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Numérique et expérience vécue de l'élève en classe : un espace de communication en recomposition ?

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Academic year: 2021

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HAL Id: tel-02816097

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espace de communication en recomposition ?

Laurent Heiser

To cite this version:

Laurent Heiser. Numérique et expérience vécue de l’élève en classe : un espace de communication en recomposition ?. Education. Université de Toulon, 2019. Français. �NNT : 2019TOUL0022�. �tel-02816097v2�

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N° attribué par la bibliothèque École doctorale n° 509 en SHS Civilisations et Sociétés euro-méditerranéennes et comparées IMSIC - Institut méditerranéen des Sciences de l'Information et de le Communication (EA 7492)

THÈSE

Pour l’obtention du grade de docteur en Sciences de l'Information et de la Communication à l’Université Toulon Var

Numérique et expérience vécue de l’élève en classe :

Un espace de communication en recomposition ?

Présentée, et soutenue, par Laurent HEISER, le 25 novembre 2019 devant un jury composé de : Directeur : Philippe BONFILS Professeur des Universités en Sciences de l’Information et de la Communication Université de Toulon Co-directeur : Laurent COLLET Maître de Conférences HDR en Sciences de l’Information et de la Communication Université de Toulon Rapporteurs : Pierre MŒGLIN Professeur des Universités en Sciences de l’Information et de la Communication Université de Paris XIII Laurent PETIT Professeur des Universités en Sciences de l’Information et de la Communication Inspé de Paris – Université Paris Sorbonne Suffragants : Margarida ROMERO Professeure des Universités en Sciences de l’Éducation Inspé de Nice – Université Nice Côte d’Azur Daniel SCHMITT Maître de Conférences HDR en Sciences de l’Information et de la Communication Université de Valenciennes

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REMERCIEMENTS

La thèse a forcément un début et se concrétise, matériellement parlant, par la restitution d’un manuscrit. C’est la restitution d’un travail de longue haleine qui implique l’auteur, mais aussi bien d’autres personnes. Que soient remerciés tous ceux qui ont compris qu’un protocole de recherche sur l’expérience vécue pourrait être un préalable nécessaire afin de mieux accompagner les défis que notre société va poser aux futurs citoyens … Je souhaite remercier, en premier lieu, mon directeur de thèse, Philippe BONFILS, dont la patience, l’humilité, la régularité, et la qualité de l’encadrement m’ont permis de construire ce projet de manière réflexive et pragmatique. Les discussions et les nombreux échanges avec Laurent COLLET, mon co-directeur, m’ont guidé vers la problématisation de cette re- cherche. Je leur dois d’avoir su trouver l’équilibre malgré les contraintes que j’ai pu impo-ser : reprise d’étude, enthousiasme et gourmandise intellectuelle. Merci à mon épouse, Christine, qui n’a pas moins œuvré à parfaire cet équilibre en soutenant et en acceptant les sacrifices que j’ai dû imposer à notre famille pour parachever cette recherche doctorale. Merci à ma fille, Laurine, à mes beaux-enfants, Fabien et Romain et à mes parents, qui m’ont toujours encouragé et également à mes beaux-parents. Je voudrais m’excuser de mes absences et faire la promesse de me rattraper. Plusieurs personnes ont largement contribué à ce que ce projet se réalise : parmi eux, Oli-vier CANTINELLI, professeur agrégé d’anglais, qui, par son écoute, m’a encouragé dans cette recherche en comprenant la logique de cette bifurcation, pour passer de mon pre-mier emploi comme professeur certifié d’anglais à celui d’un apprenti chercheur. Michel DURAMPART, comme directeur du laboratoire IMSIC, m’a aiguillé vers des problématiques plus larges et m’a permis d’enrichir ma réflexion et faire le choix d’une approche plus éclai- rée sur les technologies numériques. J’ai également été témoin de la naissance du labora- toire IMSIC Toulon AMU grâce à lui. Cela a également participé à ma démarche de forma-tion et confirmé mon choix de me former à la recherche. Je suis également reconnaissant auprès d’Olivier NANNIPIERI qui a facilité mes démarches de reprise d’étude auprès du ser-vice de l’Université de Toulon. Merci aussi au personnel de l’ED 509. Leur disponibilité, leur réactivité, notamment pour soutenir une demande d’aménagement de service auprès de l’Université de Nice Côte D’Azur, ont été précieuses. Je remercie Gaëlle CHAPDELAINE, du service du Prêt Entre Bibliothèques, sur le campus de La Garde, pour son efficacité et son écoute. Mes collègues de l’Inspé (Institut National Supérieur du Professorat et de l’Éducation) de Nice ont régulièrement suivi cette aventure. Parmi ces derniers, je suis reconnaissant à

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Margarida ROMERO de la confiance qu’elle m’a accordée, tant comme collègue au sein du département TICE que comme directrice du laboratoire LINE – Laboratoire Innovation Nu-mérique et Éducation de l’Université Côte D’Azur – où je suis régulièrement associé. J’ai pu franchir chaque étape de cette thèse avec conviction en trouvant de nombreuses sources d’inspiration auprès d’enseignants-chercheurs confirmés comme Magali BRUNEL, Carole CALISTRI, Serge QUIGLIO et Cindy DE SMET, sans compter les enseignants expérimentés et collègues comme Luc FRENOIS, Alain DEMARCO, Tatiana TAOUS, Cécile BOURIN RICBOURG, Chantal SCHOONHEERE, Sylvie WAIGHT, Henry HUMBERT et Jean-Philippe ROUX et tout le personnel administratif et logistique de l’Inspé. Un remerciement appuyé à Jérôme SANTINI qui par ses conseils avisés, dès l’origine de mon projet, a contribué à son cheminement. Je terminerai par un remerciement tout par- ticulier à deux de mes collègues et amis pour leur confiance et soutien : Jean François BON-NET, mon prédécesseur sur le poste de PRCE TICE à l’Inspé de La Seyne-Sur-Mer et Christine FALLER avec qui je collabore au travers d’un dispositif de formation initiale aux usages créa-tifs du numérique. Je finirai en remerciant tous ceux qui ont accepté de parler de leur expérience vécue et à m’accorder de leur précieux temps pour arriver à collecter les données de cette thèse. Que cette aventure fut riche et tumultueuse ! Il a fallu accepter des périodes de doutes. Mais cela était nécessaire pour déconstruire ce que je connaissais de la classe et ouvrir le champ des possibles.

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À Laurine, Romain et Fabien

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SOMMAIRE

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REMERCIEMENTS ... 3 SOMMAIRE ... 7 TABLE DES FIGURES ... 9 LISTE DES TABLEAUX ... 13 INTRODUCTION GENERALE ... 17 PARTIE I EXPÉRIENCE VÉCUE, CULTURE DU NUMÉRIQUE ET FORME SCOLAIRE ... 29 CHAPITRE 1 LA PRÉSENCE DU NUMÉRIQUE DANS NOS EXISTENCES ... 31 CHAPITRE 2 FORME SCOLAIRE ET INDUSTRIALISATION ÉDUCATIVE ... 59 CHAPITRE 3 L’ESPACE PÉDAGOGIQUE GÉNÉRAL : MODÈLE HEURISTIQUE ET PRODUCTIONS DE SENS ... 87 PARTIE II PROBLEMATIQUE ET METHODOLOGIE ... 119 CHAPITRE 4 APPROCHE EXPLORATOIRE ET PROBLÉMATIQUE ... 121 CHAPITRE 5 APPROCHE MÉTHODOLOGIQUE : SAISIR L’EXPÉRIENCE VÉCUE DES ÉLÈVES ... 147 CHAPITRE 6 ORGANISATION DE LA RECHERCHE ... 171 PARTIE III BILAN DE NOTRE RECHERCHE ... 211 CHAPITRE 7 RÉSULTATS ... 213 CHAPITRE 8 DISCUSSIONS ... 315 CHAPITRE 9 PERSPECTIVES DE LA RECHERCHE ... 344 CONCLUSION ... 357 BIBLIOGRAPHIE ... 366 TABLE DES MATIÈRES ... 382 INDEX ET ANNEXES ... 386 INDEX ... 387 1 ANNEXE DES ENTRETIENS DE LA PHASE EXPLORATOIRE ... 389 2 ANNEXE DES ENTRETIENS DE LA METHODE DE RECHERCHE ... 389 ABSTRACT ... 394 RÉSUMÉ ... 395 1 Une table des matières détaillée se trouve en fin de document.

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TABLE DES FIGURES

Figure 1: Tableau intitulé Passe de Ostier auquel Theureau fait référence dans son ouvrage intitulé Enaction et Expérience (Theureau, 2015, p. 3) ... 20 Figure 2: L'Homme de Vitruve par Leonard de Vinci en 1490 (source Wikipédia) ... 23 Figure 3: Niveaux de la conscience chez Giddens (2012) ... 100 Figure 4: Rapports directs et médiatisés supportés par l'instrument (Rabardel, 2005, p. 255) ... 101 Figure 5: Représentation de la médiation instrumentale (Charlier et al., 2006, p. 479) .. 103 Figure 6 :The sensorimotor coupling between and organism and its environment (Stewart, 2010) ... 110 Figure 7 : Retranscription dans la fenêtre de saisie d'un extrait d'entretien avec Sonal . 133 Figure 8 : Présentation d'un corpus réalisé avec Sonal ... 134 Figure 9: Les horizons temporels de la session d'entretien (adapté de Depraz et al., 2011) ... 154 Figure 10 - ÉLÈVE2 est en classe (à gauche), il verbalise ensuite sur son expérience (à droite) accompagné du doctorant pour l’aider à maintenir le flux de ses verbalisations. ... 156 Figure 11: Représentation d’un signe hexadique ... 160 Figure 12: ÉLÈVE2 baisse la tête en s'écoutant lire ... 163 Figure 13: Environnement de travail de l'analyste sur Advene ... 165 Figure 14: Synthèse concernant la méthode employée ... 180 Figure 15: Mode d'emploi des lunettes (source Tikaway) ... 181 Figure 16: ÉLÈVE8 rencontre pour la première fois ses camarades avant son entrée dans le cours d'espagnol ... 185 Figure 17 : Notre premier entretien (avec ÉLÈVE1) dans le bureau de l’Assistante Sociale ... 188 Figure 18: Salle d'entretien dans le milieu naturel de ÉLÈVE5 ... 188 Figure 19 : Préparation de la salle d'entretien pendant que ÉLÈVE7 est en train de récolter les données brutes ... 189

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Figure 20: Geste à l'écran de ÉLÈVE10 ... 189 Figure 21: ÉLÈVE10 mime la position qu’elle a prise en classe pour exprimer sa lassitude ... 190 Figure 22: Perspective située de ÉLÈVE1 située au premier rang ... 192 Figure 23: Perspective située de ÉLÈVE16 au troisième rang de la classe ... 192 Figure 24: Perceptive située de ÉLÈVE7 dernier rang en salle informatique ... 193 Figure 25: Perspective située de ÉLÈVE15 en cours de Travaux Pratique ... 193 Figure 26: Perspective située ÉLÈVE12 qui écrit ans son cahier d'exercices ... 193 Figure 27: Perspective située de ÉLÈVE12 pendant la phase de trace écrite ... 194 Figure 28: Table des matières pour naviguer d'un type de données à un autre ... 197 Figure 29 - Prise de notes dans Advene ... 200 Figure 30: Vue que permet la fonction zoom de Advene ... 200 Figure 31 - Travail d'analyse au sein d'Advene ... 201 Figure 32: Exemple de vue statique pour exporter les Représentamens ... 202 Figure 33: Annotations et types de relations entre les annotations ... 202 Figure 34: Compte rendu de l'analyse de l'entretien semi-directif ... 205 Figure 35: Entretien en rappel stimulé avec ÉLÈVE1 dans le bureau de l’assistante sociale ... 219 Figure 36: ÉLÈVE2 baisse la tête en s'écoutant lire ... 230 Figure 37: ÉLÈVE2 réagit aux questions de ses camarades ... 231 Figure 38: ÉLÈVE2 remotivé par ses pratiques informationnelles ... 232 Figure 39: Entretien en rappel stimulé avec ÉLÈVE3 dans la salle d’entretien avec les parents ... 237 Figure 40: Entretien en RS avec ÉLÈVE4 dans une salle de cours ... 241

Figure 41: Entretien en rappel stimulé avec ÉLÈVE5 dans une salle servant au cours de cuisine ... 247

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Figure 43: Entretien avec ÉLÈVE7 dans une salle de cours non occupée ... 258 Figure 44: Entretien en rappel stimulé avec ÉLÈVE8 (à droite) et ÉLÈVE9 (de dos) dans la salle de leur professeur (une erreur de notre part : en voulant garder le contrôle de la souris, nous nous sommes aperçus que ÉLÈVE9 oblitérait la caméra ; nous avons dû analyser cet entretien en utilisant fréquemment la vidéo en perspective située. .. 264 Figure 45: ÉLÈVE9 cherchant à trouver la date à l'aide du calendrier en forme de roue . 265 Figure 46: Entretien en rappel stimulé avec ÉLÈVE10 dans une salle qui sert à recevoir les parents d’élèves ... 271 Figure 47: Mime de ÉLÈVE10 pendant l'entretien ... 273 Figure 48: Entretien en rappel stimulé avec ÉLÈVE11 dans une salle de cours disponible ... 276 Figure 49: Entretien en rappel stimulé avec ÉLÈVE12 dans une salle de cours disponible ... 281 Figure 50: Entretien en rappel stimulé avec ÉLÈVE13 (de dos) et ÉLÈVE14 (caché à droite) dans une salle de cours disponible ... 289 Figure 51: Entretien en rappel stimulé avec ÉLÈVE15 dans la salle qui sert de dépôt de matériel pour la salle du restaurant ... 296 Figure 52: Entretien en rappel stimulé avec ÉLÈVE17 (à gauche) et ÉLÈVE16 (à droite) dans la salle d’œnologie : nous nous sommes décalés à gauche de ÉLÈVE17 de façon à libérer le champ de vision de la caméra sur l’écran de l’ordinateur. Pour contrôler l’écran, nous utilisons une souris filaire. ... 302 Figure 53: Construction de nos catégories à partir du matériau export des signes hexadiques ... 319 Figure 54: ÉLÈVE16 utilise son téléphone pour se regarder avant d'entrer en classe ... 327 Figure 55: Bureau vide situé devant et utilisé comme de zone de dépôt des smartphones ... 327 Figure 56: Smartphones de collégiens (à gauche) utilisés à titre d'expérimentation dans la classe du néo professeur de mathématiques ... 328 Figure 57: ÉLÈVE5 à l’écoute les conseils de son professeur ... 332 Figure 58: Vision heuristique de l'espace communicationnel de la classe à l’heure du numérique ... 346

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Figure 59 : Les 4 zones du déploiement de la pensée des élèves ... 349 Figure 60: Représentation des deux ellipses ... 351 Figure 61 : Grande ellipse (Niveau idéal sans décalage) ... 353

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LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1: Représentation de l'approche sémiotique de Charles Sanders Peirce ... 115 Tableau 2 : Algorithme utilisé pour le dépouillement des entretiens libres ... 126 Tableau 3: Les unités discrètes du signe hexadique et les 3 structures correspondantes 159 Tableau 4: Questions participant au repérage des unités du signe hexadique ... 166 Tableau 5: Les structures de l'activité humaine et les unités de sens idoines ... 167 Tableau 6: Présentation synthétique de notre terrain ... 177

Tableau 7: Tableau synthétique correspondant au titre "captation_numéro_ en rappel stimulé avec_nom d’élève" ... 198 Tableau 8: Étapes du traitement des données ... 199 Tableau 9 : Analyse de l'entretien semi-directif avec le néo-enseignant ... 205 Tableau 10: Type d'analyse par matériau ... 207 Tableau 11: Opérationnalisation des concepts et des variables ... 208 Tableau 12: identique au tableau 4 (cf.Chapitre 5.3.1) ... 221 Tableau 13: Travail d'analyse correspond à l’extrait du cours d’expérience de ÉLÈVE1 .. 221 Tableau 14: Travail d'analyse correspondant à l'extrait du verbatim de ÉLÈVE2 (SH5) ... 234 Tableau 15: Travail d'analyse correspondant à l'extrait du verbatim de ÉLÈVE2 (SH6) ... 234 Tableau 16: Travail d'analyse correspondant à l'extrait du verbatim de ÉLÈVE2 (SH7) ... 235 Tableau 17: Travail d'analyse correspondant à l'extrait du verbatim de ÉLÈVE3 (SH2) ... 239 Tableau 18: Travail d'analyse correspondant à l'extrait du verbatim de ÉLÈVE3 (SH3) ... 239 Tableau 19: Travail d'analyse correspondant à l’extrait du verbatim de ÉLÈVE4 (SH5) ... 244 Tableau 20: Travail d'analyse correspondant à l’extrait du verbatim de ÉLÈVE4 (SH12) . 245 Tableau 21: Travail d'analyse correspondant à l’extrait cours d’expérience de ÉLÈVE5 (SH4) ... 250

Tableau 22: Travail d'analyse correspondant à l’extrait cours d’expérience de ÉLÈVE5 (SH10) ... 250

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Tableau 23: Travail d'analyse correspondant à l’extrait cours d’expérience de ÉLÈVE5 (SH11) ... 251 Tableau 24: Travail d'analyse correspond à l'extrait du cours d’expérience de ÉLÈVE6 (SH3) ... 256 Tableau 25: Travail d'analyse correspond à l'extrait du cours d’expérience de ÉLÈVE6 (SH7) ... 257 Tableau 26: Travail d'analyse correspond à l’extrait du cours d’expérience de ÉLÈVE7 (SH2) ... 261 Tableau 27: Travail d'analyse correspond à l’extrait du cours d’expérience de ÉLÈVE7 (SH9) ... 262 Tableau 28: Travail d'analyse correspond à l’extrait du cours d’expérience de ÉLÈVE7 (SH10) ... 262 Tableau 29: Travail d'analyse correspondant à l'extrait du cours d’expérience de ÉLÈVE8 et ÉLÈVE9 (SH4) ... 268 Tableau 30: Travail d'analyse correspondant à l'extrait du cours d’expérience de ÉLÈVE8 et ÉLÈVE9 (SH10) ... 269 Tableau 31: Travail d'analyse correspond à l’extrait du cours d’expérience de ÉLÈVE10 (SH4) ... 273 Tableau 32: Travail d'analyse correspond à l’extrait du cours d’expérience de ÉLÈVE10 (SH6) ... 274 Tableau 33: Travail d'analyse correspond à l’extrait du cours d’expérience de ÉLÈVE10 (SH7) ... 274 Tableau 34: Travail d'analyse correspondant à l’extrait du cours d’expérience de ÉLÈVE11 (SH6) ... 278 Tableau 35: Travail d'analyse correspondant à l’extrait du cours d’expérience de ÉLÈVE12 (SH2) ... 284 Tableau 36: Travail d'analyse correspondant à l’extrait du cours d’expérience de ÉLÈVE12 (SH3) ... 285 Tableau 37: Travail d'analyse correspondant à l’extrait du cours d’expérience de ÉLÈVE12 (SH4) ... 285

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Tableau 38: Travail d'analyse correspondant à l’extrait du cours d’expérience de ÉLÈVE12 (SH5) ... 286 Tableau 39: Travail d'analyse correspondant à l’extrait du cours d’expérience de ÉLÈVE12 (SH17) ... 286 Tableau 40: Travail d'analyse correspond à l’extrait du cours d’expérience de ÉLÈVE13 et ÉLÈVE14 (SH11) ... 292 Tableau 41: Travail d'analyse correspond à l’extrait du cours d’expérience de ÉLÈVE13 et ÉLÈVE14 (SH10) ... 292 Tableau 42: Travail d'analyse correspond à l’extrait du cours d’expérience de ÉLÈVE13 et ÉLÈVE14 (SH9) ... 293 Tableau 43: Travail d'analyse correspondant à l’extrait du cours d’expérience de ÉLÈVE15 (SH20) ... 299 Tableau 44: Travail d'analyse correspondant à l’extrait du cours d’expérience de ÉLÈVE15 (SH21)) ... 299 Tableau 45: Travail d'analyse correspondant à l’extrait du cours d’expérience de ÉLÈVE16 et ÉLÈVE17 (SH19) ... 304 Tableau 46 : Recensement des formes d'expression pédagogiques ... 318 Tableau 47: Extrait du cours d'expérience de ÉLÈVE4 (inquiétude) ... 323 Tableau 48: Incipit de l’histoire des tentatives de prise de contrôle de ÉLÈVE2 ... 325 Tableau 49: Exemple de construction d'un sentiment de frustration (1) ... 333 Tableau 50: Exemple de construction d'un sentiment de frustration (2) ... 334 Tableau 51 : Influence de l'expérience vécue sur le cadre de l'expérience de la classe d'après les données de notre recherche ... 349 Tableau 52: Perspectives de cette recherche ... 355

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INTRODUCTION GENERALE

L’institution place certaines attentes dans les nouveaux personnels qu’elle recrute. Le rap-port Filâtre (2018), par exemple, qui a précédé l’annonce d’une évolution du système des ESPE (École Supérieure du Professorat et de l’Éducation) en Inspé (Institut National Supé-rieur du Professorat et de l’Éducation), indique que le numérique doit s’intégrer dans la pédagogie des nouveaux enseignants. Tel que le précise ce rapport, l’institution s’attend à ce que le recrutement du personnel s’accompagne de l’évolution des usages pédagogiques en faveur d’une pédagogie plus active. Notre parcours en tant que formateur aux usages pédagogiques du numérique2 nous amène à envisager cette évolution avec prudence. De telles attentes, sans changement de la dynamique d’innovation, peuvent ne jamais aboutir, notamment si certaines incompréhensions ne sont pas levées dès la formation initiale des enseignants, telles la différence entre usages technocentrés et anthropocentrés du numé- rique, entre usages gestionnaires et usages pédagogiques du numérique et la prise de cons-cience du caractère hétérogène des outils et des médias. La question de l’industrialisation éducative, observée par les SIC, dans une perspective interdisciplinaire et donc ouverte à d’autres champs, nous permet de postuler que l’activité des néo-enseignants est complexe non seulement parce qu’ils débutent, mais également parce qu’ils doivent affronter cer-taines contradictions liées au paradigme industriel de et dans l’éducation3. Ce personnel est en recherche de solutions pour maintenir le lien avec des élèves de plus en plus auto-nomes avec leurs propres équipements. C’est pourquoi nous pouvons nous interroger sur l’éventuelle irruption de certaines habitudes personnelles du numérique et usages de dis-positifs non-institutionnels au sein de la classe. En effet, le recours à ces outils (usages des réseaux sociaux numériques, d’applications dites gratuites et ceux du smartphone), et leurs représentations positives dans l’esprit des élèves pourraient avoir une incidence sur la

2 Ce travail doctoral a commencé en 2016 au moment où nous avons accepté de prendre en charge le module de formation aux usages du numérique des étudiants du Master 1 et des enseignants stagiaires du Master 2 inscrits à l’École Supérieure du Professorat et de l’Éducation (ESPE) du centre de La Seyne-Sur-Mer (ESPE de Nice, Université Côte D’Azur). Notre mission inclut également le tutorat, le stage professionnel de professeurs stagiaires du primaire et du secondaire ainsi que leur accompagnement dans la rédaction et la soutenance d’un mémoire professionnel. Avant cela, nous étions professeur d’anglais et acteur de la formation continue dans le domaine des usages du numérique éducatif. 3 Le lecteur doit savoir que nous considérons les équipements numériques comme susceptibles d’initier un changement pédagogique. Nous devons également préciser que nous avons constaté des points faibles qui ne permettent pas, au sein de la dynamique de l’innovation pédagogique, de les mettre au service d’une pédagogie plus active. Pour résumer notre vision, précisons que nous sommes conscient des décalages qui existent entre les discours institutionnels et l’expérience des acteurs sur le terrain. Dès lors, nous considérons que notre approche et le rôle que nous avons comme acteur de la formation doivent être envisagés dans une perspective critique.

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transmission du savoir. Une incidence, précisons-le, résulterait du fait que face à un « pro- drome d’une convergence technique toujours annoncée, à défaut de n’être jamais réali-sée » (Mœglin, 2005, p. 127), ces personnels isolés auraient face à eux des élèves de plus en plus autonomes avec leurs dispositifs et seraient à même d’accepter certains compromis pour pallier les difficultés rencontrées dans leur mission d’enseignement. Ces statu quo pourraient satisfaire les deux parties, mais auraient pour contrepartie d’entrainer une cer-taine dépendance vis-à-vis des industriels du numérique. De plus, ces usages pourraient leur sembler plus efficaces pour motiver ou remotiver les élèves que les dispositifs plus officiels de la communication éducative (Moodle, Chamillo et autres Content Manager Sys-tems), tablettes numériques ou autres équipements mobiles individuels (EMI). L’usage de dispositifs non-institutionnels s’inscrit dans la logique mercantile des grands industriels du numérique et doit nous interroger sur le mode de fonctionnement de la classe à l’heure du numérique. La classe se met-elle, pour pouvoir fonctionner, sous le joug des grands indus-triels ? Ce questionnement mérite toute notre attention à l’heure où les différents acteurs, partageant certaines représentations positives des usages numériques seraient suscep- tibles de les intégrer d’un commun accord en classe. Il est nécessaire dès lors de com-prendre les modes de communication des différents acteurs et leurs ressentis respectifs et donc subjectifs des usages numériques quand ils se rencontrent pour communiquer autour du savoir. Le terme de subjectivité nous a d’abord conduits à prendre conscience de nos propres li-mites à observer les phénomènes de la classe et nous mener à un effort de construction. Il s’agissait d’adopter une posture neutre détachée de notre expérience en tant qu’acteur du système éducatif. Nous devions cesser de considérer la rhétorique de ces discours comme un « cérémonial » (Gargani, Davidson, & Alunni, 2013, p. 140-141) pour entamer la décons-truction de la réalité et la problématisation de cette recherche. Nous avons mis à l’épreuve cette démarche de distanciation en interrogeant l’expérience de néo-enseignants dans la phase exploratoire de cette recherche. Nous devons préciser que cette phase nous a permis d’établir les premiers résultats de cette thèse et de nous rendre compte que nous pouvions tout à fait conduire une recherche sur l’expérience des individus dans l’institution scolaire. En parallèle s’est imposée la notion de prise de précau-tions, notamment en envisageant une démarche non-participante. Les premiers résultats nous ont permis de constater que les néo-enseignants rencontrés manifestaient une pré- occupation pour le respect des règles. Les usages provenant de la sphère personnelle sem-blent, à priori, peu entrer en classe, signes comme nous le verrons d’un désir de s’inscrire dans le cadre défini par le discours officiel. Notre démarche de problématisation a d’abord

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consisté à déconstruire notre propre vision et constater que des néo-enseignants pou-vaient être frappés par les mêmes apories auxquelles nous étions confronté avant cette recherche, dont une limite en la capacité à observer les effets de l’activité professionnelle quand cette dernière n’arrive pas à se soustraire de son espace ou à se mettre sous le pli d’un langage de disciplinement (Gargani et al., 2013). La méthode sur laquelle s’appuie cette thèse consiste à admettre les limites de notre propre observation, de ne pas prendre pour acquis nos habitus d’observation, de nous méfier de nos certitudes, « de les arracher à leur quasi-évidence (et de) libérer les problèmes qu’ils posent » (Foucault, 1969, p. 37). Dès lors, la présence de professeurs et d’élèves réunis dans un même espace ne signifie pas qu’ils arrivent à communiquer (Odin, 2011). L’activité des néo enseignants semble nous indiquer qu’ils cherchent à induire le compor-tement des élèves vers le cadre traditionnel de la transmission du savoir, mais ces derniers acceptent-ils qu’on leur impose des modes de lecture ? Cette question nous conduit à abor- der la classe de manière complexe, notamment en nous attardant sur les significations in-duites par l’activité d’enseignement et ce qu’elle va entraîner quand elle est réceptionnée par les élèves. Il nous a fallu alors réfléchir à une autre méthode d’observation de l’activité des néo-enseignants. Nous avons voulu mieux comprendre les effets entraînés par la pri-vation des usages personnels du numérique et penser que les élèves ne se laisseraient pas facilement dicter leur comportement. Pour cela, nous avons fait le choix de décrire et com-prendre l’expérience des élèves dans certaines classes de néo-enseignants. Pour ne pas perturber leur cours d’action, nous n’avons jamais été présent pendant la collecte de don- nées, avons laissé les élèves filmer leur propre expérience et avons fait en sorte de les lais-ser verbaliser sur leurs ressentis à partir à partir de leurs données. Cette méthode nous a permis d’abord de limiter nos préjugés, ensuite d’éviter d’être manipulé par l’espace de conception des enseignants dès lors que ces derniers se sentent observés ou évalués dans leurs actions, de tenir compte enfin des nouvelles données à prendre en compte pour en-seigner dans un contexte où le numérique rend les élèves de plus en plus autonomes. Nous avons donc fait en sorte que les sujets, autant les néo-enseignants que les élèves qui ont été équipés de lunettes connectées ressentent le moins possible notre présence afin de nous accorder la possibilité de comprendre les interactions qui ont lieu au sein de leur classe. Nous avons clarifié que notre approche ne visait pas à évaluer leur pédagogie par rapport à des prescriptions issues de programmes ou de cadres réglementaires, ni même à les observer pour leur proposer des conseils pour améliorer leur pratique. Une occurrence que nous retrouvons dans l’institution scolaire, obligeant à recourir à certaines certitudes susceptibles d’entraver l’expression de la subjectivité des acteurs. En outre, comme le pro-pose Theureau en réagissant à ce tableau :

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Figure 1: Tableau intitulé Passe de Ostier auquel Theureau fait référence dans son ouvrage intitulé Enaction et Expérience (Theureau, 2015, p. 3) « Il m’arrive régulièrement de me demander si, comme ce taureau durant le bref temps de la vie qui lui reste, je ne suis pas tout simplement en train de foncer tête baissée vers ce qui me perturbe, que je ne perçois même pas de façon claire et dis-tincte et qui me cache le reste du monde » (Theureau, 2015, p. 3). C’est pourquoi nous chercherons à laisser la parole à nos sujets, dans un contexte où ces derniers ont souvent peu l’occasion de la faire : « […] la parole émane surtout des professionnels eux-mêmes, puisqu’elle est considé-rée (à tort ou à raison) comme véhiculant des savoirs qui prétendent à l’universalité. La parole n’a donc pas, de manière essentielle, une fonction expressive et rares sont les situations où la subjectivité des étudiants est sollicitée et valorisée » (Yelnik, 2005, p. 134). Dans cette recherche, les élèves ont été mis en situation de pouvoir exprimer, avec toute leur liberté, la manière dont ils vivent la classe. Ils raconteront la manière dont ils s’appro-prient ou se réapproprient l’espace et le temps de la forme scolaire. Nous présumons que ce temps de réappropriation verra le numérique intervenir quand ils s’exprimeront natu-rellement sur leur cours d’action (Schmitt, 2016). Une possibilité qu’ils relient leur pensée à leur vie numérique si, à l’instar de certains penseurs, nous pensons que celle-ci est liée à notre époque marquée par la modernisation technologique et digitale généralisée. Quelles que soient les ressemblances et les continuités avec les élèves des générations précé-dentes, sur quoi leur expérience vécue peut-elle nous renseigner ?

« La sociogenèse et la psychogenèse des comportements humains sont dans l’en-semble peu connues. Nous ne sommes même pas habitués à envisager le problème

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sous cet angle. Mais le fait est que les hommes appartenant à des unités sociales dif- se comporte à certains égards autrement que l’homme de cour, l’Anglais ou le fran-çais autrement que l’allemand, l’homme médiéval autrement que l’homme du XXe siècle, quels que soient par ailleurs leurs traits communs » (Elias & Kamnitzer, 2017, p.69). Ceci signifie que les élèves vont agir tels des êtres socialisés en fonction de certaines carac-téristiques de notre époque. Dès lors, ils vont utiliser leurs modes d’êtres, leurs croyances et transporter leurs habitudes hétérogènes dont ils ne peuvent se débarrasser. Un para-digme que Mauss avait constaté dans d’autres situations de la vie sociale : « … notre génération, ici, a assisté à un changement complet de technique : nous avons vu remplacer par les différentes sortes de crawl la nage à brasse et à tête hors de l'eau. De plus, on a perdu l'usage d'avaler de l'eau et de la cracher. Car les nageurs se considéraient, de mon temps, comme des espèces de bateaux à vapeur. C'était stu- pide, mais enfin je fais encore ce geste : je ne peux pas me débarrasser de ma tech-nique » (Mauss, 2002, p. 6). Des propos qui sont compatibles avec ceux de Friedmann pensant qu’il existe bien un lien entre notre manière de penser les choses et l’époque dans laquelle nous agissons : « L’homme n’est pas le même, il se sent, il n’agit, il ne pense pas de la même façon selon les époques de son histoire, selon le milieu où il vit : selon les techniques dont il dispose » (Friedmann, 1963, p. 34). Ce lien entre la pensée et son époque, entre le corps et la technique, semble donc indisso-luble. Ce lien est normal et nécessaire à chaque fois que nous cherchons à combler un vide, quand nous passons de l’intuition à une conscience de la réalité. Le problème est de savoir si celle-ci se développe de manière autonome ou si elle repose sur des règles préétablies. Nous pouvons postuler que c’est pendant l’action située des évènements (Suchman, 1985) que la pensée établit une compréhension des choses. Ce qui signifie que l’homme habite le monde en reliant sa perception à l’action. Or, nous attisons là un débat philosophique, car nous voyons bien qu’en reliant l’homme à son milieu, l’homme n’a pas d’autres choix que d’agir dans une époque donnée, en fonction de règles préétablies (Giddens, 2012) et de l’évolution technologique de son temps. Il sera difficile de parler d’autonomie intégrale, même si, comme le souligne Canguilhem : « Vivre c’est rayonner, c’est organiser le milieu à partir d’un centre de référence qui ne peut lui-même être référé sans perdre sa signification originale » (Canguilhem, 2000, p. 188).

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Ainsi, l’individu serait libre d’exercer certaines déviations au sein de ces règles (Certeau, 1980), pour reprendre la pensée de Sartre (1986), d’avoir une certaine imagination créa-tive. Cette créativité, pour être envisagée, nécessite de penser le monde et le sujet sans les séparer, de penser que le monde sera habité par des individus qui cherchent à se le repré- senter. Pour cela, comme nous le verrons heuristiquement, nous tenons compte de la no-tion de contraintes pour montrer que l’action s’inscrit dans la représentation de l’espace. Cette recherche délimite précisément des contraintes que le néo enseignant doit prendre en compte pour qu’il puisse mener son activité professionnelle. En parallèle, l’action des élèves peut tenir compte des contraintes de cet espace, mais aussi de sa vie numérique pour se le représenter. Des décalages, selon nous, peuvent apparaître alors entre les deux représentations. Nous proposons plus précisément d’envisager le développement de la co-gnition des élèves en conservant l’idée qu’ils agissent en liant leur perception à l’action. Il s’agit donc bien de tenir compte de leur intentionnalité (Bottineau, 2010), au moment où ils utilisent leurs valeurs portées, leurs attentes, leur réservoir d’expérience comme être pluriel (Lahire, 1998) pour s’approprier la classe, se créer leur propre espace de réalisation (Flahault, 1978), utiliser leur corps, leur esprit et leur technique d’être moderne pour assu-rer de manière pragmatique une certaine survie. Afin de faciliter la lecture, et préciser notre raisonnement, nous utiliserons la terminologie suivante : saisir l’expérience vécue (Bonfils, 2013). Nous venons de dire que c’est pendant son expérience que l’homme rassemble ses capa- cités, prend des décisions, et fait en sorte de s’approprier l’environnement pour faire émer- ger une compréhension. Rien n’est donc joué d’avance, le sujet ne pouvant vraiment affir-mer sa présence qu’en élaborant un plan pendant l’action, c’est-à-dire quand son attention se déploie dans le hic et le nunc. L’attention ne s’incarne qu’au moment où l’environne-ment nécessite une prise de décision ou encore la définition d’une croyance (Peirce, 2000). Pour autant, cette croyance signifie-t-elle que la présence du sujet est pleine et entière, que l’environnement a subi une complétude la plus « authentique [ou] globale » (Bouchez, 2015, p. 259) possible ? Cette question nous renvoie à la satisfaction que nous trouvons au moment où nous trou- vons les solutions de notre équilibre, et sous-entend d’interroger le bien être que les indi-vidus trouvent en utilisant les techniques de la modernité la plus avancée, dont notamment le numérique. Nous savons, d’après les philosophes anciens, que la plus grande qualité de la satisfaction atteinte est rare. Cela revient à vivre, selon eux, l’Extase de son Etre (Sloter- dijk, Mannoni, & Orteski, 2008). Selon Theilard de Chardin, cette satisfaction serait compa-

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rable à un sentiment d’universalité. Tout dépend des activités que nous menons et du con-Omega, cette conscientisation pleine et entière à l’environnement, est un moment rare voire inaccessible : Figure 2: L'Homme de Vitruve par Leonard de Vinci en 1490 (source Wikipédia) La qualité de notre existence dépend de notre capacité à atteindre la compréhension la plus élevée possible, et donc la plus complexe, de l’environnement : « Dans le champ visuel d’un individu, l’écart angulaire usuel de la concentration est de quelques degrés, celui de l’attention du monde extérieur de 140/180 degrés, celui de la vigilance, qui inclut les deux autres, décrit un cercle dont la conscience comme espace vide est le centre » (Csikszentmihalyi, 2005, p. 29). Ce processus est assuré par la quantité de notre dépense psychique. Sur ce point, comme Sloterdijk (2008) se le demande, la technique moderne nous rend-elle aussi libre que l’était le pré homme quand ce dernier réussit à utiliser la pierre pour se sortir des contraintes de l’environnement ? Quand la technique ne joue pas ce rôle, que penser alors du progrès dont elle se réclame ? Une invitation à adopter, comme nous le verrons, une approche critique sur les discours progressistes qui accompagnent la modernisation technologique et digitale. Les nouvelles technologies nous permettent-elles d’accéder à ce que nous désirons ? Pour qui désirons-nous vraiment les choses ? Sous quelles contraintes ce désir nous place-t-il ? La question des enjeux est centrale et nous renvoie de nouveau vers l’institution scolaire. Elle est sans doute la mieux placée pour questionner le modèle des nouvelles technologies

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(Durampart, 2018). De toute évidence, en son sein, la jeunesse trouve les nouvelles tech-nologies très attractives. Dans les salles de cours des universités, les couloirs de certains lycées, dans tous les regroupements d’élèves ou d’étudiants, sur le campus et aux abords des établissements scolaires, le smartphone est souvent un prolongement du corps (Nova, 2018). Depuis 2011, Bonfils et Peraya suivent les usages du numérique des étudiants de l’UFR Ingémédia à Toulon, plus particulièrement dans les conditions du projet pédagogique appelé Réaco4. Les étudiants doivent conduire une réalisation collective sous la forme de groupes de projet dans le secteur du multimédia. Pour assurer une formation profession- nalisante, l’encadrement pédagogique responsabilise les étudiants en encourageant la ré-partition des tâches par groupes, en accompagnant les étudiants à organiser des réunions et à communiquer hors du temps universitaire. Les entretiens avec les étudiants font ap-paraître leur préférence pour les plateformes non institutionnelles afin de communiquer, même si celle offerte par leur université propose plus de fonctionnalités. Ils transportent relativement facilement certains usages personnels du numérique, dont l’usage d’objets ponts (smartphones, laptops etc.) et de dispositifs du web 2.0 (comme le cloud computing de Google etc.) dans la sphère académique. Contrairement à l’université, l’école donne l’impression de résister à ce type d’usages et certains règlements intérieurs les interdisent. Il existe une certaine confusion qui oblige à solliciter l’autorisation de la hiérarchie. De ce fait, les modalités pédagogiques demeurent encore peu connues pour travailler autour des médiations instrumentales. Certaines expérimentations ont du mal à se généraliser et les usages pédagogiques sont souvent l’œuvre de professeurs technophiles. La question de l’évolution de la forme scolaire est ouverte. Il n’est pas question de minimi-ser le volontarisme de l’institution. Les usages des équipements mobiles sont intégrés, mais avec une certaine confusion. Les décideurs s’interrogent sur des cadres d’usage, mais avec des référentiels5 excluant toute hétérogénéité. Entre le maintien des règles traditionnelles et une ouverture sur des pratiques non scolaires, le système est relativement déstabilisé. Le numérique éducatif crée des contradictions montrant qu’on aurait tort de trop vite en- terrer les marqueurs de l’industrialisation (Petit, 2018), comme la rationalisation, l’idéolo- 4 Réaco signifie réalisation collective 5 Les signes de ce questionnement concernent les travaux qu’un groupe d’experts composé d’inspecteurs ou de chargés de mission a mis en place autour des équipements mobiles individuels à l’école ayant fait l’objet d’un référentiel appelé le Cadre de Référence pour l’Accès aux Ressources pédagogiques via un équipement MObile (CARMO). Ces travaux se sont ensuite intéressés à l’intégration de la question du BYOD (Bring Your Own Device traduit par apporter votre appareil numérique) à l’école bien que le terme recouvre des usages qui ne concernent pas uniquement le smartphone. D’abord suspendu en raison d’une loi d’interdiction (ou

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gisation et la technologisation, trois marqueurs qui, chez les chercheurs du GIS2IF, s’inté- ressant aux problématiques de l’innovation de et dans l’éducation et la formation, permet-tent de relever des nœuds et d’essayer de proposer des pistes pour les démêler (ibid.). Pendant ce temps, les usages commerciaux de l’internet continuent à se développer. Les règles de production du savoir (Lyotard, 1979) sont simplifiées par les appels des grands industriels à s’engager sur des plateformes qui proposent à l’usager d’accéder à une liberté ultime. Les individus procèdent à des renoncements de leur liberté pour en négocier d’autres (Vidal et al., 2012). Sans accompagnement, les représentations parfois positives de ces dispositifs ne sont pas questionnées par l’école ou demeurent difficilement ques- tionnables, car les enseignants ne peuvent pas faire face à l’hétérogénéité que cela sup-pose. Pendant ce temps, les élèves développent des habitudes hétérogènes et superfi- cielles qui sont difficilement transférables dans la forme scolaire. Les dynamiques de l’in- novation pédagogique doivent accompagner l’ensemble des acteurs à développer une cer-taine culture du numérique, mais le marqueur de la rationalisation éducative fragilise cette entreprise en faisant naître des contradictions. Nous proposons comme problématique de concentrer notre objet d’étude sur le repérage des productions de sens des acteurs (enseignants et élèves) qui doivent communiquer dans une salle de classe. Susceptibles d’être plus à l’aise avec les technologies numériques, nous avons fait le choix d’observer des classes tenues par des personnels qui débutent dans le métier et plus particulièrement dans le système scolaire en France. Notre question théo-rique peut être formulée de la manière suivante : « Comment les acteurs de l’espace pédagogique de la classe construisent du sens dans le contexte de la généralisation des technologies numériques, pouvant induire des effets sur la conception-réception des cours ? » Pour opérationnaliser cette question théorique, nous proposons d’étudier la classe comme un espace de communication en ajoutant aux contraintes traditionnelles de la forme sco- laire celles des nouvelles technologies. Notre approche de la classe sera sémio-pragma-tique dans le sens où nous tiendrons compte du fait qu’elle est, comme tout autre espace de communication, soumise à un faisceau de contraintes (Odin, 2011). Conformément à ce qui vient d’être dit, nous tenons compte des pratiques non formelles, des usages person-nels du numérique et globalement des effets de la modernisation technologique et digitale sur la communication pédagogique. Partant de là, nous mettons à l’épreuve de notre questionnement et d’une étude empi-rique les hypothèses suivantes :

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1) Les habitudes hétérogènes du numérique provoquent une mise à distance des ou-tils traditionnels de la transmission du savoir. 2) Ces habitudes et cette distance ne peuvent être saisies que dans l’expérience vé-cue des acteurs. Afin de structurer notre démarche d’analyse, cette thèse sera organisée en trois temps : Notre première partie situera le numérique au sein de notre existence, plus particulière-ment en tentant de mieux identifier ce qui relève de nos pratiques du numérique (Vial, 2013 ; Jenkins et al., 2017) en faisant appel à une approche de la technique (Simondon, 1958) et à une approche parfois relativiste (Sloterdijk, 2002 ; Csikszentmihalyi, 2005). Cela nous conduira ensuite à identifier les implications que le numérique peut avoir sur la pé-dagogie (Betrancourt, 2007 ; Bonfils et Peraya, 2011 ; Aillerie, 2017) et les difficultés que son intégration entraîne dans la forme scolaire (Durampart, 2016 ; Durampart, 2018). Nous tenterons de mieux comprendre le malentendu occasionné en nous ancrant dans l’histoire de la forme scolaire (Vincent, 2004 ; Lahire, 2008) et de mettre en évidence le malentendu originel au sein des dynamiques d’intégration des outils et des médias éducatifs (Mœglin, 2005). Il s’agira de mettre en évidence les contraintes que le paradigme de l’instruction publique (Vincent, 2012) propose à la salle de classe tout en rappelant l’importance de saisir les évolutions au prisme de la question de l’industrialisation éducative (Mœglin, 2016 ; Petit, 2016 ; Petit, 2018). Les contraintes du paradigme de l’instruction publique nous conduiront à proposer une approche sémio-pragmatique (Odin, 2011) de la classe et proposer un premier modèle heuristique. Nous verrons que pour opérationnaliser cette construction théorique, nous ferons appel à la philosophie de Peirce (2001) et au para-digme de l’énaction (Theureau, 2015 ; Schmitt, 2012). Notre seconde partie concerne précisément la partie méthodologique de la thèse. Nous débuterons par une phase exploratoire conduite avec des néo-enseignants de l’ESPE de La Seyne Sur Mer. Les premiers résultats de cette thèse nous permettront de mieux affiner l’hypothèse de notre recherche et nous proposerons de nous concentrer sur l’expérience vécue des élèves au regard des formes d’expression pédagogique des néo-enseignants. Cela nous conduit à proposer d’opérationnaliser une méthode permettant de décrire et raconter l’expérience vécue (Bonfils, Collet, & Durampart, 2018) des élèves. Nous nous tournerons donc vers l’espace de la réception en expliquant que nous allons avoir recours à un langage fertile de reconstruction de l’expérience vécue appelé le signe hexadique (Theureau, 2015). Nous proposons ensuite l’organisation de la recherche en précisant le protocole, en nous concentrant plus précisément sur la constance de nos données. Nous apporterons au lecteur toutes les informations utiles pour comprendre comment les élèves

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ont été équipés pour collecter des données de leur expérience puis mis en situation de revécu (Schmitt & Blondeau, 2018) pendant des entretiens en rappel stimulé. La troisième partie nous permettra de naviguer dans des cours d’expérience d’élèves ma-joritairement en nous appuyant sur les données de verbalisation de ces derniers à propos de leur expérience vécue de la classe. Nous observerons que leur action est le résultat d’un processus comportant deux éléments : les attentes des élèves en tant qu’individus vivant à l’heure du numérique et celles de néo-enseignants en quête de recherche de l’efficacité pédagogique. De manière nécessaire et structurante, leur expérience vécue de la classe va se déployer pour trouver un équilibre. En « s’éprouvant aussi dans cette expérience » (Leleu-Merviel, Schmitt, & Useille, 2018, p. 3), les élèves n’abandonnent pas leur représen-tation du monde en tant qu’adolescents et êtres naïfs du numérique (Collet, Durampart, & Pelissier, 2014). Ce processus de maintien de leur équilibre n’en demeure pas moins créatif, car les élèves s’inventent des croyances. Ils se confrontent, sans s’opposer, aux dispositifs pédagogiques, pour construire leur relation à la classe et au savoir scolaire. Il est nécessaire de s’interroger sur leur recherche de pertinence, car en tentant de rester attachés à leur vie numérique, les croyances des élèves mettent également en tension l’équilibre de la forme scolaire comme forme sociale de la transmission du savoir. Une discussion sur les modalités mises en œuvre par les élèves pour adhérer aux prescriptions de leur néo-ensei- gnant sera proposée. Nous pourrons identifier des caractéristiques communes de compor-tement, proposer une construction théorique autour de la fluctuation de la pensée des élèves et dresser, à partir de celle-ci, les conclusions de notre recherche.

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PARTIE I EXPÉRIENCE VÉCUE, CULTURE DU NUMÉRIQUE ET

FORME SCOLAIRE

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CHAPITRE 1 LA PRÉSENCE DU NUMÉRIQUE DANS NOS EXISTENCES

1.1 Introduction ... 32 1.2 Le numérique avec une pensée complexe ... 33 1.2.1 De l’approche déterministe à celle de la qualité des usages ... 33 1.2.2 Matérialité et immatérialité du numérique ... 35 1.2.3 L’enjeu de la gouvernance de l’internet ... 41 1.3 Les pratiques du numérique et les difficultés posées au système éducatif ... 46 1.3.1 Les pratiques numériques de la jeunesse et leur dimension émancipatrice ... 46 1.3.2 Repérage de la porosité dans une pédagogie collaborative ... 50 1.3.3 Les pratiques du numérique au prisme de la forme scolaire ... 53 1.4 Synthèse ... 56

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1.1 Introduction Dans notre introduction générale, nous avons évoqué le fait de nous questionner sur les pro-ductions de sens au sein des classes des néo-enseignants, dans un espace où le savoir doit être transmis à des élèves développant une autonomie, mais aussi une dépendance grandis-sante avec le numérique. Notre recherche vise à repérer certaines évolutions et participer à la réflexion concernant la formation des nouveaux enseignants. Notre réflexion partira d’une observation empirique nous permettant de dire que le numé-rique s’intègre dans de nombreux domaines de notre existence. Ce constat nous mènera à notre premier objectif qui sera d’interroger notre représentation consciente du numérique et de ses usages en général. Nous verrons que cela revient à lier notre réflexion au contexte socioculturel dans lequel les usages du numérique viennent s’inscrire et de traiter brièvement des enjeux politiques, de gouvernance, mais aussi humanistes ou philosophiques soulevés par ces derniers. Nous tenterons d’aborder le numérique à partir d’une intelligence complexe en essayant de relever les significations derrière les usages et de questionner le champ des pos- sibles auquel le numérique nous promet d’accéder. Les usages de l’internet promettent d’ac-céder au savoir, à de nouvelles opportunités et de manière simplifiée au bonheur (Bruckner, 2001). Mais n’est-ce pas également là une rhétorique rodée des industriels du numérique pour nous faire entrer dans l’ère de l’hédonisme (ibid.), et considérer nos existences comme un produit marchand ? Le numérique serait-il alors le vecteur d’une déstabilisation annoncée pour les individus et les institutions cherchant à répondre aux injonctions de la flexibilité dans des dynamiques qui dépassent leur capacité d’adaptation ? Le second objectif de ce chapitre est de nous attarder sur les enjeux éducatifs soulevés par ces questionnements. Le volontarisme du système éducatif, traversé par des plans numé-riques (Durampart, 2016) et des recommandations pour que les enseignants changent leur pédagogie, donnera l’occasion de revenir sur la confrontation entre pratiques non formelles et pratiques formelles, entre les pratiques non scolaires et les pratiques attendues lors de la transmission du savoir scolaire. Malgré certaines contraintes, de toute évidence, les élèves demeurent attachés à leurs usages personnels en utilisant leurs propres appareils de manière illégale dans l’enceinte des établissements. Chez les étudiants, la problématique est diffé-rente, car le cadre universitaire semble plus favorable à l’utilisation des appareils personnels. Il n’en reste pas moins que la jeunesse, la troisième génération médiatique (Donnat, 2009), passe un temps considérable à développer ses pratiques culturelles à partir de leurs appareils mobiles. Dans ce contexte, le système éducatif s’interroge sur les stratégies à mettre en œuvre pour renforcer une culture numérique institutionnelle des élèves. L’intégration de tablettes numériques, la mise en place d’environnements numériques de travail et d’expérimentations

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participent à cet effort. Ce sont des promesses que nous essaierons d’évaluer en identifiant les premiers résultats obtenus (ou en voie de réalisation) en termes d’efficacité pédagogique. 1.2 Le numérique avec une pensée complexe 1.2.1 De l’approche déterministe à celle de la qualité des usages Nous initions notre travail de problématisation en cherchant à nous inscrire dans l’intelligence de la complexité. Le Moigne la définit, en s’appuyant sur la méthode de Léonard de Vinci et la pensée de Valéry et de Vico, comme étant la capacité à représenter les phénomènes pour les comprendre. Un disegno qui permet de « revenir sur la façon dont nous élaborons, identifions, notre capacité à former un projet ; et identifier les processus par lesquels nous nous repré- sentons nous-mêmes les projets que nous formons » (Le Moigne, 2007, p. 15). Une représen-tation qui agit dans toutes les activités cognitives de l’esprit dès lors qu’il s’agit de donner du sens, traduisant notre capacité à symboliser les choses. Nous abordons les usages, en particu- lier ceux du numérique, en vérifiant comment se déploient ces efforts de symbolisation, com-ment la perception humaine agit pour appréhender le numérique, en faire l’expérience et l’intégrer dans son existence comme pratique culturelle dominante. Nous tentons, selon le paradigme de l’intelligence complexe, de dépasser les certitudes pré-acquises et dictées par le secteur industriel. Précisons que notre approche critique ne cherchera pas à minimiser l’im-pact des nouvelles technologies ni les possibilités qu’elles induisent. Nous conduisons cette réflexion en nous inscrivant d’abord, et brièvement, sous l’angle de la sociologie des usages. Jusqu’aux années 80, les études sur les usages ont favorisé un paradigme appelé diffusion-niste. On cherchait alors à savoir qui des usagers acceptaient ou refusaient des objets. Selon George, les résultats de ces études donnaient des explications « trop simpliste[s] » (cité dans Vidal et al., 2012, p. 29), le credo dominant étant le suivant : « La science découvre, l’industrie applique et l’homme suit » (Ibid.). À partir du rapport Nora et Minc remis au président Giscard d’Estaing sur l’informatisation de la société, en décembre 1977, habitude est prise de solliciter « les chercheurs en sciences sociales à entreprendre des investigations, des études sur les répercussions [pour connaître les] impacts engendrés par la technique sur l’économique, le social et le culturel » (Ibid., p. 67). En raison de l’essor des systèmes d’information favorisé par la chute des prix des composants électroniques (Michel, 1992), les études vont faire glisser la problématique du paradigme déterministe vers celui de l’appropriation des usagers. Dans la droite ligne d’un courant appelé « uses and gratifications », qui a valeur d’inspiration (en par-ticulier les travaux de Herzog6), l’intérêt ne se situe plus sur les effets que les médias ou les 6 (1944)

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objets produisent sur les individus, mais sur ce que les individus en font. Le champ de re- cherche favorise alors une approche constructiviste ouvrant la voie à l’analyse des significa-tions des usages. Comme le précisent Latzko-Toht et Millerand, on s’intéresse à la manière dont les individus intègrent les objets dans « l’environnement domestique » (cité dans Vidal et al., 2012, p. 124) et l’on met en avant la notion de valeur (Baboulin, Gaudin, & Mallein, 1983). Certains chercheurs considèrent qu’un dialogue entre les usagers et les concepteurs existe, une pensée constructiviste que privilégient, par exemple, les sociologues de l’innova-tion comme Akrich, Callon et Latour. Ces chercheurs repèrent alors des écarts par rapport aux prescriptions. Ce paradigme continue d’inspirer la recherche même si cette démarche, ancrée dans la microsociologie, peut donner l’impression de trop accorder d’importance au pouvoir des usagers. Autrement dit, il fait courir le risque de passer à côté de ce qui conditionne l’offre. C’est pourquoi Vidal, citée ci-dessous, propose d’étendre la réflexion afin d’intégrer dans la réflexion les enjeux politiques : « Ainsi, la recherche et les études permettent d’examiner, outre les usages effectifs, entre permanence et inventivité, des enjeux au niveau méso des secteurs d’activités et des configurations techniques, et des enjeux politiques relatifs aux actions des institutions nationales, supranationales et mondiales. L’articulation de l’approche microsociolo-gique, permettant l’analyse qualitative des usages des TIC, avec une connaissance de niveau méso, tend à ouvrir sur une réflexion sur les rapports entre technique et société » (Vidal et al., 2012, p. 214).

La réflexion de cette chercheuse articule ainsi tous les niveaux de la réflexion en tenant compte du contexte socioculturel dans lequel les usages vont se développer. La liberté des usagers viendrait s’exprimer selon des contraintes qui sont typiques d’une époque particu-lière, d’une technique particulière et du discours afférent. La chercheuse peut ainsi repérer ce qui, au sein de la modernisation, relève des tensions et des paradoxes que l’usage va engen- drer. Dans cette perspective, son approche est critique en ciblant plus précisément les dis-cours des industriels, en particulier les promesses de performance : « Les industries culturelles, à l’heure de l’informatisation de la société, proposent du sur-mesure de masse (customisation, user turned). L’usager amateur est ici envisagé comme l’unité ultime de la liberté, puisqu’il serait le pilote libéré de toutes contraintes ; il désigne et l’innovation se réalise. Selon cette conception de l’usager, il convient de considérer les usages des technologies interactives comme une des plus hautes expressions de l’indé-pendance des individus » (Ibid., p. 221).

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Ces promesses de nouvelles libertés sont accompagnées des efforts à « gomme[r] la com- de plaisir » (Ibid., p. 235). Pour l’atteindre, certains utilisateurs acceptent de livrer des don-nées personnelles. En échange, ils bénéficient de fonctionnalités se présentant d’abord comme gratuites. Quand les habitudes sont fixées, il arrive que les concepteurs modifient ces offres freemium7 et demandent aux utilisateurs de souscrire à un abonnement pour leur per- mettre de bénéficier des services de l’application. Pour continuer à accéder à certaines fonc-tionnalités ou contenus, les usagers comparent alors les offres et peuvent quitter l’application pour aller bénéficier de la gratuité chez un concurrent. Ce qui, chez Vidal, s’appelle le renon-cement négocié. A ce stade, les éléments suivants doivent être retenus : 1) Nous concevons, au même niveau de réflexion, les formes qui sont déjà présentes dans les NTIC (cf. les normes des concepteurs, le discours marketing, le système In-App etc.) et le niveau micro-, méso- et macrosociologique pour mieux comprendre comment les usagers se représentent les usages de l’internet. 2) Cela permet de tenir compte du fait que les usagers sont des consommateurs et de mieux appréhender les symboles utilisés par le secteur industriel dans son discours sur le progrès pour les attirer. 3) Pour représenter les usages, une approche critique autour de la tension entre aliéna-tion et émancipation et une approche philosophique et humaniste entre technique et technicité s’avèrent nécessaires. Pour questionner le numérique, nous devons péné-trer dans l’activité cognitive des usagers, quand ces derniers construisent du sens et tentent d’accéder à des libertés. 1.2.2 Matérialité et immatérialité du numérique Nous avons souligné le fait que le numérique s’est imbriqué dans de nombreuses situations de la vie courante. Pour comprendre le sens de nos usages, une approche complexe est né- cessaire. Pour cela, nous commençons par nous demander si le numérique a des répercus-sions sur notre perception. Un être humain vivant à notre époque ne perçoit plus le monde comme son ancêtre d’il y a un siècle même si ces deux hommes sont dotés des mêmes facultés physiques, psychiques et psychologiques, une idée que Foucault développe quand il indique que la pensée occidentale est passée d’une épistémè à une autre en insistant sur le tournant que constitue, dans ses propos, le 17ème siècle :

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« Le semblable qui avait été longtemps catégorie fondamentale du savoir – à la fois forme et contenu de la connaissance – se trouve dissocié dans une analyse faîte en termes d’identité et de différence ; de plus, et soit indirectement par l’intermédiaire de la mesure, soit directement et comme de plain-pied, la comparaison est rapportée à l’ordre ; enfin la comparaison n’a plus pour rôle de révéler l’ordonnance du monde ; elle se fait selon l’ordre de la pensée en allant naturellement du simple au complexe » (Fou-cault, 1966, p. 68). Cette idée est compatible avec celle d’un autre penseur, Elias, qui explique que les comporte- ments des individus ont progressivement évolué vers des comportements de plus en plus ci-vilisés. Selon ce penseur, ce processus, nommé processus de civilisation, aurait été enclenché par la noblesse, dès le 16ème siècle, puis par les classes dites inférieures, qui cherchaient à s’identifier aux comportements des gens de la cour8 . Comme ce dernier l’explique, ce proces-sus aurait eu pour conséquence d’élever le niveau de civilité, en particulier de pudeur, mais aussi de modifier certaines « manifestations émotionnelles » (Elias & Kamnitzer, 2017, p. 128) chez les individus. Ainsi, un homme d’une époque donnée ne penserait probablement plus de la même manière qu’un homme d’une autre époque, thème qui est abordé par Rosa afin de tenter de mieux cerner les comportements humains de notre modernité dite, selon lui, avancée. Le philosophe décrit que nous sommes les sujets de cette modernité et que nous cherchons à flexibiliser notre existence et à construire une identité en lien avec une accélération sensible de nos pra- tiques temporelles (Rosa & Renault, 2010). Une appréhension du temps et de l’espace favori-sée, selon lui, par le fait que les structures de notre société, y compris les éléments les plus périphériques, sont régulièrement remises en question. Une accélération temporelle qu’il met en lien avec le rôle joué par le secteur industriel. Cette approche relie à la fois la philosophie et une approche critique de l’évolution de notre modèle économique. Un paradigme qui conduit à plusieurs reprises Friedman, dans son cé-lèbre ouvrage Où va le Travail Humain, à nuancer l’impact de la technique sur nos existences. Dans ses propos introductifs, ce dernier rappelle tout d’abord : « L’homme n’est pas le même, il se sent, il n’agit, il ne pense pas de la même façon selon les époques de son histoire, selon le milieu où il vit : selon les techniques dont il dispose » (Friedmann, 1963, p.34).

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Comme le désigne Friedmann, la technique a évolué. Celle-ci affecte la manière dont l’homme peut se saisir de son environnement et en particulier sa perception du temps : « Rien d’étonnant à ce que les hommes, dont la structure intime état aussi étroitement enchevêtrée à des rythmes naturels, accordés aux éléments, aux saisons et à des déter- minations collectives, lentement mûris en eux et confirmés par les siècles, rien d’éton-nant à ce que de tels hommes aient eu un sens de la durée différent du nôtre » (Ibid., p. 40). Mais la technique, poursuit-il, entraîne des modifications bien au-delà de la mécanisation des tâches. C’est, selon lui, une manière de mécaniser à la fois le travail, mais aussi notre percep-tion du monde et donc nos existences. Pour le sociologue, l’homme américain des années 20 est sans doute moins heureux que lorsqu’il manipulait la pelle et que son activité relevait de l’artisanat. En effet, ce dernier était plus en harmonie avec la nature, car il pouvait mieux ap- préhender les tâches avec son corps et son esprit. Selon ce sociologue, ce n’est pas la tech- nique qui pose problème, mais le fait que cette dernière empêche l’homme d’être assez « pré-sent » (ibid., p. 47) à ce qu’il fait. C’est la perte, rajoute-t-il, d’une certaine sagesse et d’une certaine sérénité pendant le travail, une accumulation matérielle qui pèse sur les existences, rend le rapport de l’homme à la nature moins harmonieux et érode la productivité de l’homme9. Chez Doueihi (2011), philosophe dont la pensée sur le numérique fait référence, notre époque est marquée par un changement de civilisation. Il s’agit, selon lui, d’agir pour que cette civili-sation soit la plus constructive possible au bénéfice des humains. Il propose de dépasser la question de l’informatique – qui fait partie du monde des ingénieurs et des techniciens – pour mieux appréhender ce qu’en font les usagers ou plutôt ce qui les sépare de la compréhension de ce qu’ils en font. Selon lui, dans cette nouvelle civilisation – « qui se distingue par la manière dont elle modifie nos regards sur les objets, les relations et les valeurs, et qui se caractérise par les nouvelles perspectives qu’elle introduit dans le champ de l’activité humaine » (Ibid., p. 9), il faudra que l’homme habite activement ces changements – au risque, précise-t-il, que ce quatrième humanisme soit construit autour de l’imaginaire ; sous-entendu celui d’un imagi-naire que cherchent à promouvoir les industriels. Une des pistes, selon lui, serait de mettre en valeur tout ce qui fait partie des communs : 9 C’est une idée qu’exprimait également Michel Blay à l’occasion d’une conférence, en avril 2017, à l’Université de Toulon, où le philosophe s’attardait sur la problématique de la mécanisation de nos existences en évoquant l’exemple d’un projet architectural datant de 1936 dans lequel un architecte, Voisin, vantait les bienfaits d’un grand projet de modernisation du centre-ville aux parisiens. Celui-ci prévoyait la démolition d’une grande partie du patrimoine local. Blay attirait alors notre attention en développant ainsi sa réflexion : « L’esprit de ce fascicule est dans les dernières lignes : il faudra abandonner certaines libertés »

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« Tout doit basculer vers le commun et devenir accessible, voir visible, à tous. C’est une sorte d’impératif inhérent au numérique : l’accès, la visibilité, le partage et la circula-tion » (Ibid., p. 63). De plus, ce dernier défend l’idée que toutes les données deviennent interopérables, ce qui revient à envisager leur portabilité d’un média social numérique à un autre ou encore une « plus grande ouverture des données publiques et vers un partage plus simple et transparent des données produites par les utilisateurs » (Ibid., p. 117). Un argument majeur auquel il ra- joute le fait d’apprendre le langage des dispositifs numériques aux utilisateurs afin qu’ils puis-sent avoir une meilleure maîtrise des données personnelles vis-à-vis, par exemple, de certains fournisseurs du web 2.0 (Ibid., p. 106). Et le chercheur d’insister à nouveau : « L’un des premiers effets de ce modèle, c’est la valorisation de toute donnée librement accessible [et] un partage plus simple et transparent des données produites par les utili-sateurs » (Ibid., p. 117).

C’est sensiblement avec la même perspective, sur un arrière-plan théorique reposant sur l’énaction, que Bouchez se pose la question de savoir si nous conscientisons assez nos usages actuellement. Et ce dernier de se demander si notre perception des interfaces est pleine et entière : « Si l’appauvrissement sensoriel considérable de l’individu […] lié à des usages trop sys- tématiques de médiations généralisées, non compensées par le relationnel présentiel so-ciétal, n’est pas une vue de l’esprit, est-il donc vraiment raisonnable de déléguer autant à d’autres sa vue et son ouïe, avec un risque considérable d’atrophie de la qualité des perceptions ? » (Bouchez, 2015, p. 252). Le danger, selon lui, serait donc d’utiliser les systèmes de communication sans vraiment dé-velopper une présence totale et authentique à leur égard, ce qui revient à ce que le corps agisse activement et que l’esprit ne se laisse pas détourner de son attention. Une idée que nous retrouvons, mutatis mutandis, exprimée dans le questionnement suivant : « N’est-il donc pas là une forme de barbarie post-humaniste qui s’annonce, si la démons-tration in vivo de l’occultation recherchée des corps se voit poussée trop loin ? » (Ibid.).

Le numérique, comme toute technique, présente donc le danger d’enfermer notre cons-cience, de l’influencer et même de la diriger. Au stade de notre conscientisation, c’est-à-dire de notre maturité par rapport au numérique, tout ceci semble très probable. Comme l’envi-sage, par exemple, Cardon, l’algorithme de Facebook permet désormais de « reconnaître, parmi toutes les informations publiées, celles que clique le plus l’internaute – en donnant

Figure

Figure 1: Tableau intitulé Passe de Ostier auquel Theureau fait référence dans son ouvrage intitulé Enaction  et Expérience (Theureau, 2015, p
Figure 2: L'Homme de Vitruve par Leonard de Vinci en 1490 (source Wikipédia)
Figure 3:  Niveaux de la conscience chez Giddens (2012)
Figure 4: Rapports directs et médiatisés supportés par l'instrument (Rabardel, 2005, p
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