R EVUE DE STATISTIQUE APPLIQUÉE
Y. M AINGUY J. M OTHES
Du caractère technique de la productivité et des illusions économiques qu’elle a suscitées
Revue de statistique appliquée, tome 2, n
o1 (1954), p. 83-88
<
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DU CARACTÈRE TECHNIQUE DE LA PRODUCTIVITÉ
ET DES ILLUSIONS ÉCONOMIQUES
QU’ELLE A SUSCITÉES
par
Y. MAINGUY
etJ. MOTHES
A it cours des récentes
années,
on abeaucoup parlé
de «productivité
»et
beaucoup
écrit à sonsujet, quelquefois
d’ailleurs sanstrop préciser
ce que l’on entendaitpar
là.Peut-être n’est-il
pas trop
tardpour faire part
aux lecteurs de la « Revue deStatistique Appliquée
» dequelques ré f lexions présentées
à cesujet par
MM.
Mainguy et
Mothes à la dernière session de l’Institut International deStatistique, Rome, I953.
Le mot « Productivité » n’est pas nouveau. Comme le
rappelle
M. DAYRE dans soncuvrage
«
Productivité,
Mesure duProgrès » (1), LITTRÉ
le mentionnedéjà
dans son dictionnaire(2e
éditionde
1863).
Au cours du
temps,
le terme a toutefoischangé
de sens.Après
avoir étélongtemps
synonyme de «rendement »,
il a étérelancé,
il y aquelques années,
par des hommesqui
ont voulu lui donnerun sens
plus large,
de natureéconomique.
Laproductivité
a étéprésentée
comme un « revenusocial ».
Très
schématiquement,
le raisonnement àl’origine
de cetteconception, peut
être ainsi décrit :Considérons une collectivité en
admettant, pour tout simplifier,
que cette collectivité viveautarciquement.
Il est clair que son « revenu » serapporte,
en dernièreanalyse,
au seul travail des individusqui
la constituent.Définissant alors le
rapport
de ce « revenu », c’est-à-dire de laproduction
totaledisponible (biens
etservices) (2),
au travail totaldépensé .Q-comme
laproductivité,
il estégalement
clairque si l’efficacité du travail
croît,
laproduction -
à travailégal -
doit croître et donc que le revenu de la collectivité doitaugmenter.
Un accroissementde
productivitéentraîne
ainsi, pourla collectivité,
un accroissement de revenu.Cette
optique
a conduit à penser que l’accroissement de l’efficacité du travail dans chacune des branches d’activité de la collectivitéconduirait,
par sommation, à un accroissement de laproduc-
tivité
globale
et doncqu’une « politique
deproductivité » poursuivie systématiquement
à l’intérieur des différents secteurs de l’économiepouvait
être un des facteursprincipaux
d’accroissement durevenu de la collectivité.
Cet état
d’esprit explique
la nature même des idées-forcesproposées - exemples
et chiffresà
l’appui
- aupublic
par lespropagandistes
de laproductivité :
- Le niveau de vie américain est très
supérieur
au niveau de vieeuropéen. Pourquoi ?
Parceque la
productivité
américaine est trèssupérieure
à laproductivité européenne.
(1) Société auxiliaire de diffusion des éditions de productivité, Il, rue du Faubourg Saint-Honoré, Paris (7(’) (2) Nous passerons ici sous silence les difficultés de comptabilisation rencontrées à l’occasion du calcul de Q.
- Dans le
temps,
le niveau de vieeuropéen
a crû.Pourquoi ?
Parce que laproductivité européenne
alargement augmenté,
etc..., etc...Le caractère de revenu social de la
productivité
a étéimplicitement
ouexplicitement
reconnuau
point
de motiverofficiellement,
dansl’industrie,
des accords de salaires basés sur saprogression.
A ce
stade,
il a d’ailleurs été nécessaire de définir defaçon précise
cequ’il
fallait entendre par là etplusieurs
définitions ont été élaborées.Au cours de la
présente
communication, on se propose essentiellement de discuter de lasigni-
fication du
concept
deproductivité
étendu à l’ensemble d’une collectivité et de lasignification
descalculs de
productivité
effectués dans le cadre d’une celluleparticulière
de cette collectivité.1. - SIGNIFICATION DE LA
PRODUCTIVITÉ
AL’ÉCHELLE
D’UNECOLLECTIVITÉ.
La
productivité
d’une collectivité atoujours
étédéfinie, jusqu’ici,
comme lerapport
de la pro- duction totaledisponible
au travail total effectué. Nous nous demanderonsdonc,
toutd’abord,
dequelle
nature,économique
outechnique,
est cerapport.
En
posant qu’un
accroissement deproductivité
entraîne un accroissement de revenu et de làqu’une politique
deproductivité poursuivie
danschaque
secteur de l’économie est un des facteursprincipaux
d’accroissement du niveau de vie de lacollectivité,
laplupart
desproductivistes
modernesont admis ou même
spécifié
que laproductivité,
au sens où ilsl’entendaient,
était unparamètre économique
essentiel. C’est là ce que nous entendons discuter.De
façon
trèsgénérale
etindépendamment
de toutephilosophie économique particulière,
il est évident que toute considération
exprimée
en termes de «progrès économique
»implique,
aupremier chef,
laprise
encompte :
Io de l’évolution de la demande
globale satisfaite ;
20 de la structure individuelle des « demandes » satisfaites.
Pour être un « indicateur de
progrès économique
» laproductivité
devraitobligatoirement refléter,
parsa définitionmême,
cette évolution et cette structure, or, tel n’est pas le cas. En toutelogi-
que, on
peut
d’ailleursimaginer
sans difficulté des évolutions de laproductivité
contraires aux évolu- tions descomposantes
fondamentales duprogrès économique.
S’il existe, par
exemple,
dans unecollectivité,
de la main-d’oeuvreinutilisée,
la mise au tra- vail de cette main-d’oeuvrepeut
fort bien conduire à undéveloppement
de laproduction disponible
sans accroissement de rendement. Le
développement
de laproduction
est, eneffet, susceptible
d’obéirà la loi des rendements décroissants. Par
ailleurs,
ta main-d0153uvre àlaquelle
il est ainsi faitappel
n’a aucune chance d’être
particulièrement
bienadaptée
au travailqui
lui est confié.Or,
du fait de la création de bienssupplémentaires
et de revenus nouveaux, on doit nécessairementenregistrer
une
augmentation
de la demande satisfaite.En sens inverse, une nette diminution de la
production peut
entraîner, par renvoi de la main- d’oeuvre la moinsqualifiée
ou par maintien en activité des seules installations lesplus efficaces,
un sérieux accroissement de
productivité (1).
Unexemple frappant
de cet état de choses est fourni parl’agriculture.
Dans la mesure où les terres les moinsproductives
seraient laissées en friche(et
ceux
qui
s’enoccupent
mis auchômage),
il est clairqu’on
observerait unimportant
accroissement de l’efficacité du travailagricole
en mêmetemps qu’une
forte chute desdisponibilités
enproduits
alimentaires et,
donc,
de la demande satisfaite dans ce domaine. Le cas des Houillères est, à peuprès, analogue :
il suffirait de concentrer ces efforts sur lesgisements
lesplus
riches et lesplus
commodesà
exploiter
pour observer en France un accroissement considérable deproductivité
et,simultanément,
une sensible diminution de la
production
nationale de combustibles minéraux solides.Si la liaison existant entre la
productivité
et la demandeglobale
satisfaite est à peuprès
inexis-tante, il est aisé de vérifier que la notion de
productivité
estégalement indépendante
de toute consi- dérationexprimée
en termes de structure individuelle de la demande satisfaite. Un accroissement deproductivité,
même dansl’hypothèse
favorable d’un accroissement concomittant de laproduction, peut
fort bien ne contribuer que médiocrement à uneplus grande
satisfaction des besoins de certains éléments de la collectivité.(1) En raisonnant de la sorte, nous admettons implicitement que les chômeurs n’ont pas à être pris en consi- dération dans les calculs de productivité. C’est là ce qu’on fait généralement. Mais cette habitude est extrêmement discutable comme nous le verrons ultérieurement.
Imaginons,
parexemple,
le schéma limite suivant : « Les membres d’un certain groupe socio-professionnel,
disons l’ensemble des manoeuvres et ouvriers industriels(1)
dont la demande s’exerce,en France au moins, sur les biens de
première nécessité,
alimentairesessentiellement, n’enregistrent
aucune baisse des
prix
de cesproduits.
Simultanément leurproductivité augmente
mais non pas leur revenu, l’ensemble de leursemployeurs
n’accordant aucuneaugmentation
de salaire maisprofitant
seulement de la situation pour
augmenter
leurprofit.
»Il est clair que, dans cette
hypothèse,
la structure individuelle de la demande satisfaite ne subira que peu de variations dans lacatégorie socio-professionnelle considérée ; qu’en revanche,
le groupedes
entrepreneurs
sera à même dedévelopper
la sienne tant en cequi
concerne les biens de consom-mation directe que ceux
d’équipement.
Bien
entendu, l’hypothèse simpliste
ci-dessusenvisagée
n’estqu’une
caricature. Mais elle illustre néanmoins unphénomène possible
dans le cas d’undéveloppement
simultané de laproduc-
tion et de la
productivité :
celui de lasuperposition
de deux économies à l’intérieur d’une mêmecollectivité,
l’unestagnante,
l’autredynamique,
l’excédent deproduction
obtenue par accroissement de l’efficacité dutravail,
dans un secteurdonné,
étant absorbé par une seulepartie
de la collectivité.On
objecte généralement
au mode de raisonnementprécédent
que le processus décrit nepeut
continuer
longtemps.
Enfait,
cetteobjection paraît
surtout sous-estimer l’élasticité de la demandeexprimable
dansl’hypothèse
de revenus accrus. Dans une collectivitédonnée, l’hypothèse
de l’exis-tence simultanée d’une économie de subsistance en état de
stagnation
et d’une économie de luxe- ouverte à certaines classes
privilégiées
d’individus seulement - enexpansion
n’a rien d’arbi-traire. On est même en droit de se demander si l’immorale notion de « minimum vital » n’entend pas
légitimer - implicitement -
une telle éventualité(2).
L’ensemble des remarques
précédentes
sont loind’épuiser
lesujet.
Elles suffisentcependant
à montrer
qu’il n’y
a pas liaison entre laproductivité,
entendue comme la mesure de l’efficacité du travailhumain,
et leprogrès économique.
Est-ce à dire que la notion usuelle de
productivité
étendue à l’ensemble d’une collectivité est sans intérêt ? Certainement pas. Dans la mesure où une collectivité n’aplus
de réserve de main- d’oeuvre et sepréoccupe
néanmoins dedévelopper
ses ressources, il est évidentqu’elle
nepeut
yparvenir qu’à
condition dedévelopper
l’efficacité du travail de tous ses membres.Si donc, en
période
desous-emploi,
leproblème
essentiel àrésoudre,
en vue d’accroître le volume des biens et services mis sur ’e marché et celui des revenus, s’énonce en termes de « déve-loppement
de laproduction
», laproductivité (dans
sonacception usuelle)
dut-elle ensouffrir,
cettemême notion
de productivité apparaît
comme un desprincipaux
élémentstechniques
àprendre
enconsidération dans le cadre de toute
politique d’expansion économique
enrégime
deplein emploi.
Il. - SIGNIFICATION DE LA
PRODUCTIVITÉ A L’ÉCHELLE
D’UNE CELLULEPARTICULIÈRE
DE LACOLLECTIVITÉ.
Jusqu’ici,
nous n’avons raisonnéqu’en
termes deproductivité globale,
mais il est naturelde passer du
général
auparticulier,
autrement dit de passer de la notion deproductivité globale
àla notion de
productivité
limitée au cadre d’une celluleparticulière
de la collectivité.Les
spécialistes
modernes de laproductivité
dans la mesure même où ils entendaient concevoir cette notion comme un « revenu social » se sont, pour laplupart, rapidement
accordés sur la défini-tion de la
productivité globale.
A l’échelle d’unecollectivité,
le revenu n’est autre que laproduction
totale
disponible.
Il leur est donc apparuqu’il
ne fallait pas tenircompte,
au numérateur durapport
« Production Travail », des biens intermédiaires consommés à l’intérieur des processus de
produc-
tion eux-mêmes ;
qu’au
dénominateur devaitfigurer
le total des heures de travail effectuées par les membres de la collectivité.(1) Groupes 61 à 67 de la nomenclature française des catégories socio-professionnelles.
(2) Cette présentation schématique pourrait être précisée et développée à l’aide des enseignements fournis par 1"analyse statistique des budgets de ménages. Les lois de consommation sont valablement définies par deux para- mètres associés à chaque bien ou groupe de biens, dans un système où l’on représente, en fonction des revenus des
ménages, les dépenses consacrées aux différents biens ou groupes de biens. L’enseignement essentiel des études faites
jusqu’à maintenant est que ces paramètres sont constants dans de très grands intervalles de revenus, mais varient
brusquement d’un intervalle à l’autre. Il semble qu’il y ait vraiment une cassure entre le comportement des ménages
à revenus modestes et le comportement des ménages aisés. Ce phénomène semble avoir un caractère élevé d’univer- salité, si l’on en juge par le fait qu’il est observé dans tous les pays où des analyses de budgets de ménages ont été
faites. La comparaison de la politique « d’austérité » de la Grande-Bretagne et de ses effets avec les politiques plus
« libdrales » d’autres nations devient saisissante à la lumière de telles observations.
Passant de l’ensemble d’un
système économique
à une cellule de cesystème,
ils ont ensuiterencontré de sérieuses difficultés. A un stade donné de la
production,
leconcept
de revenu n’estplus
très clair.
Laissant
implicitement
de côté toute idée de « revenu » etpartant
duprincipe
que laproduc-
tivité est le
rapport
d’uneproduction
à des heures detravail,
on a tout d’abordenvisagé
de formerle
rapport
q de taproduction
de la cellule au travail t de la main-d’ceuvre mise en oeuvre, mais cettefaçon
de faire s’est immédiatement révélée fort discutable, les deux termes durapport
neprésentant
aucune
homogénéité.
Alorsqu’au
dénominateurfigure
le seul travail effectué dans lacellule,
le numérateur en serapportant
à desproductions
elles-mêmes élaborées àpartir
deproduits fabriqués
à des stades antérieurs, déborde le cadre de la seule activité de la cellule.
Abandonnant alors cette
optique simpliste,
on s’est orienté vers desexpressions
dont les termessoient
homogènes,
cequi
a conduit à introduire au dénominateur durapport précédemment
défininon seulement le travail t effectué dans la cellule
considérée,
maiségalement
le travail t’ effectué dans d’autres cellules pourproduire
les biens consommés lors desopérations
deproduction
q.Cette
technique
aprêté
à son tour à descritiques.
Certains ontobjecté qu’elle
introduisaitimplicite-
ment dans
l’analyse
de l’évolution de laproductivité
d’une cellule les fluctuations deproductivité
observées dans d’autres cellules. Ils
ont proposé,
pour y parer, deremplacer
t’ part",
travail effectué dans les autres cellules dansl’hypothèse
de rendements constants(au
cours dutemps).
Cette
critique
est fort intéressante. Ellesouligne
àquel point
lesspécialistes
de laproductivité,
en
passant
dugénéral
auparticulier,
ont abandonné touteoptique économique
pour se cantonner dans le domainetechnique.
Si le
rapport ’ n’a
pasgrand
intérêt enlui-même,
les élémentsqu’il
est nécessaire de rassembler pour le calculer sont dupoint
de vueéconomique
fort intéressants. Ils reviennentprati- quement
à déterminer la fonction deproduction,
ils fixent l’attention sur les fluctuationsrespectives
des éléments du « coût » de la
production.
Le
rapport q ~ + ~
au contraire, n’estqu’un
indice strictementtechnique
de l’efficacité du travail effectué dans la cellule. Cet indiceprésente
d’autrepart,
à son tour, un inconvénientmajeur.
Il n’est pas
possible
de passer, par desopérations simples,
des résultats observés danschaque
celluleà l’indice de
productivité global
pour l’ensemble des cellules. Certainsspécialistes
ont donc été amenés àpréconiser
unquatrième type d’indice,
soit lerapport
à la main-d’oeuvre directe t de la différence entre laproduction
q ct les facteurs deproduction
f autres que t(en
se référant bienentendu,
pour le calcul def,
à des rendementsconstants) :
Pratiquement,
le numérateur de l’indice deproductivité
ainsi définicorrespond
à la notionclassique
de« valeurajoutée»
et l’onsaitque,
par addition des« valeursajoutées»
danschaque
celluleon obtient
effectivement,
à l’échelle de lacollectivité,
la valeur de laproduction
totaledisponible Q,
numérateur de l’indice deproductivité global.
Cette
technique
revient, en dernièreanalyse,
à fairecorrespondre
à l’indiceglobal
l’indice de groupe
Si l’on convient - comme le réclame la
logique -
decompter parmi
les facteurs deproduc-
tion : les consommations
d’énergie
et de matièrespremières,
les consommations destocks,
les amor-tissements
industriels,
lesimpôts,
les intérêts descapitaux
investis, les rentes(1),
il est évident que tout indice de groupe estégal
à 1 à la date de référence.Il est d’autre
part
à noter que, de par sa définition(facteurs
deproduction
fpris
encompte
dansl’hypothèse
de rendementsconstants),
laproductivité
ainsi définie reste comme dansl’hypothèse
dela définition
précédente
une notion strictementtechnique.
Ellepermet
de suivre dans letemps
l’effi-cacité du travail humain effectué dans une cellule de l’économie.
(1) Le problème de l’imputation des rentes est extrêmement complexe. Cf. M. DAYRE, op. cité p. 42.
Cela
posé,
considéronsl’expression précédente
ou même les deuxexpressions précédentes.
Il
s’agit,
dans l’état actuel deschoses,
des deux définitions lesplus
élaborées de laproductivité.
Or,
il est visiblequ’elles
mettent essentiellement l’accent sur :I° les économies réalisées sur les facteurs de
production (diminution,
pour une valeur donnée de q, de f ou det’) ;
20 les accroissements du rendement de la main-d’oeuvre directement utilisée
(diminution,
pour une valeur donnée de q, de
t).
Ces indices de
productivité apparaissent
ainsi essentiellement comme des coefficients derepérage
dudegré d’organisation
interne de la cellule.Ils
présentent beaucoup plus
d’intérêt pour lesorganisateurs
du travail que pour les éco- nomistes.A l’intérieur d’une cellule
(dont
lestypes
deproduction
resteraient à peuprès invariables),
ils
permettent d’apprécier l’évolution,
dans letemps,
dudegré d’organisation
interne,Ils
permettent également
deprocéder,
entre cellules(quand
ils’agit
de cellules dont les pro- ductions sont de mêmenature),
à descomparaisons
instantanées de cedegré d’organisation.
Ils ne
permettent,
enrevanche,
en aucun cas, de comparer lesproductivités
de cellules denatures différentes car,
par le
fait même que les cellules mettent enjeu
destechniques
deproduction différentes,
iln’y
a évidemment pascomparabilité
d’une cellule à l’autre de l’efficacité du travail direct.Enfin,
il est clair que, de par leurdéfinition,
ces indices laissent totalementéchapper
tout cequi
concernele,s relations,
entre une cellule et les autres.A l’intérieur d’une
cellule,
le calcultechnique
de laproductivité n’implique
aucunepréoccu- pation exprimée
en termes d’évaluation de lademande ; n’implique
aucunepréoccupation exprimée
en termes de détermination des coûts.
En isolant arbitrairement
chaque
cellule des cellules voisines, il écarte touteanalyse
des trans-feris
susceptibles
de seproduire
de l’une àl’autre,
ne rend pascompte
du fait que les variations deproductivité
au sein des unes et des autres ne sont pasindépendantes, néglige
lesaspects
caractéris-tiques
des marchés.Parmi les
transferts,
i! en est uncapital,
surlequel
il convient de s’arrêter : celui de la main-d’0153uvre.
Le calcul de la
productivité
à l’échelle d’une cellule ne tientcompte
que du travail effectivementaccompli
dans la cellule. Dans la mesure où un accroissement deproductivité
libère d’unepériode
à une autre un certain nombre de
travailleurs,
cestravailleurs,
lors des calculs relatifs à la secondepériode,
sontcomptés
pour zéro. Le calcul de laproductivité,
à l’intérieur d’unecellule, néglige
dece fait entièrement les
conséquences
sur laproductivité globale
desdéplacements
de main-d’0153uvre.Or,
il n’est pas certain du tout que legain
deproductivité
réalisé dans la cellule ne soit pas annulé par les chutes deproductivité
résultant - dans les autres cellules - de cesdéplacements.
La collec-tivité
peut
n’avoir rien à gagner à ce que des mineurs deviennentplaciers
en bonneterie.Et cette remarque conduit à revenir sur le
problème
de laprise
encompte
des chômeurs dans les calculsglobaux
de laproductivité, problème évoqué
dans laprécédente
section. Engénéral,
onles
néglige
et c’est de toute évidence une omission discutable. Si l’activité du chômeur estnulle,
onne
peut
le condamner à mort pourl’empêcher
d’êtrepartie prenante
en tant que consommateur.Tout accroissement de
productivité
se traduisant par duchômage
est donc enpartie
annulé ; il con-vient que les indices traduisent le
phénomène.
CONCLUSION.
A la lumière des remarques
qui précèdent,
la notion deproductivité
se révèle essentiellementtechnique
et elle doit êtreprise
encompte
par l’économiste au même titre que bien d’autres notionstechniques.
Enrégime
deplein emploi,
on l’a vu, touteexpansion économique
est, parexemple,
subor-donnée à un accroissement de la
productivité.
On ne
peut,
enrevanche,
attribuer à cette notion un rôle de moteuréconomique.
Siettë
estune résultante
qu’il
est nécessaire de ne pasperdre
de vue, iln’y
a pas lieu de croirequ’il
suffisede créer un état
d’esprit productiviste
pour provoquerobligatoirement
unprogrès économique
harmonieux.
Les raisons
qui
ont conduit les techniciens à accorder uneimportance
excessive à laproduc-
tivité en tant que facteur
économique
sont séduisantes. C’est une déformation bien satisfaisante pourl’esprit
que de raisonner fonctionnellement et d’attendre du seuljeu
d’éléments strictementtechniques
les solutions rationnelles de
problèmes
sociaux fortcomplexes.
De touttemps,
les hommes se sont laissésprendre
auxsimplifications technocratiques.
Ainsi se sontdéveloppées,
auxfranges
de la pro-ductivité,
bien des illusions d’ordreéconomique.
En
fait,
leproblème
duprogrès économique
débordelargement
celui de laproductivité.
Iln’est pas de même nature et n’a pas à être
posé
dans les mêmes termes. Tout ce que l’onpeut
dire c’est que dans la mesure où l’effort de l’homme tend à réaliser desprogrès économiques,
et où lanotion même de
progrès économique implique
unrégime
deplein emploi,
il est nécessaire de créer les conditions favorables audéveloppement
de laproductivité.
Il ne
s’agit
donc pas depromouvoir
une «politique
deproductivité
s mais, dans !e cadre d’une«
politique
deprogrès économique
», d’évaluer lesprogrès
enproductivité
à réaliser et de créer les conditions favorables à une telle réalisation.Dans cette
optique,
il s’avère alors que les facteursprincipaux
dudéveloppement
de la pro- ductivité ne sontpeut-être
pas ceux surlesquels
l’attention desspécialistes
s’estportée jusqu’ici ;
que la notion même deproductivité
doit êtrepensée
bienplus
en termes deprogrès technique qu’en
termesd’organisation
du travail. L’invention del’imprimerie
est d’uneportée beaucoup plus
considérable que l’accroissement du rendement descopistes.
Et cepoint
de vue rend à la « Recherche » laplace primordiale qui
lui revient.On a
beaucoup
médit, au nom de laproductivité,
de l’accroissement dans l’industrie du per- sonnel non directementproductif
parrapport
aupersonnel
directementproductif.
C’est malévaluer,
dans bien des cas,
l’importance
de laproduction (indirecte)
dupersonnel
considéré comme nonproductif.
C’est aller en sens contraire de laproductivité. L’entrepreneur qui
alourdit les effectifs de sonentreprise
par création d’un laboratoire ouqui grève
sonbudget
delarges
subventions auxInstituts de Recherches s’avère, à