• Aucun résultat trouvé

Des quatre saisons et de l’humaine procréation

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Des quatre saisons et de l’humaine procréation"

Copied!
2
0
0

Texte intégral

(1)

420 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 16 février 2011

actualité, info

Des quatre saisons et de l’humaine procréation

Les chiffres sont parfois hautement trom­

peurs. Deux chercheurs de l’Institut natio­

nal français d’études démographiques (Ined) nous le démontrent dans une toute récente publication 1 consacrée à la saisonnalité des naissances humaines. «Y a­t­il une saison pour faire des enfants ?» s’interrogent­ils en nous rappelant que dans la France du XVIIe siècle les naissances étaient plus nombreu­

ses entre les mois de janvier et d’avril ; à l’in­

verse elles étaient moins fréquentes entre mai et décembre. Il naissait alors près de deux fois plus d’enfants en mars qu’en juin. Pour quel­

les raisons ? «Ce phénomène a longtemps été considéré comme lié à la nature, l’augmen­

tation des conceptions à partir d’avril étant associée au printemps et à la hausse des températures», résument les auteurs de ce travail. Le printemps, pour le dire autrement, échauffait les sens et poussait à «l’étrein te des corps» pour reprendre une formule de Mgr Jean­Louis Bruguès, dominicain et se­

cré taire de la Congrégation romaine pour l’édu cation catholique. Or il semble bien aujour d’hui que le printemps, la hausse des tempé ratures et le gazouillement des oiseaux pré parant leurs nids ne jouent pas le rôle que l’on pouvait raisonnablement supposer.

Il n’empêche que Pehr Wargentin, scienti­

fique suédois du XVIIIe siècle, qui avait ob­

servé ce pic de conceptions entre mai et juillet, l’attribuait à des causes «naturelles», écri­

vant que ce sont «le printemps et la première partie de l’été qui redonnent vie à toute la

nature».2 La saisonnalité des naissances conti­

nue à être attri buée à la nature un demi­siècle plus tard par le médecin français Louis­René Villermé qui met plus particulièrement en avant le rôle de la température et de la posi­

tion du soleil, soit le «résultat de toutes les oscillations dues au hasard des lieux, du temps et des circonstances». Une tendance se révèle qui a, selon lui, un caractère univer­

sel : «la marche annuelle de la température ou (…) l’influence des diverses positions du soleil par rapport à la terre».3

Pour les chercheurs de l’Ined, ce phéno­

mène était lié en réalité à la saisonnalité des mariages et aux interdits religieux, les ma­

riages (et a fortiori les rapports sexuels) étant proscrits durant les périodes du Carême et

de l’Avent. «En décalant la ré­

partition de neuf mois afin de voir à quelles périodes de con­

ception correspondent les pics et les creux, le creux de nais­

sances de décembre apparaît lié à un déficit de conceptions en mars (moment du Carême chré­

tien) soulignent­ils. Il en était de même pendant la période de l’Avent précédant Noël.» Le pic de conceptions en mai et juin s’expliquerait ainsi en par­

tie par la reprise des rapports sexuels au sortir du Carême, mais aussi par une recru des­

cen ce des mariages. Or à cette

épo que (faut­il le rappeler ?) le mariage mar­

quait souvent le début des relations sexuel les entre les nouveaux conjoints. Et en l’absence de contraception, le pic de mariages s’accom­

pagnait alors dans les mois qui suivaient d’un surplus de conceptions.

Aussi la moindre fréquence des conceptions à la fin de l’été et au début de l’automne (en août, septembre et octobre) était­il le contre­

coup de l’excédent de mai et de juin. Elle pourrait aussi s’expliquer par les nombreu­

ses migrations saisonnières au moment des grands travaux des champs, entraînant alors

indisponibilité et séparation des conjoints.

«Ce phénomène d’hétérogénéité dans la ré­

partition des naissances a toujours existé, mais a évolué avec le temps. Arnaud Régnier­

Loilier et Jean­Marc Rohrbasser nous expli­

quent encore que la saisonnalité des nais­

sances s’amenuise aux XIXe et XXe siècles, le pic des naissances se décalant de l’hiver vers le printemps. «Ces changements reflè­

tent l’évolution des comportements, notam­

ment la moindre observance des préceptes religieux. Aujourd’hui, il ne reste plus qu’un pic d’accouchements fin septembre lié aux conceptions du nouvel an. Elles sont deux fois plus fréquentes qu’un autre jour de l’an­

née et occasionnent à la fois un surplus de naissances et d’IVG.»

point de vue

… Reste le grand mystère contemporain de la Saint-Sylvestre avec deux fois plus de concep- tions qu’en temps normal …

D. R.

42_45.indd 3 11.02.11 09:58

(2)

Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 16 février 2011 421

1005606_rms_rc.indd 1 4.2.2011 9:23:56

Par la suite, l’amplitude des variations s’est considérablement réduite. Le rapport entre le mois ayant le plus de naissances et celui en ayant le moins est ainsi passé de 1,8 au XVIIe siècle à 1,2 au début du XXe. «Cette évolution conduit à écarter les explications faisant appel à la température ou à la nature, dans la mesure où les conditions climati­

ques n’ont pas connu de profonds change­

ments. La moindre observance des préceptes religieux et la diminution de la part des pay­

sans dans la population active au fil des siècles ont probablement joué un rôle dans l’affaissement du mouvement saisonnier», soulignent les chercheurs de l’Ined.

Il faut également compter avec les congés payés et les vacances, périodes plus fastes pour les ébats amoureux et leur possible co­

rollaire : la concrétisation des désirs d’enfants.

Certains évoquent aussi l’idée d’une pro­

grammation du mois de naissance dans la foulée de la dépénalisation des méthodes contraceptives et la véritable dissociation entre sexualité et procréation. Le printemps pouvant être perçu comme une période plus agréable pour accoucher, le surplus de nais­

sances à cette saison serait ainsi le résultat d’une stratégie de la part des couples. «La ré­

partition des naissances chez les institutri ces est de ce point de vue très éloquente, souli­

gnent les chercheurs de l’Ined. Les naissan­

ces sont beaucoup plus nombreuses au printemps, nettement plus rares durant les

"gran des vacances" traduisant le souhait de ces femmes de cumuler leur congé de ma­

ternité avec les vacances d’été.»

Reste donc – enfin – le grand mystère contemporain de la Saint­Sylvestre avec deux fois plus de conceptions qu’en temps nor­

mal. Dans les années 1970­1980, le mois de septembre était globalement déficitaire en

naissances, avec cependant un pic de nais­

sances à la fin de ce mois. Avec le tassement de la saisonnalité des naissances au fil du temps, ce pic s’est maintenu et se détache désormais comme l’épisode saisonnier le plus marqué, l’excédent de naissances étant centré sur le 23 septembre. Ce phénomène est observé en France mais aussi dans beau­

coup d’autres pays. Compte tenu de la durée moyenne de gestation (265 jours), ce pic cor­

respond à des conceptions «de la Saint­Syl­

vestre» ; conceptions qui sont presque deux fois plus nombreuses ce jour­là que tout autre jour de l’année. Une manière plus ori­

ginale que d’autres de se souhaiter mutuel­

lement une bonne et heureuse année ?

Jean-Yves Nau jeanyves.nau@gmail.com

1 Régnier­Loilier A, Rohrbasser JM. Y a­t­il une saison pour faire des enfants ? Population & Sociétés n° 474, Ined, janvier 2011.

2 Wargentin P. Uti hvilka Månader flera Människor årli gen födas och dö i Sverige» (En quels mois la plupart des personnes sont nées et mortes annuellement en Suède).

Mémoires de l’Académie des sciences de Suède, Vol.

XXVII, 1767, 249­58.

3 Villermé LR. De la distribution par mois des conceptions et des naissances de l’homme… Annales d’hygiène pu­

blique et de médecine légale, Tome V, 1e partie, 1831, 55­155.

42_45.indd 4 11.02.11 09:58

Références

Documents relatifs

Elle trouve son efficacité explicative dans le fait que les saisons sont à la fois des phénomènes naturels – printemps/été/automne/hiver ou saison sèche/saison des pluies ou

Le plantoir peut te servir à faire des trous dans la terre pour y glisser de jeunes plants sans abîmer les racines des plantes voisines.. Entoure les éléments que tu peux mettre

Un écureuil au printemps aime à faire briller son poil luisant Printemps, été, automne, hiver.. Tournent, tournent, tournent les saisons Dans le vieil arbre de

Il est destiné à des élèves qui, pour de multiples raisons, sont scolarisés depuis plusieurs années, sans pour autant avoir pu prouver des compétences de lecteur.. C'est ce que

Les élèves doivent imaginer tous/tes ensemble l’histoire de Théo le corbeau, qui vit dans le verger et aime manger des bons fruits bien mûrs. L’histoire se construit de

6HiverDe l’œuf à l’adulte30 à 45 min.Activité de recherche 6Les élèves sont capables de citer les principaux stades de développement des insectes et peuvent les décrire par

‘27 octobre 2007 CNSMD Lyon Concert en direct sur France-Musique, première décentralisée de l’émission Le Kiosque des Amateurs, depuis le Conservatoire National Supérieur

Une feuille bleu ciel pour l’hiver (couleur froide), une verte clair pour le printemps, une jaune pour l’été et une orange pour l’automne.. Prévoir des lignes pour écrire