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Hommage à Claude Simon

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Cahiers Claude Simon 

2 | 2006

Claude Simon, maintenant

Hommage à Claude Simon

Rachid Boudjedra

Édition électronique

URL : http://journals.openedition.org/ccs/472 DOI : 10.4000/ccs.472

ISSN : 2558-782X Éditeur :

Presses universitaires de Rennes, Association des lecteurs de Claude Simon Édition imprimée

Date de publication : 31 décembre 2006 Pagination : 57-59

ISBN : 9782914518895 ISSN : 1774-9425 Référence électronique

Rachid Boudjedra, « Hommage à Claude Simon », Cahiers Claude Simon [En ligne], 2 | 2006, mis en ligne le 20 septembre 2017, consulté le 15 septembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/ccs/

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Cahiers Claude Simon

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Hommage à Claude Simon

par Rachid BOUDJEDRA

Claude Simon est mort cet été (sa saison préférée), au mois de juillet. Qui connaît Claude Simon ? Très peu de gens. C’est-à-dire les vrais fanatiques de la vraie littérature (« la vraie vie » selon Proust), complexe, charnelle, physique et dont la structure suit les méandres de l’Histoire, de la mémoire qui s’enroule et se déroule sur elle-même d’abord, mais qui nous engloutit ensuite d’une façon ter- rifiante, tel un boa s’enroulant autour de sa victime.

Très peu de gens, donc, connaissent cet auteur prodigieux. Et il m’est souvent arrivé, dans les universités françaises, de découvrir que des étudiants en 3ecycle ne connaissaient même pas son nom... En effet, Claude Simon est français ! Il m’est aussi souvent arrivé de constater dans les universités américaines que des étudiants en PhD.

ou des thésards ne connaissaient même pas le nom de Faulkner. Édi- fiant, mais vrai. Et si je cite Faulkner dans un texte concernant Claude Simon, c’est que la parenté entre les deux hommes est fon- damentale.

Claude Simon a révolutionné le roman de la deuxième partie du XXe siècle. Dans la veine de Faulkner et de Proust, il ira plus loin qu’eux, tout en ayant pour eux la plus grande reconnaissance. Fils du sud-ouest français, il écrira dans la veine de cette littérature du

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sud si puissante et si charnelle. Littérature de tous les sud, celui des États-Unis (Faulkner, Caldwell), de l’Amérique latine (García Márquez, Fuentes), de l’Europe du Sud (Goytisolo, Fernandez) et de l’Afrique (Kateb, Ouologuem).

Il a avec cette littérature plusieurs points communs : le climat, la chaleur, les étés interminables et l’archaïsme de l’homme du sud.

Son univers littéraire s’élabore, alors, à partir de personnages non individualisés, de sujets en apparence peu importants, voire futiles mais qui recoupent l’histoire générale des hommes, leur désarroi, leur mélancolie, leurs passions et leurs haines qui s’expriment essen- tiellement par la guerre.

C’est la guerre qui a fait de Claude Simon un écrivain. Un écri- vain qui mettra au centre de son œuvre l’Histoire. Elle sera en fait son seul personnage. Implacable. Logique. Illogique. Folle. Rigoureuse.

À travers ses romans, Claude Simon tente de saisir « une réalité dont le propre est de nous paraître irréelle, incohérente et dans laquelle il faut mettre un semblant d’ordre », dira-t-il dans une des rares interviews qu’il a données à la presse. Dans une autre déclara- tion radiophonique, il dira ceci : « J’avoue que je suis hanté par deux choses : la discontinuité des phénomènes et l’aspect fragmentaire des émotions qui ne sont jamais reliées les unes aux autres. Comme je suis hanté, en même temps, par leur continuité ! » D’où l’effort du Prix Nobel de littérature pour substituer au temps classique une durée vague, hachurée, discontinue/continue, et où le passé et le présent coexistent, coïncident.

Le style de Claude Simon participe de cette problématique kan- tienne du temps et de l’espace. Surtout le style, d’ailleurs : longues phrases coupées de parenthèses qui introduisent des descriptions minutieuses et parviennent à suggérer les rapports complexes de la réalité avec la conscience. Dans chaque roman de Simon, il y a tou- jours un inventaire foisonnant de l’humaine condition, nourri par les propres obsessions de l’auteur. L’Histoire, grosse des conflits humains, finit par éclater en morceaux dans l’imaginaire de l’artiste fragile et en guerres terribles dans la vision autoritaire et arrogante des hommes politiques.

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La modestie. C’est là le mot-clé qui aura guidé Claude Simon et son œuvre durant toute sa vie. Immense écrivain, et d’une culture énorme, il restait un homme discret. Mais il portait le malheur du monde sur ses épaules et dans ses livres. Dès 1936, à 23 ans, il s’était engagé dans la guerre d’Espagne du côté des Républicains espagnols en lutte contre le coup d’état de Franco. Dès le début de la guerre d’Algérie, il signa le manifeste des 121, virulemment pour l’indé- pendance de notre pays et contre la guerre coloniale (avec Sartre, mais pas avec Camus !). Malgré son œuvre prodigieuse, il était haï par les médias français, à quelques exceptions près. Il les méprisait et méprisait les petits cercles vicieux et viciés du milieu parisien.

Médiocre. Sagouin. Corrompu. Ignare.

J’ai eu la chance d’avoir été l’ami de cet écrivain prodigieux et de cet homme généreux.

J’ai eu surtout l’honneur d’avoir été son élève... et son lecteur toujours ébloui, toujours ému.

HOMMAGE À CLAUDE SIMON

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