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L EVOLUTION DE LA RESPONSABILITE CIVILE DU FAIT DE CHOSES INANIMEES EN DROIT TUNISIEN OU L'ARTICLE 96 DU COC A LA CROISEE DES CHEMINS

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L’EVOLUTION DE LA RESPONSABILITE CIVILE DU FAIT DE CHOSES INANIMEES

EN DROIT TUNISIEN OU

L'ARTICLE 96 DU COC A LA CROISEE DES CHEMINS

Habib DAHDOUH Professeur agrégé

Directeur du département De droit privé

Facultés de droit de Sousse

Cette étude est intitulé « l’article 96 du C.O.C. à la croisée des chemins », mais il serait plus judicieux de l’intituler le chemin de croix de chaotique et son chemin semé d’embûches.

L’observateur le plus bien veillant mais pessimiste aurait tendance à y perdre son « latin » ou plutôt son « arabe » tant les hésitations et les revirements sont importants et imprévisibles.

En 1995, par exemple, les chambres réunies, dans des arrêts aujourd’hui classiques, ont opté pour une responsabilité complètement de l’année 1998 et au début de l’année 1999, sont venus malmener cette position des chambres réunies en revenant à une conception subjective de la responsabilité du fait des choses.

Mais comme il faut être un observateur optimiste nous voulons retenir qu’une certaine évolution s’est tout de même produite au cours de ces dernières années et c’est de cette évolution dont il sera question ici.

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INTRODUCTION

La responsabilité du fait des choses est organisée par l’article 96 du C.O.C. ; aux termes de cet article « chacun doit répondre du dommage causé par les choses qu’il a sous sa garde lorsqu’il est justifié que ces choses sont la cause directe du dommage, s’il ne démontre : 1) qu’il a fait tout ce qui était nécessaire afin d’empêcher le dommage, 2) et que le dommage dépend, soit d’un cas fortuit, soit d’une force majeure, soit de la faute de celui qui en est la victime ».

Cette catégorie de responsabilité, à savoir la responsabilité du fait des choses, revêt aujourd’hui une importance capitale dans un monde de plus en plus mécanisé. L’homme utilise des machines, des appareils et des objets sophistiqués qu’il a du mal à maîtriser convenablement ce qui est de nature à augmenter les dommages accidentels.

Notre code des obligations et des contrats est largement inspiré des codes civils occidentaux l’influence du droit français, allemand et suisse sur les rédacteurs du Code des obligations et des contrats est indéniable 265. Aussi les enseignements du droit comparé peuvent- ils sans aucun doute élargir l’horizon du juriste, car « similitudes et contrastes permettent de mieux caractériser les formes spécifiques d’un droit national » 266.

En France, l’article 1384 alinéa 1 du code civil dispose

« on est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait , mais encore de celui qui est causé par le fait des

265 V. DAHDOUH (H) « L’indemnisation des vicitmes d’accidents d’automobile : comparaison des droit français et tunisien ». Thèse Paris I 1984 – V égalt. CHAFFAI (M).

« La demeure du débiteur dans l’éxécution du contrat », Thèse Tunis 1984 – LABASTIE- DAHDOUH (CH), « Les tendances récentes du droit de la responsabilité civile dans les pays du Maghreb », Thèse Paris-I-1994 ( 2 tomes ) – ZINE ( M) « Théorie générales des obligations », tome 1 éd. ELWAFA Tunis 1993

266 V. DURANT, article précit. D.S. 1956, p. 73.

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personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde ».

A l’origine, l’article 1384 al. 1 du code civil n’avait, selon la doctrine française dominante de l’époque, aucune valeur autonome.

Cet article était censé annoncer les dispositions subséquentes relatives à la responsabilité du fait d’autrui, à savoir, celle des parents, des commettants, des instituteurs et des artisans, et du fait des animaux 267. En d’autres termes, le code civil de 1804 n’avait prévu que deux cas spéciaux de responsabilité du fait des choses : la responsabilité du gardien d’un animal et la responsabilité du propriétaire d’un bâtiment, celle due au fait des choses était soumise aux règles du droit commun.

Cet état du droit positif français s’est trouvé brusquement modifié par un arrêt célèbre rendu par la cour de cassation en 1896

268. La chambre civile de la cour de cassation a admis, pour la première fois, dans cet arrêt, rendu à l’occasion de l’explosion d’une chaudière, que l’alinéa premier de l’article 1384 du code civil renfermait un principe autonome de responsabilité du fait des choses. Le régime juridique de celle-ci déroge à celui de l’article 1382 puisqu’il autorise à condamner le gardien de la chose sans que sa faute soit établie sur la seule preuve du fait de la chose, c’est à dire de l’intervention de celle-ci dans la réalisation du préjudice.

L’arrêt de 1896 était la première affirmation explicite du fameux principe général de la responsabilité du fait des choses.

267 V. DAHDOUH Thèse précit. p. 48 et la bibliogr. Citée – V. égalt. CARBONNIER ;

« Les obligations » ; THEMIS 1993 Tome 4 N° 255 et suiv. – MALAURIE et AYNES,

« Droit civil-les obligations », éd. Cujas 1994, p. 91 et suivants. Spéc. p. 92 et suiv – MARTY et REYNAUD ; « Les obligations, les sources » 2ème éd. N° 495 et suiv.

STARCk (B) ; « Les obligations –1- Responsabilité délictuelle » 4ème éd. par ROLAND et BOYER, p. 221 et suivants éd. ITEC 1991-VINEZ (G) ; « traité de droit civil – Les obligations – La responsabilité : conditions » ; L.G.D.J. N° 628 et suiv. – TERRE, SIMLER et LEQUETTE, « Droit civil ; les obligations » ; 5ème éd. Dalloz N° 543 et suiv.

268 Cass. Civ. 18 juin 1896 ; D. 1897-1, p. 433 concl. SARRUT ; note SALLEILLES ; S.

1897-1, p. 17, note ESMEIN.

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Cette catégorie de responsabilité devait ensuite donner lieu à des applications de plus en plus nombreuses dans les domaines les plus variés, principalement dans celui des accidents de la circulation 269.

Dans un premier temps, la cour de cassation française a admis que l’article 1384 alinéa 1 renfermait une simple présomption de faute à la charge du gardien de la chose 270. Depuis, la cour suprême n’a cessé de renforcer la présomption édictée par l’article 1384 al. 1 en passant d’une simple présomption de faute à une présomption de responsabilité 271 puis et comme l’a souligné un éminent auteur 272, « l’article 1384 alinéa 1 du code civil devint enfin une responsabilité édictée par la loi ». Dès lors qu’une chose a participé à la réalisation d’un dommage, cela autorise à penser que son fait a été incorrect et que le mal est venu d’elle »273.

La gloire qu’a connu cet article depuis 1896 s’infléchit quelque peu dans le cas de certaines responsabilités particulières instaurées par des lois spéciales notamment celle du 5 juillet 1985 instituant un régime de responsabilité spécial aux accidents de la circulation dans lesquels est impliqué un véhicule terrestre à

269 V. à ce sujet : COLLLIARD (C.A.) ; « La machine et le droit privé français contemporain

» ; in le droit privé français au milieu du xx siècle-Etudes offertes à G. RIPERT 1950 tome I p. 155 et suiv. – JOSSERAND ; « Evolutions et actualités » ; éd. Sirey 1936, p. 30 et suiv.- MAZEAUD (H) « Les grands arrêts de la cour de cassation dans le domaine de la responsabilité du fait des choses » ; cours de droit civil approfondi ; PARIS 1952-1953 éd.

les cours de droit- PARIS-SARAVIA (J.M) « Le droit devant l’accélération de l’histoire » ; journaux des tribx. belge 1963, p. 669 et suiv.

270 V. civ. 31 juillet 1905 ; S. 1909-1- p. 143.

271 V. sur l’ensemble de cette question ; MM MAZEAUD et CHABAS, « Leçons de droit civil. Les obligations ; théorie générale » ; 8ème éd. par CHABAS (F) Monchrestien 1991- STARCH (B) « Obligations » op.cit., p. 221 et suiv.

272 AUBRY et RAY « Droit civil français – Tome VI-2- Responsabilité délictuelle » 8éme éd. par DEJEAN DE LABATIE – Lib tech. 1989, p. 274 et suiv.

273 V. AUBRY et RAU, op.cit., p. 275-V égalt. ANSELME (P) ; « La responsabilité civile délictuelle objective. Essai d’une théorie générale de la responsabilité civile délictuelle » ; Thèse Montpellier 1991, p. 138 et suiv..

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moteur 274.

En Tunisie, la responsabilité civile du fait des choses, instituée par l’article 96 du Code des obligations et des contrats était jusqu’à la fin des années 1970 et le début des années 1980 peu utilisée 275. Les plaideurs ainsi que leurs conseils préféraient, dans la majorité des cas, intenter l’action en responsabilité civile non sur la base de la responsabilité du fait des choses, mais sur celle de la responsabilité du fait personnel. La coexistence d’une action pénale et civile, pouvait souvent expliquer cette « méfiance » à l’égard de l’article 96 du code des obligations et des contrats. Les plaideurs, en cas de dommage accidentel causé par l’intermédiaire d’une chose, espéraient bénéficier des résultats de l’action pénale pour obtenir plus facilement une réparation. Cet « opportunisme », en dépit de certains avantages, s’avérait cependant parfois préjudiciable aux victimes, notamment, en présence d’une décision pénale d’acquittement.

Par ailleurs, la jurisprudence dominante de l’époque interprétait d’une manière restrictive l’article 96 Code des obligations et des contrats. Elle rattachait le fondement de cet article à celui de l’article 83 du même code, la responsabilité découlant de l’article 96 « est la même responsabilité délictuelle

274 V. sur l’ensemble de cette question : AUBRY et RAU, op.cit. p. 329 et suiv. CHABAS (F) ; « Le droit des accidents de la circulation après la réforme de 1985 » 2ème éd. LITEC 1988 ; du même auteur « Commentaire de la loi du 5 juillet 1985 ». in J.C.P. 1985 -I- 3205- LARROUMET (CH) ; « L’amalgame de la responsabilité civile et de l’indemnisation automatique » ; D. 1985 chr. P. 237- STARCK (B) ; « Obligations » op.cit. 4ème éd. 1991, p. 324 et suiv. spécialt., p. 327-TUNC (A) ; « La loi française du 5 juillet 1985, p. 1019 et suiv- VINEY (G) ; Réflexion après quelques mois d’application des articles 1er à 6 de la loi du 5 juillet 1985 modifiant le droit à indemnisation des victimes d’accidents de la circulation ». in. D. 1986 chr. p. 209 ; du même auteur ;

« L’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation ». L.G.D.J. 1992 ; « La réparation du dommage corporel : essai de comparaison des droits anglais et français ». éd.

Economica 1985 – WIEDERKEHR (G) ; « de la loi du 5 juillet 1985 et de son caractère autonome ». in D. 1986 chr. p. 255.

275 V. DAHDOUH ; thèse précit. – V. égalt. Dans le même sens CHARFI (M) ;

« Comment est évalué le dommage moral » ; in R.J.L. 1973 n° 5 et 6 p. 50 et suiv.

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résultant de l’article 83 du Code des obligations et des contrats ; la seule différence entre les deux ordres de responsabilité concerne la charge de la preuve… » 276. Le fondement de la responsabilité civile édictée par l’article 96 n’était donc pas différent de celui de la responsabilité du fait personnel prévue à l’article 83 du Code des obligations et des contrats 277.

Presque quinze ans se sont écoulés depuis ces constatations 278, aussi est-il temps d’examiner de nouveau l’état de la jurisprudence tunisienne en matière de responsabilité du fait des choses. L’article 96 Code des obligations et des contrats, à l’instar de l’article 1384 alinéa 1 du code civil français ou de l’article 88 du dahir marocain, occupe-il la place qui lui revient considérant le rôle que jouent « les choses » dans la société et l’économie tunisienne d’aujourd’hui et leur intervention dans la presque totalité des préjudices involontairement causés ? Nos juges, enfin à l’écoute de la doctrine, ont-ils pris, conscience de cette importance et ont-ils donné à l’article 96 la place qui lui revenait ?

Afin de répondre à ces interrogations, nous envisagerons d’étudier dans un premier temps, l’évolution enregistrée au niveau des conditions de mise en jeu de la responsabilité du fait des choses, avant d’analyser dans un second temps l’évolution quant au fondement de cette responsabilité.

276 V. Arrêt civ. N° 7773 ; 29 avril 1971 ; Bull. civ. 1971 ; p. 63- Arrêt civ. N° 9846 du 4 juin 1973 ; Rev. Tun. Dr. 1975, p. 131 note BOURAOUI (S.) ; Bull. civ. 1973, p. 68 – Arrêt civ. Du 27 mai 1976 ; Bull. civ. 1976-II- p. 83.

277 V. DAHDOUH (H), « Le fondement de la responsabilité civile en matière d’accident de la circulation » in ouvrage collectif « L’assurance en matière d’accidents de la circulation

», Pub. Centre d’études juridiques et judiciaires du Ministère de la justice 1995, p. 99 et suiv.

278 V. DAHDOUH (H) thèse précit. ( à l’époque les seuls arrêts publiés étaient datés de 1982).

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1ère PARTIE

L’EVOLUTION DES CONDITIONS DE MISE EN JEU DE LA RESPONSABILITE CIVILE DU FAIT DES CHOSES INSTITUEE PAR L’ARTICLE 96 DU CODE DES OBLIGATIONS ET DES CONTRATS

Cette évolution sera analysée à trois niveaux, au niveau de la notion de chose inanimée susceptible de faire jouer l’article 96, au niveau du fait de la chose et enfin au niveau des personnes responsables du fait de la chose instrument du dommage.

A - Notion de choses inanimées dans l’article 96 du Code des obligations et des contrats

L’article 96 traite des choses d’une manière générale et semble viser tous les biens corporels. Cet article doit, en principe, s’appliquer à toutes les choses inanimées, il n’est pas permis, à notre avis, d’y introduire une quelconque distinction entre ces choses. Toutefois, il nous paraît logique d’écarter de l’application des dispositions de la responsabilité du fait des choses les res-nillius en raison de la difficulté de détermination de la personne sur qui faire peser le poids de la responsabilité . Le recours à l’article 83 Code des obligations et des contrats reste la seule voie possible dans cette hypothèse.

Peu de choses inanimées échappant à l’application de l’article 96 Code des obligations et des contrats, la victime d’un dommage causé par une chose a presque toujours la possibilité de se prévaloir des dispositions de l’article 96 précité et ce, quelle que soit la nature de la chose à l’origine de son préjudice : que les choses soit mobilières ou immobilières importe peu à cet égard.

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Cette solution à première vue simple et logique et qui n’est ni soulevée ni discutée dans le droit positif tunisien, n’allait cependant pas de soi si l’on veut bien considérer qu’elle n’a été admise par la jurisprudence française, par exemple, qu’après une longue hésitation 279.

L’article 96 du Code des obligations et des contrats, comme l’article 1384 alinéa 1 du code civil français et l’article 88 du dahir marocain, vise les choses inanimées d’une manière générale et non les choses mobilières uniquement. Considérant que toute limitation de l’application de l’article 96 à certaines choses serait contraire à l’esprit de cet article et qu’elle constituerait par ailleurs une violation d’une règle générale de droit instituée par le législateur tunisien aux termes de laquelle « Lorsque la loi s’exprime en termes généraux il faut l’entendre dans le même sens », les tribunaux ont toujours, à notre connaissance, considéré que l’article 96 s’appliquait à la responsabilité du fait de toute chose mobilière ou immobilière que l’on a sous sa garde, sauf les exclusions de cette responsabilité du fait des choses au profit de régimes spéciaux. On ne peut ainsi appliquer l’article 96 aux bâtiments lorsque le préjudice a été occasionné par leur ruine ou leur effondrement car la responsabilité édictée par l’article 97 Code des obligations et des contrats à l’encontre du propriétaire d’un édifice ou autre construction, en cas de ruine ou d’écroulement de celui-ci exclut implicitement l’application des dispositions de l’article 96. De même, cet article ne s’applique pas aux animaux puisque la responsabilité du fait des dommages qu’ils sont susceptibles de causer est régie par l’article 94 du code des obligations et des contrats.

279 V. Cass civ 25 juin 1924 et Req. 19 Fev. 1925, S. 1925-I-p. 65, note MOREL. D. 1925 -I- p. 97 , note JOSSERAND – Req. 6 mars 1928, S. 1928-I- p. 225, note HUGUENEY Cass.civ. 2 du 20 nov. 1968 : J.C.P. 1970 – II- 16567 – Civ. 2 du 21 janv. 1982. Gaz. Pal.

1982 –II- panorama, p. 374 obs. CHABAS – Civ. 2 du 20 fev. 1985 : Bull. civ. –II- n° 44 – Civ. 2 du 26 avr. 1990 ; J.C.P. 1990 ;IV- p. 235 – V. sur l’ensemble de cette question : AUBRY et RAU , op.cit. p. 279 et suiv. MM. MAZEAUD et CHABAS : « Leçons de droit civil », op.cit., p. 575 – STARCK (B) « Obligations… », op.cit, p. 227 et suiv.

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La généralité des termes de cet article a permis aux tribunaux tunisiens d’interpréter l’article 96 d’une manière très large ; cette disposition a été appliquée non seulement aux véhicules à moteur, mais également aux objets les plus hétéroclites : piscine, fils électriques, puits… 280.

La même réflexion vaut pour la tentative faite, en son temps, par le droit français de limiter l’article 1384 alinéa 1 aux seuls accidents provoqués par une chose comportant un vice interne ou par les choses dangereuses 281. Cette démarche était justifiée, à l’époque, par la crainte d’une extension démesurée de la responsabilité objective au détriment de la responsabilité pour faute.

Cette tentative de cantonnement de l’article 1384 alinéa 1 qui fut abandonnée et rejetée par la jurisprudence française depuis l’arrêt Jand’heur du 13 février 1930 282 n’a jamais trouvé d’échos dans le droit tunisien. Nos tribunaux ne semblent pas considérer, par exemple, le vice de la chose comme une condition nécessaire pour la mise en jeu des règles de la responsabilité du fait des choses édictée par l’article 96. Le vice de la chose est, en revanche, réintroduit au niveau des causes d’exonération. Rien, semble-t-il, ne peut donc limiter la notion de chose en tant qu’elle permet de faire jouer les dispositions de l’article 96 du C.O.C.. Toute chose inanimée quelle que soit sa nature et ses caractères intrinsèques, est susceptible de permettre l’application de l’article 96. Ce texte ne saurait être écarté par la seule analyse des caractères de la chose, instrument du dommage.

280 V. Cass. civ. n° 8672 du 19 oct. 1972 ( inédit )- Cass. civ. n° 8532 du 31 mai 1973 ( inédit) – Cass. civ. n° 9334 du 14 mai 1984 ; Bull. civ. 1985 – I – p. 337 – Cass. Civ. n°

10986 du 18 avril 1985 ; Bull. civ. 1986 –I- p. 212 – Cass. civ. n° 23067 du 6 juillet 1989 ; Bull. civ. 1989, p. 338-Cass. civ. n° 13270 du 5 mai 1986 : Bull. civ. – II -, p. 314 – Cass.

civ. n° 16918 ; Bull. civ. – II -, p. 318.

281 V. à ce sujet : AUBRY et RAU ; op.cit., p. 273 et suiv. – MM. MAZEAUD et TUNC. « Traité théorique et pratique de la responsabilité civile délictuelle et contractuelle ». Tome.

2, éd. Montchrestien, p. 290 et suiv. STARCk (B) ; op.cit., p. 223 et suiv.

282 D. 1930-1- p. 57 rapport LE MARC HADOUR, concl. MATTER et note RIPERT – S.

1930-1- p. 121 note ESMEIN.

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Mais que l’on se garde d’en conclure que, dès l’intervention d’une chose dans la réalisation du préjudice, la responsabilité du gardien, sur la base de l’article 96, serait engagée. En effet, il ne suffit pas que la chose intervienne dans la réalisation du dommage, il faut que celui-ci soit dû au fait de la chose.

Il convient dès lors de rechercher le sens réel de l’expression

« fait de la chose » ainsi que l’attitude de la jurisprudence sur cette question déterminante puisque le sort de l’action en responsabilité intentée sur la base de l’article 96 du C.O.C. en dépend le plus souvent.

B) Le fait de la chose

Le législateur 283, soumet l’application de l’article 96 du Code des obligations et des contrats à la condition que le dommage soit causé par la chose elle-même. Aussi le fait de la chose est-il déterminant dans la mise en jeu des règles de la responsabilité civile fondée sur l’article 96.

Dans une jurisprudence déjà ancienne 284, la cour de cassation avait écarté l’application des règles édictées par l’article 96 du C.O.C. au motif que la chose, instrument du dommage, était inerte et en position conforme à la loi. Celle-ci ne pouvait donc avoir joué qu’un rôle passif dans la réalisation du préjudice, l’absence du fait de la chose aurait pour conséquence immédiate d’écarter les règles de la responsabilité du fait des choses.

La chose ne peut donc, selon la cour suprême, être considérée comme cause directe du dommage, que lorsqu’elle est en mouvement. Une chose inerte ne peut être la cause directe du

283 V. BOURAOUI (S) ; note in Rev. Tun. Dr. 1975-II-, p. 136 et suiv.

284 V. Cass. civ. arrêt n° 1239 du 8 juin 1959, in R.J.L. 1960, p. 188 ; Bull.civ. 1959, p. 12 – cass. crim. N° 9350 du 2 nov. 1972 ; Rev. Tun. Dr. 1975-II-, p. 131 et suiv. note BOURAOUI (S).

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préjudice que lorsqu’elle est en position non conforme à la loi ; c’est à la victime de prouver que, par sa position anormale, la chose à causé le dommage.

Aussi, en présence d’une chose inerte et dans une position conforme à la loi, la responsabilité civile du gardien ne sera-t-elle point engagée sur la base de l’article 96 du code des obligations et des contrats. Les conditions d’application de cette responsabilité, notamment, le fait de la chose n’étant pas réunies.

Aujourd’hui, la jurisprudence fait moins appel à la notion du rôle passif de la chose, elle semble, dans des arrêts 285 récents ramener le débat relatif à la notion « fait de la chose », à la distinction classique entre le fait de la chose et le fait de l’homme.

Cette position de la cour de cassation consiste à distinguer les choses selon qu’elles étaient ou non, au moment du dommage, conduites par l’homme.

Lorsque c’est l’action de l’homme qui dirige la chose, il n’y a pas lieu de mettre en jeu les dispositions particulières de l’article 96 du code des obligations et des contrats, car le dommage dans une telle hypothèse, affirme la cour de cassation, « n’est pas dû à la chose mais au fait de l’homme ». En d’autres termes, une distinction doit être faite entre » le fait de la chose » qui autorise l’application de l’article 96 Code des obligations et des contrats et

« le fait de l’homme » soumis aux règles de la responsabilité du fait personnel à savoir les articles 82 et 83 du Code des obligations et des contrats 286.

285 V. Cass. crim. Arrêt n° 12891 du 10 mars 1986 Bull. Crim. 1986 Bull. crim. 1987-I-p.

206- Cass. civ. N° 16688 du 5 mars 1987; R.J.L. 1989, n° 6 p. 4.

286 V. Cass.civ. n° 5345 du 3 mars 1982 ; Bull.Civ-II- p. 279 ; R.T.D. 1986, p. 31 note JALLOULI (A) – V. Dans le même sens : Cass. civ. n° 12891 du 29 déc. 1985, Bull. civ.- II-,p. 352 – Cass.civ. du 10 mars 1986, Bull.civ.-I-, p. 206 – Cass. civ. n° 16688 du 5 mars 1987, Bull. civ., p. 312 – Rappr. Tunis 13 déc. 1960, R.T.D. 1962, p. 113 et suiv. note CABRILLAC.

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Derrière cette distinction entre le fait de l’homme et le fait de la chose, la jurisprudence a voulu, semble-t-il, consacrer le critère du fait autonome de la chose. L’article 96 ne s’appliquera alors que lorsque la chose ayant un dynamisme propre a été l’instrument du dommage, en dehors de toute intervention de l’homme. Dans le cas contraire, c’est-à-dire lorsque la chose n’a été qu’un instrument docile entre les mains de l’homme, la responsabilité civile de l’auteur du préjudice sera recherchée exclusivement sur la base de l’article 83 du code des obligations et des contrats. La faute du civilement responsable est nécessaire pour mettre en jeu sa responsabilité et la preuve de celle-ci incombe au demandeur.

Cette distinction, abandonnée par le droit français depuis longtemps 287, risque de marginaliser davantage l’article 96 du Code des obligations et des contrats. Elle est, en outre, illogique voir même antisociale car la responsabilité du fait des choses disparaîtrait au moment où elle aurait été la plus utile ; c’est-à-dire quand la chose devient plus nuisible sous l’action de l’homme 288 instrument entre les mains, voire les « pieds » de l’homme, il n’importe dès que l’homme cause un préjudice par l’intermédiaire d’une chose, l’application de l’article 96 du code des obligations et des contrats s’impose au juge.

Par ailleurs, la consécration de la distinction « fait de l’homme », « fait de la chose » conduirait inévitablement à ôter à l’article précité toute utilité puisque presque toujours il y a fait de l’homme presque toujours il y a fait de l’homme derrière le fait de la chose. Ce serait même aller à l’encontre de la volonté du législateur, en effet, cette distinction ne trouve à notre avis, aucun

287 V. sur l’ensemble de cette question : AUBRY et RAU ; op.cit., p. 281 et suiv.- MM.

MAZEAUD et TUNC ; « Traité théorique et pratique… », op.cit., tome 2, p. 292 et suiv.

spécialt. p. 321 et suiv. – MM. MAZEAUD et CHABAS ; « Leçons de droit civil », op.cit., p. 751 et suiv. spécialt, p. 577 et suiv.- VINEY, « Traité de droit civil », op.cit., p. 751 spécial, p. 772.

288 RIPERT (G) ; « La règle morale dans les obligations civiles » ; 4ème éd. L.G.D.J. 1948 n° 124.

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appui dans la lettre de l’article 96. Cet article est venu spécialement pour opposer au dommage que l’on cause par son propre fait, le dommage qui est causé par le fait des choses que l’on a sous sa garde 289.

L’objectif non avoué des tenants de cette distinction est d’une part, de restreindre le domaine d’application de l’article 96 du code des obligations et des contrats au profit des règles de la responsabilité civile prévue aux articles 82 et 83 Code des obligations et des contrats. D’une part, de réduire considérablement l’autonomie du régime de la responsabilité du gardien du fait des choses qu’il a sous garde en le rapprochant de celui de la responsabilité du fait personnel. En effet, dans la mesure où, derrière le fait de la chose, il y a presque toujours celui de l’homme, les deux systèmes de responsabilité se trouvent ainsi reliés à un même fondement qui est la faute.

En résumé, pour que jouent les règles de la responsabilité civile du fait des choses édictées par l’article 96 du C.O.C., deux conditions principales doivent être réunies : la première est l’intervention d’une chose, d’une manière ou d’une autre, dans la réalisation du dommage ; la seconde est le rôle causal de cette intervention. La participation matérielle est causale de la chose est appréciée d’une manière restrictive par la jurisprudence ; celle-ci exige que la chose soit la cause « véritable » du dommage, c’est à dire la cause adéquate 290.

Nous avons ainsi vu, successivement, ce que l’on entend par chose et par fait de la chose et étudié à cette occasion la position de la jurisprudence actuelle sur ces deux points. Mais la mise en jeu de la responsabilité civile fondée sur l’article 96 du Code des obligations et des contrats nécessite encore que l’on précise qui est responsable, c’est à dire qui est considéré comme « gardien » de la

289 V. CABRILLAC : note S / Tunis 13 déc. 1960 in R.T.D., p. 113 et suiv.

290 V. BOURAOUI (S) note op.cit., in R.T.D. 1975-II- spécialt. p. 145.

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chose instrument du dommage. Sur ce point, aussi important que les précédents, la jurisprudence, après avoir beaucoup hésité, semble que les précédents, la jurisprudence, après avoir beaucoup hésité, semble aujourd’hui, comme nous le verrons, se stabiliser.

C – La personne responsable du fait de la chose

Il n’est point utile ici de retracer toute l’évolution doctrinale 291 et jurisprudentielle sur cette question, nous nous contenterons d’étudier l’état actuel de la jurisprudence sur cette question.

Jusqu’au début des années 80, en dépit d’un certain flottement, la jurisprudence semblait admettre que la qualité de gardien se confondait avec celle de propriétaire. Cette qualité de gardien était liée au pouvoir juridique exercé par ce dernier sur la chose ; par conséquent, le simple fait d’avoir la chose entre les mains ne suffisait pas pour qu’on en soit le gardien au sens de l’article 96 du Code des obligations et des contrats. Pour avoir cette qualité, il fallait être investi d’un droit de propriété sur la chose.

« Le gardien « déclarait la cour de cassation », est celui qui a, à l’égard de la chose, instrument du dommage, un droit de

291 V. sur l’ensemble de cette question ABID (T) ; « La responsabilité u gardien des choses », R.J.L. 1984 n° 7, p. 21 et suiv.- ARBRY et RAU ; op.cit. p. 292-BESSON (A) ; « la notion de garde dans la responsabilité du fait des choses ». thèse. Dijon 1927–DAHDOUH (H) ; thèse précit. p. 95 et suiv.- FLORAND (D) ; « La présomption de garde » ; thèse Paris XII 1985 –GOLDMAN (B) ; « La détermination du gardien responsable du fait des choses inanimées » ; thèse Lyon 1946 – LABASTIE-DAHDOUH (CH), Thèse précit. p.

250 et suiv-MALKI ; « Conférences explicatives du droit privé tunisien « ‘ », Tunis 1980, p. 139 et suiv.- MM. MAZEAUD et CHABAS ; leçons, op.cit. n° 516 et suiv.- MM.

MAZEAUD et TUNC ; traité, op.cit. tome 2 n° 1155 et suiv. –TUNC (A) ; « La détermination du gardien dans la responsabilité du fait des choses inanimées » ; in J.C.P.

1960-I-1592- VINEY (G) ; La responsabilité : conditions ; op.cit. n° 675 et suiv.

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contrôle et de direction 292. L’arrêt du 23 février 1970 très net sur cette question affirmait », que le propriétaire de la chose est responsable de la garde de celle-ci, sauf s’il démontre, qu’en vertu d’une cession régulière, la garde et la surveillance de cette chose se sont trouvées transférées à un tiers… ». Cet arrêt ajoutait, dans le même sens » que la garde de la chose confèrent au gardien le droit d’user à son profit de cette profit de cette chose comme il l’entend, ainsi que le droit de la surveiller et de la contrôler en tous temps » 293.

Les tribunaux, en optant dans cette jurisprudence pour la théorie de la garde juridique, cherchaient en fait, sans l’avouer explicitement, le gardien parmi ceux qui contractent une assurance pour les dommages causés par l’intermédiaire des choses dont il se servent. Ceci, comme l’a souligné un éminent auteur 294, est de nature à renforcer les chances des victimes de se faire indemniser et éviter que le responsable ne soit écrasé par le poids d’indemnités sans commune mesure avec une faute éventuellement commise.

Cette charge devient, à plus forte raison, inacceptable lorsque la responsabilité du gardien est engagée en dehors de toute faute.

Les conséquences logiques et évidentes de la théorie de la garde juridique sont d’une part, l’exclusion du préposé en tant que gardien de la chose dont il a la surveillance et le maniement-il existe de ce fait une incompatibilité entre la qualité de gardien et celle de préposé- et d’autre part, le propriétaire est présumé gardien de la chose instrument du dommage.

292 V. Cass.civ. 24 août 1961 in. R.J.L. 1962, p. 53- Tunis 25 oct. 1961, in. R.T.D.. 1963, p.

63 et suiv. – Cass. civ. n° 6833 du 25 juin 1970 ; in R.J.L. 1970, n° 6, p. 73- compar. Cass.

crim. 8 mars 1976 ; Bull. Crim. 1977-I- p. 188 et Cass. crim. Du 3 avril 1976 in. Bull.

crim. 1977-II- p. 69 n° 33 – Cass. Civ. N° 3768 du 11 décembre 1980 ( inédit); ( arrêt implicite )- Cass. crim. N° 25820 du 31 janv. 1990, Bull. crim. 1990, p. 51 et suiv..

293 V. cass. civ. N° 7284 du 23 fev. 1970 ; in Rev. Tun. Dr. 1972, p. 195 – V. dans le même sens ELMALKI (M) ; « Conférences explicatives du droit privé tunisien. Ed. C.E.R.P.

Tunis 1980, p. 139 et suiv.- Rappr. Et compar.-Cass. crim. N° 2930 du 11 avril 1979, Bull.

crim.-II-p. 69- Cass. crim. 22 fév. 1976. Bull. crim. 1975-II-, p.109- Cass. Civ. 15 avril 1976. Bull. civ.- I-, p. 139- Cass. Crim. 29 janv. 1978, R.J.L. 1978, n° 7, p. 84.

294 V. STARCK (B) ; op.cit., 4ème éd. 1991, p. 250 et suiv. n° 544.

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Cette tendance de la jurisprudence favorable aux victimes de dommages causés par l’intermédiaire d’une chose semble être aujourd’hui remise en cause.

En effet, dans un arrêt de 1984295, la cour de cassation a affirmé que la responsabilité civile édictée par l’article 96 du Code des obligations et des contrats s’applique, non au propriétaire de la chose, mais à celui qui a effectivement le contrôle matériel de la chose, instrument du dommage. Le gardien est celui qui a, au moment de l’accident, l’usage, le contrôle et la direction de la chose.

Cette théorie de la garde matérielle fera perdre au propriétaire la garde de la chose, à chaque fois qu’il est établi que ce dernier a été privé de l’usage, du contrôle et de la direction de la chose. Ce transfert de la chose peut être réalisé, soit avec l’accord du propriétaire, soit sans l’accord de ce dernier, tel par exemple en cas de vol ou d’utilisation de la chose à son insu.

Cet arrêt sonne-t-il le glas de la théorie de la garde juridique, adoptée jusqu’à là par une jurisprudence majoritaire ? Il es trop tôt pour répondre clairement à une telle interrogation et ce en dépit de l’existence d’un arrêt plus récent 296 qui a implicitement opté également pour la garde matérielle. Le choix entre la garde juridique ou la garde matérielle dépendra, à notre avis, de la position définitive de la jurisprudence sur le fondement de la responsabilité attachée à la garde juridique n’est défendable que dans un système de responsabilité objective.

Après avoir analysé, dans cette première partie, l’évolution des conditions de mise en jeu de la responsabilité du fait des choses, il nous faut maintenant aborder l’évolution de la responsabilité civile du fait des choses quant à son fondement.

295 V. Cass. civ. arrêt n° 9334 du 14 mai 1984 ; in Bull. civ. -I-337.

296 V. cass. civ. Arrêt n° 22145 du 6 février 1989 ; in R.J.L 1991 n° 4, p. 50 – V. sur l’ensemble de cette question : ABID (T) : « La responsabilité du gardien des choses » ; in R.J.L 1984 n° 7, p. 21 et suiv.

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DEUXIEME PARTIE

L’EVOLUTION DU FONDEMENT DE LA REPONSABILITE EDICTEE PAR L’ARTICLE 96 DU CODE DES

OBLIGATIONS ET DES CONTRATS

La jurisprudence dominante 297, a très tôt rattaché le fondement de l’article 96 du Code des obligations et des contrats à celui de l’article 83 du même code. Selon cette jurisprudence, l’article 96 ne contient qu’une simple présomption de faute mise à la charge du gardien de la chose, instrument du dommage 298. Dans des décisions postérieures, la cour de cassation avait affirmé, d’une manière claire et sans ambiguïté, son intention de rattacher la responsabilité civile du fait des choses inanimées à la faute et ce, en dépit d’une certaine résistance de quelques juridictions du fond 299. « La seule différence », affirmait la cour suprême, « entre la responsabilité découlant de l’article 83 du C.O.C. et celle découlant de l’article 96 du même code concerne la charge de la preuve »300.

Une telle interprétation de l’article 96 n’était guère favorable aux victimes de dommages accidentels causés par l’intermédiaire d’une chose puisqu’il suffisait que les conditions d’application de la responsabilité pour faute ne soient pas réunies pour que la voie de

297 V. DAHDOUH (H) ; Thèse précit. p. 26 et suiv. – V. dans le même sens ; LABASTIE- DAHDOUH (CH). Thèse précit. Tome I, p. 202 et suiv..

298 V. Cass.civ. arrêt n° 7773 du 29 avril 1971 ; in Rev. Tun. Dr. 1973, p. 180 ; Bull. civ. 1971- II- p. 63- Cass.civ. n° 9846 du 4 juin 1973, Bull. 1973, p. 68 n° 31-Cass.civ. n° 4959 du 17 fév. 1982. Bull. civ.-I-,p. 387- Cass.civ. n° 6360 du 19 mai 1982, Bull.civ.-III-, p. 173- Cass. civ. n° 10239 du 11 Avril 1985, Bull.civ.-I- p. 214- Rappr. Cass. civ. 5 mars 1940 ; in R.J.L. 1960 n°9 et 10, p. 62- Cass. civ. 24 août 1961 : in R.J.L 1962 n° 3,p. 53- Tunis 25 oct. 1961 ; in Rev. Tun. Dr. 1963-1965, p. 62- Tun. Arrêt n° 57101 du 3 janvier 1964 ( inédit )- V. sur l’ensemble de cette question ELMALKI, précit, p. 102.

299 Trib. 1er inst. Tunis ; jug. N° 36772 du 9 juill. 1979, in Rev. Tun. Dr. 1980, p. 439 note MEZGHANI (N).- Tunis; arrêt n° 56267 du 5 nov. 1963, in „ l’assurance en matière d’accidents de la circulation ». op.cit., p. 358 et suiv.

300 V. Cass.civ. n° 9846 du 4 juin 1973 ; in Rev. Tun. Dr. 1975-II-p. 131 et suiv. note BOURAOUi (S)-V. égalt. Cass.civ. n° 11731 du 24 avril 1975 ; in Bull.civ. 1975- II ,p.221- Cass. civ. n° 11989 du 27 mai 1976 ( inédit ).

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l’article 96 Code des obligations et des contrats, soit, en principe, fermée à la victime 301.

L’attitude hostile de la jurisprudence dominante à l’égard d’une responsabilité objective était conséquente avec la philosophie générale du système de la responsabilité civile. Il n’était cependant pas certain que cette interprétation de l’article 96 soit en harmonie avec la volonté du législateur telle qu’exprimée dans le texte, sa rédaction militant en effet plus en faveur d’une présomption de responsabilité voir même d’une responsabilité de plain droit que d’une simple présomption de faute, il faut donc à présent vérifier si la jurisprudence, sensibilisée par cette dysharmonie, a modifié sa position ou si le fondement de la responsabilité du fait des choses demeure toujours la faute.

A- Nature de la présomption édictée par l’article 96 du code des obligations et des contrats.

La détermination du fondement de la responsabilité du fait des choses commande la question de savoir comment le gardien, de la chose, instrument du dommage, pourra s’en décharger, c’est-à- dire quelle preuve il devra fournir pour s’exonérer. Lorsque la responsabilité est sans faute, c’est-à-dire objective, elle n’est écartée qu’à la condition que le gardien démontre que le dommage est dû à un événement indépendant de sa propre volonté, force majeure ou faute de la victime. En revanche, lorsqu’il volonté, force majeure ou faute de la victime. En revanche, lorsqu’il y a simple présomption de faute, l’auteur présumé du dommage n’aura qu’à prouver qu’il n’a pas commis de faute et cette preuve est le plus souvent déduite d’un jugement pénal d’acquittement.

301 V. dans ce sens FERCHICHI (B) : note sous arrêt du 7 janvier 1982 ; Actualités juridiques tunisiennes 1989 n° 1 et 2, p. 103 et suiv.

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L’analyse de la jurisprudence, rendue ces quinze dernières années, en matière de responsabilité du fait des choses, révèle, en dépit d’une certaine fluctuation, que nos tribunaux s’orientent clairement vers une responsabilité objective.

Les tribunaux ont d’abord décidé 302que la présomption édictée par l’article 96 du code des obligations et des contrats tombait devant la preuve de l’absence de faute, celle-ci étant la plus souvent déduite d’un acquittement du gardien par le juge pénal.

Cette solution était critiquable à plus d’un titre ; en effet, et abstraction faite du fondement même de la responsabilité du fait des choses, l’acquittement au pénal, n’empêche pas la victime ou ses ayants droit d’obtenir réparation sur la base d’une faute civile distincte de la faute pénale 303.

L’article 101 du code des obligations et des contrats dispose que « l’acquittement prononcé par un tribunal pénal ne préjuge pas la question des dommages civils résultant du fait qui a donné lieu aux poursuites. La même règle s’applique au cas d’extinction de l’action pénale par le décès du prévenu ou par amnistie ». Cet article reconnaît donc, sans aucune ambiguïté, l’autonomie du civil par rapport au pénal ; aussi, en cas d’acquittement, le juge civil reste-t-il, à notre avis, d’allouer à la victime des dommages-intérêts sur la base d’une faute civile distincte de la faute pénale 304.

Par l’article 101 du code des obligations et des contrats, le législateur a entendu consacrer la théorie de la dualité des fautes, une faute civile pouvant exister en l’absence d’une faute pénale.

Dire que l’article 101 ne s’applique qu’en cas de décès de l’auteur de l’infraction ou en cas d’amnistie comme cela a parfois été

302 V. Cass. civ. n° 2451 du 21 oct. 1980; R.J.L. 1981, n° 1, p. 87.

303 V. DAHDOUH (H) : Thèse op.cit., p. 39 et suiv.

304 V. opinion contraire : EZZINE (Med. Moncef) : note S/Cass.civ. ch. Reunites du 16 mars 1995, in R.J.L. 1996, n° 5, p. 60 et suiv. spéc., p. 72 et suiv..

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soutenu 305 nous paraît erroné et contraire à l’intention du législateur clairement exprimée dans cet article.

Jusque dans les années 80, seules quelques juridictions du fond avaient saisi la valeur réelle de l’article 96 du code des obligations et des contrats ; elles avaient, à cet effet, manifesté une certaine résistance à l’interprétation restrictive de cet article par la cour de cassation. Selon ces juridictions du fond, l’article 96 avait un fondement différent de celui de l’article 8 y 3 du code des obligations et des contrats et renfermait une présomption de responsabilité qui ne pouvait être combattue par le gardien qu’après avoir démontré qu’il avait tout fait pour éviter le dommage et que le préjudice, dépendait soit d’une force majeure, soit de la faute de celui qui en était victime 306.

Une telle interprétation, audacieuse à une époque où la faute régnait presque sans partage sur tout le droit de la responsabilité civile, est conforme à l’intention du législateur. Ce dernier a prévu dans l’article 96 des règles dérogatoires au droit commun pour venir en aide aux victimes qui n’ont pas pu, ou n’ont pas intérêt à invoquer les dispositions de la responsabilité du fait personnel.

305 V. Cass. civ. n° 16688 du 5 mars 1987; in R.J.L. 1989 n° 9, p. 84 – V. égalt. Sur l’ensemble de cette question : ABID (T) ; article précit. in R.J.L. 1984 n° 7, p. 21 et du même auteur.

« Problématique de l’autorité du jugement pénal sur le civil et possibilité de réparation sur la base de l’article 96 du C.O.C.». in R.J.L. 1991 n° 2, p. 9 et suiv.- AYARI (I) ; « L’incidence du jugement pénal sur l’action civile » ; R.J.L. 1987 n° 4, p. 7 et suiv. et n° 2 et 3, p. 58 – V. BEN HALIMA (S), « Les contradictions dans la jurisprudence de la cour de cassation » ; colloque sur « la cassation », fac. dr. Sc. Po. Du 4 au 8 avril 1988 – ECHARÄ (M) ; « Le danger des accidents de la route sur la société ». R.J.L. 1990 n° 2, p. 7 et suiv.- FERCHICHI (B) ; note in actualités jur. Tun. 1989, p. 105 et suiv. – MECHRI (F) ; note in Rev. Tun. Dr. 1980, p. 441 et suiv. – TRITAR (M) ; « Autorité et force de la chose jugée » ; R.J.L. 1984, p. 35 et suiv.- ZINE (M) « Quelques aspects des rapports entre l’action publique et l’action civile ; Rev. Tun. Dr. 1982, p. 13 et suiv.- V. en dr. Français ; PIROVANO ; « Faute civile et faute pénale, essai de contribution à l’étude des rapports entre la faute des articles 1383 du c. civ. et la faute des articles 319-320 du code pénal ». Thèse Aix 1966.

306 V. trib. 1er inst. Tunis juge n° 25507 du 15 nov. 1975 ( inédit)- trib. 1er inst. Tunis juge, n°

23166 du 25 déc. 1975 ( inédit ) – trib. 1er inst. Tunis juge n° 36772 du 9 juillet 1979 ; Rev. Tun. Dr. 1980, p. 439 et suiv. note MEZGHANI (N) – trib. 1er inst. Mahdia juge n°

2426 du 8 déc. 1980. R.J.L. 1982 n° 9, p. 135.

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La résistance de ces juridictions du fond paraît enfin avoir porté ses fruits ; en effet, la cour de cassation semble aujourd’hui s’engager dans la voie de l’objectivation de la responsabilité du fait des choses. La cour se détache de plus en plus de la conception subjective en négligeant, comme nous le verrons, le comportement du gardien dont la responsabilité est engagée alors même que sa conduite s’avérerait irréprochable. Aussi et cela a été affirmé il y a fort longtemps 307 « un empire immense, celui de la responsabilité civile, est en train de s’y constituer sous le signe de principes nouveaux encore entourés de quelques brumes ».

Effectivement, nous assistons depuis quelques années à une nouvelle orientation de notre jurisprudence en matière de responsabilité du fait des choses. Pour exonérer le gardien de la responsabilité prévue à l’article 96 du code des obligations et des contrats, la jurisprudence majoritaire, avait toujours considéré que les deux causes d’exonération prévues par cet article étaient alternatives. Consciente de la fragilité de cette solution, et du fait qu’elle était peu favorable aux victimes de dommages accidentels causés par l’intermédiaire d’une chose, la cour de cassation avait essayé de détourner cette difficulté en affirmant que la responsabilité du gardien avait pour fondement, non une faute présumée, mais une faute prouvée : « la faute dans la garde » 308. Le raisonnement était simple ; toute personne qui a la garde de la chose doit empêcher celle-ci de causer un préjudice à autrui.

L’accident survenu, dont la chose a été la cause génératrice ou l’instrument, prouve automatiquement qu’il y a violation de l’obligation légale de garde 309. L’inexécution d’une telle obligation constitue une faute ; point n’est besoin de constater le

307 SAVATIER ( R ) ; « Vers la socialisation de la responsabilité et des risques individuels ? » D.H. 1931 chr., p. 9 et suiv.

308 V. Cass. civ. arrêt n° 16819 du 22 déc. In Bull. civ. 1986-II-, p. 288.

309 V. Cass. civ. n° 15903 du 8 avril 1987, Bull.civ., p. 269- cass. civ. n° 26881 du 21 juin 1990, in « L’assurance en matière d’accidents automobile », Publ. Centre d’études juridiques du Ministère de la justice 1995, p. 324-cass. civ. n° 29429 du

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comportement antisocial du gardien, la simple constatation de l’accident est suffisante.

Aussi l’absence de faute ou l’acquittement au pénal du gardien ne libère pas le gardien ; ce qu’on lui reproche, ce n’est pas une négligence mais d’avoir permis que la chose ait échappé à sa surveillance et ait causé le dommage. La théorie de « la faute dans la garde » 310, en dépit de certains avantages, est inacceptable car elle enlève à la notion de faute toute substance subjective ; « comment, affirmait un auteur »311, parler de faute morale ou civile ou sociale, en déclarant qu’elle n’implique pas la constatation de l’erreur de conduite du gardien ? ».

La jurisprudence dans son ensemble ainsi que la doctrine n’ont pas adhéré à cette théorie de la faute dans la garde. Nos tribunaux ne semblent pas subordonner, aujourd’hui, l’application des dispositions de l’article 96 du code des obligations et des contrats, à la preuve de l’imperfection de l’action de l’homme sur la chose ni à celle de la per4²te du contrôle de la chose par le gardien.

Depuis les années 80, nos tribunaux, poussés par la multiplication des dommages accidentels, causés par des choses inanimées, ont entamé une lente évolution vers l’objectivation de la responsabilité civile du fait des choses. En effet, dans des arrêts nets, la cour de cassation, semble de plus en plus décidée à se libérer du joug de la faute. Elle a affirmé, à plusieurs reprises, dans des décisions récentes, que l’article 96 du code des obligations et des contrats renferme une présomption de responsabilité et non une présomption de faute. Pour éluder sa responsabilité, le gardien,

310 V. sur cette question BESSON (A.), « La notion de garde dans la responsabilité du fait des choses » : thèse Dijon 1927, p. 42 et 62 et suiv. DAHDOUH ; thèse op.cit., p. 78 et suiv. – MAZEAUD (H) : « La faute dans la garde ». Rev. Trim. Dr. Dr. Civ. 1925, p. 811 – MAZEAUD (H.I.J.) ; « Traité théorique et pratique de la responsabilité civile délictuelle et contractuelle », Tome 2, 6ème éd. n° 1312 et suiv.- V. égalt HUSSON (L.) « Les transformations de la responsabilité ( étude sur la pensée juridique ) : Thèse, Paris 1947spéc. p. 138 et suiv.

311 STARCK (B), Obligations – I- responsabilité délictuelle, op.cit. p. 304 et suiv. Spécialt, p.

305 n° 699.

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affirme la cour suprême, « doit prouver 1) qu’il a fait tout ce qui était nécessaire afin d’empêcher le dommage ; 2) et que le dommage dépend, soit d’un cas fortuit, soit d’une44 majeure, soit de la faute de celui qui en est victime » 312. Ces deux conditions d’exonération sont exigées cumulativement, la faute de la victime, à elle seule, par exemple, ne peut pas exonérer le gardien. Ce dernier doit en outre, prouver qu’il a tout fait pour éviter le dommage ; l’absence de faute de ce gardien constaté par un acquittement au pénal n’est pas suffisante car le terme » avoir tout fait pour éviter le dommage » n’est pas synonyme d’absence de faute, il faut prouver un acte positif, un mouvement pour éviter le

dommage 313. Le gardien 77 doit donc démontrer qu’il a effectué des actes positifs nécessaires pour empêcher la production du dommage. Ces précautions doivent avoir été prises par le gardien de la chose non seulement au moment de l’accident mais dans les instants qui l’ont précédé.

Par ces arrêts qui ont abandonné le terme présomption de faute pour lui à notre avis, une étape importante vers l’objectivation de la responsabilité civile. Les quelques rares arrêts qui emploient

312 V. Cass. Civ. arrêt n° 6250 du 11 nov. 1982 ; in Bull. civ. 1982 – IV – p. 284 – Cass. civ.

arrêt n° 10239 du 11 av. 1985 ; Bull. civ. 1985 – I – p. 212 – Cass. civ. arrêt n° 13270 du 5 mai 1986 ; Bull. civ. 1986 – Ii – p. 314 – Cass. civ. n° 17654 du 16 nov. 1989 ; Bull. civ.

1989, p. 421 – Cass. civ. n° 16819 du 22 déc. 1986, Bull. civ. – II – p. 288 – Cass. civ. n°

16888 du 5 janv. 1987 ; R.J.L. 1989 n° 9, p. 84 – Cass. civ. n° 29429 du 18 av. 1991 ; Bull. civ. 1991, p. 242 – V. sur cette question : ABID (T) ; article précit. – CHERIF (H) ;

« A propos de l’exonération pour force majeure dans les litiges relatifs aux accidents de la circulation ». In R.J.L. 1992 n° 5, p. 29, spc., p. 44 et suiv.

313 V. Cass. civ. arrêt n° 17918 du 26 mai 1987 ( inédit ) – V. égalt. cass ; civ. arrêt n° 19860 du 15 mars 1990 ; in. R.J.L. 1992 – Rappr. Cass. crim. Arrêt n° 22211 du 13 juin 1991 ; in.

R.J.L. 1992 n° 6, p. 75 – Monastir, arrêt n° 10033 du 29 mai 1997 ( inédit)- Monastir, arrêt n° 9799 du 20 fév. 1997 ( inédit ) – C’est d’ailleurs la solution adoptée par le droit marocain depuis 1940 ; V. Rabat 20 sept. 1940 ; gaz. Tribx. Marocains (G.T.M.) 1941, p.11 – Cour suprême Marocaine ch. civ. du 9 avril 1963, Rec. Cour suprême, tome 2, p. 84 – Cour suprême 13 fev. 1976 ; R.J.L. 1978, p. 99 – V. sur l’ensemble de cette question en droit marocain : LABASTIE-DAHDOUH (CH) ; Thèse op.cit. p. 215 et suiv.

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toujours la formule « présomption de faute » 314 semble en réalité, viser la présomption de responsabilité puisque, selon ces arrêts, cette présomption de « faute » établie par l’article 96 du code des obligations et des contrats à l’encontre de celui qui a sous sa garde la chose, instrument du dommage, ne peut être détruite que par la preuve des deux causes d’exonération prévues à cet article, Aussi le gardien ne peut-il échapper à sa responsabilité qu’en prouvant d’une part, la force majeure ou la faute de la victime, d’autre part qu’il a fait tout ce qui est nécessaire pour empêcher la réalisation du préjudice.

Lorsque la victime a commis une faute, les juges procèdent généralement à un partage de responsabilité entre la victime et le gardien de la chose 315. Ce dernier est totalement exonéré lorsque la faute de la victime a été pour lui imprévisible et irrésistible. La jurisprudence semble très attachée à cette règle, mais en 1988, la cour de cassation, dans un arrêt retentissant 316, a manifesté son intention de remettre en cause cette jurisprudence.

A l’occasion d’un accident de la circulation, le conducteur qui avait été acquitté par le juge pénal avait été déclaré civilement responsable à concurrence de 50 % sur la base de l’article 96 du Code des obligations et des contrats, la faute de la victime ayant contribué, selon les juges du fond, à la réalisation du préjudice.

Saisi d’un pourvoi, la cour de cassation a affirmé clairement qu’en matière de responsabilité du fait des choses », il ne peut pas y avoir d’exonération partielle ; la responsabilité du gardien est soit totale, soit inexistante lorsque les deux conditions d’exonération prévues à

314 V. Cass. civ. n° 10239 du 11 av. 1984, in Bull. Civ. 1986, p. 214 – Cass. civ. N° 16726 du 16 mars 1987, in Bull. civ. 1987, p. 137 – Cass. civ. n° 17654 du 16 nov. 1989, p. 137 – Cass. civ. n° 26881 du 21 juin, 1990, in « L’assurance en matière d’accidents de la circulation » op.cit., p. 324 – Cass. civ. n° 20112 du 21 nov. 1990, in Bull. civ. 1990, p.

270 – Rappr , Cass civ. n° 5630 du 10 juin 1982, in Bull. civ. – III – p. 272.

315 V. Cass. crim. arrêt n° 9670 du 24 av. 1985 ; Bull. crim. 1985, p. 43.

316 V. Cass. civ. arrêt n° 15853 du 29 nov. 1988, R.J.L. 1991, n° 9, p. 105.

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l’article 96 sont prouvées.

Cette décision n’est pas sans rappeler l’arrêt DEMARES, rendu par la deuxième chambre civile de la cour de cassation française 317. Note cour suprême semble avoir voulu condamner une jurisprudence traditionnelle qui exonère partiellement le gardien d’une chose en présence d’une faute de la victime.

L’analyse a contrario de cet arrêt permet d’affirmer que la faute de la victime n’est susceptible de faire tomber la présomption de responsabilité qui pèse sur le gardien qu’à la condition qu’elle soit la cause unique du dommage et qu’elle commande entièrement l’accident survenu.

Dès lors, le comportement de la victime, s’il n’a pas été pour le gardien de la chose, instrument du dommage, imprévisible et insurmontable, ne peut l’exonérer même partiellement.

Cette nouvelle position de la cour de cassation fut confirmée par des arrêts récent de la cour suprême et plusieurs juridictions du fond se sont également alignées sur cette position 318.

Cette suppression de tout partage de responsabilité dans le cadre de l’article 96 du code des obligations et des contrats semble être passée inaperçue ou à tout le moins n’a pas eu de suite législative alors qu’en France, par exemple, l’arrêt DEMARES a offert l’occasion au législateur pour intervenir afin de mettre en

317 V. Civ. 221 juill 1982. D. 1982, p. 449 concl. CHARBONNIER : Gaz. Pal. I D. 982-II-p.

391 note CHABAS. Rev. Trim. Dr. Civ. 1982, p. 606 obs DURRY-V, sur l’ensemble de la question : V. égalt. CALLE ( C ) « Les causes d’exonération de la responsabilité civile délituelle » : thèse PARIS I 1988 – DAHDOUH, thèse op.cit., spcécialt, p. 225 et suivants.

318 V. Dans le même sens : Monastir arrêt n° 9605 du 12 mars 1997 – Monastir arrêt n° 9885 du 3 avril 1997- Monastir, arrêt n° 9886 du 3 avril 1997 ( Arrêt inédits ) – Cass. civ. Arrêt n° 65058 du 26 mai 1998 ( inédit )- Cass. Civ. N° 53258 du 19 mai 1998 ( inédit ).

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place un régime spécifique pour les accidents de la circulation 319.

Aussi, la cour suprême, après une longue période d’atermoiements empreinte de « timidité et de conservatisme »320, semble-t-elle se décider aujourd’hui à jouer un rôle de premier plan dans l’évolution du droit de la responsabilité civile, et particulièrement dans celui de la responsabilité du fait des choses, et d’en assurer l’adaptation à l’évolution de la société et à celle des meours.

Les récentes décisions de cette cour laissent penser que les hauts magistrats n’ont pas été insensibles aux multiples critiques adressées à la conception subjective de la responsabilité civile notamment en matière de dommages accidentels, critiques auxquelles nous avons adhéré dès 1984 321. En effet, les chambres réunies de la cour de cassation ont rendu récemment quatre arrêts successifs 322 dénotant leur ferme intention de drainer, d’une manière durable, la responsabilité civile du fait des choses dans l’orbite de la responsabilité objective. D’après ces arrêts, dès la survenance de l’accident dû à l’intervention d’une chose, la responsabilité du gardien est engagée sur la base de l’article 96 Code des obligations et des contrats.

319 V. Loi du 5 juil. 1985 – V. sur cette question TUNC (A) : « La loi française du 5 juil. 1985 sur l’indemnisation des victimes d’accidents de circulation » : in Rev. Dr. Comp. 1985, p.

1019 et suiv. – VINEY (G) « Réflexions après quelques mois d’application des articles 1er à 6 de la loi du 5 juill. 1985 modifiant le droit à indemnisation des victimes d’accidents de la circulation » ; in. D. 1986 chr., p. 209 – du même auteur ». L’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation » ; in. D. 1986 chr., p. 209 – du même auteur ».

L’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation » : L.G.D.J. 1992 ainsi que la bibliogr. Citée dans cet ouvrage.

320 V. Dans le même sens : CHARFI (M) et MEZGHANI (A) ; « Introduction à l’étude du droit ». C.N.P. 1993, p. 462 et suiv. spéc. p. 463 n° 738.

321 V. DAHDOUH (H), Thèse précit - V. égalt. du même auteur « Le fondement de la responsabilité civile en matière d’accidents de la circulation . précit.

322 Cass. civ. ch. Réun. N° 45822 du 16 mars 1995 : in R.J.L. 1996 n° 5, p. 53 et suiv. note EZZINE ( Med. Moncef ) et in R.T.D. 1995, p. 243 et suivants. Note EZZINE ( Med.

Moncef ) ( partie en langue arabe )- Cass. civ. ch. réun. N° 28564 du 16 mars 1995 ; in R.J.L. 1996 n° 6, p. 7 et suiv. note BRAHIM (N) – Cass. civ. ch. réun. N° 44851 du 16 mars 1995 : in Rec. des arrêts des ch. réu. de la C. Cass. 1994/1995, p. 14.

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Celle-ci n’est écartée que lorsque le gardien, auteur du dommage, invoque cumulativement les deux causes d’exonération prévues par l’article 96 323. Il s’agit, à notre avis, d’une responsabilité légale de plein droit édictée à l’encontre du gardien de la chose instrument du dommage. L’un des arrêts, l’arrêt n°

45822, fait même référence à l’idée de « garantie ». toutefois, il ne faut pas en exagérer la portée car dans cette affaire les juges ont, semble-t-il repris la même expression « garantie » que celle prévue par l’article 96 dans sa version arabe. Cette expression est synonyme uniquement de responsabilité dans l’esprit du législateur de 1906 ; elle est d’ailleurs employée également dans plusieurs autres articles du Code des obligations et des contrats 324 qui consacrent pourtant une présomption de faute à l’encontre de certaines personnes ; or, garantie et présomption de faute sont incompatibles. Toutefois quelques arrêts postérieurs 325 ont adopté la même position que celle des chambres réunies en affirmant que le fondement de cette responsabilité du fait des choses est la garantie.

L’article 96 du code des obligations et des contrats conquiert ainsi, petit à petit, une autonomie grandissante par rapport aux articles 82 et 83 du Code des obligations et des contrats. Cette voie dans laquelle s’est engagée récemment la jurisprudence et qui fut confirmée par des décisions très récentes 326 paraît amplement justifiée car comme nous allons essayer de le démontrer, le régime de la responsabilité civile du fait des choses est autonome par rapport à celui de la responsabilité du fait personnel.

323 V. Monastir, arrêt n° 10016 du 22 mai 1997 ( inédit )- Monastir arrêt n° 10033 du 29 mai 1997 ( inédit ).

324 V. Article 93-94 du C.O.C..

325 Cass. civ. arrêt n° 63148 du 4 mars 1998 ( inédit ). Cass. civ. arrêt n° 65058 du 26 Mai 1998 ( inédit ). Cass. civ. arrêt n° 63148 du 4 mars 1998 ( inédit ).

326 Cass. civ. arrêt n° 65133 du 16 juin 1998 ( inédit ) – Cass. civ. arrêt n° 53258 du 19 mai 1998 ( inédit ).

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B – Autonomie de la responsabilité du fait des choses par rapport a la responsabilité du

fait personnel

Une différence fondamentale oppose, à notre avis, ces deux systèmes de responsabilité ; alors que la faute constitue la condition sine qua non de la mise en jeu des règles de la responsabilité du fait personnel prévue aux articles 82 et 83 du Code des obligations et des contrats, celle-ci n’est point nécessaire pour l’application de l’article 96 du même code. Aujourd’hui, les tribunaux affirment de façon croissante que cet article renferme une présomption de responsabilité : la faute n’est plus une condition de la responsabilité du gardien.

Aussi l’action en responsabilité fondée sur l’article 96 est-elle distincte non seulement de celle qui résulte d’une faute civile ordinaire, mais également de celle qu’engendre une imprudence pénalement sanctionnée.

L’autonomie de la responsabilité basée sur l’article 96 précité par rapport à la responsabilité du fait personnel peut se manifester aussi bien au niveau de la procédure qu’au niveau du fond du droit.

Sur le plan de la procédure, l’action intentée sur le fondement de l’article 96 du C.O.C. a, à notre avis, une cause juridique différente de celle qui est fondée sur l’article 82 ou 83 du Code des obligations et des contrats. Ceci est de nature à entraîner certaines conséquences non négligeables en droit judiciaire privé : la chose jugée en application de l’article 82 ou 83 sur l’existence de la faute ne s’oppose pas à la formulation d’une nouvelle demande fondée sur l’article 96 du Code des obligations et des contrats.

L’article 481 du Code des obligations et des contrats relatif à l’autorité de la chose jugée est écartée puisque l’une des conditions prévues à cet article, à savoir, l’identité de la cause fait défaut 327.

327 V. EZZINE ( M.M.). note précit. In R.J.L. 1996, n° 5, p. 60 et suiv.

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