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CONCLUSIONS. M. Vincent DAUMAS, rapporteur public. Nous avons déjà décrit dans ses grandes lignes le contexte de cette affaire.

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Ces conclusions peuvent être reproduites librement à la condition de n’en pas dénaturer le texte. 1 N° 390457, 390774

COMPAGNIE DES GAZ DE PETROLE PRIMAGAZ

SOCIETE VITOGAZ FRANCE 3ème et 8ème chambres réunies Séance du 22 juin 2016 Lecture du 6 juillet 2016

CONCLUSIONS

M. Vincent DAUMAS, rapporteur public

Nous avons déjà décrit dans ses grandes lignes le contexte de cette affaire.

Le gaz de pétrole liquéfié (GPL) est un combustible fossile constitué d’un mélange d’hydrocarbures, constitué très majoritairement soit de butane, soit de propane. Il est produit directement sur les sites d’extraction de pétrole et de gaz naturel, mais aussi dans les installations de raffinage du pétrole – il constitue en effet ce qu’on appelle un « produit fatal » du raffinage, c’est-à-dire un sous-produit inévitable de cette activité. Ses utilisations sont variées (alimentation d’installations de chauffage ou de cuisine, ou encore des véhicules utilisant le GPL comme carburant…).

En France, le secteur de la distribution du GPL était, jusqu’à très récemment, dominé par cinq principaux acteurs : Antargaz, Totalgaz, Primagaz, Butagaz et Vitogaz. La société UGI Bordeaux Holding (ci-après UGI), société mère de la société Antargaz, a entrepris d’acquérir la totalité du capital de la société Totalgaz, elle-même filiale de la société Total.

Cette opération de concentration relevait, par son importance, du contrôle exercé par les autorités de concurrence de l’Union européenne. Toutefois, la Commission européenne a renvoyé son examen à l’Autorité de la concurrence française.

Le 15 mai 2015, l’Autorité de la concurrence a autorisé l’opération sous réserve de la mise en œuvre par les parties d’un certain nombre d’engagements1. Deux des concurrents de l’entité issue de l’opération, les sociétés Primagaz et Vitogaz, vous demandent l’annulation de cette décision d’autorisation. Vous pourrez joindre ces deux requêtes pour y statuer par une seule décision. Relevons que chacune des deux sociétés requérantes a formé en outre une intervention à l’appui de la requête de l’autre. La manœuvre est sans doute destinée à assurer la complète information de chacune sur l’état du litige. Ceci dit, nous n’y trouvons rien à redire et vous pourrez admettre ces interventions.

Deux des engagements, les engagements n° 3 et n° 72, présentés comme alternatifs, respectivement, à l’engagement n° 2 et aux engagements n° 5 et 6, avaient fait l’objet d’une occultation de la part de l’Autorité de la concurrence. Par décision avant dire droit lue le

1 Décision n° 15-DCC-53 du 15 mai 2015 relative à la prise de contrôle exclusive de la société Totalgaz SAS par la société UGI Bordeaux Holding SAS.

2 Selon la numérotation des engagements adoptée par les parties à l’opération de concentration.

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Ces conclusions peuvent être reproduites librement à la condition de n’en pas dénaturer le texte. 2 15 avril dernier, qui sera publiée au Recueil, vous avez invité l’Autorité à verser ces engagements restés cachés, y compris à vos yeux, au débat contradictoire – sous réserve, le cas échéant, d’éléments couverts par le secret des affaires. L’Autorité a produit ces engagements alternatifs le 2 mai dernier. Vous avez désormais toutes les cartes en main pour statuer sur la légalité de sa décision.

1. Avant d’examiner les moyens des requêtes, il faut, dès maintenant, vous décrire dans ses grandes lignes la décision de l’Autorité.

Dans son analyse des effets anticoncurrentiels de l’opération de concentration qui lui était soumise, l’Autorité de la concurrence a distingué, à raison des produits :

1° le marché de la distribution de GPL en gros et moyen vrac – il concerne les livraisons de GPL en vrac à des clients dont la consommation annuelle dépasse 12 tonnes ;

2° les marchés de la distribution de GPL en petit vrac – il concerne les livraisons de GPL en vrac à des clients dont la consommation annuelle est inférieure à 12 tonnes ;

3° les marchés de la distribution de GPL conditionné en bouteilles ;

4° le marché de la distribution de GPL utilisé comme carburant (« GPL-c »).

Pour les marchés du GPL conditionné en bouteilles et du GPL utilisé comme carburant, l’Autorité de la concurrence a estimé que l’opération ne remettait pas en cause le maintien d’une concurrence suffisante. Elle a identifié des risques anticoncurrentiels, en revanche, s’agissant des marchés de la distribution de GPL en gros et moyen vrac et en petit vrac. Il s’agit exclusivement d’effets horizontaux, c’est-à-dire d’effets anticoncurrentiels qui découlent du renforcement de la position de la nouvelle entité sur ces marchés.

Avant d’entrer davantage dans les détails, il est bon de souligner une caractéristique commune aux différents marchés de la distribution du GPL : les coûts d’approvisionnement représentent environ 50 % du prix de vente du produit. La capacité des distributeurs à se procurer du GPL à des coûts avantageux, qu’il s’agisse du GPL importé ou de celui issu des raffineries, est donc un facteur essentiel de leur compétitivité. Et ce, d’autant plus que la concurrence entre distributeurs se fait essentiellement par les prix, les produits proposés étant de très proches substituts.

Pour la distribution de GPL en gros et moyen vrac, l’Autorité a retenu un marché qui, d’un point de vue géographique, est de dimension soit nationale soit réduite aux moitiés nord et sud de la France. Elle a estimé que le maintien d’une concurrence suffisante exigeait d’avancer du 30 septembre 2017 au 30 septembre 2016 l’échéance d’un contrat d’approvisionnement permettant à la nouvelle entité de bénéficier d’un accès privilégié au GPL produit par le fonctionnement des raffineries du groupe Total – c’est l’engagement n° 1.

L’Autorité de la concurrence a également estimé que les concurrents de la nouvelle entité devaient continuer d’avoir accès aux principaux terminaux portuaires servant à l’importation de GPL, notamment un terminal situé au Havre, géré par le groupement d’intérêt économique (GIE) Norgal, et un terminal situé à Ambès, près de Bordeaux, géré par la société Cobogal. La concentration devait avoir pour conséquence une prise de contrôle de ce GIE et de cette société par la nouvelle entité. C’est pourquoi l’Autorité de la concurrence, s’agissant de Norgal, a accepté un engagement consistant, d’une part, à céder 18 % du capital du GIE, détenus par Totalgaz, à la société Butagaz, concurrente de la nouvelle entité, d’autre part, à modifier les statuts du GIE de manière à assurer une gouvernance conjointe par les opérateurs détenant plus de 13,2 % du capital – à savoir, une fois la cession réalisée, UGI, Vitogaz et Butagaz. C’est l’engagement n° 2. Par l’engagement n° 3, que l’Autorité de la concurrence a

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Ces conclusions peuvent être reproduites librement à la condition de n’en pas dénaturer le texte. 3 fini par révéler, la société UGI s’est obligée, au cas où l’engagement n° 2 ne pourrait être mis en œuvre, à céder à un opérateur actif sur les marchés de la distribution de GPL une participation de 13,4 % dans le capital du GIE Norgal et à ce que les statuts du GIE soient modifiés de sorte que seul un membre détenant plus de 13,2 % du capital puisse désigner un administrateur, sauf à ce que la participation soit acquise par une société membre du groupe auquel appartient la société Vitogaz. Enfin, s’agissant de la société Cobogal, l’Autorité a accepté un engagement consistant à céder 10 % du capital à un autre opérateur, étant précisé que l’actionnaire minoritaire de la société, Primagaz, bénéficiait d’un droit de préemption.

L’engagement consistait également à proposer, en cas de cession à Primagaz, la conclusion d’un pacte d’actionnaires ayant pour effet l’exercice d’un contrôle conjoint sur le dépôt d’importation. C’est l’engagement n° 4.

Pour la distribution de GPL en petit vrac, l’Autorité a au contraire retenu des marchés de dimension locale. L’Autorité a en effet constaté que cette activité de distribution s’exerce à partir d’un certain nombre de centres de stockage du GPL, qu’il s’agisse de dépôts-relais de GPL en vrac ou d’installations équipées pour l’emplissage des bouteilles de gaz. Ces différents centres de stockage, de moindre importance que ceux exploités dans les terminaux portuaires d’importation, maillent l’ensemble du territoire national et permettent la desserte des clients par camion, dans un rayon de 115 à 150 kilomètres autour de ces infrastructures.

L’Autorité a également relevé qu’aucun opérateur ne dispose d’un réseau de centres de stockage secondaire à ce point dense qu’il soit en mesure de desservir l’ensemble du territoire.

Ainsi, les différents opérateurs recourent, pour pouvoir livrer leurs clients où qu’ils se trouvent sur le territoire, à des contrats d’échange de volumes avec leurs concurrents. De la sorte, les opérateurs sont largement interdépendants sur les marchés de la distribution du petit vrac. L’Autorité de la concurrence a estimé que l’opération de concentration projetée aurait pour effet de conférer à la nouvelle entité la disposition d’un réseau de centres de stockage secondaire qui couvrirait l’ensemble du territoire, lui permettant de s’extraire de ce système de contrats d’échange. En outre, elle a estimé que cette opération placerait la nouvelle entité dans une position dominante sur onze des marchés locaux qu’elle a identifiés. Pour remédier à cet effet anticoncurrentiel, elle a accepté un engagement impliquant que la nouvelle entité cède, en totalité ou en partie, le contrôle de neuf centres de stockage secondaire – c’est l’engagement n° 5. L’Autorité a également accepté un engagement par lequel les parties garantissent le maintien, jusqu’à la réalisation de ces cessions, des contrats d’échange de volumes qu’elles avaient conclus avec leurs concurrents – c’est l’engagement n° 6. Par l’engagement n° 7, qui était initialement occulté, la société UGI s’est obligée, en cas d’échec total ou partiel dans la réalisation de l’engagement n° 5, à proposer, pour les centres de stockage secondaire non cédés, de reconduire annuellement les contrats d’échange de volumes de GPL existants pendant une période de cinq ans, renouvelable une fois par décision de l’Autorité de la concurrence, sauf en cas de fermeture de ces dépôts.

Cette présentation générale de la décision de l’Autorité achevée, nous pouvons en venir à l’examen des moyens des requêtes.

2. Au titre de la légalité externe, les requérantes formulent quatre moyens distincts.

2.1. En premier lieu, elles soutiennent que la décision a été adoptée au terme d’une procédure irrégulière au motif que la demande d’autorisation n’a pas donné lieu à un examen approfondi de la part de l’Autorité de la concurrence.

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Ces conclusions peuvent être reproduites librement à la condition de n’en pas dénaturer le texte. 4 Il faut, pour comprendre le moyen, se reporter aux dispositions des articles L. 430-5, L. 430-6 et L. 430-7 du code de commerce. Il en résulte que l’Autorité, lorsqu’une opération de concentration soumise à autorisation lui a été notifiée, dispose d’un délai limité pour décider soit d’autoriser l’opération, le cas échéant sous réserve du respect d’engagements souscrits par les parties, soit d’engager un examen approfondi. Elle dispose dans ce cas d’un délai plus long pour se prononcer sur l’opération. Elle se trouve soumise à une procédure beaucoup plus formalisée, garantissant le respect des droits de la défense des parties à l’opération3. Et enfin elle a le pouvoir d’adopter, au terme de son examen approfondi de l’opération, une décision nettement plus attentatoire à la liberté de l’industrie et du commerce : elle peut toujours autoriser l’opération, le cas échéant sous réserve du respect d’engagements que lui soumettent les parties ; mais elle peut aussi interdire l’opération, ou l’autoriser en subordonnant cette autorisation au respect de conditions énoncées par elle – soit des injonctions destinées à remédier aux effets anticoncurrentiels identifiés, soit des prescriptions de nature à permettre que ces effets soient compensés par une contribution au progrès économique.

Vous le voyez : si le législateur a prévu l’existence de cette phase d’examen approfondi de l’opération, c’est dans le seul intérêt des parties à l’opération de concentration.

Cet examen approfondi a pour seul objet de garantir que l’opération envisagée ne soit pas interdite, ou autorisée sous réserve de conditions auxquelles les parties n’auraient pas consenti, sans que ces dernières aient été mises à même, au préalable, de faire valoir leur point de vue, dans un cadre formalisé. Nous croyons, par conséquent, que les tiers ne peuvent pas utilement faire valoir que l’Autorité aurait statué sans engager au préalable la phase d’examen approfondi de l’opération. La question de l’opérance d’un tel moyen, soulevé par un tiers à l’opération de concentration, est inédite dans votre jurisprudence mais la réponse, au vu des dispositions législatives du code de commerce, ne nous paraît pas douteuse. Vous l’écarterez comme inopérant.

2.2. En deuxième lieu, les requérantes se plaignent de ce que l’Autorité n’a pas procédé, avant de statuer, à la consultation des grandes et moyennes surfaces de distribution – lesquelles sont actives sur le marché de la distribution du GPL conditionné en bouteilles pour des usages domestiques. Le moyen est lui aussi inopérant, aucune disposition ni aucun principe n’imposant à l’autorité chargée du contrôle des concentrations de faire précéder sa décision d’une procédure contradictoire à l’égard des tiers intéressés – vous l’avez déjà jugé dans un état antérieur des textes (CE 27 juin 2007, Société M6, n° 278652, au Recueil sur d’autres points) mais la solution reste valable. En tout état de cause, le renvoi de l’examen de l’opération de la Commission européenne à l’Autorité de la concurrence a donné lieu à publication d’un communiqué détaillé, comme l’exigent les dispositions du 3e alinéa de l’article L. 430-3 du code de commerce, selon les modalités fixées par celles de l’article R. 430-4 du même code. Ce communiqué mettait les tiers intéressés à même de présenter des observations sur l’opération.

2.3. En troisième lieu, la société Vitogaz invoque une méconnaissance des droits de la défense, au motif qu’elle n’a pas été consultée sur la dernière version de l’engagement n° 2.

Il s’agit, rappelons-le, de l’engagement par lequel la nouvelle entité s’engageait à céder 18 % du capital du GIE Norgal à la société Butagaz et à modifier les statuts du GIE de manière à assurer une gouvernance conjointe par les opérateurs détenant plus de 13,2 % du capital. A l’appui du moyen, la société Vitogaz se prévaut de votre décision de section Société Interbrew

3 Notamment, elles peuvent être entendues lors d’une séance du collège de l’Autorité.

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Ces conclusions peuvent être reproduites librement à la condition de n’en pas dénaturer le texte. 5 France du 9 avril 1999 (n° 191654, au Recueil). Vous y avez admis, par exception à la règle que nous avons rappelée il y a un instant, que l’autorité chargée du contrôle des concentrations pouvait être tenue, en application du principe général des droits de la défense, d’inviter un tiers à présenter ses observations sur une mesure corrective dont elle envisage d’assortir son autorisation, lorsque cette mesure est de nature à préjudicier aux droits de ce tiers. En l’espèce, ce n’est pas le cas : s’il est vrai que le choix de céder 18 % du capital du GIE à la société Butagaz et à elle seule prive tous les autres opérateurs de la possibilité de présenter une offre pour acquérir cette participation dans le GIE, une telle privation résulte des actes par lesquels la société UGI s’est engagée en ce sens envers la société Butagaz, avant même l’intervention de la décision de l’Autorité. Autrement dit, si la société Vitogaz a été privée d’une opportunité, cela ne découle pas de l’engagement n° 2 repris par l’Autorité de la concurrence dans sa décision mais du choix contraignant fait par la société UGI, dès avant cette décision, de choisir Butagaz comme cessionnaire.

2.4. Vous écarterez, pour en finir avec les moyens de légalité externe, les critiques par lesquelles les requérantes se plaignent de ce que la procédure suivie par l’Autorité serait entachée d’irrégularité au motif qu’elles ont été tenues dans l’ignorance des engagements n° 3 et n° 7. Nous vous le disions, l’Autorité a finalement révélé ces engagements et ceux-ci ont été communiqués aux requérantes, qui ont pu en discuter le bien-fondé. Les sociétés requérantes ont cependant maintenu certaines de leurs critiques formulées sur un terrain procédural. D’une part, elles soutiennent que l’occultation initiale des engagements n° 3 et n° 7 est assimilable à un défaut de publication d’une partie de la décision de l’Autorité. Nous l’admettons mais il est de jurisprudence constante que les conditions de publication d’un acte administratif sont sans incidence sur sa légalité. D’autre part, les sociétés requérantes persistent également à soutenir que l’occultation initiale des deux engagements a conduit à une méconnaissance des droits de la défense – elles se placent donc de nouveau sur le terrain de la jurisprudence Interbrew. Mais vous constaterez que, pas plus que précédemment, l’on ne se trouve dans son champ d’application, aucun des engagements souscrits à titre subsidiaire n’ayant pour effet de porter atteinte aux droits des sociétés requérantes.

3. Nous en venons aux moyens de légalité interne, qui sont nombreux.

Nous avons insisté tout à l’heure sur l’importance fondamentale, pour les opérateurs des différents marchés de la distribution de GPL, d’avoir accès à des sources d’approvisionnement à des coûts compétitifs, soit auprès des raffineries, soit par importation.

Cette problématique transversale est amplement abordée par les requérantes dans leurs écritures. Celles-ci reflètent leur crainte que la nouvelle entité puisse empêcher ses concurrents de s’approvisionner à des coûts aussi compétitifs qu’elle. Selon les requérantes, l’exercice d’un tel pouvoir de marché permettrait à la nouvelle entité, sur l’ensemble des marchés identifiés par l’Autorité – gros et moyen vrac, petit vrac, GPL bouteilles et GPL-c – soit de proposer des prix inférieurs à ses concurrents, ce qui aboutirait à terme à leur éviction, soit d’augmenter ses prix sans que ces derniers soient en mesure de réagir, faute de pouvoir accroître leur offre.

Pour y voir clair, nous commencerons, classiquement, par examiner les moyens dirigés contre l’analyse concurrentielle à laquelle l’Autorité de la concurrence a procédé. Nous terminerons par les moyens critiquant le caractère insuffisant des engagements.

3.1. Les requérantes se livrent à une critique systématique de l’analyse concurrentielle de l’Autorité : nous examinerons d’abord un certain nombre de critiques

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Ces conclusions peuvent être reproduites librement à la condition de n’en pas dénaturer le texte. 6 transversales ; nous verrons ensuite les critiques formulées à l’encontre de l’analyse de chacun des quatre marchés de produits identifiés par l’Autorité.

3.1.1. Les critiques transversales émises par les requérantes n’ont rien de convaincant.

En premier lieu, il est reproché à l’Autorité de la concurrence d’avoir commis une erreur de droit en ne prenant pas en compte, dans son analyse, les émissions de gaz à effet de serre imputables au GPL, par rapport aux volumes d’émission imputables aux autres sources d’énergie. Mais nous ne voyons pas en quoi la prise en compte de ces émissions serait pertinente dans le cadre d’une analyse concurrentielle.

En deuxième lieu, et dans la même veine, il est soutenu que l’Autorité n’aurait pas pris en compte l’intérêt général qui s’attacherait au maintien de la filière de production et de distribution de GPL. Mais nous doutons fort, là encore, qu’il s’agisse d’un élément pertinent : l’Autorité de la concurrence n’a pas pour mission de pourvoir au maintien de certaines activités, filières ou marchés ; elle doit seulement s’assurer que les marchés affectés par une opération de concentration restent, tant qu’ils existent, suffisamment animés d’un point de vue concurrentiel.

En troisième lieu, la société Vitogaz soutient que l’Autorité a commis une erreur de droit en s’abstenant de calculer l’indice dit de Herfindhal-Hirschman (IHH), avant et après l’opération envisagée, pour les différents marchés affectés par cette opération – l’indice en question est utilisé pour mesurer le degré de concentration sur un marché. Mais rien n’imposait à l’Autorité, à l’appui de son analyse, de procéder au calcul de cet indice4.

En quatrième lieu, la société Vitogaz reproche à l’Autorité d’avoir entaché sa décision d’une erreur d’appréciation en n’isolant pas un marché du GPL distribué par réseaux de canalisations. Mais la société n’apporte aucune argumentation convaincante à l’appui de ce moyen – rien qui étaye l’hypothèse de l’existence d’un marché distinct des marchés de distribution identifiés par l’Autorité.

Enfin, la société Vitogaz soutient, sans grande précision, que l’Autorité a insuffisamment pris en compte l’ensemble des relations contractuelles liant la nouvelle entité au groupe Total, dont découlerait une sorte de convergence objective de leurs intérêts, de nature à affecter les conditions de la concurrence. Mais l’Autorité a bien analysé les contrats liant la nouvelle entité aux différentes sociétés du groupe Total.

3.1.2. Nous identifions ensuite deux critiques dirigées contre l’analyse faite par l’Autorité de la situation concurrentielle sur le marché de la distribution de GPL en gros et moyen vrac – c’est-à-dire pour des quantités livrées supérieures à 12 tonnes par an et par client.

La première de ces critiques pointe la circonstance que l’Autorité de la concurrence n’a pas tenu compte du pouvoir exercé par la nouvelle entité sur le dépôt d’importation de Donges, en Loire-Atlantique. Ce dépôt, relié à une raffinerie du groupe Total et à un terminal portuaire accessible aux plus gros navires gaziers, est le plus important de la façade Atlantique, avec des capacités de stockage comparables à celui contrôlé par le GIE Norgal

4 Notons que le point 385 des lignes directrices de l’Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, dans leur version publiée le 10 juillet 2013, se borne à indiquer que l’IHH « peut » être calculé.

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Ces conclusions peuvent être reproduites librement à la condition de n’en pas dénaturer le texte. 7 près du Havre. Toutefois, si l’Autorité ne s’est pas préoccupée des modalités d’accès des différents distributeurs de GPL à ce dépôt, c’est pour une bonne raison : l’opération de concentration reste sans incidence sur son contrôle, puisqu’avant comme après l’opération, il est contrôlé conjointement par les sociétés UGI et Total Raffinages France, cette dernière appartenant au groupe Total. Il est vrai que les capacités de stockage détenues par la société Total Raffinages France au sein de ce dépôt étaient, avant la concentration, principalement mises à la disposition de la société Totalgaz. Toutefois, du fait précisément de la cession de cette filiale par le groupe Total, rien n’oblige désormais la société Total Raffinages France à mettre ses propres capacités de stockage à la disposition de la nouvelle entité – elle pourrait au contraire être incitée à les mettre à la disposition de ses concurrents. La densité des relations contractuelles entre la nouvelle entité et le groupe Total, sur laquelle insiste la société Vitogaz, ne suffit pas à convaincre du contraire. Nous croyons donc que l’opération n’a pas pour effet d’accroître le contrôle de l’entité issue de la concentration sur le dépôt de Donges.

La seconde critique soulevée contre l’analyse du marché de la distribution de GPL en gros et moyen vrac est tirée d’une erreur d’appréciation. Les requérantes reprochent à l’Autorité de n’avoir pas retenu l’existence d’un effet anticoncurrentiel tiré de la captivité des clients. A l’appui du moyen, elles font valoir que les citernes utilisées chez les clients pour stocker le GPL livré par les distributeurs sont souvent la propriété de ces derniers. De sorte que, lorsqu’un client veut changer de fournisseur, il doit commencer par lui racheter sa citerne ou payer pour son enlèvement. Les requérantes ajoutent que ce n’est pas le seul facteur de rigidité du marché : un autre réside dans les pratiques contractuelles des distributeurs de GPL, qui recourent souvent à des contrats de fourniture exclusive à long terme. Ces arguments ne parviennent toutefois pas à convaincre du bien-fondé du moyen d’erreur d’appréciation soulevé. L’Autorité de la concurrence a bien pris en compte la rigidité particulière du marché pour apprécier les effets anticoncurrentiels de l’opération. D’une part, elle fait valoir en défense que le prix du rachat ou de l’enlèvement d’une citerne n’est pas déterminant pour les clients professionnels qui interviennent, du côté de la demande, sur le marché de la distribution de GPL en moyen et gros vrac. D’autre part, les facteurs de rigidité mis en évidence par les requérantes, qui sont bien réels, résultent de pratiques largement répandues, qui ne sont nullement l’apanage des sociétés Antargaz et Totalgaz regroupées au sein de la nouvelle entité. En tout état de cause, et contrairement à ce que persiste à affirmer la société Primagaz, sans le démontrer, on ne voit pas en quoi l’opération de concentration aurait pour conséquence d’aggraver les effets de ces pratiques sur la captivité de la clientèle au détriment des concurrents de la nouvelle entité.

3.1.3. Nous en venons aux critiques dirigées contre l’analyse de l’Autorité concernant la situation concurrentielle sur le marché de la distribution de GPL en petit vrac – c’est-à-dire pour des quantités livrées inférieures à 12 tonnes par an et par client.

Tout d’abord, la société Vitogaz reproche à l’Autorité d’avoir insuffisamment raffiné son analyse en considérant, du point de vue des produits, un unique marché du petit vrac, alors qu’il y avait lieu, selon elle, de distinguer deux marchés : un marché de la distribution de GPL à des particuliers et à des professionnels dont la consommation est inférieure à 6 tonnes par an et un marché de la distribution à des petits professionnels dont la consommation est comprise entre 6 et 12 tonnes par an. L’argumentation présentée à l’appui du moyen, qui est sommaire, nous paraît cependant très insuffisante pour étayer son bien-fondé.

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Ces conclusions peuvent être reproduites librement à la condition de n’en pas dénaturer le texte. 8 Les requérantes soutiennent ensuite que l’Autorité, pour délimiter les marchés locaux de la distribution de GPL en petit vrac, s’est fondée uniquement sur les capacités de stockage des opérateurs, sans prendre en compte les volumes de vente départementaux. Elle aurait ainsi limité son analyse des effets anticoncurrentiels de l’opération aux seules zones sur lesquelles la nouvelle entité sera en position dominante au regard des capacités de stockage – laissant ainsi de côté, indûment, celles sur lesquelles elle domine les volumes de vente. Il est vrai que l’analyse de l’Autorité n’est pas fondée principalement sur les volumes vendus. Toutefois, il est inexact d’affirmer qu’elle ne les aurait pas pris en compte. D’une part, elle a évalué les parts de marché de la nouvelle entité au niveau national au travers des volumes vendus. D’autre part, au niveau des marchés locaux, si son analyse est fondée principalement sur les capacités de stockage secondaires des différents opérateurs, elle a bien pris en compte les volumes de vente départementaux en cas d’écart important dans l’évaluation des parts de marché appréciées, respectivement, selon l’un et l’autre de ces critères5.

Les requérantes critiquent également la méthode suivie par l’Autorité de la concurrence consistant, pour repérer les marchés locaux affectés par l’opération de concentration, à identifier les zones du territoire où se produit un chevauchement entre les zones de desserte correspondant à des capacités de stockage secondaire appartenant à Totalgaz et les zones de desserte correspondant à des capacités de stockage secondaire appartenant à Antargaz.

A cet égard, les requérantes font d’abord valoir que l’Autorité n’a pas analysé les cumuls de parts de marchés résultant de l’opération qui ont pu se produire en dehors de ces zones de chevauchement. Mais la critique nous semble infondée car l’hypothèse correspond à une situation dans laquelle ni Totalgaz ni Antargaz ne disposaient, dans une zone donnée, de capacités de stockage secondaire en propre, mais recouraient pour desservir leurs clients aux capacités de stockage de leurs concurrents, via le système de contrats d’échange de volume dont nous avons déjà parlé. On ne voit donc pas comment la nouvelle entité aurait la capacité, sur ces marchés, d’abuser de sa position au détriment de ses concurrents, quelle que soit son importance.

Une autre critique, en revanche, nous paraît fondée. Primagaz soutient, et le moyen est repris par Vitogaz, que l’Autorité de la concurrence n’a examiné que les zones de chevauchement entre capacités de stockage secondaire réunies entre les mains de la nouvelle entité. Selon le moyen, elle aurait dû examiner les centres de stockage secondaire de la nouvelle entité qui, même sans correspondre à des zones sur lesquelles l’opération se traduisait par un renforcement de ses capacités de stockage, constituaient des points d’approvisionnement indispensables pour ses concurrents. C’est exact, dès lors que l’Autorité de la concurrence a estimé que la nouvelle entité aurait la capacité de et l’incitation à s’extraire du système de contrats d’échange de volume en vigueur jusqu’à l’opération. Dans un tel scénario, un dépôt détenu soit par Totalgaz, soit par Antargaz, correspondant à une zone sur laquelle l’opération ne se traduit pas par un renforcement des capacités de stockage secondaire de la nouvelle entité, peut néanmoins constituer un outil d’éviction de ses concurrents si la nouvelle entité leur en refuse désormais l’accès, sans qu’il existe à proximité aucun dépôt détenu par un concurrent, susceptible de constituer une alternative. Les requérantes soutiennent qu’il existe plusieurs marchés locaux correspondant à cette configuration. Nous sommes bien en peine de confirmer ou d’infirmer cette assertion, faute d’éléments d’analyse concurrentielle sur ce point. Quoiqu’il en soit, ce moyen tiré d’une

5 Voir décision attaquée, § 104.

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Ces conclusions peuvent être reproduites librement à la condition de n’en pas dénaturer le texte. 9 erreur dans l’analyse concurrentielle suivie par l’Autorité nous paraît fondé. Nous verrons tout à l’heure quelles conséquences en tirer.

Les requérantes soutiennent enfin que l’Autorité a commis une erreur d’appréciation en n’identifiant pas, sur le marché du petit vrac également, un effet anticoncurrentiel tiré de la captivité des clients. Ce moyen n’est toutefois guère plus convaincant que celui, similaire, présenté à l’encontre de l’analyse du marché de la distribution en gros et moyen vrac. Il est vrai que le degré de captivité des clients à l’égard de leur fournisseur est supérieur sur le marché du petit vrac, parce qu’il s’agit non de professionnels mais de particuliers, dont le pouvoir de marché est moindre – l’Autorité de la concurrence a d’ailleurs déjà eu l’occasion d’examiner dans le détail le phénomène de captivité de la clientèle sur ce marché6. Mais là non plus, on ne voit pas en quoi l’opération de concentration aurait pour effet d’accroître cette captivité, au profit de la nouvelle entité. La société Primagaz y insiste, en faisant valoir que la captivité de la clientèle limite les capacités de réaction des concurrents en cas de hausse des prix par la nouvelle entité et rend de ce fait impropres les remèdes envisagés par l’Autorité de la concurrence, qui n’a raisonné qu’en termes de concurrence potentielle. Selon Primagaz, c’est parce que l’opération de concentration permet l’acquisition par la nouvelle entité de parts de marché élevées que la captivité de la clientèle devient une entrave à la concurrence particulièrement sensible. Mais il s’agit d’une affirmation, non d’une démonstration. Au demeurant, il nous semble que les requérantes dramatisent le degré de captivité des clients. A les suivre, ces derniers seraient pieds et poings liés, à la merci de leurs fournisseurs et incapables d’en changer. Si c’était vrai, toute concurrence aurait déjà disparu de ce marché, avant même l’opération de concentration. Or ce n’est pas ce qui ressort des pièces du dossier.

3.1.4. Les requérantes critiquent également l’analyse concurrentielle des marchés de la distribution de GPL conditionné en bouteilles.

L’autorité a distingué deux marchés : celui correspondant à la vente de bouteilles destinées à un usage professionnel, dans des bouteilles de 35 kilogrammes que les distributeurs de GPL livrent directement aux clients ; et celui correspondant à la vente de bouteilles destinées à un usage domestique, dans des bouteilles de 13 kg ou moins, que les distributeurs de GPL vendent en gros à différents réseaux de revendeurs – grandes et moyennes surfaces de distribution, magasins de bricolage, stations-services, épiceries…

Précisons que les bouteilles destinées à un usage domestique peuvent être vendues aux grandes et moyennes surfaces de distribution soit sous la marque du fabricant qui les fournit, soit sous la marque du distributeur qui les achète.

Les requérantes reprochent à l’Autorité d’avoir commis une erreur d’appréciation en n’identifiant pas sur ces marchés d’autre effet anticoncurrentiel que celui susceptible d’affecter les sources d’approvisionnement et les capacités de stockage secondaire des concurrents de la nouvelle entité.

Elles font d’abord valoir que les conditions de vente du GPL conditionné en bouteilles aux grandes et moyennes surfaces de distribution « indépendantes » (réseaux Leclerc, Intermarché, Système U) seraient négociées au niveau local et non au niveau national comme l’a estimé l’Autorité. L’argument n’est, cependant, guère étayé. Vitogaz fait aussi valoir que ces acteurs de la distribution ne seraient pas en mesure de déréférencer efficacement les

6 Voir son avis n° 14-A-01 du 14 janvier 2014 sur le fonctionnement de la concurrence sur le marché de la distribution de propane en vrac à destination des particuliers.

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Ces conclusions peuvent être reproduites librement à la condition de n’en pas dénaturer le texte. 10 marques de fabricants7, notamment en raison de l’attachement des clients à ces marques, qui se trouve accru par les systèmes de consignation des bouteilles de gaz. L’argumentation tend à relativiser le pouvoir de marché des grandes et moyennes surfaces. Nous voulons bien croire, au vu des éléments avancés par Vitogaz à son appui, que les pratiques de déréférencement qui ont pu être observées par le passé n’ont pas toujours eu toute l’efficacité escomptée par les centrales d’achat de la grande distribution. Mais cela nous semble insuffisant pour remettre en cause le pouvoir de marché de ces acteurs, qui est bien réel. En outre, Totalgaz n’était pas active sur le segment de marché de la vente de bouteilles sous marques de distributeurs, ce qui signifie que l’opération n’a aucun effet anticoncurrentiel sur ce segment, dont il n’est pas sérieusement contesté qu’il joue un rôle important dans l’animation de la concurrence.

Les requérantes soutiennent aussi, par un moyen d’erreur de droit ou d’erreur d’appréciation, que l’Autorité n’aurait pas pris en compte un contrat conclu entre la société Totalgaz, devenue Finagaz, et la société Total Marketing France. Il s’agit d’un contrat conclu jusqu’au 1er mai 2019, par lequel cette dernière société s’est engagée, dans une petite partie des stations-services du groupe Total (environ 70), à ne proposer à la vente que des bouteilles de marque Finagaz, et, dans une autre partie des stations-services exploitées sous l’enseigne Total, à référencer Finagaz comme fournisseur et à faire ses meilleurs efforts pour que ses bouteilles y soient distribuées. Mais l’Autorité a bien pris en compte ce contrat8. Si elle n’en a pas tiré de conséquences dans son analyse concurrentielle, c’est nous semble-t-il pour deux bonnes raisons. D’une part, ce contrat n’implique en lui-même aucun effet anticoncurrentiel : il ne fait que retarder dans le temps la manifestation d’une petite partie des effets pro- concurrentiels de l’opération, qui découlent de la désintégration verticale du groupe Total.

D’autre part, ce contrat n’est pas une conséquence nécessaire de l’opération de concentration, et l’Autorité de la concurrence, dans sa décision, a d’ailleurs refusé de le traiter comme une restriction accessoire à cette opération. Enfin, observons en tout état de cause que ce contrat ne porte que sur une partie des stations-services du groupe Total, qui n’est qu’un client parmi d’autres sur le marché de la vente de GPL conditionné en bouteilles.

Pour le reste, les requérantes font valoir que la nouvelle entité disposera de capacités d’emplissage très supérieures à celles de ses concurrents et de coûts d’approvisionnement plus faibles, de sorte qu’elle sera en mesure de se lancer dans une guerre des prix aboutissant à terme à leur éviction. L’argumentation n’est pas convaincante. D’une part, la détention de capacités d’emplissage importantes est à elle seule sans incidence sur la structure des coûts de la nouvelle entité. D’autre part, il n’est pas sérieusement contesté que tous les opérateurs disposent de capacités d’emplissage excédentaires, la demande étant structurellement orientée à la baisse. En réalité, l’argumentation est bâtie sur le postulat que la nouvelle entité pourra s’approvisionner à des coûts moindres que ses concurrents. Or l’effet anticoncurrentiel tiré de la possibilité pour elle de peser sur les coûts d’approvisionnement de ses concurrents a bien été identifié par l’Autorité – le débat se ramène donc au caractère suffisant des engagements souscrits pour prévenir cet effet.

3.1.5. Nous en venons enfin à l’analyse de la situation concurrentielle sur le marché de la distribution de GPL utilisé comme carburant (GPL-c).

7 C’est-à-dire de faire disparaître ces marques du référencement national de leurs fournisseurs, incitant ainsi les magasins appartenant à leur réseau à ne plus y recourir.

8 Voir décision attaquée, § 163 à 167.

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Ces conclusions peuvent être reproduites librement à la condition de n’en pas dénaturer le texte. 11 Il s’agit également d’un marché de vente en gros sur lequel les distributeurs de GPL fournissent, pour l’essentiel, les réseaux de stations-services – y compris celles exploitées par les grandes et moyennes surfaces.

Les requérantes, là encore, reprochent à l’Autorité de n’avoir pas retenu d’autres effets anticoncurrentiels que celui susceptible d’affecter les capacités d’approvisionnement des concurrents de la nouvelle entité. Le moyen, peu étayé, n’est pas du tout convaincant : les requérantes ressassent des arguments déjà examinés tirés de la captivité des clients ou de la négociation au niveau local des contrats de fourniture conclus avec les acteurs indépendants du secteur de la distribution. En réalité, toute leur discussion part du postulat que la nouvelle entité disposera de capacités d’approvisionnement et de stockage secondaire impossibles à reproduire par ses concurrents. On est donc ramené, une fois de plus, à la même question, celle du caractère suffisant des engagements retenus sur ce point.

Les requérantes reprochent là aussi à l’Autorité de n’avoir pas tenu compte, dans son analyse concurrentielle, du contrat conclu jusqu’au 30 avril 2019 entre la nouvelle entité et le groupe Total pour l’approvisionnement d’une partie de ses stations-services en GPL-c. Mais l’Autorité le prend bien en compte pour apprécier les parts de marché de la nouvelle entité en matière de vente en gros de GPL-c à l’issue de l’opération9. Vitogaz soutient qu’il y a eu

« mauvaise compréhension » par l’Autorité de la concurrence du périmètre de cet accord, toutes les stations sous enseigne Total étant concernées selon elle. Au terme de l’instruction, il apparaît que c’est inexact, puisque seule est concernée la partie des stations-services sous l’enseigne Total dont le groupe Total est propriétaire du fonds de commerce. Surtout, là encore, il s’agit d’une mesure transitoire destinée à lisser dans le temps les effets de la désintégration verticale du groupe Total résultant de l’opération. Ce contrat revient à maintenir, temporairement, une situation qui existait antérieurement à la concentration. A son échéance, les concurrents de la nouvelle entité pourront s’adresser, sans restriction, à l’ensemble de nouveaux acheteurs potentiels sur le marché du GPL-c que représentent les stations-services sous enseigne Total. Il nous paraît donc exclu de regarder ce contrat comme de nature à produire des effets anticoncurrentiels.

Si vous nous suivez vous écarterez les différentes critiques soulevées par les requérantes à l’encontre de l’analyse concurrentielle effectuée par l’Autorité, à l’exception de celle concernant la détermination des marchés locaux de la distribution de GPL en petit vrac affectés par l’opération.

3.2. Nous abordons les moyens par lesquels les requérantes contestent les engagements souscrits par les parties à l’opération de concentration, repris par l’Autorité dans sa décision, pour remédier aux effets anticoncurrentiels que cette dernière a identifiés.

Il faut tout d’abord écarter une critique émise par Primagaz, qui soutient que le recours à des engagements subsidiaires entache en lui-même la décision attaquée d’illégalité. Nous avons déjà expliqué, en concluant sur votre décision avant dire droit, pourquoi nous croyons que cette technique n’est pas condamnable en soi. Simplement, il y a lieu, en cas de contestation du caractère suffisant des engagements, d’apprécier dans sa globalité le système de remèdes prescrit par l’Autorité, engagements principaux et subsidiaires pris ensemble.

9 Voir décision attaquée, § 156.

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Ces conclusions peuvent être reproduites librement à la condition de n’en pas dénaturer le texte. 12 Le recours à ces engagements subsidiaires est aussi critiqué au regard des lignes directrices de l’Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, au motif que l’on ne se trouverait pas dans les hypothèses autorisant le recours à des engagements de ce type, telles qu’elles sont décrites dans les lignes directrices publiées par l’Autorité le 10 juillet 2013.

Le moyen est donc tiré d’une méconnaissance par l’Autorité de ses propres lignes directrices. Il est intéressant car il revient à poser la question, inédite, de savoir si les lignes directrices de l’Autorité relatives au contrôle des concentrations sont des lignes directrices…

au sens de votre jurisprudence. Il nous semble que la réponse doit être affirmative : la possibilité d’adopter des directives administratives – selon la terminologie de votre décision Crédit foncier de France10 – ou des lignes directrices – comme vous préférez les désigner désormais11 – est ouverte dès lors qu’un texte confère à l’administration un pouvoir d’appréciation dans la décision d’accorder ou de refuser un avantage : voyez en ce sens CE section, 4 février 2015, Ministre de l’intérieur c/ M. C… O…, n° 383267, au Recueil. Ce terme d’« avantage » employé dans votre décision de section ne doit pas être entendu trop strictement et il nous semble couvrir l’hypothèse dans laquelle l’administration exerce un pouvoir d’autorisation (voyez en ce sens CE section, 30 décembre 2010, Ministre du logement et de la ville c/ Mme D…, n° 308067, au Recueil). Enfin, précisons qu’une autorité peut tout à fait fixer des lignes directrices à son propre usage (CE 30 décembre 2015, Société Mylan, n° 375777, aux tables du Recueil sur un autre point). Nous vous proposons donc d’admettre, en principe, l’opérance du moyen tiré de ce que l’Autorité de la concurrence, en statuant sur une opération de concentration, a méconnu ses propres lignes directrices relatives au contrôle des concentrations12.

L’opérance de principe de ce moyen étant admise, vous l’écarterez néanmoins en l’espèce. Car nous ne croyons pas que l’on puisse utilement, sur la question particulière du recours à des engagements subsidiaires, se prévaloir des lignes directrices de l’Autorité, pour la bonne raison qu’elles ne contiennent aucune orientation de nature à encadrer son pouvoir d’appréciation. Elles se bornent en effet à décrire des hypothèses dans lesquelles il peut être recouru à des engagements de type alternatif ou subsidiaire, sans exclure le recours à de tels engagements dans d’autres hypothèses.

Pour le reste, les critiques des requérantes se concentrent sur le contenu des engagements, en soutenant qu’ils sont insuffisants.

3.2.1. Nous examinons d’abord les critiques dirigées contre les engagements qui tendent à prévenir les effets anticoncurrentiels de l’opération sur l’approvisionnement en GPL et les capacités de stockage primaire des concurrents de la nouvelle entité.

- L’engagement n° 1 porte sur le contrat conclu entre les sociétés UGI et Total Raffinages France pour la distribution du GPL issu des raffineries exploitées par le groupe Total. La nouvelle entité s’est engagée, d’une part, à avancer du 30 septembre 2017 au 30 septembre 2016 la date d’expiration de l’accord conclu, d’autre part, à supprimer sa clause de reconduction. Les critiques dirigées contre cet engagement au motif qu’il serait insuffisant

10 CE section, 11 décembre 1970, Crédit foncier de France, n° 78880, au Recueil p. 750.

11 Voir CE 19 septembre 2014, M. J…, n° 364385, au Recueil.

12 Par ailleurs, on peut relever que la Cour de justice de l’Union européenne reconnaît des effets juridiques aux lignes directrices de la Commission en matière de concurrence : voir CJUE 11 juillet 2013, Ziegler, aff. C- 439/11, points 59 et 60.

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Ces conclusions peuvent être reproduites librement à la condition de n’en pas dénaturer le texte. 13 nous semblent vaines : l’accord dont il est question a pour seul effet de prolonger temporairement une situation préexistant à la concentration, dans laquelle le GPL issu des raffineries du groupe Total était entièrement écoulé au travers de Totalgaz. En réalité, là encore, cet accord nous semble avoir pour seule conséquence de retarder un effet pro- concurrentiel de l’opération de concentration, consistant à rendre disponible plus largement, pour tous les acteurs de la distribution du GPL, une source d’approvisionnement qui était jusqu’alors l’apanage quasi-exclusif de l’un de ces acteurs, la société Totalgaz. L’engagement n° 1, en ce qu’il avance un peu plus, dans le temps, cet effet pro-concurrentiel, ne peut certainement pas être taxé d’insuffisance.

- L’engagement n° 2 est relatif au dépôt d’importation géré par le GIE Norgal.

Rappelons qu’il consiste, d’une part, à céder 18 % du capital du GIE, détenus par Totalgaz, à la société Butagaz, concurrente de la nouvelle entité, d’autre part, à modifier les statuts du GIE de manière à assurer une gouvernance conjointe par les opérateurs détenant plus de 13,2 % du capital – soit UGI, Vitogaz et Butagaz. Cet engagement est longuement discuté par les parties.

Il faut là aussi faire un sort à un moyen tiré d’une méconnaissance par l’Autorité de la concurrence de ses propres lignes directrices relatives au contrôle des concentrations. Son opérance de principe étant admise, voyons le contenu du moyen. Les requérantes se plaignent de ce que l’Autorité aurait, à tort, regardé l’engagement n° 2 comme un engagement de type

« fix-it-first », au mépris de ses lignes directrices. A ce terme employé par les lignes directrices de l’Autorité de la concurrence, nous préférons celui de « mesure de règlement préalable » utilisé dans les lignes directrices de la Commission européenne. Il s’agit d’une technique permettant de prévenir les effets anticoncurrentiels d’une opération de concentration qui consiste pour les parties notifiantes à prévoir d’emblée la cession de certains actifs à un acquéreur identifié. La notion, telle que la décrivent les lignes directrices de l’Autorité, est plus large que ce que prétendent les requérantes : elle ne recouvre pas seulement les cessions d’actifs déjà réalisées à la date de la décision de l’Autorité ; selon le point 592 des lignes directrices, elle s’applique aussi lorsque la cession a fait l’objet d’accords contraignants – ce qui est bien le cas en l’espèce. En tout état de cause, là non plus, nous ne croyons pas que les requérantes puissent utilement, sur ce point particulier, se prévaloir des lignes directrices, qui ne contiennent pas d’orientation de nature à encadrer le pouvoir d’appréciation de l’Autorité : les points 587, 589 et 591 à 593 de ces lignes se bornent en effet à décrire un type de remède à la disposition des parties notifiantes. Vous écarterez, comme inopérant en l’espèce, le moyen tiré de la méconnaissance par l’Autorité de ses propres lignes directrices.

Ce n’est pas la seule critique formulée à l’encontre de l’engagement relatif au GIE Norgal. Les requérantes soutiennent également qu’il est illégal, incertain et inefficace.

On trouve d’abord une argumentation de Vitogaz selon laquelle l’engagement serait illégal, en ce qu’il violerait les statuts du GIE Norgal. Le moyen ne vaut rien, en tout état de cause, puisqu’une des clauses suspensives de la cession d’une part du capital du GIE à Butagaz consiste, précisément, en l’accord de l’assemblée générale extraordinaire du GIE. Le débat que tente d’introduire Vitogaz sur la régularité de la décision prise par cette assemblée générale en l’espèce n’a rien à faire dans votre prétoire. Si Vitogaz parvient à obtenir du juge judiciaire l’annulation de l’acte de cession des parts du GIE à Butagaz – ce dont on ne peut que douter au vu des stipulations très claires des articles 6 et 17 des statuts du GIE –, cela justifierait seulement le recours à l’engagement alternatif à l’engagement n° 2.

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Ces conclusions peuvent être reproduites librement à la condition de n’en pas dénaturer le texte. 14 L’argumentation relative au caractère incertain de l’engagement ne nous paraît pas sérieuse. La cession de 18 % du capital du GIE Norgal a fait l’objet d’un accord conclu entre les sociétés UGI et Butagaz avant que l’Autorité ne rende sa décision. Si la cession était subordonnée, non seulement à l’autorisation de l’opération de concentration, mais aussi à l’approbation des parties intéressées et à une modification des statuts du GIE, il n’est pas sérieusement contesté qu’aucune de ces conditions n’apparaissait problématique. Ajoutons à cela, bien que vous statuiez comme juge de l’excès de pouvoir, que la cession prévue par l’engagement n° 2 a effectivement eu lieu depuis l’intervention de la décision d’autorisation contestée.

Quant à l’argumentation relative au caractère inefficace de l’engagement, elle nous paraît aussi devoir être écartée. L’engagement n° 2 a pour effet de confier la gestion du GIE à un collège de trois administrateurs désignés, respectivement, par les sociétés Antargaz, Vitogaz et Butagaz – autrement dit, par la nouvelle entité et deux de ses concurrents. Les capacités de stockage du GIE étant mises à la disposition de ses membres en fonction de leur part dans le capital, l’engagement a également pour effet de permettre aux concurrents de la nouvelle entité d’accéder à près de 40 % de ces capacités de stockage. Les sociétés requérantes soutiennent que la nouvelle entité pourrait néanmoins conclure seule des contrats d’importation, évinçant ainsi ses concurrentes de la constitution de « pools d’importation » faisant appel aux plus gros navires de transport gazier. L’argumentation ne nous semble pas convaincante : si l’on compare les capacités de ces navires aux capacités de stockage du GIE, il apparaît que la nouvelle entité sera toujours incitée à conclure avec ses concurrents des pools d’importation pour mettre en commun l’ensemble des capacités de stockage au sein du GIE – et cela, même en prenant en compte les capacités de stockage dont la nouvelle entité dispose à Donges, qu’elle pourrait combiner avec celles de Norgal. Tous les actionnaires du GIE bénéficieront ainsi des coûts d’approvisionnement les plus compétitifs. Les sociétés requérantes font encore valoir que la société Butagaz ne serait pas réellement indépendante de la nouvelle entité – en raison, principalement, d’un contrat de fourniture de gaz conclu en 2013 entre Antargaz et Butagaz, pour une durée de 10 ans. Toutefois, l’une des conditions suspensives mises à la cession de 18 % du capital du GIE à Butagaz est, précisément, la diminution des volumes de GPL fournis par Antargaz à Butagaz dans le cadre de ce contrat, qui se voient réduits de 75 % – c’est la suite logique de l’acquisition par Butagaz, grâce à son entrée dans le GIE, de nouvelles capacités d’importation et de stockage. En outre, l’engagement ne nous paraît pas offrir prise, en tout état de cause, à cette argumentation, puisqu’il prévoit que, pendant une période de cinq ans, renouvelable une fois sur décision de l’Autorité, tout pool d’importation ou de capacité conclu entre la nouvelle entité et un autre membre du GIE devra être ouvert au troisième membre du GIE – dans des conditions non- discriminatoires faut-il entendre.

- Terminons-en avec le GIE Norgal en évoquant l’engagement n° 3, tout récemment révélé par l’Autorité. Cet engagement était destiné à se substituer à l’engagement n° 2 en cas d’échec de sa mise en œuvre. Il s’agissait donc d’un engagement souscrit à titre subsidiaire. Il consistait à prévoir la cession de 13,4 % du capital du GIE Norgal à un autre opérateur que Butagaz. Il ne fait toutefois l’objet d’aucune critique spécifique par les requérantes. Disons seulement que, contrairement à ce qui est soutenu, il ne révèle en rien l’illégalité de l’engagement n° 2.

- L’engagement n° 4 est relatif au dépôt d’importation du Bec d’Ambès, près de Bordeaux, géré par la société Cobogal – dépôt d’une importance bien moindre que celui géré

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Ces conclusions peuvent être reproduites librement à la condition de n’en pas dénaturer le texte. 15 par le GIE Norgal. Là aussi, les requérantes soutiennent que l’engagement serait incertain et inefficace. Leur argumentation s’appuie sur le caractère relativement succinct de l’engagement. Elles font valoir, en conséquence, que la nouvelle entité pourrait s’adonner à de multiples stratégies de contournement de cet engagement. Cette argumentation ne nous paraît pas sérieuse. Tout d’abord, si l’engagement se borne à prévoir qu’en cas de cession de 10 % du capital à la société Primagaz, la société UGI proposera un pacte d’actionnaires permettant l’exercice d’un contrôle conjoint, on voit mal ce qui pourrait motiver le rejet d’une telle proposition par Primagaz – le capital étant réparti à 50 % entre les sociétés UGI et Primagaz, un tel accord est nécessaire au fonctionnement de la société. Ensuite, l’engagement n° 4 est couvert par les « principes applicables aux engagements de cession » détaillés dans le texte intégral des engagements souscrits par les parties à l’opération, annexé à la décision de l’Autorité. Il en résulte que, dans l’attente de leur cession, la société UGI s’est engagée à maintenir la viabilité économique, la valeur marchande et la compétitivité des actifs à céder.

Enfin, rappelons qu’un éventuel contournement de l’engagement pourrait tomber sous le coup de votre jurisprudence autorisant l’Autorité de la concurrence à sanctionner des comportements ayant pour effet de vider un engagement de sa substance (voyez sur ce point votre décision d’assemblée « Canal Plus I » : CE assemblée, 21 décembre 2012, Société Groupe Canal Plus, n° 353856, au Recueil, point 29).

- Nous passons rapidement sur un moyen soulevé par la société Primagaz selon lequel l’Autorité de la concurrence aurait dû prévoir un engagement relatif au fonctionnement du dépôt d’importation de Donges, en Loire-Atlantique. Ce moyen est la suite logique de celui, déjà examiné, tiré de ce que l’Autorité aurait commis une erreur d’appréciation en ne retenant aucun effet anticoncurrentiel lié à une restriction de l’accès des concurrents de la nouvelle entité à ce dépôt d’importation. Pour les mêmes raisons que celles précédemment exposées, il doit être écarté.

3.2.2. Nous pouvons en venir aux critiques dirigées contre les engagements qui tendent à prévenir les effets anticoncurrentiels consistant dans la restriction de l’accès des distributeurs tiers aux capacités de stockage secondaire qui maillent l’ensemble du territoire.

- Sous un intitulé unique – engagement n° 5 – c’est bien un ensemble d’engagements qui est en cause, puisque cet intitulé regroupe en réalité toute une série de cessions d’actifs auxquelles la société UGI s’est engagée.

Parmi ces cessions, plusieurs sont plus particulièrement l’objet de critiques : celles portant sur les dépôts de Niort (Deux-Sèvres), Saint-Cyprien (Loire) et La Garde (Var).

Selon le moyen, l’engagement n° 5 serait insuffisant en tant qu’il concerne les dépôts de Niort et Saint-Cyprien, dès lors qu’il ne porte que sur la cession de 34 % et 50 % des sociétés contrôlant respectivement chacun de ces deux dépôts. Le moyen n’est pas sérieux, dès lors que la société UGI s’est aussi engagée à conclure, après cession, un pacte d’associés prévoyant une alternance de la gouvernance tous les trois ans. Un contrôle conjoint de ces dépôts sera donc assuré.

Quant au site de La Garde, Vitogaz soutient que sa pérennité n'est pas assurée. Et elle produit à l'appui de son affirmation un rapport de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) du 24 mars 2015, rédigé au titre de ses missions de contrôle des installations classées pour la protection de l’environnement. Celui-ci conclut, dans un style très ferme pour un rapport administratif, que les éléments transmis par

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Ces conclusions peuvent être reproduites librement à la condition de n’en pas dénaturer le texte. 16 l’exploitant ne permettent pas de se prononcer sur la compatibilité du site avec son environnement, et qu'en cas d'incompatibilité avérée, l'inspection des installations classées devra proposer la fermeture du site. En conséquence, l'inspection propose une tierce expertise.

Or dans ses engagements déposés le 13 mai 2015, moins de deux mois après, UGI affirme que le site de La Garde est « pérenne et viable » et se borne à rappeler que le préfet envisage une tierce expertise. Certes, UGI a souscrit une garantie de passif couvrant les dépenses correspondant aux travaux qui seraient exigés par l'autorité administrative. Mais sur ce point, l’engagement ne répond nullement à l'hypothèse d’une fermeture administrative du site. Les dernières productions d’UGI, en réponse au moyen, ne nous font pas changer d’avis. Non seulement elles portent sur des éléments postérieurs à la décision attaquée, mais surtout la tierce expertise produite hier ne permet pas de prévoir quelle sera, au final, l’appréciation de l’administration chargée du contrôle des installations classées. Nous vous proposons d’accueillir le moyen.

Plus globalement, l’engagement n° 5 est jugé incertain et insuffisant par les requérantes, au motif qu’il serait impuissant à empêcher la remise en cause du système de contrats d’échange de volumes de stockage secondaire qui assurait, jusqu’à l’opération de concentration, l’accès de tous les distributeurs à de telles capacités de stockage sur l’ensemble du territoire.

L’Autorité de la concurrence admet bien volontiers la possibilité que la nouvelle entité s’extraie de ce système d’échange de volumes de stockage secondaire, grâce à son réseau de centres de stockage secondaire qui, en dépit des cessions auxquelles elle s’est engagée, maillera l’ensemble du territoire métropolitain. Toutefois, comme l’Autorité le défend, la circonstance que la nouvelle entité ne participera plus à ce système d’échanges n’implique ni sa disparition ni une diminution de son efficacité. Il suffit, pour que l’accès des concurrents de la nouvelle entité à des capacités de stockage secondaire soit maintenu, que ceux-ci continuent d’avoir la capacité de et l’incitation à faire fonctionner ce système entre eux, de sorte qu’en tout point du territoire, à défaut d’être admis à utiliser les capacités d’un centre de stockage secondaire contrôlé par la nouvelle entité, et à défaut de contrôler en propre un tel centre, tout concurrent puisse accéder au centre de stockage dépendant d’un autre concurrent de la nouvelle entité.

Il n’est pas contesté que, sous réserve de l’erreur d’analyse concurrentielle que nous avons identifiée tout à l’heure, les cessions prévues par l’engagement n° 5 visent, précisément, à parvenir à ce résultat – donc à un maillage du territoire par des centres de stockage secondaire contrôlés par les concurrents de la nouvelle entité qui leur permettra, ensemble, de continuer à faire fonctionner un système d’échange de volumes aussi efficace que celui mis en œuvre avant l’opération de concentration. Les critiques des requérantes, en conséquence, se concentrent sur le caractère incertain de l’engagement : selon elles, les centres de stockage secondaire que la nouvelle entité s’est engagée à céder ne trouveront pas preneur. L’argumentation est fournie : les requérantes font valoir que les installations de certains de ces centres de stockage sont obsolètes, que l’investissement représenté par l’acquisition de ce type d’infrastructures est trop important pour un marché en contraction et que leur acquisition ne serait intéressante que si elle s’accompagnait de la cession de la clientèle qui leur est localement attachée – et l’on retrouve, sur ce point, l’antienne de la captivité des clients sur le marché de la distribution du GPL en petit vrac.

Ces différents arguments ne nous convainquent pas. Tout d’abord, il est quelque peu contradictoire de soutenir, tout à la fois, que l’accès à des capacités de stockage secondaire est

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Ces conclusions peuvent être reproduites librement à la condition de n’en pas dénaturer le texte. 17 crucial pour desservir la clientèle mais que l’acquisition des infrastructures correspondantes serait un investissement excessivement dispendieux. Ensuite, les coûts d’acquisition doivent être relativisés par la possibilité ouverte aux concurrents de la nouvelle entité d’acquérir tout ou partie des centres de stockage secondaire de manière conjointe, et par la circonstance que la nouvelle entité s’est engagée, au cas où ses offres de cession resteraient infructueuses au terme d’une première phase de négociation, à confier à un mandataire approuvé par l’Autorité de la concurrence le soin de négocier les actifs restant à céder, le cas échéant à vil prix. Enfin, l’engagement n° 5 est doublé par l’engagement n° 7, souscrit à titre subsidiaire : il en résulte qu’en cas d’échec dans la mise en œuvre de l’engagement n° 5, la nouvelle entité s’est engagée à proposer, pour le ou les centres de stockage secondaire non cédés, le maintien des contrats d’échange de volumes conclus avec ses concurrents, pendant une période de cinq ans renouvelable une fois à la demande de l’Autorité.

Pour finir, les requérantes reprochent à l’Autorité de la concurrence de n’avoir prévu aucun engagement permettant de remédier aux effets induits par la captivité des clients sur le marché de la distribution de GPL en petit vrac. C’est, là encore, la suite logique du moyen critiquant l’analyse concurrentielle de l’Autorité, en ce qu’elle n’a pas identifié d’effet anticoncurrentiel lié à cette captivité. Dès lors que vous aurez écarté le moyen tiré d’une erreur, sur ce point, dans l’analyse concurrentielle, vous ferez de même de ce moyen.

- Enfin, l’engagement n° 7, récemment révélé, fait également l’objet de critiques.

Par cet engagement, la société UGI s’est obligée, en cas d’échec total ou partiel dans la réalisation de l’engagement n° 5, à proposer, pour les centres de stockage secondaire qu’elle ne serait pas parvenue à céder, de reconduire annuellement les contrats d’échange de volumes de GPL existants pendant une période de cinq ans, renouvelable une fois par décision de l’Autorité de la concurrence, sauf en cas de fermeture de ces dépôts.

Il est soutenu que cet engagement est insuffisamment précis. Mais vous pourrez écarter le moyen, l’engagement prévoyant l’intervention du mandataire, qui pourra modifier les contrats d’échange proposés par la nouvelle entité afin de garantir que leurs termes ne lèsent pas les intérêts de ses concurrents. Il est également soutenu qu’il s’agit d’un engagement comportemental et limité dans le temps, alors que le problème de concurrence identifié est structurel. Mais d’une part, l’engagement critiqué n’a vocation à s’appliquer qu’en cas d’échec dans la mise en œuvre de l’engagement n° 5, qui quant à lui est bien un remède d’ordre structurel. D’autre part et surtout, l’engagement est souscrit pour une durée de cinq ans renouvelable une fois, ce qui nous paraît suffisamment long au regard des délais nécessaires pour que les concurrents de la nouvelle entité puissent, le cas échéant, développer leurs propres infrastructures de stockage secondaire sur les zones du territoire auxquelles l’engagement trouverait à s’appliquer. Autrement dit, la durée de l’engagement nous semble suffisante pour que les structures des marchés locaux qui seraient concernés évoluent de sorte que disparaisse à son terme l’effet anticoncurrentiel identifié par l’Autorité.

L’engagement n° 7 serait par ailleurs insuffisant en ce qu’il admet que les contrats d’échange pourront ne pas être reconduits en cas de fermeture des sites, que ce soit pour des raisons administratives ou économiques. Nous croyons que sur ce point, l’engagement est effectivement insuffisant. En cas de fermeture d’un des sites concernés, qui correspondent tous à un marché local sur lequel la nouvelle entité se retrouve en position dominante, celle-ci risque d’évincer ses concurrents en refusant de conclure, comme elle en aura la capacité et l’incitation, des contrats d’échange portant sur les capacités des centres de stockage

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Ces conclusions peuvent être reproduites librement à la condition de n’en pas dénaturer le texte. 18 secondaire qu’elle conserve. Ajoutons que le caractère sérieux du moyen est renforcé par la circonstance que les centres de stockage qui font l’objet de l’engagement n° 7 constituent des doublons dans le réseau de la nouvelle entité. Elle ne sera donc guère incitée à les maintenir en fonctionnement. Il nous semble que l’Autorité aurait dû prévoir, sur ce point, une forme de transfert des contrats d’échange de volumes sur les centres de stockage conservés à proximité par la nouvelle entité, le cas échéant avec aménagement des volumes concernés.

*

Au vu de tout ce qui précède, nous vous proposons d’accueillir trois des moyens soulevés par les requérantes. Ces moyens portent tous sur les marchés locaux de la distribution de GPL en petit vrac, et seulement sur certains de ces marchés. Par ailleurs, il ne fait pas de doute qu’il existe des remèdes permettant de pallier les effets anticoncurrentiels produits par l’opération de concentration litigieuse sur ces marchés – il suffit, au pire des cas, de contraindre la nouvelle entité à conclure des contrats d’échange de volumes à partir des centres de stockage secondaire qu’elle conserve. La triple censure que nous proposons reste donc sans incidence sur le principe même de l’autorisation de concentration. Vous l’aurez compris : vous êtes dans le cas dans lequel la décision d’autorisation contestée apparaît divisible au regard des trois moyens que nous estimons fondés, de sorte qu’il est possible de procéder à une annulation seulement partielle de cette autorisation, sans remettre en cause son principe – comme dans le précédent d’assemblée « Canal Plus III » qui concernait une autorisation du Conseil supérieur de l’audiovisuel13. L’Autorité devra seulement reprendre le dossier sur les trois points en question.

Au final nous vous proposons une annulation partielle de la décision attaquée sur les trois points suivants :

a. en tant que l’Autorité n’a pas analysé les effets du comportement consistant pour l’entité issue de l’opération de concentration à s’extraire du système de contrats d’échange de volumes sur les marchés locaux de la distribution de GPL en petit vrac sur lesquels soit l’une, soit l’autre des sociétés UGI et Totalgaz disposait déjà d’une position dominante avant l’opération de concentration ;

b. en tant que l’Autorité a admis le caractère suffisant des engagements n° 5 et n° 7 en tant qu’ils portent sur le marché local de la distribution de GPL en petit vrac entourant le dépôt de La Garde ;

c. en tant que l’Autorité a admis le caractère suffisant de l’engagement n° 7 dans l’hypothèse d’une fermeture administrative ou économique des sites que la nouvelle entité s’est engagée à céder en vertu de l’engagement n° 5.

Dans les circonstances de l’espèce, nous vous proposons de rejeter l’ensemble des conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative (CJA).

*

Par ces motifs nous concluons dans le sens qui suit : 1. Admission des interventions ;

13 CE assemblée, 23 décembre 2013, Société M6, n° 363978, au Recueil, points 30 à 32.

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