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Le poste d aiguillage de Lyon-Perrache 1 : genèse et état des lieux d un projet de reconversion

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Academic year: 2022

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Revue d’histoire des chemins de fer 

54 | 2020

Le patrimoine ferroviaire dans le monde. Regards croisés

Le poste d’aiguillage de Lyon-Perrache 1 : genèse et état des lieux d’un projet de reconversion

The reconversion of the Lyon-Perrache signal box Olivier Vellay

Édition électronique

URL : https://journals.openedition.org/rhcf/2781 DOI : 10.4000/rhcf.2781

Éditeur Rails & histoire Édition imprimée

Date de publication : 1 décembre 2020 Pagination : 117-130

ISSN : 0996-9403 Référence électronique

Olivier Vellay, « Le poste d’aiguillage de Lyon-Perrache 1 : genèse et état des lieux d’un projet de reconversion », Revue d’histoire des chemins de fer [En ligne], 54 | 2020, mis en ligne le 01 avril 2022, consulté le 24 avril 2022. URL : http://journals.openedition.org/rhcf/2781 ; DOI : https://doi.org/

10.4000/rhcf.2781

Tous droits réservés

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Olivier VELLAY Résumé : SNCF Réseau a initié en

2011 un programme de préservation de ses installations fixes à caractère patrimonial, programme dont la maîtrise d’œuvre a été confiée à Rails & histoire.

25 postes d’aiguillage sont ainsi supposés être préservés après leur désaffectation.

Le poste d’aiguillage de Lyon-Perrache 1, premier poste à être reconverti, sert de projet pilote pour l’association.

Abstract: SNCF Reseau, which is responsible for the management and maintenance of rail infrastructure in France, has started in 2011 a dedicated program to preserve its industrial heritage.

25 signal boxes are thus supposed to be preserved after their decommissioning.

The project management is entrusted to the association Rails & histoire. The Lyon- Perrache 1 signal box, the first one to be converted, serves as a pilot project for the association.

Mots-clés : poste d’aiguillage, patri- moine industriel, patrimoine ferroviaire, préservation, reconversion, installations,

techniques, installations fixes, exploitation, SNCF, SNCF Réseau.

Keywords: power box, signal box, historical heritage conservation, industrial heritage, technical facilities, SNCF, SNCF Réseau.

Introduction

L’association Rails & histoire copilote depuis 2011, avec SNCF Réseau, un programme de préservation de postes d’aiguillages anciens, nommé « Postes Remarquables ». Le programme vise à organiser la préservation de différents postes, ainsi que les savoir-faire associés, la documentation technique et archivistique, tout en valorisant les agents, et ce au moyen de campagnes photographiques, d’enregistrements, d’interviews, etc.

Dans un second temps, l’association aide au montage ou pilote directement les éventuels projets de reconversion destinés à permettre la préservation sur le long terme des installations techniques et, lorsque cela est possible, de la cabine associée.

LE POSTE D’AIGUILLAGE DE LYON-PERRACHE 1 : GENÈSE ET ÉTAT DES LIEUX D’UN PROJET DE RECONVERSION

Olivier VELLAY olivier.vellay@ahicf.com

Architecte du patrimoine, chargé de projet « Postes remarquables », Rails & histoire

Les projets

de Rails & histoire

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Olivier VELLAY

Le poste d’aiguillage de Lyon-Perrache- Voyageurs 1, désaffecté en novembre 2016, fait l’objet d’un soin tout particulier depuis 2018. Premier projet opérationnel piloté par Rails & histoire, il semble utile de le présenter et d’en esquisser les contours.

Illustration 1. Le poste 1 dans son environnement (source : © Olivier Vellay).

Rappels historiques et contexte géographique de « P1 »

La gare de Lyon-Perrache- Voyageurs

La gare de Lyon-Perrache, mise en service en 1856 et destinée à connecter en un point central et unique les différentes gares antérieures périphériques, est enclavée entre la Saône, le Rhône et les collines de l’Ouest lyonnais. Ces obstacles géographiques, en limitant la place

disponible, ont toujours profondément complexifié son exploitation : le nombre de voies à quai est peu élevé et leur longueur réduite, les dépôts et garages principaux du matériel sont éloignés de l’établissement, les zones d’entrée et de sortie de gare sont déportées sur les cours d’eau, larges et capricieux, les ponts permettant leur franchissement formant alors des goulots d’étranglement.

La gare de Lyon-Perrache-Voyageurs est d’abord une importante gare de passage de l’Artère impériale – nom de la ligne Paris-Lyon-Marseille à la suite de son emprunt par Napoléon III dans les années 1850. C’est également la tête de la ligne de la rive droite du Rhône, dite « ligne de Nîmes » ; le peu d’espace disponible a toutefois nécessité la mise en place d’un raccordement tournant le dos à la gare et obligeant les trains, empruntant la ligne au départ ou à l’arrivée de Lyon-Perrache, à opérer un rebroussement sur le viaduc franchissant la Saône – alors à deux voies – rebroussements interrompant les circulations sur la ligne principale !

Illustration 2. Le complexe de Perrache en 1954 (source : base Géoportail).

La Saône Vers V

aise / Paris

Vers Givors / Nîmes

Vers Guillotière

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Olivier VELLAY Illustration 3.Le nœud lyonnais en 1952 (source :

Jay et Brasseur, 1952, p. 60). Du fait de l’éloignement des différents

dépôts, une annexe traction fut établie dès l’origine au sein de la gare, permettant le remisage de quelques machines. Située côté Saône, embranchée sur la ligne de Nîmes, elle comprenait à l’origine une remise annulaire à seize voies avec un pont tournant, une remise droite à trois voies, un château d’eau principal de grande capacité, un parc à combustible, différents bureaux, etc. L’annexe existe toujours, mais n’a cessé de décliner depuis les années 1960, et n’est plus utilisée aujourd’hui. Côté Rhône, on trouvait d’autres équipements usuels des grandes gares : messageries, bureaux et services petite vitesse, etc. Au sud, quelques voies de remisage des voitures complétaient l’ensemble, celles-ci servant aussi d’ateliers rudimentaires. Les installations ci-dessus décrites évoluèrent bien sûr régulièrement, au gré des besoins.

Le complexe lyonnais d’une manière générale et la gare de Lyon-Perrache en particulier furent très tôt équipés de postes d’aiguillage, et ce avant la tête de ligne parisienne. On dispose par ailleurs des photographies de deux postes d’aiguillages différents, tous deux typiquement PLM et antérieurs au poste dont il est question dans cet article. Le premier est architecturalement marqué 1880-1890, le second plus récent, 1900-1910. Tous deux ont aujourd’hui disparu. Le poste Thomson-Houston étudié ici représente donc la 4e génération ; intéressons-nous à sa genèse.

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Les années 1920 : la construction du poste 1 Le développement continu du trafic amena le PLM à envisager dès avant la Première Guerre mondiale le doublement du pont sur la Saône, de manière à disposer de deux voies de tiroir destinées aux manœuvres ainsi qu’aux rebroussements des trains à destination ou provenance de la ligne droite du Rhône (desserte de Givors, Saint- Étienne, Nîmes, etc.). Le projet, retardé par la guerre, fut finalement intégré à un remaniement conséquent du plan de voies de la gare, mené à partir de 1926. Trois voies, dont deux dédiées à la circulation, un nouveau quai, différentes voies de garage côté nord furent ainsi aménagés en sus de la reconstruction des deux ponts.

Remarquons qu’un bâtiment-voyageur neuf fut projeté à l’occasion de ce vaste remaniement, signé de l’architecte Roux- Spitz. Les fonds disponibles ne permirent pas sa construction, Lyon conservant ainsi, de nos jours, sa gare de 1856.

Illustration 4. Lyon-Perrache en 1910. À droite, le poste 1 de deuxième génération (désaffecté) (source : collection Roland Sermet).

Ces travaux s’accompagnèrent du remplacement des postes d’aiguillages mécaniques antérieurs par des postes à poignées d’itinéraires modernes, de technologie Thomson-Houston : Lyon- Perrache-Voyageurs 1 et Lyon-Perrache- Voyageurs 2. Le poste 1, situé sur les quais de Saône, obtient la mission d’expédier et de recevoir les trains côté Paris, dit

« côté nord », ainsi que la gestion de la bifurcation vers Nîmes, mais commandait aussi les entrées et sorties de l’annexe- traction, de même qu’avec les voies de service côté nord. Le poste 1 est mis en service dit « définitif » en mars 1933, marquant ainsi la fin des travaux entrepris dans les années 1920.

Ces postes 1 et 2 ne sont pas les premiers postes Thomson-Houston du Paris-Lyon- Méditerranée puisqu’il existait déjà plusieurs postes dits de « 3e génération » installés sur le vaste complexe de la Guillotière et de la Mouche. Parmi les 29 postes de technologie Thomson-Houston mis en service entre 1925 et 1952, on trouve ainsi huit postes lyonnais (cinq à Lyon-Guillotière et trois à Lyon-Perrache).

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Olivier VELLAY Illustration 5. Le poste vers 1930, le plan de voies n’est pas arrêté (source : services de l’inventaire régional).

Les années 1950 : l’électrification et la modernisation du poste 1 Après-guerre, la nécessité de réduire la consommation du charbon amena la mise en place d’une politique très volontariste de grandes électrifications.

Déjà projetée par le PLM, l’électrification par tronçons de la ligne Paris-Marseille atteignit Lyon en 1952. Le poste 1 est alors adapté à la signalisation électrique automatique, et les installations techniques modernisées : transformation importante des organes électriques (nouveaux relais électriques et verrous, déplacement des commutateurs...), transformation du pupitre (suppression du bloc de commande manuel des signaux, ajout d’équipements de commande électrique des signaux, installation de différents dispositifs de

sécurité dont les cadenas à ouverture contrôlée, etc.). La cabine fut également modifiée, l’augmentation conséquente du nombre de relais électriques nécessitant la construction d’une nouvelle cage d’escalier, l’ancienne étant phagocytée par les espaces techniques. On notera d’ailleurs le grand respect qu’eût l’extension pour l’architecture d’origine, la cabine étant encore aujourd’hui assez homogène architecturalement parlant.

Parallèlement, des travaux de trans- formation de la gare furent menés : les quais voyageurs sensiblement allongés, un parc postal (remplaçant la remise droite de 1856 ainsi que divers bâtiments de service) et deux gares d’autorail, nord et sud, inaugurés. Ces dernières s’implantèrent en lieu et place de l’ancien parc postal et de la cour marchandise primitive, déportée sur

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la rive gauche du Rhône. Le poste 1 hérita de la commande du nouveau parc postal et de la gare d’autorails nord. Un double faisceau de cinq voies complète l’ensemble commandé par le poste 1.

Par la suite, le poste fut ponctuellement modernisé, équipé par exemple du Système d’Annonce Automatique des Trains (SAAT), de la radio sol-train, etc. ; la double voie du tunnel Saint-Irénée est équipée en Installations Permanentes de Contre-Sens (IPCS) en 1971, certains enclenchements, comme l’enclenchement de parcours, font leur apparition. Dans les années 1990, la fermeture puis la démolition du parc postal permirent la création de deux nouveaux quais, J et K, facilitant l’exploitation de la gare. Les installations techniques du poste 1 furent modifiées en conséquence, une vingtaine d’itinéraires étant supprimés.

La portée de ces interventions est toutefois réduite, les installations contemporaines conservant sensiblement le fonctionnement et les caractéristiques post-électrification.

Illustration 6. Le poste dans les années 1990 (source : © Daniel Wurmser).

Le poste 1 aujourd’hui

Fonctionnement général des installations

Le poste est, dans son état actuel, un hybride technologique entre le poste d’origine et les transformations provoquées par l’électrification. Les modernisations ultérieures concernent pour l’essentiel des points de détail (mise à jour des enclenchements, dispositifs techniques annexes, transformations du plan de voies) et demeurent marginales.

Le poste 1 est un poste électromécanique à leviers d’itinéraires de technologie Thomson-Houston. Il est le descendant du deuxième poste à leviers d’itinéraires au monde, mis en service à Bordeaux-Saint- Jean en octobre 1904 par la Compagnie du Midi. Il fait partie de cette famille de postes électromécaniques à leviers dits « classiques » qui tous emploient un combinateur mécanique, organe mécanique permettant la sélection des aiguilles intéressées par un itinéraire, chaque aiguille étant représentée par un élément mécanique propre – dans notre cas, des balanciers d’aiguilles.

L’opérateur, pour établir un itinéraire, appuie sur une pédale d’économie puis tire à lui la poignée de l’itinéraire qu’il souhaite établir. La traction de la poignée provoque la rotation de différents balanciers d’aiguilles, ce mouvement mécanique étant transformé en signal électrique par l’intermédiaire de commutateurs, le signal est ensuite envoyé aux moteurs électriques des aiguillages. L’ensemble des balanciers intéressés est alors immobilisé mécaniquement, mais aussi électriquement par des verrous individuels de balanciers.

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Olivier VELLAY Dans un second temps, l’aiguilleur est

amené à donner un sens de circulation à l’itinéraire, en tournant la poignée vers la droite ou vers la gauche. La rotation de la poignée actionne également un commutateur spécifique, qui selon le cran de la poignée (30°, 60°, 90°) ouvre ou ferme différents circuits électriques, et donc alimente ou n’alimente pas différents organes : relais, verrous électromécaniques, tableau de contrôle optique, etc. Arrivé à 90°, si aucune condition de sécurité ne s’y oppose, un relais totaliseur d’itinéraire ferme le circuit électrique d’alimentation du carré origine de l’itinéraire et provoque ainsi son ouverture : le train peut suivre sa marche.

Le poste est équipé d’enclenchements électriques et mécaniques classiques et répandus : enclenchement d’approche, de parcours, par zone de protection, de voie de stationnement, de transit (souple), de route, de protection, de sens. Ces différents enclenchements permettent d’éviter toute collision entre deux trains, et s’appuient largement sur plusieurs centaines de relais électriques logés dans les étages du bâtiment, qui tous permettent une communication entre les différents organes qui composent le poste avec les différents appareillages en campagne.

Illustration 7. Commutateurs de levier (gauche) et relais (droite)(source : © Olivier Vellay).

Intérêt patrimonial des installations

Les postes à leviers d’itinéraires, dont P1 est un représentant, furent développés au début du XXe siècle par différents industriels ou en interne par les compagnies.

Tous eurent pour objectif d’augmenter significativement le débit maximal admissible par un poste d’aiguillage, dans un contexte de saturation des grandes gares et d’obsolescence technologique des postes mécaniques à grands leviers.

Ces postes équipèrent ainsi les grandes gares françaises des années 1910 aux années 1940. Électromécaniques, ils sont le chaînon essentiel entre les postes mécaniques traditionnels et les postes électro-mécaniques à commande individuelle, d’une part, et les postes électriques à itinéraires type PRA ou PRS, d’autre part. Leur importance dans l’histoire du développement des techniques est à ce titre particulièrement grande, puisqu’ils articulent autant une révolution de pensée (logique des appareils isolés vers la logique d’itinéraires) qu’une révolution technologique (de la mécanique à l’électricité).

Cette importance historique assure aux postes électromécaniques à leviers d’itinéraires une bonne représentation au sein du programme « Postes Remarquables », puisque l’on dénombre le poste central de Rennes (poste Mors), le poste de Belfort 2 (poste électrique Descubes), le poste de Longueau 1 (poste MDM Aster), ainsi que Perrache 1.

L’accessibilité de Perrache 1 depuis l’espace public et la qualité architecturale de la cabine ont valu au poste d’être intégré au programme, plutôt qu’un autre

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poste appartenant à la même technologie.

Il représente ainsi les postes Thomson- Houston.

Les complexités et enjeux propres au patrimoine

industriel

Le patrimoine industriel se distingue des autres corps patrimoniaux traditionnels du fait de l’importance des éléments mobiliers et des éléments immatériels associés à ce dernier : savoir-faire, gestes- métiers, jargons propres à certains corps professionnels, processus de fabrication sériels ou artisanaux. Ces éléments obligent à une approche spécifique propre aux reconversions industrielles.

La réaffectation d’un établissement indus- triel implique le plus souvent de vider l’édifice de ses machines afin de disposer de la place nécessaire au développement de nouvelles activités. L’édifice est ainsi conservé, mais l’intérêt du lieu est sensiblement réduit. Conserver quelques appareils parmi les plus emblématiques peut alors s’avérer un compromis convenable, à condition de procéder à une sélection soigneuse des différents matériels de manière à faciliter la restitution des process industriels auprès du public ; l’unité d’ensemble est toutefois irrémédiablement détruite et l’installation dénaturée.

La solution la plus à même de mettre en valeur ces patrimoines consiste alors en la conservation de l’ensemble des installations. Ce n’est toutefois que rarement possible puisque c’est bien la création de nouvelles activités économiques qui permettront à un projet durable d’émerger.

Les postes d’aiguillage forment à ce titre un corpus à part puisque les dimensions

réduites des cabines, leur accès parfois difficile, les dimensions importantes des installations, complexifient singulièrement l’installation de nouvelles activités de substitution. C’est donc sur les installations techniques existantes que l’on doit en premier lieu s’appuyer afin de permettre la conservation du bâtiment et des éléments industriels majeurs et mineurs qui motivent l’intérêt d’une conservation.

Cette conservation pose également la question de la mise en valeur des savoir- faire immatériels associés. Ceux-ci impliquent le plus souvent le fonctionnement des installations, qu’il soit réel, simulé, ou simplement restitué par média interposé (podcast, film, reconstitution figurée), un peu à la manière d’un écomusée agricole.

Le projet

Un projet de remise en service simulé des installations techniques, à destination

du grand public

Les fortes contraintes spatiales et fonctionnelles propres aux cabines d’aiguillages s’appliquent à Lyon- Perrache 1 et c’est assez naturellement qu’un projet de remise en service simulé du poste a été proposé à SNCF Réseau, qui l’a ensuite validé et partiellement financé.

Le projet s’appuie sur un logiciel informatique ad hoc qui, branché sur les installations techniques existantes, simulera le passage de trains fictifs. Ce logiciel reproduit également l’ensemble des règles propres aux circulations ferroviaires et au fonctionnement de la gare de Lyon-Perrache de manière à ce que le combinateur, le tableau de contrôle

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Olivier VELLAY optique et les différents dispositifs de

sécurité se comportent normalement, l’objectif étant d’être crédible auprès des professionnels ou des amateurs avertis.

Un projet de mise en valeur d’une installation ou d’un édifice à caractère patrimonial pose nécessairement la question du parti- pris de l’intervention. Celui-ci implique le plus souvent de déterminer une période de référence qui servira de cadre lorsqu’on procédera à des transformations.

Déterminée avec soin, elle correspondra au meilleur compromis possible entre intérêts culturels ou historiques propres à une période donnée au regard de la qualité de la documentation disponible s’y référant.

Ce cadre temporel n’est toutefois en rien absolu et il est parfois nécessaire de s’en écarter lorsque cela sert in fine le projet patrimonial. Par ailleurs, il demeure prudent de documenter l’édifice avant d’effectuer des transformations importantes, et d’opter pour des interventions réversibles lorsque cela est possible.

Quelle peut être la période de référence de P1 ?

L’intérêt culturel des installations techniques :

la nécessité d’une conservation-sauvegarde Les installations techniques ayant un fort intérêt patrimonial, il importe d’intervenir a minima et de documenter les éventuelles altérations. Les interventions doivent demeurer prudentes et contenues, afin de ne pas obérer la possibilité d’une protection Monument Historique des installations techniques. Les opérations réversibles doivent également être privilégiées. Il importe par exemple de

rebrancher les fils électriques débranchés, de dissimuler autant que possible les nouvelles installations, etc. Pour ce faire, les installations techniques nouvelles sont dispersées en trois ensembles différents afin de limiter leur volume individuel, et donc leur impact visuel, tout en permettant une installation au plus près des composants, de manière à simplifier le câblage et à diminuer le linéaire total de fils installés.

Les plus importantes, à savoir le serveur informatique et le module électronique

« TCO » sont positionnées dans le local du tableau de contrôle optique, inaccessible et invisible pour le public mais d’un accès immédiat pour l’opérateur. Une deuxième partie des installations est située au 3e étage, positionnée sous la galerie métallique du combinateur. Elle est dédiée à la commande des verrous électromécaniques de balancier et de levier. La troisième partie des installations, également implantée au 3e étage et positionnée en hauteur de manière à n’être que très peu visible, permet le pilotage des commutateurs de leviers ou de balanciers, de manière à détecter les actions des différents opérateurs.

Les différents modules électroniques communiquent avec le serveur informatique par ondes Wifi. Le bénévole animant les visites aura à sa disposition une tablette tactile également reliée par Wifi aux installations, lui conférant une grande liberté de mouvement et une grande disponibilité.

Les installations techniques n’étant pas altérées (seulement décâblées puis recâblées) la période de référence demeure 2016, date de fermeture. Leur intérêt patrimonial est tout à fait préservé.

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Illustration 8. Les essais du TCO (source : © Olivier Vellay).

L’univers administratif et fonctionnel de 2016 :

vers une reconstitution documentée

La question de la période de référence demeure également pertinente vis-à-vis du fonctionnement non technique, que l’on pourrait dire administratif, du poste 1 : annonce des trains, télécommunications, procédures de sécurité. Il semblerait naturel que les installations de 2016 soient pareillement simulées. La documentation est disponible, les témoins vivants et identifiés. Toutefois, il existe plusieurs écueils. D’une part, l’omniprésence de l’informatique et des écrans dans les postes contemporains ne paraît pas séduisante. L’informatique ne présente pas les qualités pédagogiques que peut avoir un document papier, pouvant être annoté avec un crayon, reproductible, consultable à volonté, etc. Le bénévole ou le visiteur, installé derrière son écran, est par ailleurs isolé de son environnement. D’autre part, nous ne disposons évidemment pas des logiciels SNCF, type OLERON par exemple.

Si la création de copies simulées de ces logiciels demeure possible, cela représente toutefois un investissement supplémentaire conséquent – et donc des arbitrages...

Aussi, peut-on se passer de l’informatique, et de fait revenir à une période antérieure ? L’intérêt de la période de l’avant-guerre est fort, mais la faible documentation disponible ainsi que l’ampleur des transformations effectuées depuis ne permettent pas de reconstitution.

En revanche, la période qui suit l’électrification est mieux documentée et présente un séduisant intérêt pédagogique.

La décennie convoque en effet différents univers évocateurs propres au milieu ferroviaire : les électrifications d’après- guerre, les relais-traction, la traction à vapeur, les trains de messagerie, les trains de nuit, les trains auto-couchettes, les trains de luxe, etc. Cette période permet aussi de faire revivre « l’avant La Part-Dieu », convoquant ainsi l’histoire urbaine locale.

Le choix d’une telle période n’est pas toutefois sans créer quelques difficultés. Les transformations limitées des installations techniques entre 1950 et 2016, si l’on excepte des modifications du plan de voies et différentes modernisations très partielles, rendent la reconstitution envisageable sans engendrer de modifications techniques particulières – les quelques anachronismes seront acceptés en temps que tels, le poste demeurant alors celui de 2016, son intérêt patrimonial étant préservé.

Le fonctionnement administratif du poste (documents et règlements, procédures, moyens de communication) est formelle- ment différent du poste de 2016.

L’élimination de l’informatique, si elle simplifie le travail de développement logiciel et diminue le coût de la simulation, oblige à un travail de documentation, afin de procéder à une reconstitution plausible.

Seuls quelques documents-types employés

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Olivier VELLAY dans les postes de l’époque ont pu être

identifiés. Il est toutefois permis d’espérer que des recherches plus poussées que celles menées jusqu’à présent permettront d’identifier les bons documents.

Remarquons que la simulation s’appuiera sur de véritables horaires, les circulations de l’été 1954 et 1952 (tonnage des trains, compositions et matériels moteur, horaires) étant à notre disposition.

Illustration 9.Le poste 1 et les halles de Perrache (source : © Olivier Vellay).

La cabine de P1 : vers un environnement cohérent Les autres éléments en présence (le mobilier, la cabine) ne présentent pas le même intérêt et peuvent être transformés si ces modifications servent in fine le projet de mise en valeur des installations techniques ou le projet pédagogique ; on s’attachera toutefois à reconstituer une atmosphère qui puisse être celle d’un poste des années 1950, par souci de cohérence d’ensemble.

Lorsque le projet pédagogique n’impose rien – la couleur d’un sol, par exemple – les choix devant être effectués peuvent s’appuyer sur le poste 1 lui-même ou, à défaut, sur ses pairs. Toutefois, en l’absence de témoignages, de documents

écrits ou de photographies, les inconnues sont nombreuses. Quelle était la couleur du pupitre ? Quel était le revêtement du sol ? Comment étaient les fenêtres ? Les luminaires ? Le mobilier ? Dans ce cadre, les nombreux clichés réalisés dans les années 1950 dans les postes neufs ou récemment électrifiés du Sud-Est (Paris I/

II, Mâcon-Central, Dijon-Central, etc.) sont une aide précieuse et nous permettent de délimiter les contours d’un projet futur.

La majorité des photographies des postes TH des années 1950 disposant de revêtements en linoleum, on suppose P1 lui aussi équipé d’un tel sol après sa modernisation. On dénombre toutefois au 4e étage quatre revêtements de sols différents, dont trois linoléums : le plancher d’origine, un linoléum rouge, un linoléum

« motif mosaïque » et pour finir le linoléum actuel. Le plancher, par ailleurs, présente lui aussi différentes strates de peintures : vert et bleu-gris... Sauf disparition complète d’une strate, le linoléum des années 1950 pourrait être le plus ancien, c’est-à-dire le linoléum rouge...

La question de la couleur du combinateur à la même époque est également ouverte car les photographies en noir et blanc ne nous renseignent pas sur la question.

Sur le pupitre sont présentes au minimum six couleurs différentes, organisées en différentes strates parfois peu lisibles : le rose-saumon actuel, deux verts, un bleu, un gris-bleu, un ocre. Les agents avec lesquels nous sommes en contact l’ont connu vert (en 1978), puis saumon. Des photos du poste signées Daniel Wurmser et datées des années 1980 nous montrent un poste bleu-gris (ce dont l’aiguilleur n’a pas souvenir...). Des photographies des postes parisiens dans les années

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1970 nous montrent un poste bleu. Les installations techniques de 1950, comme le combinateur, sont vertes mais elles pourraient avoir été repeintes par la suite.

En ce qui concerne le mobilier, le témoi- gnage d’un ancien agent arrivé en 1978 au sein d’un P1 dont les aménagements très vieillissants ne survécurent que quelques mois supplémentaires valide cette approche, les installations de P1 apparaissant alors globalement similaires à celles employées ailleurs dans les années 1950 et 1960 : bureau de bois sombre, téléphones à cadran intégré, plateaux de fiches téléphoniques, etc.

Dans les faits, il importe de hiérarchiser les enjeux et de ne pas accorder trop d’importance à un revêtement de sol ou à la couleur du mobilier. C’est avant tout l’immersion dans une ambiance cohérente et plausible qui doit être privilégiée.

Critiques potentielles On pourrait toutefois reprocher à ce parti pris de ne pas valoriser les installations contemporaines, de cultiver une image passéiste, sinon nostalgique, de l’entreprise, ou de tromper le spectateur peu averti.

Ces critiques potentielles, fondées, doivent être prises en compte afin de faire évoluer le discours. Il sera ainsi nécessaire de remettre le projet dans un contexte global, en évoquant le fonctionnement des postes actuels, parfois anciens (radio sol-train, SAAT) ainsi que les postes contemporains – il y a matière à, puisque le poste 1 a été remplacé par une CCR.

Il importe aussi de relativiser cet état de fait en remettant le poste 1 dans un contexte plus général, d’autres postes

potentiellement appelés à reprendre du service dans le cadre du programme

« Postes remarquables » pouvant être conservés dans leur état actuel. Les quelques postes d’aiguillage ouverts au public, par exemple dans le cadre des Journées européennes du patrimoine, permettent également de témoigner des procédures et pratiques actuelles.

Publics cibles du projet L’installation est destinée à être animée par des bénévoles encadrant une dizaine de visiteurs lors de visites guidées payantes d’une durée d’une heure environ. Le rythme sera dans un premier temps limité à quatre ou six visites par semaine, réparties sur deux demi-journées ou en soirée. Il sera ajusté selon le succès de l’opération : il n’existe en effet aucun projet comparable en France permettant une projection, même si le succès du poste 1 lors des Journées européennes de 2017 et 2019 laisse augurer de bons résultats. Il importe toutefois de bénéficier de bénévoles en nombre suffisant, la construction d’une communauté-soutien disponible faisant partie intégrante du projet.

L’objectif est d’initier les visiteurs au fonctionnement des postes d’aiguillage SNCF et de les sensibiliser aux contraintes et enjeux spécifiques du transport ferré – notamment environnementaux et sécuritaires. Concrètement, la visite sera, dans un premier temps, repositionnée dans un contexte général – à quoi sert un poste d’aiguillage ?, etc. – et accompagnée d’un bref historique technique destiné à permettre au public de comprendre quelles sont les spécificités du poste Thomson-Houston de Lyon-Perrache 1. Il est d’ailleurs envisagé qu’à terme un petit poste mécanique de

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Olivier VELLAY quelques leviers ainsi qu’un PRS viennent

compléter les installations, de façon à ce que les ancêtres et les descendants technologiques directs soient représentés.

Enfin, quelques réceptions et expéditions de train compléteront ces courtes cessions, afin de présenter comment la sécurité des circulations est assurée.

Les amateurs sont également ciblés, des visites d’une demi-journée (ou plus) leur étant spécifiquement dédiées. Elles seront approfondies, incluant une description complète ainsi qu’un historique des évolutions des installations du poste 1, de la gare de Lyon-Perrache, du nœud ferroviaire lyonnais, de manière à repositionner ces différents éléments dans leur contexte ferroviaire. La simulation sera le support permanent de la visite, permettant d’expliquer le fonctionnement des différents enclenchements, des différentes procédures, etc.

De manière sans doute plus marginale mais révélatrice, le poste pourrait également trouver son public auprès de personnels SNCF en formation. En effet, fort récemment, un mécanicien- instructeur lyonnais a fait part de son plus vif intérêt quant au projet de reconversion.

L’instructeur intègre en effet dans la formation des futurs mécaniciens un volet dédié à la sécurité des circulations, aux postes d’aiguillages, aux enclenchements, etc. Toutefois, les visites dans les postes en activité ne sont pas toujours possibles, les aiguilleurs sont occupés et parfois peu disponibles ; aussi, le poste 1 constitue pour lui un formidable outil pédagogique potentiel.

Illustration 10. Une visite guidée lors des Journées européennes du patrimoine 2019 (source : © Olivier Vellay).

Les étapes principales du projet

Le projet est dissocié en deux volets principaux : la partie « simulation et restitution » et la partie « accueil du public et mise aux normes du bâtiment ». Les deux volets se déconstruisent en différentes étapes, obligatoires ou facultatives.

La partie « simulation et restitution » est la plus longue. Elle se déroule ainsi :

• 1. compréhension du fonctionnement des installations et transcription de ce fonctionnement, à destination des partenaires potentiels, rédaction d’un cahier des charges ;

• 2. consultation de différentes entreprises et mise en concurrence, harmonisation des devis et sélection d’une entreprise ;

• 3. premiers développements et tests de validation de l’architecture logicielle et électronique, menés sur l’installation.

• 4. mise en service d’une première partie des installations dite de V1 : itinéraires

« simples », TCO, verrous de levier et de balanciers. Cette phase est en cours ;

• 5. mise en service des autres dispositifs, dits de V2 : commutateurs de fermeture

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Olivier VELLAY

d’urgence, annulateurs, itinéraires spéciaux (contre-sens, etc.). À ce stade, la simulation est complète ;

• 6. développement des modules immersifs : éléments de mobilier, téléphonie, bandes- son, etc. ;

• 7. à plus long terme, il pourrait être intéressant de disposer d’outils peu intrusifs permettant de voir les trains virtuels circuler sur le réseau.

La partie « accueil du public et remise aux normes du bâtiment » regroupe les travaux devant être menés afin de pouvoir procéder à l’ouverture au public de l’établissement, mais aussi les travaux dits « de confort » permettant un accueil dans de bonnes conditions. Il importe ainsi d’aménager un espace d’accueil en rez-de-chaussée, d’équiper l’édifice de toilettes fonctionnelles, de repeindre les parties les plus dégradées de l’édifice, de reprendre linoléums et faux-plafonds, etc. Il sera aussi nécessaire d’installer une alarme fonctionnelle, de remplacer les éclairages électriques de sécurité, de flécher au moyen d’équipements adaptés la position de la sortie de secours, de reprendre l’ensemble du réseau électrique afin de repartir sur des bases connues et répondant aux normes, etc. Le démarrage de ces différents travaux est conditionné par l’obtention de différents documents auprès de SNCF Réseau mais aussi de la part des services d’instruction de la ville de Lyon.

Si vous souhaitez obtenir plus d’informations sur le projet, deux médias sont à privilégier : le site Internet de pré- sentation du projet : http://poste1.fr/

et la page Facebook « Perrache poste 1 » qui présente les dernières avancées à travers de courts posts hebdomadaires.

Bibliographie

Bouvier JA. (1945). « La gare de Perrache. Ses conditions de site et les conséquences de son établissement », Les Études rhodaniennes, vol. 20, n° 1-2, p. 97-111.

Caralp-Landon R. (1952). « Transformations dans le nœud ferroviaire lyonnais », Revue de géographie de Lyon, vol. 27, n° 4, p. 369-378.

Jay et Brasseur. (1952). « Modifications d’installations dans la région Lyonnaise en vue de l’électrification », RGCF, n° février, p. 59-72.

Rivet F. (1946). « Le quartier Perrache, contribution à l’histoire et à la géographie de Lyon », Les Études rhodaniennes, vol. 21, n° 3-4, p. 125-130.

Références

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