorps monoclonaux

Milstein, Köhler and the discovery of monoclonal antibodies

P. Camparo*

© Correspondances en Onco-Urologie 2017;8(1):49-50.

* Centre de pathologie, Amiens.

L’

histoire de l’immunologie est jalonnée de noms et d’aventures où la science voisine souvent avec la légende. Edward Jenner, Louis Pasteur, Albert Calmette ou Camille Guérin ont largement contribué à cette “mythologie”.

En 1984, c’est au tour de trois “héros” de l’immunologie moderne de passer à la postérité. Cette année-là, le prix Nobel de physiologie et de médecine récompense des travaux sur les théories concernant la spécifi cité du développement et du contrôle du système immunitaire et le principe de production d’anticorps monoclonaux.

Niels Kaj Jerne est le plus âgé des trois. Immunologiste danois né le 23 décembre 1911 à Londres, il tra- vaille d’abord au Danish Statens Serum Institute de Copenhague avant de rejoindre l’Organisation mon- diale de la santé à Genève, puis Pittsburgh, l’Institut d’immuno logie de Bâle, en Suisse, et, enfi n, l’Institut Pasteur de Paris, où il est nommé professeur en 1980.

Durant ce long parcours international, il élabore trois théories fondamentales sur la production des anticorps et la régulation de la réponse immunitaire, qui lui valent la consécration suprême :

✓ l’ensemble des anticorps que peut produire un individu est présent dès la naissance et la réponse immunitaire humorale à un nouvel antigène se fait par sélection (premier principe de Jerne) ;

✓ la reconnaissance du soi par les cellules immunitaires se déroule lors de la maturation des lymphocytes dans le thymus (deuxième principe de Jerne) ;

✓ enfi n, le contrôle de la réponse immune humorale se fait par un mécanisme complexe d’équilibre anti- corps-anticorps (théorie de réseau), et c’est l’apparition d’un antigène nouveau qui, venant perturber cet équi- libre, génère la réponse immune spécifi que (troisième principe de Jerne).

Georges Jean Franz Köhler est le plus jeune des trois.

Né en 1946 à Munich, il n’a donc que 38 ans (!) lors- qu’il reçoit le prix Nobel. Après une thèse de science de l’université de Fribourg sur l’analyse immunolo- gique des bêta-galactosidases qu’il réalise à Bâle dans le même institut que celui où travaille Jerne – mais sous la supervision de Fritz Melchers, futur directeur de

l’institut –, Köhler eff ectue un post-doctorat au Medical Research Council Laboratory of Molecular Biology de Cambridge (Royaume-Uni) sous la direction de César Milstein. Leurs travaux donneront lieu à une publica- tion qui va bouleverser l’utilisation diagnostique et thérapeutique des anticorps en décrivant l’obtention d’anticorps monoclonaux à partir de fusions cellulaires.

César Milstein est donc le troisième compère de cette cérémonie. Né le 8 octobre 1927 à Bahia Blanca en Argentine, son enfance est difficile au sein d’une famille pauvre d’émigrés juifs. D’abord plus intéressé par la “politique” que par les études, il rencontre son épouse Celia lors de ses activités syndicales et passe sa première année de mariage à camper à travers l’Europe puis rejoint un kibboutz, avant de retourner en Argentine pour obtenir son diplôme de docteur en chimie (université de Buenos Aires), en 1957. Grâce à l’obtention d’une bourse de l’université de Cambridge (Royaume-Uni), il rejoint, en 1958, le département de biochimie de cette université pour travailler sous la direction de Frederick Sanger (2 fois prix Nobel). C’est Sanger qui le convaincra de s’installer défi nitivement en Angleterre en 1963, alors que Milstein est désor- mais malvenu dans son pays, et lui conseillera d’ap- pliquer ses connaissances de biochimie à l’étude de l’immuno logie.

À l‘époque, la structure des anticorps est connue et leur mode de production bien décrit. La question que se pose Milstein est de savoir comment analyser les variations dans les structures protéiques et ARN des immuno globulines. Pour ce faire, Milstein, bientôt aidé de Köhler qui rejoint Cambridge en avril 1974, utilise une technique nouvellement introduite dans son laboratoire de fusions de lignées cellulaires issues de myélomes. Les deux chercheurs caressent l’espoir de mieux comprendre l’assemblage des diff érents composants protéiques des sous-unités stables et variables des immunoglobulines.

Les résultats sont décevants mais, en associant une lignée cellulaire produisant des immunoglobulines G (MOPC-21) avec une lignée de cellules prélevées dans la rate de souris Balb/c immunisées contre des globules rouges de mouton, Milstein et Köhler obtiennent une

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lignée cellulaire immortalisée produisant de façon quasi pure des anticorps dirigés contre les globules rouges de mouton. Les résultats de ce premier hybridome sont publiés dans Nature en 1975 (1) .

Depuis cette publication, les anticorps monoclonaux pro- duits par hybridomes tels que “découverts” par Milstein et Köhler ont trouvé de multiples usages, tant en recherche qu’en diagnostic (tests biologiques de cytométrie en fl ux, Western Blot, tests immunohistochimiques pour les dia- gnostics anatomopathologiques) ou en thérapeutique en hémato-oncologie, par exemple (la DCI des anticorps monoclonaux utilisés comme médicaments se termine par “mab”, pour “ monoclonal antibody ”).

En 2011, plus de 300 sociétés de par le monde fabri- quaient plus de 2 millions d’anticorps monoclonaux pour un chiffre d’affaires d’environ 1,6 milliard de dol- lars. Mais, face à cet afflux d’anticorps monoclonaux, le problème est de s’assurer de la réelle spécificité et du bon usage des anticorps proposés. Une étude, réalisée en 2015 par le Global Biological Standards Institute (GBSI), a ainsi montré que plus de 50 % des chercheurs n’arrivaient pas à authentifier l’identité de lignées cellulaires à l’origine de la production des anticorps monoclonaux qui leur étaient propo- sés (2) . L’année suivante, le GBSI montrait que près d’un tiers des scientifiques reconnaissaient ne pas valider comme recommandés les anticorps qu’ils utilisaient par manque de temps ou par confiance excessive dans les produits proposés (3) . Ces 2 études soulignent ainsi l’importance des biais que peuvent induire ces comportements dans la significativité et la reproductibilité des travaux publiés.

Dès lors, différents groupes de chercheurs ont tenté d’établir des bases de données permettant de valider la spécificité et le bon usage d’anticorps monoclo- naux (antibodypedia.com, antibodies-online.com, antibody registry.org, proteinatlas.org, etc.) tandis que le GBSI propose des recommandations de bonne pratique à l’usage des producteurs et utilisateurs (gbsi.org) et participe à de nombreuses publications scientifiques d’assurance qualité.

Les travaux des Nobel 1984 n’en représentent pas moins une avancée considérable dans les pratiques scientifiques quotidiennes lorsqu’ils sont utilisés avec conscience (figure) .

Comme dans toute mythologie, il y a dans les décou- vertes de Milstein, Köhler et Jerne une part de génie, de hasard et de magie. Une part de tragédie aussi.

Niels Jerne décédera dans l’anonymat en octobre 1994 au château de Bellevue à Castillon-du-Gard où il est enterré. À peine 5 mois plus tard, le 1 er mars 1995, une pneumonie emportera Georges Köhler, âgé de 48 ans à peine. César Milstein décédera le 24 mars 2002 sans avoir revu l’Argentine après 40 ans

d’exil. ■

Figure. Image extraite du discours de Milstein pour la réception du prix Nobel 1984 expliquant la découverte de l’hybridome MOPC-21-Balb/cSC anti-SRBC.

L’antigène (ici un globule rouge de mouton [SRBC pour “Sheep Red Blood Cells”]) est injecté chez la souris Balb/c. Des plasmocytes sécrétant des anticorps spécifi quement dirigés contre les SRBC sont extraits de la rate après quelques semaines. Ces plasmocytes sont alors fusionnés in vitro avec des lignées cellulaires myélomateuses (MOPC-21). Les cellules hybrides obtenues (ou hybridomes) sont sélectionnées et se multi plient dans un milieu de culture approprié (ici HAT).

In fi ne, elles y produisent des anticorps monoclonaux anti-SRBC, purs en quantités importantes.

Clone P3 - X63Ag8 IgG1 (χ) (grows in T.C. but

dies in HAT)

Spleen cells SRBC immunized

Balb/C (Dies in T.C.)

Sp 1/7 Anti SRBC macroglobulin

Sp 2/3 Anti SRBC

IgG2b Isolated clones

Sp 3/15 Anti SRBC

IgG1 Sp - Hybrids

(Grow in HAT) All secrete P3 chains Most secrete new chains Some with anti SRBC activity

1. Köhler G, Milstein C. Continuous cultures of fused cells secreting antibody of predefi ned specifi city. Nature 1975;256(5517):495-7.

2. Freedman LP, Gibson MC, Bradbury AR et al. The need for improved education and training in research antibody usage and validation practices. BioTechniques 2016;61(1):16-8.

3. Baker M. Biomedical researchers lax about validating antibodies for experiments. Nature News 2016. Disponible sur http://www.nature.com/news/biomedical-researchers-lax-about-validating-anti-

bodies-for-experiments-1.20192

R é f é r e n c e s

PS : Nils Kaj Jerne a souhaité que sur son caveau ne fi gurent ni date, ni titre, ni même une photo. Ce souhait d’anonymat est respecté ici.

P. Camparo déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

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