• Aucun résultat trouvé

Claude Simon un artiste polyvalent

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Claude Simon un artiste polyvalent"

Copied!
9
0
0

Texte intégral

(1)

1

Claude Simon un artiste polyvalent

Par : Pr. HADJI Khalid

Université Sidi Mohammed Ben Abdellah- Fez Laboratoire La.R.E.L.A

&

Mme AADEL Rabia

Doctorante - Université Sidi Mohammed Ben Abdellah- Fez.

Laboratoire La.R.E.L.A

Résumé :

Claude Simon n'a pas produit d'œuvre picturale, ou s'il l'a fait, il n'a Jamais partagé cette expérience avec des spectateurs. Mais, son nom a toujours été associé à la peinture et ce pour au moins deux raisons : d'une part parce que le discours de la peinture ou le discours sur la peinture revient avec une constance frappante sous sa plume. C'est le rapport entre Claude Simon écrivain et Claude Simon photographe dont il sera question dans cette ébauche.

Mots clés :

Claude Simon écrivain - Claude Simon photographe - œuvre picturale - Baroque - forme esthétique – modernité - discours de la peinture - discours sur la peinture.

(2)

2 Claude Simon un artiste polyvalent, voilà une affirmation qui ne risque pas de choquer ni les lecteurs de celui-ci ni les critiques qui se sont intéressés à son œuvre.

Non seulement son écriture a toujours présenté des affinités et des assonances avec les arts plastiques et plus particulièrement avec la peinture, mais aussi parce que cet auteur a pratiqué la peinture, le dessin, la photographie et, dans une certaine mesure, le cinéma.

Mais, c'est pour l'écriture, la peinture et la photographie qu'il s'est passionné le plus et c'est dans ces champs artistiques qu'il a beaucoup excellés.

Certes, Claude Simon n'a pas produit d'œuvre picturale, ou s'il l'a fait, il n'a Jamais partagé cette expérience avec des spectateurs. Mais, son nom a toujours été associé à la peinture et ce pour au moins deux raisons : d'une part parce que le discours de la peinture ou le discours sur la peinture revient avec une constance frappante sous sa plume et ce depuis son premier texte en l'occurrence le Tricheur publié en 1945 jusqu'à son dernier texte le Tramway publié quatre années avant son décès survenu en juillet 2005. Il en va de même de ses interviews et de ses conférences dans lesquels il ne pouvait s'empêcher, pour décrire ou expliquer un phénomène donné, de recourir à des exemples extraits du monde de la peinture.

Et d'autre part, parce qu'il a "écrit ses livres, affirma-t-il déjà en 1967 comme on ferait un tableau" puisque selon lui l'écriture et la peinture sont deux "arts de la composition".

Il est à souligner que cet aspect de l'esthétique de Claude Simon a fait l'objet de plusieurs études magistrales dont essentiellement celle menée par Jean Rousset qu'il a intitulée "Guerre et peinture dans la Bataille de Pharsale de Claude Simon" et celle entreprise par Ferrato-Combe et qu'elle a fait publiée sous un titre fort révélateur Ecrire en peintre Mais, c'est certainement le rapport entre Claude Simon écrivain et Claude Simon photographe qui a été peu étudié.

Dans le présent travail, nous proposons, pour ouvrir le chemin à des études plus approfondies et plus spécialisées, et afin de montrer que Claude Simon est un artiste interdisciplinaire, d'étudier le rapport entre ces deux volets de l'œuvre de Claude Simon, en l'occurrence son texte écrit et son texte photographié, en particulier celui publié en 1992, sous le titre Photographies et qui comporte des photographies prises entre 1937 et 1970.

Notre étude portera essentiellement sur un aspect, à notre sens, crucial qui définit et nourrit la relation qu'entretiennent d'une manière générale les arts du visible fréquemment invoqués par l'auteur, ses textes écrits et ses textes photographiques, en l'occurrence l'esthétique baroque. Le présent travail se déroulera en deux temps : dans un premier temps nous étudierons le projet esthétique de Claude Simon et dans un deuxième temps nous analyserons les aspects baroques de son écriture et de sa photographie.

De toutes les formes artistiques, c'est incontestablement l'art baroque qui a retenu l'attention et l'intérêt de notre auteur. Ce dernier ne partage pas seulement avec les artistes baroques la même contestation des formes et des structures classiques, mais bien au-delà. Il semble avoir une même conception de l'art que les artistes baroques qui se traduit par l'emploi des mêmes thèmes, des mêmes motifs et des mêmes figures pour représenter le

(3)

3 monde. Comment cela ?

Depuis son apparition jusqu’à aujourd’hui le Baroque est défini d’une manière péjorative. Littré donne du baroque la définition suivante: “ d’une bizarrerie choquante ”.1 Le Robert le définit comme suit : “ qui est d’une irrégularité bizarre ” et les synonymes qu’il en donne sont :“ bizarre ”, “ biscornu ”, “ choquant ”, “ étrange ”, “ excentrique ”, “ irrégulier ” quant aux antonymes qu’il propose sont : “ normal ”, “ régulier ” et “ classique ”. 2

Claude Gilbert Dubois explique cet état de fait comme suit : “ [d]epuis que le classicisme nous a été imposé [...] comme une exigence contraignante de la beauté, aux prétentions législatrices et aux ambitions totalitaires, le baroque est resté relégué dans le vocabulaire technique de la joaillerie, ou dans les catégories mal établies du bizarre, quelque part entre le grotesque satisfait et le ridicule redondant [...] ”3

Rares, en effet, sont les critiques qui donnent du Baroque une définition positive. Il a fallu attendre plusieurs siècles pour parvenir à ce résultat. Il faut souligner que les études des philosophes constructivistes, en l’occurrence Michel Foucault, Gilles Deleuze, Jacques Derrida, etc., ont participé pour une large part à la réhabilitation de cette forme artistique.

Selon Pierre Francastel “le sucés du Baroque est l’un des symptômes du sucés actuel de la pensée anhistorique. ”4

Pour Bénito Pelégrin, la conception moderne du Baroque comme forme esthétique

« vise à l’élargissement du concept, à sa dissémination, à sa dépense son gaspillage dans notre modernité. »5

Umberto Eco, quant à lui, considère le baroque comme première manifestation de la modernité. Avec le baroque, note Umberto Eco, « l’homme échappe à la norme, au canonique (garanti par l’ordre cosmique et par la stabilité des essences) et se trouve, dans le domaine artistique aussi bien que scientifique, en face d’un monde en mouvement, qui exige de lui une activité créatrice. »6 Par ses angles brisés, ses formes sinueuses, ses lignes retorses et par le jeu des pleins et des vides, de la lumière et de l’ombre il crée un univers hétérogène discontinu et entièrement en mouvement.

Mais quel est le rapport de Claude Simon et le Baroque ? Pour répondre à cette question, il faut considérer son projet esthétique qu’il met en pratique dans l’ensemble de son œuvre :

Esthétique et perception :

- « […] je n’ai jamais encore, à soixante-douze ans découvert aucun sens à cela [son passé], si ce n’est, comme l’a dit, je crois, Barthes après Shakespeare, que « si le monde signifie quelque chose, c’est qu’il ne signifie rien »- sauf qu’il est. »7 Il ne faut pas croire par là que Claude Simon s’inscrit sur la lignée des écrivains de l’absurde. Voici ce qu’il pense à cet effet : « je pense que le non-sens est encore une invention des poètes et des philosophes. Une

1 Voir entrée du mot in Littré.

2 Voir entrée du mot in Le Robert.

3 Dubois, Claude - Gilbert, Le Baroque profondeurs de l’apparence, Larousse, Paris, 1978, p.17

4 Francastel, Pierre, « Le Baroque et nous »in L’Arc n°6, avril 1959, p.85.

5 Pélegrin, Bénito, “Visages, virages, rivages du baroque, rives et dérives ” in Figures du baroque, Colloque du Cerisy-la-Salle, p.250.

6 Eco, Umberto, L’Ouvre ouverte, pour la tr. Fr. Seuil, Coll. Points, Paris, 1982, p.21.

7 Voir entre autres Discours de Stockholm, Minuit, Paris, 1986, p.24, Révolution n°29, septembre 1989, p.21 et Le Monde du 11 septembre 1997 p.4.

(4)

4 valeur de remplacement en quelque sort. L’absurde se détruit de lui-même. Dire que le monde est absurde équivaut à avouer que l’on persiste encore à croire en une raison. »8

Claude Simon ne revendique pas l’absence totale du sens. « Soyons sérieux, s’écrie-t- il, tout, toujours, a un sens […] ce qui il est important de bien distinguer, c’est entre sens institué et sens produit. Et de ne pas confondre, non plus, sens avec explication ou didactisme. »9

- « Je ne pense pas, dit-il, que la littérature soit quelque chose qui se situe à côté de la réalité […] elle ne la redouble pas, ne la conjure pas ne la récupère pas. »10 Claude Simon refuse la conception classique de l’art et de la littérature. Pour lui, l’art est incapable de reproduire la réalité. Celle-ci échappe aux facultés intellectuelles de l’Homme. Ce qui est donné au lecteur par un écrivain c’est uniquement sa propre manière de percevoir le monde.

C’est ce qui est arrivé à Stendhal, rappelle Claude Simon, lorsqu’il a cherché à décrire son passage du Grand Saint-Bernard avec l’armée d’Italie, il s’est rendu compte que ce qu’il a décrit ce n’est pas l’événement comme il l’a vécu, mais une gravure de cet événement. En fait, remarque notre auteur, « si Stendhal avait été jusqu’au bout de sa réflexion, il se serait aperçu qu’il ne décrivait même pas cette gravure, mais quelques-uns uns seulement de ses éléments qu’il choisissait, sélectionnait, ordonnait […] et que par conséquent il ne reproduisait ni la gravure ni l’événement lui-même mais produisait […] un événement encore plus différent de la réalité qu’en était elle-même la gravure […] »11

- « Nous ne percevons de la réalité, écrit-il, que des fragments, des bribes, nous distinguons mal entre ce que nous voyons ou sentons vraiment et ce qui nous croyons voir ou sentir […]

notre mémoire ne retient que des bribes, elles-mêmes que des bribes encore plus ou moins déformées par l’oubli et que les contraintes et la dynamique de l’écriture déformeront encore. »12 Pour lui, la réalité est indescriptible et innommable au sens strict de ces termes.

L’Homme ne peut saisir le monde dans son intégralité et de manière absolue et certaine. La mémoire humaine déforme la réalité des choses.

- «Personne, affirme-t-il, ne peut jamais retrouver le temps (pas plus que reproduire la réalité) : tout ce que l’on peut, c’est produire des images, en rapport avec les images ou les souvenirs originels […] »13 Pour lui, le rapport au monde passe par des images et plus particulièrement par l’analogie. Car les modes de perception et la mémoire sont défaillants et donc l’auteur présente non pas la réalité des choses qui se dérobe sans cesse, mais cherche seulement à approcher le monde. Il donne au lecteur une réalité approximative.

Pour une esthétique combinatoire :

- « Et écrire, toujours et partout, cela consiste à ordonner, combiner des mots d’une certaine façon, la meilleure possible. Pour moi c’est, avant tout, réussir à faire surgir des images, communiquer des sensations. »14 Ce qu’il cherche à mettre par écrit dans son œuvre, ce sont moins des faits tels qu’ils se sont déroulés réellement, mais les sensations qui sont restées gravées dans sa mémoire ou que leur remémoration fait émerger à sa conscience au moment

8 Simon, Claude, Discours de Stokholm, Minuit, Paris, 1986, p.19.

9 Simon, Claude, La Nouvelle critique n°105, juin-juillet 1977, p 35.

10Simon , Claude in Claude Simon :analyse, théorie (colloque de Cerisy), UGE, Coll. 10/18, Paris, 1973, p.422.

11 Simon, Claude, La Nouvelle critique, Op. cit. , p.37.

12 Simon, Claude, Genesis, Op. cit., p.119.

13 Simon, Claude, “ Le Passé recomposé ”in Magazine littéraire n°275, mars 1990, p.101.

14 Simon, Claude, Le Monde, 19 septembre, 1997, p.5.

(5)

5 de l’écriture. Il décrit moins les essences des choses que les impressions qu’elles ont laissées chez lui.

- « Absolument, dit-il, aucune fonction ou vocation pédagogique dans mes livres, Aucune intention d’instituer ou d’insinuer un mode d’emploi. »15 Claude Simon ne souhaite donner aucun enseignement à son lecteur.

- « Je crois que […] on ne saurait trop insister, pour la dénoncer, sur l’illusion d’une langue qui ne serait rien d’autres qu’un simple véhicule chargé de communiquer exprimer des idées, des émotions, représenter des images qui existeraient en dehors d’elle. »16 Pour lui, la langue est

A partir de ces présupposés, nous pouvons définir le projet esthétique de Claude Simon comme la mise en forme d’un ensemble de sensations qui passent par des modes de perceptions fragiles, douteux et incapables de rendre compte de la Réalité qui leur échappe sans cesse, sachant que cette mise en forme se fait au présent de l’énonciation et qui se laisse aiguillonner par des facteurs externes.

Eléments baroques dans le texte de Claude Simon:

Dans son livre intitulé L'Intérieur et l'extérieur17, Jean Rousset note que les caractéristiques de l'art baroque sont au nombre de quatre, en l'occurrence:

l'instabilité la mobilité la métamorphose

et la domination du décor

Nous ne considérerons que les éléments suivants : le mouvement

l'exubérance la métamorphose.

Commençons par le premier point, en l'occurrence le mouvement.

Le mouvement :

A considérer les textes et les photographies prises par Claude Simon, il ressort que ceux-ci s’articulent foncièrement autour de la réflexion sur le mouvement.

En effet, tout dans les textes écrits de l’auteur décrit, rappelle ou suggère le mouvement, à commencer par des fois par le titre, notamment L’Herbe, Le vent, Les Géorgiques, L’Acacia, Le Tramway, etc.

Dans les photo-peintures de Claude Simon, le mouvement est indiqué et/ou suggéré par les éléments suivants :

L’emploi du participe présent dans les titres,, notamment dans Homme marchant dans une ville, Femme poussant une bicyclette, Oiseau prenant son essor.

15 Simon, Claude, Scherzo n°3, avril 1998, p.7.

16 Simon, Claude, The feeling for nature and the landscape of man, Gö ِteborg, 1980, p.88.

17 Rousset, Jean, L’Intérieur et l’extérieur, José corti, Paris, 1986.

(6)

6 L’emploi répétitif du participe présent dans ces titres n’est pas fortuit. Il est utilisé par l’auteur pour indiquer un processus en train de se dérouler.

L’utilisation d’attitudes mobiles du sujet photographié, notamment dans les photographies intitulées Homme marchant dans une ville, Femme poussant une bicyclette, Oiseau prenant son essor. Il faut noter ici l’importance de la bicyclette comme moyen de mobilité et qui semble avoir retenu l’attention de l’auteur puisqu’il lui consacre plusieurs photos, notamment La bicyclette, Enfant et bicyclette, Femme poussant une bicyclette

Le recours à des situations dans lesquelles on bouge comme dans des situations de fêtes où on danse comme dans Procession, Musique, ou le jeu des fillettes où elles sautent comme dans Enfant sautant à la corde

L’usage répétitif des formes rondes qui suggèrent le mouvement, c’est le cas des photographies intitulées Mur à salses, Rempart, Polygones irréguliers, etc.

L’utilisation de certains motifs suggérant le mouvement comme les végétaux, notamment dans Plante grimpante, des carcasses qui montrent le travail ravageur du temps, en l’occurrence Navire échoué, Cimetière de bateaux, Rejeté par la mer, etc. ou des éléments qui servent à la mobilité comme les jambes, notamment dans Jambes, Personnage aux grands pieds, etc. ou des animaux connus par leur agilité comme le chat, notamment dans Chat

L'exubérance:

« Art hyperbolique par essence, [le baroque], écrit Claude-Gilbert Dubois, exploite toutes les ressources de ses trouvailles. Et c'est déjà son caractère ostentatoire qui est mis e valeur. » 18 Et ce critique de préciser « l'hyperbole consiste à hypertrophier le signifiant par rapport au signifié : les procédés en sont variables, et utilisent soit l'adjectivation, soit la métonymie ou la métaphore d'enflure, soit le glissement lexical. »2

Dans l'œuvre de Claude Simon, l'hyperbole occupe une place de choix. Le procédé le plus utilisé dans ce sens est le glissement lexical. Selon Lucien Dâllenbach, en effet,

«l'analogie est la reine des figures simoniennes. »19 Cette prédilection s'explique par au moins deux raisons :

1- l'attention que Claude Simon accorde à la langue. Dans sa préface manuscrite d'Orion aveugle, Claude Simon, s'expliquant sur sa manière d'écrire, note: «ce que j'appelle un roman [... ], roman qui [ .. ] ne racontera pas l'histoire exemplaire de quelque héros ou héroïne, mais cette tout autre histoire qui est l'aventure singulière du narrateur qui ne cesse de chercher, découvrant à tâtons le monde dans et par l'écriture. »20

Claude Simon définit la langue comme étant un vaste réseau de liaisons internes, un système d'interrelations et de rapports, aussi bien de ressemblance que de différences, qui s'établissent entre les mots.

A l'image de la langue, le texte littéraire est conçu (perçu) comme un réseau de correspondances qui sont favorisées par le pouvoir créateur des mots. Ce que mettent en premier plan les textes écrits de Claude Simon, c'est, avant tout, la capacité des mots à faire irradier la narration d'une manière syncrétique en des sens multiples.

18 Dubois, Claude - Gilbert, Le Baroque profondeurs de l’apparence, Op. cit., p.17

19 Dallenbach, Lucien, Claude Simon, Paris, 1986.

20 Simon, Claude, Orion aveugle, Skira, Paris, 1970. Voir Préface manuscrite et non paginée de l’auteur.

(7)

7 2- Le caractère paranoïaque de l'analogie. Selon Claude-Gilbert Dubois « l'hyperbole comporte des analogies visibles avec la structure psychique qui s'appelle la paranoïa [ ... ] consistant dans l'hypertrophie du moi [ et dans] un délire plus ou moins systématisé. »21

Les textes de Claude Simon semblent être le produit d'un moi hypertrophié et délirant qui laisse libre cours à sa mémoire et à son imagination.

La domination du décor ou l'exubérance est présente dans les photos prises par Claude Simon. C'est le cas, entre autres, des photos intitulées Polygones irréguliers, Homme marchant dans une ville, Homme à bicyclette, Jeux, Plus tard,

Les artistes baroques, dans leurs productions aussi bien poétiques que picturales, ont décrit minutieusement le passage du temps. Le temps dans leurs œuvres occupe une place cruciale :

« Apprends même du temps que tu cherches d’étendre, Qui coule, qui se perd et ne te peut attendre,

Tout se hâte, se perd et coule avec le temps ; Qui trouveras-tu donc quelque longue durée ? »22

Le temps qui passe est le résultat du changement épistémologique qui s’est opéré lorsque l’occidental a remplacé Dieu par l’Homme.

Dans son Traité de la constance, Du Vair écrit : « les fruits fleurissent, se nouent, se nourrissent, se mûrissent, se pourrissent, les herbes poindent, s’estendent, se fanent, […] les animaux naissent, vivent, meurent, le temps mesure qui enveloppe tout le monde est enveloppé par sa ruine et se perd en se coulant. »23

Jean rousset, qui a accordé beaucoup de place dans son travail colossal à la pensée baroque, a bien noté que l’art baroque est, placé sous l’égide de Circé, la magicienne qui transforme le monde et de Protée qui ne vit que parce qu’i se métamorphose sous arrêt. « le magicien de soi-même et la magicienne d’autrui, écrit-il, étaient destinés à s’associer pour donner figure à l’un des mythes de l’époque : l’homme multiforme dans un monde en métamorphose. »24

La métamorphose est la trace du temps qui passe. Elle est la stigmate d’un temps qui ravage, agresse et partant conduit à la mort.

Il va sans dire que le thème de la métamorphose est fort récurrent dans l’œuvre de Claude Simon. Nous le retrouvons aussi bien dans ses romans que dans ses photographies.

21 Dubois, Claude - Gilbert, Le Baroque profondeurs de l’apparence, Op. cit., p.173.

22, 1969 tome I, P.136 Sponde, Jean de, "stances de la mort" in la Poésie baroque, Nouveaux classiques Larousse, Paris

23 Cité par Jean Rousset dans son ouvrage La Littérature de l’âge baroque en France, ciré et le paon, José Corti, Paris, 1978, 12

24 Ibid., p.22.

(8)

8 Dans ses photographies, il choisit toujours des thèmes ou des situations qui évoquent le passage tragique du temps, notamment dans La 346-Fg qui représente la carcasse d’un camion à moitié enseveli sous les plantes, Plante grimpante qui représente une statue envahit par le lierre, Tombe d’un papillon qui est un cimetière perdu, Navire échoué qui représente la carcasse d’un vieux bateau endommagé ou Cimetière de bateaux.

Il ressort de cela que Claude Simon est un artiste interdisciplinaire. Il est aussi bien écrivain que photographe. L’ensemble de son œuvre est relié par une même esthétique qui est l’esthétique baroque. La crise de la représentation qui semble caractériser sa manière d’écrire est la même reproduite dans ses textes-photographies. Ces textes, en général, semble être générée par une perception confuse, discontinue, « tremblée » (comme dirait Roland Barthes).

Et c’est dans cette mesure que cet artiste polyvalent se rapproche du courant Baroque.

(9)

9

Bibliographie

Bénito, P. Visages, virages, rivages du baroque, rives et dérives. Figures du baroque (p. 250).

Colloque du Cerisy-la-Salle.

Claude, S. (1997). Le Monde , 5.

Claude, S. (1998). Scherzo n°3 , 7.

Claude, S. (1973). Claude Simon :analyse et théorie. Paris: 10/18.

Claude, S. (1986). Discours de Stockholm. Paris: Minuit.

Claude, S. (1977). La Nouvelle critique.

Claude, S. (1990). Le Passé recomposé. Magazine littéraire n°275 . Claude, S. (1970). Orion aveugle. Paris: Skira.

Claude, S. (1980). The feeling for nature and the landscape of man. Gö ِteborg.

Claude-Gilbert, D. (1978). Le Baroque profondeurs de l’apparence. Paris: Larousse.

de, S. J. La Poésie baroque. Paris: Nouveaux classiques.

Francastel, P. (1959). « Le Baroque et nous ». 85.

Jean, R. (1986). L’Intérieur et l’extérieur. Paris: José corti.

Lucien, D. (1986). Claude Simon. Paris.

Umberto, E. (1982). L’Oeuvre ouverte. Paris: Seuil.

Références

Documents relatifs

Pour faire une brève rétrospective des études simoniennes après les vicissitudes du début des années 1990, plus de trente articles sur Claude Simon sont parus dans la presse et

a) Le premier concerne les portraits de personnages qu'ailleurs nous avons appelés collectifs dans la mesure où ils sont présentés presque toujours en groupes compacts

Même ceux qui, à la parution de L'Herbe, défendent le style de Simon, tels André Rousseaux dans Le Figaro littéraire ou Jean Misder dans L'Aurore 2 , se cantonnent dans

Pourtant la relation de la littérature au peuple intéresse les deux hommes : sous la forme d'un discours pour Sartre, sous celle de longues descriptions pour Claude

Non, mais pour le goût qu’il avait, lui, Simon, l’écrivain, pour l’ostentation des choses, celles qui se pressent aux sens, les sollicitent de manière si intense qu’elles met-

En parlant d’un autre, en l’occurrence de Claude Simon, en par- lant avec un autre, le même, l’un et l’autre toujours présents- absents, cela s’appelle un dialogue,

Et jamais, dois-je dire aussi, ce sentiment d’avoir à observer quelqu’un d’autre n’a-t-il été plus grand pour moi chez Shakespeare que devant ces quelque 150 sonnets

À travers ses romans, Claude Simon tente de saisir « une réalité dont le propre est de nous paraître irréelle, incohérente et dans laquelle il faut mettre un