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La Très Sainte Eucharistie. Le Père Bernard Mulcahy, O.P.

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Academic year: 2022

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Texte intégral

(1)

Le Père Bernard Mulcahy, O.P.

La Très Sainte Eucharistie

V

VERITAS

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La série Veritas est dédiée à l’abbé McGivney (1852-1890), prêtre de Jésus Christ et fondateur des Chevaliers de Colomb.

(3)

La Très Sainte Eucharistie

PAR

L

E

P

ÈRE

B

ERNARD

M

ULCAHY

, O.P.

Les Chevaliers de Colomb présentent La Série Veritas

« Proclamer la foi au cours du troisième millénaire »

Collection dirigée par le père Juan-Diego Brunetta, O.P.

Service d’Information Catholique Conseil Suprême des Chevaliers de Colomb

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Nihil obstat Censor Deputatus

Mgr Laurence R. Bronkiewicz, S.T.D.

Imprimatur Mgr William E. Lori, S.T.D.

Évêque de Bridgeport, Connecticut 7 juin 2006

Le Nihil Obstat et l’Imprimatur sont des déclarations officielles qu’un livre ou un dépliant est libre d’erreurs doctrinales ou morales. Ces déclarations ne sous-entendent pas que les personnes qui ont accordé le Nihil Obstat et l’Imprimatur sont en accord avec le contenu, les opinions ou les déclarations exprimés.

Copyright © 2008-2019 par le Conseil Suprême des Chevaliers de Colomb. Tous droits réservés.

Couverture : Fra Angelico (ca.1387-1455), La Dernière Scène. Museo di San Marco, Florence, Italie.

© Erich Lessing/Art Resource, New York.

Toute représentation, transmission ou reproduction intégrale ou partielle de ce livre, sous quelque forme ou par quelque moyen que ce soit, électronique, mécanique, photographique, magnétique, numérique ou tout autre, sans l’autorisation écrite de l’éditeur, est strictement interdite.

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PO Box 1971 New Haven, CT 06521-1971 USA www.kofc.org/informationcatholique

cis@kofc.org Téléphone : 203-752-4267 Télécopieur : 800-735-4605 Imprimé aux États-Unis d’Amérique

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TABLE GÉNÉRALE

Terminologie et point de vue . . . 5

Introduction . . . 6

Première partie : Le Banquet Eucharistique . . . 12

Deuxième partie : L’Eucharistie, Le Véritable Sacrifice du Christ. . . 19

Le Sacrifice Suprême . . . 22

Troisième partie : La Réception de L’Eucharistie . . . 27

Bibliographie . . . 34

Lectures conseillées . . . 35

Au sujet de l’auteur . . . 36

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TERMINOLOGIEETPOINTDEVUE

L’Église catholique, dite une, sainte, catholique et apostolique, est constituée d’une communion de croyants issus de 21 Églises caractérisées par leur adhésion à une forme particulière d’élaboration théologique, de pratique liturgique, de vie spirituelle et de droit canonique. Chacune des 21 Églises reste attachée à la discipline de la foi et fidèle à la vérité révélée.

Bien que le plus grand nombre de catholiques appartienne à l’Église latine, plusieurs Églises orientales, moins nombreuses, sont également catholiques et font donc partie de l’Église universelle : parmi celles-ci, il y a l’Église maronite (Libanais catholiques), l’Église byzantine composée des Églises ruthénienne, ukrainienne, melkite et autres, l’Église arménienne, l’Église syrienne et l’Église copte (Égyptiens catholiques).

Chacune de ces différentes Églises est en pleine communion avec l’évêque de Rome, le pape, et les catholiques de rite latin peuvent célébrer validement leurs sacrements. Sauf pour les maronites, les Églises orientales ont une église orthodoxe s?ur. Pour des motifs relevant de la simplicité, la présente brochure a recours à la terminologie commune aux catholiques de rite latin. Par exemple, nous parlerons de la « messe » pour signifier la liturgie eucharistique, bien que la plupart des catholiques de rite oriental disent plutôt la « divine liturgie ». Dans l’Église latine, le terme de

« sacrement » est utilisé tandis que les catholiques de rite oriental diront

« mystère ». De même, la plupart des descriptions propres au rituel se rapporteront aux pratiques du rite latin, celui-ci étant le plus en usage aux États-Unis et au Canada.

Dans cette série de livrets, le numéro 342, intitulé The Eastern Churches (Les Églises orientales), donne un aperçu de l’histoire et du patrimoine féconds des Églises catholiques orientales.

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INTRODUCTION

À un moment précis de la messe catholique, le prêtre invite l’assemblée en disant : « Élevons notre cœur », en latin Sursum Corda. Et les fidèles répondent : « Nous le tournons vers le Seigneur ».

Quand il s’agit de Dieu et des choses de Dieu, même les croyants doivent se faire rappeler : « Élevons notre cœur ». En effet, tant nos cœurs que nos esprits, c’est triste à avouer, sont enclins de se laisser aller pour s’accommoder non pas à Dieu, mais plutôt aux champs d’intérêt et aux exigences de la chair et de la vie terrestre. En réfléchissant sur la sainte Eucharistie, surtout durant la messe et lorsque nous communions, nous devons faire tout notre possible, moyennant le secours de Dieu, pour tourner les tendances de nos cœurs vers le sommet de l’action du Dieu.

Avant de tourner notre attention vers les gestes de Dieu, nous nous devons de nous arrêter sur le Très-Haut lui-même. Dieu se suffit à lui- même. Il n’a besoin de rien et aucune créature ne peut menacer ou lui enlever le bonheur du Créateur. Toujours et pour l’éternité, Dieu est Père de son divin Fils éternel et, avec son Fils, la source de l’Esprit Saint. De concert l’un avec l’autre, le Père et le Fils et l’Esprit Saint vivent en perfection sans fin de beauté, amour, sainteté, unité et vérité.

Puisque Dieu n’avait aucun besoin de créer, il s’ensuit qu’il a fait l’univers grâce à sa bonté, sa liberté et sa générosité. De plus, il ne s’est pas restreint à créer les étoiles, les planètes et les animaux, mais il a choisi aussi de créer des personnes pour partager sa propre vie divine et son bonheur infini. Il créa ces personnes en deux espèces, les anges et les êtres humains. Dieu fit en sorte que les anges et nous-mêmes puissions recevoir de lui le don (ou la grâce) de le connaître et de le servir, d’habiter avec lui et de participer à sa propre vie et joie divines.

Toutefois, la création pure et simple des anges et des êtres humains n’a pas le même effet que de les amener à l’infinité et la perfection de la vie divine. De fait, nous savons que, une fois créés, l’être humain (représenté par nos premiers parents, que l’Écriture sainte nomme Adam et Ève) et quelques anges également, sont « tombés » à cause de leur péché. Pour ce qui est de l’être humain, il en résulta qu’il se trouva éloigné

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de Dieu, plongé dans une importante perturbation du bon ordre dans lequel nos corps et nos âmes avaient été créés. Depuis lors, nous vivons des conséquences de cette chute — péché, vice, passions déréglées, oubli de Dieu, souffrance, maladie et mort.

Puisque Dieu connaît tout, notre chute ne le prit certainement pas par surprise. Nous pourrions même être tentés de nous demander :

« Pourquoi ne nous a-t-il pas arrêtés? » Certes, nous serions laissés à réfléchir à toutes ces choses, si Dieu n’avait pas, dans la plénitude des temps, commencé à se révéler de nouveau et à procéder non seulement à une restauration de l’être humain déchu, mais encore à une nouvelle exaltation de l’être humain non encore imaginée. Peu importe le bonheur qu’eurent connu Adam et Ève avant leur péché et ses affreuses conséquences, leur bonheur ne se compare en rien aux bénédictions, à la joie et à la gloire dont Dieu lui-même a décidé de nous combler en Jésus Christ. À vrai dire, Dieu lui-même ne pouvait arriver à nous offrir un don plus grand ou nous mener à une vie plus élevée, que ce qui nous est accordé dans le Christ : étant unis au Seigneur Jésus, non seulement nos péchés sont-ils pardonnés et nous en sommes purifiés. Il y a plus encore.

Nous sommes rendus dignes de partager réellement la vie divine même de Dieu. Dieu le Père nous invite à entrer dans la Sainte Trinité par son Fils éternel qui « s’est fait humain pour que les êtres humains puissent devenir Dieu », comme le déclare saint Augustin. Dieu nous offre de devenir membre de son Fils éternel et, ce faisant, il s’offre Lui-même à nous, rien de moins.

Tout comme il n’était pas possible d’imaginer totalement d’avance la grandeur de la générosité divine, aussi était-il impossible d’anticiper les merveilleuses façons dont il s’est pris pour en arriver à réaliser son projet.

Comme nous le savons, après des siècles de préparation à se doter d’une nation choisie, le peuple juif, Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde. Comme nous l’affirmons dans le Symbole des apôtres, le Fils éternel « a été conçu du Saint-Esprit, est né de la Vierge Marie, a souffert sous Ponce Pilate, a été crucifié, est mort et a été enseveli, est descendu aux enfers, le troisième jour est ressuscité des morts, est monté aux cieux, est assis à droite de Dieu le Père tout-puissant, d’où il viendra juger les vivants et les morts ».

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Jusqu’ici, nous avons examiné deux réalités. D’abord, Dieu s’est donné un plan pour mener les créatures (que nous sommes) dans une étonnante intimité avec lui. Ensuite, ce plan se réalise grâce à la vie, la mort et la résurrection de Jésus Christ, lui, l’éternel Fils de Dieu venu parmi nous comme homme parfait. Maintenant, nous nous tournons vers les sacrements pour comprendre précisément comment l’action salvatrice de Jésus Christ se fait présente, concrètement, à nous en notre temps et en nos lieux.

Avant sa mort, Jésus Christ s’est associé des disciples, parmi lesquels surtout, les Douze Apôtres. À ces hommes choisis, le Christ a confié la mission de prêcher l’Évangile et de gouverner ses disciples (c’est-à-dire, son Église). Toutefois, et qui relève davantage du mystère, il leur a confié son œuvre de sanctification, soit de répandre les grâces de la vie divine sur les croyants. Pour ne citer qu’un exemple, nous pouvons constater cette mission confiée aux Apôtres à la fin de l’Évangile de saint Matthieu, où nous trouvons :

Jésus s’approcha d’eux et leur adressa ces paroles : « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre. Allez donc! De toutes les nations faites des disciples, baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit; et apprenez-leur à garder tous les commandements que je vous ai donnés. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. » (Matthieu 28, 18-20)

Il est remarquable que le Seigneur n’ait pas envoyé ses Apôtres seulement pour prêcher au monde entier et, sous son autorité divine, instruire les gens. Il les a envoyés également, munis de nouveaux moyens de prière, de bénédiction et de consécration — le Baptême, comme on peut le constater dans le passage ci-dessus, et aussi les autres sacrements que le Christ a confiés à ses disciples.

En tout, Jésus Christ a légué sept sacrements à son Église. Grâce aux sacrements, l’Esprit Saint rend présente et agissante en nous l’action salvatrice de Jésus Christ. Voici la liste des sept sacrements et quelques textes bibliques qui les corroborent :

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Le Baptême (Matthieu 28, 19) La Confirmation (Apôtres 8,17; 19, 6) L’Eucharistie (Luc 22, 19)

Le Pardon (Jean 20, 23)

Le Mariage (Éphésiens 5, 25; Matthieu 19, 3-9) L’Onction des malades (Jacques 5, 14ss)

L’Ordre (2 Timothée 1,6; 2,2)

Le Seigneur Jésus a légué ces sacrements à l’Église comme moyens privilégiés par lesquels il agirait lui-même dans le monde entre le moment de son ascension dans le ciel et son retour dans la gloire à la fin du monde.

Dans chacun des sacrements, c’est le Christ qui agit par l’entremise naturelle et visible de ses ministres. Les sacrements ne dépendent pas de la sainteté du ministre terrestre pour agir, bien que quiconque les reçoit sans le respect qui leur est dû en diminue les fruits.

Parmi les sacrements, six confèrent des dons spirituels particuliers : la renaissance spirituelle (le Baptême), l’effusion particulière de l’Esprit Saint (la Confirmation), le pardon des péchés commis après le Baptême (la Pénitence, appelée aussi Confession ou Réconciliation), l’union d’un homme et d’une femme pour la vie (le Mariage), l’augmentation des forces spirituelles des personnes en danger de mort pour cause de maladie et d’âge avancé (l’Onction de malades), et la consécration à l’autorité sacrée d’enseigner, de gouverner et de bénir dans l’Église (l’Ordre).

L’Eucharistie, le septième sacrement, diffère des six autres en ce qu’il n’est pas seulement un moyen par lequel le Christ agit pour produire un effet. L’Eucharistie contient et nous livre plutôt Jésus Christ lui-même, dans sa réalité totale de Dieu et d’homme. Dans l’Eucharistie, le Christ est présent en substance, c’est-à-dire dans l’être plénier et vrai de sa divinité et de son humanité — sa chair et son sang corporels, son âme humaine.

L’Eucharistie ne fait pas que symboliser le Christ, nous rappeler le Christ ou encore représenter le Christ : l’Eucharistie, c’est le Christ, dans la perfection de sa présence corporelle.

Comment pouvons-nous affirmer que l’Eucharistie, c’est Jésus Christ? Qu’est-ce que cela signifie et comment pouvons-nous de découvrir

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dans l’Écriture? Comme guide dans notre recherche sur cette question, nous aurons recours au saint qui, peut-être, est le plus grand théologien de l’Eucharistie : saint Thomas d’Aquin (1225 – 1274), membre de l’ordre des prêcheurs (les Dominicains), homme de grande sainteté et l’un des penseurs les plus brillants qu’ait connu l’Église.

Thomas d’Aquin n’a pas qu’écrit des livres de théologie, il composa également des hymnes. De fait, au début des années 1260, le pape Urbain IV demanda à saint Thomas de composer un ensemble de prières pour la fête du Saint-Sacrement du Corps et du Sang du Christ (la Fête-Dieu), le jour où l’Église célèbre la présence réelle de Jésus Christ dans l’Eucharistie. Il en résulta une collection d’hymnes qui, en plus d’être très belles, est riche en vraie foi et doctrine. Les hymnes sont si exceptionnels que l’Église les conserve précieusement depuis lors, et dans chacun d’eux se trouve un admirable résumé de ce que les catholiques croient sur la Sainte Eucharistie.

Ce petit livret est aussi publié dans le but de résumer les croyances de l’Église en ce qui concerne l’Eucharistie. En suivant les traces de saint Thomas d’Aquin, notre explication récapitulera l’hymne qu’il a écrit pour le chant de la première heure de la Fête du Saint-Sacrement. Cet hymne a comme titre les deux premiers mots de sa version latine originelle, Sacris sollemnis.1 En voici une version française.

Qu’à ces saintes solennités répondent les transports de joie, Et que du fond des cœurs résonne la louange :

Loin de nous le vieil homme et que tout soit nouveau : Les cœurs, les voix, les œuvres.

Le mystère de cette fête, c’est le banquet suprême de la nuit Où le Christ, comme nous le croyons,

Commença par servir à ses frères l’agneau et les azymes, Pour accomplir la loi jadis octroyée à leurs pères.

1 Saint Thomas d’Aquin, Sacris Sollemnis, Hymne du matin de la fête du Christ-Roi.

Traduction française, Paroissien romain contenant la messe et les vêpres des dimanches et principales fêtes avec traduction de textes, Société de saint Jean l’Évangéliste, Desclée & Cie, Paris, Tournai, Rome, 1952.

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Puis, après la figure, à la fin du repas, Son propre corps qu’il donna de ses mains,

Ainsi que nous le confessons, lui, le Seigneur, à ses disciples, Tout entier à tous, tout entier à chacun.

À leur faiblesse, il donna son corps en nourriture;

À leur tristesse, il donna son sang comme breuvage, disant : Prenez la coupe que voici, et puis, buvez-en tous.

Ainsi fut institué par lui ce sacrifice, Dont il lui plut de ne confier la charge Qu’à ses seuls prêtres, auxquels il appartient De prendre et de donner aux autres.

Ainsi, le pain des anges devient le pain des hommes;

Ainsi, le pain de ciel accomplit les figures;

Ainsi, l’homme, ô merveille, dans sa pauvreté Sa sujétion, sa bassesse, se nourrit du Seigneur.

Ô Dieu de l’unité, Dieu de la Trinité, venez à nous par votre grâce, Ô vous l’objet de notre culte; conduisez-nous, par vos sentiers Au terme où nous tendons à la lumière, votre lieu de séjour.

Amen.

Pour nous guider à travers les trois notions vitales de la foi eucharistique de l’Église, nous réunirons chacun de ces sept couplets en groupe de trois. D’abord, nous nous arrêterons sur les deux premiers et nous examinerons l’Eucharistie en tant que festin, comme Pâque nouvelle et authentique. Ensuite, nous développerons les trois couplets suivants pour constater que l’Eucharistie constitue le Corps et le Sang de Jésus Christ — réellement, et non seulement comme symbole ou comme figure.

En même temps, nous verrons pourquoi l’Église dit de l’Eucharistie qu’elle est sacrifice. Enfin, nous prendrons les couplets six et sept de notre hymne pour réfléchir sur les motifs qui nous amènent à partager l’Eucharistie. Ces derniers couplets sont certes les mieux connus de cet hymne, puisqu’ils forment les paroles du Panis Angelicus, prière qui, au cours des siècles, a été mise en musique par des douzaines de compositeurs.

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Première partie LE BANDQUET EUCHARISTIQUE

Qu’à ces saintes solennités répondent les transports de joie, Et que du fond des cœurs résonne la louange :

Loin de nous le vieil homme et que tout soit nouveau : Les cœurs, les voix, les œuvres.

Le mystère de cette fête, c’est le banquet suprême de la nuit Où le Christ, comme nous le croyons,

Commença par servir à ses frères l’agneau et les azymes, Pour accomplir la loi jadis octroyée à leurs pères.

L’Eucharistie est célébrée en tant que festin, comme un repas rituel, solennel. C’est un aspect qui est clair, même pour le non-croyant qui se rend à l’église simplement pour observer. Évidemment, il y a le prêtre : un homme portant des vêtements étranges qui semble présider toute l’activité; après quelques lectures et peut-être une homélie, celui-ci se rend à l’autel (qui ressemble plus ou moins à une table) et après avoir récité diverses prières et fait quelques gestes, il distribue aux gens ce qui ressemble simplement à du pain et du vin. Cela est suivi d’autres prières et tout le monde retourne à la maison. N’importe qui peut deviner que c’est cette nourriture que les gens étaient venus chercher.

Bien que superficiel, le point de vue de ce non-initié sur l’Eucharistie n’est pas tout à fait inexact. En effet, l’Eucharistie est bel et bien un banquet au cours duquel se consomment du pain et du vin.

Pourtant, la réalité de ce qui se passe dépasse largement toute apparence visible à l’œil nue.

L’hymne que nous examinons nous donne un indice nous permettant de découvrir comment l’Eucharistie délaisse « la loi jadis octroyée à leurs pères » pour « servir à ses frères l’agneau et les azymes ».

Il suffit de connaître un peu la religion juive pour reconnaître cette allusion à la plus grande fête de l’Ancien Testament : la Pâque, au cours de laquelle Dieu libéra les enfants d’Israël de l’esclavage d’Égypte.

Nombreux sont les liens entre l’Eucharistie et les alliances et les sacrifices de l’Ancien Testament. Commençons par la mention de l’agneau

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sacrificiel. En scrutant l’Écriture, nous découvrons que l’agneau est l’animal de prédilection pour le sacrifice offert à Dieu. En Genèse 4, 2, nous voyons que Abel (le deuxième fils d’Adam et Ève) plut à Dieu en lui offrant en sacrifice le premier-né des moutons. Plus tard au cours de l’Ancien Testament, quand Abraham fait preuve de vouloir obéir à Dieu en offrant en sacrifice son fils unique, Isaac, il prophétisa en disant : « Dieu saura bien trouver l’agneau pour l’holocauste » (Genèse 22, 8). Et au cours des siècles, le peuple juif a suivi les ordres de Dieu en sacrifiant à Dieu des agneaux — parmi d’autres animaux.2

Toutefois, la mention la plus importante aux agneaux dans l’Ancien Testament se trouve dans le récit de la Pâque. C’est aussi le passage où le sacrifice d’un agneau inclut également les « pains sans levain » ou pains azymes, c’est-à-dire, dont la pâte ne lève pas. La Pâque eut lieu en cette nuit où Dieu libéra les Israélites en les faisant sortir de la terre d’Égypte.

Cette nuit-là, Dieu envoya son ange pour tuer les premiers-nés des Égyptiens. Par l’intermédiaire de Moïse, cependant, Dieu ordonna aux Israélites de partager un repas de sacrifice qui assurerait la survie de leurs fils premiers-nés et renforcerait le peuple dans leur fuite empressée d’Égypte. Voici le commandement que Dieu leur donna tel que raconté dans le livre de l’Exode :

[Le Seigneur dit à Moïse :] « Parlez ainsi à toute la communauté d’Israël : le dix de ce mois, que l’on prenne un agneau par famille, un agneau par maison. Si la maisonnée est trop peu nombreuse pour un agneau, elle le prendra avec son voisin le plus proche, selon le nombre des personnes. Vous choisirez l’agneau d’après ce que chacun peut manger. Ce sera un agneau sans défaut, un mâle, âgé d’un an. Vous prendrez un agneau ou un chevreau. Vous le garderez jusqu’au quatorzième jour du mois. Dans toute l’assemblée de la communauté d’Israël, on l’immolera au coucher du soleil. On prendra du sang, que l’on mettra sur les deux montants et sur le linteau des maisons où on le mangera. On mangera sa chair cette

2 Voir, par exemple : Lévitique 3, 7; 5, 6; 14, 10-25; 23, 12-19; Nombres 6, 12-14; 7, 15-81; 15, 5; 28, 7-29, 15; 1 Chroniques 29, 21; 2Ch 29, 21-32; Esdras 6, 9; Isaïe 1, 11, 34, 6; Ézéchiel 46, 4-15; Daniel 3, 40.

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nuit-là, on la mangera rôtie au feu, avec des pains sans levain et des herbes amères. Vous n’en mangerez aucun morceau qui soit à moitié cuit ou qui soit bouilli; tout sera rôti au feu, y compris la tête, les jarrets et les entrailles. Vous n’en garderez rien pour le lendemain;

ce qui resterait pour le lendemain, vous le détruirez en le brûlant.

Vous mangerez ainsi : la ceinture aux reins, les sandales aux pieds, le bâton à la main. Vous mangerez en toute hâte : c’est la Pâque du Seigneur…

…Cette nuit-là, je traverserai le pays d’Égypte, je frapperai tout premier-né au pays d’Égypte, depuis les hommes jusqu’au bétail.

Contre tous les dieux de l’Égypte, j’exercerai mes jugements : je suis le Seigneur. Le sang sera pour vous un signe, sur les maisons où vous serez. Je verrai le sang, et je passerai : vous ne serez pas atteints par le fléau dont je frapperai le pays d’Égypte » (L’Exode 12, 3-13).

La Pâque n’a pas été célébrée qu’une seule fois. Le Seigneur commanda plutôt aux Israélites d’être fidèles à la fête de la Pâque chaque année comme mémorial de l’événement originel. « Ce jour-là sera pour vous un mémorial. Vous en ferez pour le Seigneur une fête de pèlerinage.

C’est une loi perpétuelle : d’âge en âge vous la fêterez » (L’Exode 12, 14).

Et comme ont été frappés par le passage du Seigneur tous ceux qui n’ont pas observé la Pâque, ainsi le Seigneur dit à son peuple que lorsqu’il observerait la fête à travers les âges, quiconque n’en ferait pas l’observance

« cette personne-là sera retranchée de la communauté d’Israël » (L’Exode 12, 19).

La raison pour laquelle il était vital que soit observée la Pâque, même après que l’événement lui-même fut passé, c’est que le « mémorial » n’était pas chose du passé dont on devait tout simplement se remémorer dans le sens ordinaire du terme. C’était plutôt que la fête commémorative de la Pâque implique que Le Seigneur se souvient de son peuple — non pas

« qu’il s’en souvienne », comme s’il l’avait oublié, mais « qu’il s’en souvient » dans le sens qu’il lui est « attentif » à tout moment, qu’il pense à lui, et que, en fidélité à ses promesses d’autrefois, il agit favorablement à son égard, maintenant.

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La Pâque était un mémorial à caractère unique, puisqu’il actualisait dans le moment présent un événement passé et concrétisait un événement passé dans le présent, le rendant réel, continu et vivant à une date ultérieure. C’est pourquoi, le Seigneur a prévenu les Israélites que même après avoir quitté l’Égypte, ils devaient, d’âge en âge, expliquer le sens de la Pâque à leurs enfants, non en tant que simple symbole ou rappel de ce que le Seigneur avait fait, mais bien comme le même sacrifice, la même Pâque, la même observance, auxquels le Seigneur avait encore recours pour démarquer son peuple parmi ses voisins païens. La Pâque continuerait d’être de qu’elle avait été, et a effectué ce qu’elle avait effectué, la première fois que le peuple en avait fait l’observance. Ainsi dit le Seigneur :

« Quand vous serez entrés dans le pays que le Seigneur vous donnera selon sa promesse, vous conserverez ce rite. Et quand vos fils vous demanderont : “Que signifie pour vous ce rite?” vous répondrez :

“C’est le sacrifice de la Pâque en l’honneur du Seigneur” » (L’Exode 12, 25-27).

En tenant compte de toutes ces choses, nous pouvons nous tourner vers la Dernière Cène. Ce fut le dernier repas que le Seigneur Jésus Christ a pris avec les douze, et le dernier également avant sa mort sur la croix. Il a eu lieu dans la soirée du jeudi et il ne s’agissait pas d’un repas ordinaire puisque c’était la fête de la Pâque annuelle. Et beaucoup plus encore.

Parfois, le Christ parlait d’accomplir un « exode » à Jérusalem (cf. Luc 9, 31), ce qui, à l’époque, avait peu de signification pour les disciples. En effet, on n’en doutait pas, il n’y avait eu qu’un seul exode, celui, il y a longtemps, où Moïse avait libéré Israël d’Égypte. Dans un discours plus clair, le Seigneur se mit à établir une relation entre la fête de la Pâque et sa propre mort lorsqu’il dit : « Vous savez que la Pâque arrive dans deux jours et que le Fils de l’homme va être livré pour être crucifié » (Matthieu 26, 2). Puis, lorsque le jour arriva, « les disciples vinrent dire à Jésus : “Où veux-tu que nous fassions les préparatifs de ton repas pascal?” » (Matthieu 26, 17). « Quand l’heure fut venue, Jésus se mit à table et les Apôtres avec lui. Il leur dit : “J’ai ardemment désiré manger cette Pâque avec vous avant de souffrir!” » (Luc 22, 14-15).

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Les Apôtres apprendraient bien assez tôt pourquoi Jésus avait tellement hâte de manger cette Pâque avec eux et ce qu’il signifiait quand il parlait d’un nouvel exode. En effet, à cette Pâque, la Dernière Cène, le Christ introduirait un élément nouveau et miraculeux, un élément que les anciens rites de la Pâque n’avaient que préfiguré : l’Alliance nouvelle et éternelle, la nouvelle Pâque de son sacrifice parfait.3

À la Dernière Cène, le Christ s’est révélé l’agneau du sacrifice, l’Agneau de la Pâque, de la Nouvelle Alliance. Réalités qu’avaient prédites les prophètes tout au long de l’Ancien Testament et révélées au début de la vie publique du Christ dans les paroles de saint Jean Baptiste. L’un des événements les plus mystérieux du Nouveau Testament s’est produit lorsque Jésus Christ se rend au Jourdain pour être baptisé par Jean. On y découvre le passage où Jean « voyait Jésus venir vers lui, il dit :

“Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde.” » (Jean 1, 29).

Ce titre d’Agneau de Dieu a dû laisser perplexes ceux qui l’entendirent.

Pourquoi Jean a-t-il appelé Jésus l’Agneau de Dieu? Et quel rapport ce titre avait-il avec “le péché du monde?” Le mystère n’y sera élucidé qu’à la Dernière Cène.

Comme nous le révèle l’Écriture, le Christ a institué l’Eucharistie après avoir mangé le repas de la Pâque avec ses douze Apôtres. C’est par la Dernière Cène, par sa passion, sa mort, sa résurrection et son Ascension dans le ciel que le Christ a fait en sorte que s’accomplissent les alliances et les promesses de l’Ancien Testament. C’est pourquoi il parle de « la nouvelle alliance en mon sang » (Luc 22, 20) et qu’il dit que son sang

« sera répandu pour la multitude » (Marc 14, 24).

Nous ne pouvons qu’imaginer ce que les Apôtres ont pensé de ce don reçu à la Dernière Cène puisqu’il n’est pas clair à quel point ils ont compris ce qui se passait. Il est vrai qu’ils n’auraient pas à y penser trop longtemps puisque, le soir même, Jésus serait trahi par Judas, arrêté par les autorités juives et finalement remis aux Romains. À l’aube, il a

3 Le Nouveau Testament donne le récit de l’institution de l’Eucharistie en termes semblables, mais un peu différemment. Voir Matthieu 26, 26-28, Marc 14, 22-24, Luc 22, 19-20 et 1 Corinthiens 11, 23-26.

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comparu devant Ponce Pilate, a été flagellé, condamné et conduit à sa crucifixion.

C’est seulement le troisième jour après sa mort — le matin de Pâques — que les Apôtres commenceraient à comprendre ce que Jésus avait l’intention d’accomplir à la Dernière Cène. D’abord, ils ont dû être en même temps stupéfaits, débordants de joie et remplis de crainte.

Cependant, Jésus leur apparaîtrait maintes et maintes fois au cours des quarante jours qui suivirent, les instruisant et leur faisant comprendre la vérité sur sa résurrection des morts comme un fait réel, matériel et corporel.

« …Jésus lui-même était là au milieu d’eux et il leur dit : “La paix soit avec vous !” Frappés de stupeur et de crainte, ils croyaient voir un esprit. Jésus leur dit : “Pourquoi êtes-vous bouleversés ? Et pourquoi ces pensées surgissent-elles en vous ? Voyez mes mains et mes pieds : c’est bien moi ! Touchez-moi, regardez : un esprit n’a pas de chair ni d’os, et vous constatez que j’en ai.” » (Luc 24, 36-49) De l’Évangile de Jean, nous apprenons que l’Apôtre Thomas (que parfois on appelle « l’incrédule ») était absent quand le Seigneur est apparu à ses Apôtres.

« Or, l’un des Douze, Thomas…n’était pas avec eux quand Jésus était venu. Les autres disciples lui disaient : “Nous avons vu le Seigneur !”

Mais il leur déclara : “Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt à l’endroit des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas !”

Huit jours plus tard, les disciples se trouvaient de nouveau dans la maison, et Thomas était avec eux. Jésus vient, alors que les portes étaient verrouillées, et il était là au milieu d’eux. Il dit : “La paix soit avec vous !”

Puis il dit à Thomas : “Avance ton doigt ici, et vois mes mains; avance ta main, et mets-la dans mon côté : cesse d’être incrédule, sois croyant.”

Thomas lui dit alors : “Mon Seigneur et mon Dieu ! ” Jésus lui dit : “Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu » (Jean 20, 24-29)

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Il est certain que, jusqu’au jour de la Pentecôte, les Apôtres n’avaient pas compris au juste ce qu’ils devaient faire lorsqu’ils furent

« revêtus d’une force venue d’en haut » (Luc 24,49) et que l’Esprit Saint leur enseigna à comprendre l’enseignement et les instructions du Christ (cf. : Jean 16, 13). Cependant, les Apôtres ont passé la période entre Pâques et l’Ascension à découvrir la vérité sur la résurrection corporelle du Christ. Car Jésus Christ est ressuscité des morts avec son corps humain, la chair même de laquelle il était né de la Vierge Marie. Son corps n’est pas demeuré dans le tombeau et son âme humaine n’est pas entrée au ciel d’elle-même : la vérité, c’est plutôt qu’il est ressuscité, en chair et en os, dans la plénitude et la perfection de son humanité sacrée. Il ne fait aucun doute que le corps ressuscité de Jésus a été transformé (cf. 1 Corinthiens 15, 42-53), de telle sorte qu’il est devenu impérissable et plus que simplement physique, tout en restant un corps véritable, mais libéré des limites de sa nature originelle.

C’est seulement sous l’inspiration de l’Esprit Saint que les Apôtres ont pu rappeler et donner sens de tout ce que Jésus leur avait dit. C’est alors aussi, qu’ils ont compris ce que le Seigneur avait accompli sur la croix, et ce qu’était et ce qu’est l’Eucharistie. Comme l’explique la lettre aux Hébreux, les disciples du Christ ont compris que, dans le Christ, Dieu a rempli sa promesse d’établir « avec la maison d’Israël. Ce ne sera pas comme l’Alliance que j’ai faite avec leurs pères, le jour où je les ai pris par la main pour les faire sortir d’Égypte » (Hébreux 8, 8-9), mais plutôt une Alliance qui accomplira une libération plus grande encore et qui vous conduira dans une intimité plus grande et plus durable avec Dieu, que tout ce que put s’accomplir au cours de l’Ancien Testament.4

Le Seigneur Jésus Christ ne nous a pas délivrés de la mort éternelle et du péché n’ayant recours qu’à une action spirituelle ou simplement à une prière mentale ou à un commandement. Au contraire, il nous a sauvés en répandant son propre sang et en offrant son propre corps. Ainsi, son sacrifice fut total et global. Le Christ s’est soumis et s’est livré au Père et, en tant que prêtre, s’est offert en sacrifice infiniment plus précieux que

4 Cf. Hébreux 9, 11-26

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tout autre sacrifice : car le Christ s’est offert lui-même. Et cette offrande de lui-même fut non seulement un acte d’obéissance, mais une offrande de sa volonté tout entière, de sa vie entière, de tout son corps et de tout son sang. Rien n’a été épargné, rien n’a été retenu dans l’offrande de ce sacrifice parfait. Et, grâce à cette démarche, dans laquelle l’offrande entière fut pénétrée de l’Esprit de Dieu, le Christ tout entier — sa divinité, son âme humaine, son corps et son sang humains — est devenu pour nous le salut et la vie. Le Christ a inauguré ce que l’Écriture nomme « la voie nouvelle et vivante en pénétrant au-delà du rideau du Sanctuaire, c’est-à-dire de sa condition humaine » (Hébreux 10, 20). Ainsi donc, pour entrer au ciel, nous ne passons pas simplement par une voie mentale ou spirituelle, mais encore par la chair réelle de Jésus Christ offerte en sacrifice.

Comment cela se réalise-t-il ? Jamais nous ne pourrions deviner si Jésus Christ lui-même ne nous l’avait pas dit. Notre voie, c’est la voie qui passe par son corps, qui passe par une union avec le Seigneur qui n’est pas simplement spirituelle, mais physique, et qui nous unit à lui dans une intimité qui ne pourrait pas être plus profonde et plus entière.

Deuxième partie

L’EUCHARISTE, LE VÉRITABLE SACRIFICEDU CHRIST

Puis, après la figure, à la fin du repas, Son propre corps qu’il donna de ses mains,

Ainsi que nous le confessons, lui, le Seigneur, à ses disciples, Tout entier à tous, tout entier à chacun.

À leur faiblesse, il donna son corps en nourriture;

À leur tristesse, il donna son sang comme breuvage, disant : Prenez la coupe que voici, et puis, buvez-en tous.

Ainsi fut institué par lui ce sacrifice, Dont il lui plut de ne confier la charge Qu’à ses seuls prêtres, auxquels il appartient De prendre et de donner aux autres.

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Dans l’Évangile de Jean, nous découvrons que le Christ Seigneur a suggéré à ses disciples qu’il leur donnerait sa chair à manger, soit dans l’Eucharistie, bien avant la Dernière Cène. De fait, ce qu’il avait à leur révéler est la cause de l’abandon de plusieurs de ses disciples puisqu’ils refusaient de croire ce qu’il avait à leur dire. Qu’avait à dire Jésus de si bouleversant ?

« [Jésus dit] “Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour que le monde ait la vie.” Les Juifs discutaient entre eux : “Comment cet homme-là peut-il nous donner sa chair à manger ?” Jésus leur dit alors : “Amen, amen, je vous le dis : si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n’aurez pas la vie en vous. Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle; et moi, je le ressusciterai au dernier jour. En effet, ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson.

Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi je demeure en lui.” … À partir de ce moment, beaucoup de ses disciples s’en allèrent et cessèrent de marcher avec lui » (Jean 6, 51-56, 66).

Que Jésus eut insisté qu’il donnerait vraiment son corps et son sang inquiétait les disciples infidèles et ils trouvaient encore plus affreux que nous aurions à manger son corps et à boire son sang. Pourquoi de tels gestes seraient-ils nécessaires ou même convenables ? Comment seraient-ils même possibles ?

Le pain de l’Eucharistie n’a ni l’apparence ni ne goûte la chair ou le sang humains. Au contraire! Le pain et le vin qui sert à la messe ont l’apparence du pain et du vin. Et si nous devions en faire l’analyse chimique, nous découvririons que, au cours de la liturgie, il ne se produit aucun changement, ni physique, ni empirique. Il est raisonnable de se demander comment il peut se produire un changement réel quand nos sens nous indiquent que tout demeure inchangé.

D’abord, toute explication doit être fondée sur le fait que le sacrement de l’Eucharistie provient d’une action accomplie par Dieu.

L’Eucharistie n’est pas un phénomène naturel produit par des causes physiques naturelles, mais bien une action qui se produit par

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l’intervention directe de l’Esprit Saint. C’est seulement par la puissance de Dieu, lui qui fit l’univers, que l’Eucharistie devient possible.

Ensuite, nous devrions reconnaître que notre connaissance des objets matériels passe par nos cinq sens, à savoir, l’ouïe, le goût, le toucher, l’odorat et la vue. Nous arrivons à connaître les objets et à les reconnaître selon leur aspect extérieur, les sons et les sensations tactiles qu’ils produisent, etc. Nous observons des signes distinctifs semblables chez certaines créatures (par exemple, leur taille, leur couleur, l’aspect de leur peau, le fait que ce soient des animaux qui sautent, vivent dans l’eau et qu’ils coassent). C’est ainsi que nous les percevons comme des êtres particuliers d’une espèce commune que nous appelons la « grenouille ».

Évidemment, il arrive parfois que nous portions un jugement erroné à la suite de ce que nous rapportent nos sens. Par exemple, nous pouvons voir un objet qui a l’air d’une prune. Cet objet peut en avoir la bonne taille, la bonne couleur, le bon poids et y avoir la bonne texture extérieure.

Toutefois, il peut s’agir simplement d’une pièce de cire habilement tournée. Dans ce cas-ci, nos yeux n’ont pas été trompés, mais peut-être nous sommes-nous trompés nous-mêmes en accordant simplement trop d’importance à l’aspect visuel. En ayant recours à un autre sens, le goût par exemple, nous pourrons facilement (bien que malheureusement pour nous) découvrir la vérité sur cet objet que nous avions pris pour une prune.

Contrairement à la prune de cire qui a vraiment l’aspect d’une vraie prune, l’Eucharistie prend l’aspect d’un objet qu’elle n’est pas (c’est-à-dire, le pain et le vin), mais elle goûte, produit une odeur, a la sensation et, sous tous ses aspects, a l’air de ce qu’elle n’est pas. Dans le cas de l’Eucharistie, chaque apparence sensible est trompeuse lorsque s’y porte notre jugement naturel et quotidien. Notre connaissance de ce qui est la réalité même de l’Eucharistie ne nous vient pas de ce que nos sens nous livrent sur le sacrement, mais de ce que Dieu nous en dit — c’est-à-dire, par la foi en ce que Jésus en dit : « Ceci est mon corps. Ceci est mon sang ».

Lorsque nous demandons comment l’Eucharistie peut être un objet donné, tout en prenant l’aspect d’un autre objet, nous nous mesurons à la faiblesse de nos propres moyens de connaître. En dépit de la capacité de nos sens humains, de la capacité de notre pensée abstraite et de notre

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jugement humain, la vérité demeure que notre connaissance des objets provient de l’observation que nous en faisons « de l’extérieur », pour ainsi dire. Nous connaissons les objets de manière très imparfaite et non pas comme Dieu les connaît (ni non plus comme les anges d’ailleurs). Car Dieu ne déduit pas l’identité des objets en les observant et en rassemblant les perceptions sensibles. Il arrive plutôt que Dieu connaisse les objets

« de l’intérieur » à partir de la profondeur de leur être. Cet être en soi d’un objet s’appelle son essence. Et lorsque nous montrons du doigt un objet en particulier et que nous disons « cela », nous ne nous référons pas simplement à son apparence sensible, ni de quelle espèce il se trouve (essence), mais plutôt à une substance, à l’objet en soi.

Dans le cas de la présente discussion, il suffit de dire que, dans l’Eucharistie, il se produit un changement unique et miraculeux. Par la puissance de Dieu, ce qui, à l’origine, n’est que pain et vin, subit une merveilleuse transformation et devient Jésus Christ lui-même, en son corps, son sang, son âme et sa divinité. Toutefois, la présence corporelle du Seigneur diffère de son corps naturel et même de son corps ressuscité. En effet, dans l’Eucharistie chaque parcelle de l’hostie et chaque goutte de la coupe constituent le Christ tout entier. Il n’est pas divisé lorsque le pain eucharistique est rompu et il n’est pas détruit lorsque celui-ci est consommé. Il faut donc conclure que l’Eucharistie contient le Christ tout entier et non seulement une « partie » de lui. En même temps, il importe de noter que l’Eucharistie n’épuise pas, ni n’emprisonne le corps du Christ, puisqu’il est toujours entier, même dans son corps, dans le Ciel.

Pour progresser dans cette connaissance du fait de la mystérieuse présence du Seigneur — afin que sa réalité et sa signification nous soient révélées

— il nous faut considérer pourquoi le Seigneur est présent corporellement dans l’Eucharistie. Et pour arriver à cette considération, il nous faut reconnaître l’Eucharistie comme sacrifice.

LE SACRIFICE SUPRÊME

Avec un peu d’imagination, nous pourrions inventer une diversité de manières selon lesquelles Dieu aurait pu nous sauver. Il aurait pu faire en sorte que le Seigneur Jésus naisse, souffre et meure dans un autre lieu

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et à une autre époque qu’en Palestine, au premier siècle. Ou peut-être que Dieu aurait pu simplement vouloir notre salut et que celui-ci se serait accompli par un changement soudain invisible. Ou Jésus Christ, le Fils de Dieu fait homme, aurait pu subir une petite souffrance quelconque pour nous sauver. Après tout, en tant que vrai Dieu et vrai homme, tout sacrifice qu’il a accompli pour nous aurait été suprêmement valable.

Toutefois, comme le signale saint Thomas d’Aquin, puisque Dieu a choisi d’accomplir l’œuvre de notre salut par la mort du Christ, il convient donc que nous nous penchions sur les motifs qui ont amené la sagesse et l’amour divin à procéder comme il l’a fait. S’il avait existé une autre façon de sauver l’humanité, pourquoi Dieu aurait-il choisi la voie du sacrifice, le chemin de la Croix ?

Bien qu’il soit possible de songer à plusieurs motifs pour lesquels la mort — et une mort douloureuse et humiliante par surcroît — s’est avérée le moyen le plus approprié et le plus fructueux choisi par le Christ pour nous obtenir le salut, trois d’entre eux sont prépondérants.5

D’abord, par ses souffrances et sa mort, le Christ a manifesté la profondeur de son amour pour nous et ainsi, nos cœurs sont-ils portés à l’aimer en retour. Après tout, le fait de mourir démontre que le Christ ne mit aucune restriction à manifester jusqu’où il irait pour nous, même alors que nous étions ses ennemis. Il n’a pas attendu que nous ayons gagné sa faveur, au contraire, il a fait tout en son pouvoir pour se sacrifier tout entier. Comme l’explique saint Paul dans sa lettre aux Romains,

Frères, alors que nous n’étions encore capables de rien, le Christ, au temps fixé par Dieu, est mort pour les coupables que nous étions.

Accepter de mourir pour un homme juste, c’est déjà difficile; peut- être donnerait-on sa vie pour un homme de bien. Or, la preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ est mort pour nous alors que nous étions encore pécheurs (Romains 5, 6-8).

Offert en toute générosité et en toute liberté, un amour tel est le type même de l’amour qui évoque en nos cœurs une réponse équivalente,

5 Saint Thomas d’Aquin, Summa Theologiae III, 46,3.

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puisqu’il donne un certain aperçu à quel point Dieu nous aime et combien il désire être aimé de nous. Et puisque, somme toute, l’union à Dieu dans l’amour constitue le but de notre salut, la mort du Christ peut être perçue comme le but ultime le plus sagement approprié de notre rédemption.

Ensuite, la mort salutaire du Christ s’affirme en exemple sans précédent des vertus de justice, de fidélité, d’humilité, d’obéissance, de sacrifice de soi et que d’autres encore. Jamais il n’a donné un enseignement qu’il aurait refusé de manifester et d’accomplir dans sa vie même. En mourant pour nous, il a rendu claire la voie que nous devons suivre. Nous pouvons donc saisir que la passion et la mort du Seigneur, sa générosité parfaite et sa volonté d’accepter toutes choses ordonnées à son égard dans le plan de Dieu, deviennent pour nous un modèle et le chemin menant à la vie et la sainteté. C’est ainsi que la voie choisie pour nous sauver non seulement devient notre délivrance, mais elle nous enseigne à nous configurer à la vie nouvelle conquise pour nous par le Christ.

Enfin, la passion et la mort du Seigneur manifestent le prix à payer du salut de l’être humain, et ainsi font allusion à sa valeur. Lorsque nous nous rendons compte de ce qu’il en coûte de nous libérer du péché, nous pouvons en déduire quelque peu l’enjeu qui s’en répercute dans notre vie quotidienne. Saint Paul se prononce sur la sainteté et le prix qu’en a payé le Christ, lorsqu’il écrit aux Corinthiens:

Ne savez-vous pas que ceux qui commettent l’injustice ne recevront pas le royaume de Dieu en héritage? Ne vous y trompez pas : les débauchés, les idolâtres, les adultères, les dépravés et les pédérastes, les voleurs et les profiteurs, les ivrognes, les diffamateurs et les escrocs, ne recevront pas le royaume de Dieu en héritage. Voilà ce qu’étaient certains d’entre vous. Mais au nom du Seigneur Jésus Christ et par l’Esprit de notre Dieu, vous avez été lavés, vous avez été sanctifiés, vous êtes devenus des justes... Fuyez la débauche…

Vous ne vous appartenez plus à vous-mêmes car le Seigneur a payé le prix de votre rachat (1 Corinthiens 6, 9-11, 18-20).

Nous trouvons le même enseignement dans la première de Pierre.

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Préparez donc votre esprit pour l’action, restez sobres, mettez toute votre espérance dans la grâce que vous devez recevoir lorsque Jésus Christ se révélera. Soyez comme des enfants obéissants, cessez de modeler vos désirs sur ceux que vous aviez autrefois, quand vous étiez dans l’ignorance. Mais, à l’image du Dieu saint qui vous a appelés, soyez saints, vous aussi, dans toute votre conduite, puisque l’Écriture dit : Soyez saints, car moi, je suis saint (Lévitique 11, 44- 45). Vous invoquez comme votre Père celui qui ne fait pas de différence entre les hommes, mais qui les juge chacun d’après ses actes; vivez donc, pendant votre séjour sur terre, dans la crainte de Dieu. Vous le savez : ce qui vous a libérés de la vie sans but que vous meniez à la suite de vos pères, ce n’est pas l’or et l’argent, car ils seront détruits; c’est le sang précieux du Christ, l’Agneau sans défaut et sans tache (1 Pierre 1, 13-19).

Tirant profit de toutes ces données, nous pouvons nous former une bonne idée des raisons qui ont motivé que le Christ a dû, pour notre compte, se manifester en sacrifice sur la croix. Ce qui, de soi, devrait nous inspirer respect et gratitude ineffables et jamais nous ne devrions en finir d’en méditer la richesse.

Toutefois, dans l’Eucharistie, nous nous rendons compte que le Seigneur n’a pas voulu que son offrande en notre nom soit le geste d’un seul moment pour être relégué au passé. Au contraire, nous nous rendons compte également, que le Seigneur se présente comme notre prêtre pour toujours et qu’il se tient constamment devant Dieu le Père, intercédant pour nous dans l’humanité blessée, immolée et ressuscitée dont il s’incarna. Grâce à la révélation divine, nous avons appris que le Seigneur n’a pas cessé d’être notre sacrifice et notre Prêtre lorsqu’il est ressuscité des morts. Au contraire, en montant au ciel, le Christ a parfait son sacrifice, puisque, avec son corps humain, il est devenu notre médiateur, notre prêtre, intercédant sans cesse et montrant sans cesse ses blessures au Père en témoignage de sa passion, de son sacrifice total sur la croix.

La célébration de l’Eucharistie — soit disant la messe ou la divine liturgie — n’est pas tout simplement la commémoration d’un événement survenu dans le passé. Au contraire, c’est repris dans le présent pour nous

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sur la terre, de ce que le Christ réalise sans cesse au ciel. Le Christ est vainqueur de la mort et ne souffre plus, mais même dans la victoire, il est

« un Agneau; il se tenait debout, et il était comme immolé » (L’Apocalypse 5,6). Citant le concile de Trente (1545-1563), le Catéchisme de l’Église Catholique nous apprend que la messe est appelée sacrifice pour trois raisons.

L’Eucharistie est donc un sacrifice parce qu’elle représente (rend présent) le sacrifice de la croix, parce qu’elle en est le mémorial et parce qu’elle en applique le fruit :

[Le Christ] notre Dieu et Seigneur, s’offrit lui-même à Dieu le Père une fois pour toutes, mourant en intercesseur sur l’autel de la Croix, afin de réaliser pour eux (les hommes) une rédemption éternelle.

Cependant, comme sa mort ne devait pas mettre fin à son sacerdoce, à la dernière Cène, « la nuit où il fut livré », il voulait laisser à l’Église, son épouse bien-aimée, un sacrifice visible (comme le réclame la nature humaine), où serait représenté le sacrifice sanglant qui allait s’accomplir une unique fois sur la croix, dont la mémoire se perpétuerait jusqu’à la fin des siècles et dont la vertu salutaire s’appliquerait à la rédemption des péchés que nous commettons chaque jour (Catéchisme de l’Église Catholique § 1366).

Il vaut la peine d’insister pour dire que la remarque du Concile de Trente selon laquelle le sacrifice eucharistique visible est « comme le réclame la nature humaine ». Comme le précise saint Thomas dans son hymne, nous sommes toujours, comme les Apôtres, des êtres « de faiblesse » et souvent « de tristesse ». C’est pourquoi, non seulement le Christ s’offre- t-il sans cesse au Père dans le ciel, mais il s’offre encore à nous. Il rend présent pour nous son propre sacrifice — le même sacrifice — en le laissant offrir au Père à la messe, par le geste de prêtres humains et visibles. Et, qui plus est, le Christ nous invite à nous unir au sacrifice comme à la Pâque, à un banquet au cours duquel nous nous nourrissons de l’Agneau de Dieu et, grâce à cette intimité corporelle profonde, nous entrons dans la vie céleste.

Tout comme Dieu est la vie et la nourriture des anges, ainsi, dans l’Eucharistie, il devient notre nourriture, nourriture de l’âme qui, sans

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ignorer la chair, nous vient dans une forme égale à la nôtre, nous les êtres à la fois corporels et spirituels.

Troisième partie

LA RÉCEPTIONDE L’EUCHARISTIE

Ainsi, le pain des anges devient le pain des hommes;

Ainsi, le pain de ciel accomplit les figures;

Ainsi, l’homme, ô merveille, dans sa pauvreté Sa sujétion, sa bassesse, se nourrit du Seigneur.

Ô Dieu de l’unité, Dieu de la Trinité, venez à nous par votre grâce, Ô vous l’objet de notre culte; conduisez-nous, par vos sentiers Au terme où nous tendons à la lumière, votre lieu de séjour.

Ces deux dernières strophes de l’hymne Sacris Sollemnis ont maintes fois été mises en musique en tiré à part et connues sous le titre Panis Angelicus — Le Pain d’anges — c’est-à-dire les premières paroles de la sixième strophe. L’expression « pain d’anges » est tirée des Psaume 78, 25 (Il leur envoya des vivres tant qu’ils en voulurent; les hommes purent manger le pain des anges) et repris dans le livre de la Sagesse (Sagesse de Salomon 16, 20) : « au contraire, c’est une nourriture d’anges que tu as donnée à ton peuple, et c’est un pain tout préparé que, du ciel, tu leur as fourni sans qu’ils se fatiguent ».

En parlant du « pain d’anges », l’Écriture ne fait pas allusion à une boulangerie céleste, les anges étant de purs esprits, ne mangent vraiment pas de pain. La figure de style « pain d’anges » se réfère à l’éternel Fils de Dieu comme nourriture et joie des saints anges qui, d’ailleurs ne le reçoivent pas en le mangeant mais seulement en le contemplant : en regardant son visage, en l’adorant lui qui est « l’image du Dieu invisible » (Colossiens 1, 15).

Afin de nous amener dans la joie et la vie connue des saints anges, le Fils éternel s’est fait homme et a revêtu l’humanité dans sa plénitude y compris un corps. Tant au ciel que sur la terre, il est notre vie dans son humanité, en son corps glorieux, comme Dieu et comme homme. Ici-bas sur

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la terre, si nous jouissons, grâce à la foi, de le contempler obscurément, pourtant, nous retrouvons notre plus grande intimité avec le Seigneur dans la communion eucharistique, car sous cette forme, il nous touche et nourrit nos âmes de sa vie même. Au ciel, par ailleurs, tout sera changé.

En effet, là nous le verrons face à face, comme les voient les anges, et là, nous ne nous nourrirons plus de lui par le truchement du Sacrement, mais nous le verrons face à face de nos propres yeux, et nous pourrons le toucher des mains mêmes de nos corps. Grâce à l’Eucharistie, donc, nous pouvons concevoir que le Seigneur nous donne un avant-goût du ciel, soit une promesse, un premier aperçu, pour ainsi dire, de l’intimité parfaite dont jouissent déjà les saints dans son Royaume.

Et voilà enfin que, après nous être penchés sur l’Eucharistie en tant que le nouveau festin de la Pâque et après voir considéré la réalité de la présence corporelle du Seigneur dans le Sacrement, nous pouvons deviner quelque peu les bienfaits et les fruits de l’Eucharistie. D’abord, la communion eucharistique constitue une union intime avec le Christ et devient nourriture spirituelle de nos âmes, nous enrichissant de la présence vivante de Jésus Christ. Deuxièmement, la communion eucharistique nous éloigne du péché, essuyant les péchés mineurs de la vie et nous préservant et nous renforçant contre la tentation future. Troisièmement, l’Eucharistie consolide l’union au sein de l’Église et nous transforme dans le corps mystique du Christ. Enfin, l’Eucharistie nous fait prendre conscience de l’unité de l’Église et de la solidarité que nous devons avoir avec les pauvres et les malades. Bref, recevoir l’Eucharistie entraîne que nous recevons le don de tout ce que le Seigneur désire que nous soyons, puisque ce don nous fait un avec lui, un entre nous et qu’il est la guérison de nos blessures et nos divisions intestines.

La réalité de la présence de Jésus Christ dans l’Eucharistie dépend de la puissance du Père. Elle ne dépend en rien de la dignité du prêtre qui la préside ou du mérite de l’assemblée qui y participe. Toutefois, les avantages que nous recueillons de la messe et de la Communion dépendent de nous en grande partie. Malheureusement pour nous, nous ne pouvons que trop amoindrir les dons de Dieu et rejeter sans en profiter les bienfaits qu’il nous accorde.

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L’Eucharistie ne profite qu’à ceux qui la reçoivent dignement — c’est-à-dire ceux qui la reçoivent au moins un peu avec la foi et l’amour que le Christ souhaite que nous ayons. Il s’agit d’une condition sérieuse et même imposante. En effet, comme le remarque saint Paul, quiconque reçoit la Communion « indignement aura à répondre du corps et du sang du Seigneur » (1 Corinthiens 11, 27).

Comment donc recevoir la communion eucharistique dignement ? D’abord, on doit être baptisé et en état de grâce. Bien qu’il existe deux exceptions importantes, on communie au Sacrement comme il se doit seulement si on est catholique.6 Normalement, tout catholique qui a commis une faute grave doit d’abord s’approcher du sacrement de la réconciliation (la confession) et recevoir l’absolution, avant de recevoir la communion eucharistique. Grâce au repentir et à une vie réformée, nous sommes rendus conformes au Seigneur que nous recevons. La réception de la communion eucharistique sans repentir et sans réconciliation serait sacrilège et constituerait un manque de respect terrible envers le corps et le sang du Seigneur.

En rapport avec le sacrement de la réconciliation, il est bon de se souvenir que, malgré l’obligation qu’ont les catholiques de participer à la messe le dimanche et aux fêtes prescrites, ils sont tenus à partager la communion eucharistique une fois l’an seulement. Évidemment, il vaut mieux s’approcher du sacrement de réconciliation et de celui de la communion eucharistique beaucoup plus souvent! Les fidèles peuvent s’approcher de la communion eucharistique jusqu’à deux fois par jour et devraient célébrer le sacrement de réconciliation souvent également (chaque semaine ou une fois par mois, par exemple) et aussi souvent qu’ils commettent une faute grave. Si nous nous occupons de Dieu au strict

6 Voir le Catéchisme de l'Église Catholique, aux §§ 1399-1401. Il y a deux exceptions qui touchent les fidèles des Églises orientales qui ne sont pas en pleine communion avec Rome et — dans des cas extrêmes — certains protestants qui manifestent une foi entière au Sacrement. Naturellement, les Orthodoxes reçoivent régulièrement la communion eucharistique dans leurs églises. Voir le principe énoncé par le Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens dans le Directoire pour l’application des principes et des normes sur l’œcuménisme (1993), §§ 129-131.

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minimum en nous approchant du sacrement de réconciliation ou de la communion eucharistique une fois par année seulement, alors comment pouvons-nous estimer que nous répondons à l’amour du Seigneur d’un cœur aussi généreux qu’il le mérite ?

Pour se préparer à la communion eucharistique, les catholiques font abstinence au moins une heure avant de communier. (L’eau et les médicaments ne rompent pas le jeûne; les personnes âgées et ceux qui en ont soin peuvent communier même s’ils n’ont pas observé le jeûne eucharistique.) Plus important que le jeûne eucharistique, toutefois, il y a la prière.

Évidemment, il faut prier au moment de communier. C’est-à-dire qu’il faut être attentif la liturgie et rester conscients que nous nous présentons à Dieu et que nous nous unissons avec l’offrande du prêtre. Il faut aussi reconnaître qui nous allons accueillir dans la communion eucharistique. Nous pouvons alors prier spontanément dans nos cœurs ou, le cas échéant, avoir recours à des paroles que nous suggèrent l’Écriture et la tradition comme préparation à la communion. Voici quelques-unes de ces prières :

Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir, mais dis seulement une parole et je serai guéri. (Missel romain)

Ô Fils de Dieu, accueille-moi maintenant, comme convive de ton banquet mystique; car je ne te donnerai pas un baiser comme celui de Judas, ni ne révélerai tes mystères à tes ennemis, mais comme le bon larron, je te confesserai en disant : « Seigneur, souviens-toi de moi dans ton Royaume! » (Divine liturgie de saint Jean Chrysostôme) Mon Seigneur et mon Dieu ! (Jean 20, 28)

Seigneur Jésus Christ, Fils du Dieu vivant, selon la volonté du Père et avec la puissance du Saint-Esprit, tu as donné, par ta mort, la vie au monde; que ton corps et ton sang me délivrent de mes péchés et de tout mal; fais que je demeure fidèle à tes commandements et que jamais je ne sois séparé de toi. (Missel romain)

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Seigneur Jésus Christ, que cette communion à ton corps et à ton sang n’entraîne pour moi ni jugement ni condamnation; mais qu’elle soutienne mon esprit et mon corps et me donne la guérison.

(Missel romain)

Certes, ce ne sont pas les seules prières que nous pouvons utiliser pour nous préparer à la communion eucharistique. En pratique, il nous faudra probablement varier nos prières de temps à autre, suivant nos besoins et les temps dont nous disposons. Idéalement, on devrait prendre le temps de lire des passages de l’Écriture, méditer sur le mystère de la Passion, demander l’intercession des saints et saintes et passer quelque temps à adorer le Seigneur dans le Saint Sacrement avant la messe.

Toutefois, si toutes ces démarches ne sont pas toujours possibles, il nous faut pourtant nous préparer au moins un peu à recevoir le Seigneur dignement. C’est pourquoi nous devons être fidèles à nos prières quotidiennes. Si nous avons l’habitude de penser au Christ, de lui parler et de l’écouter nous parler dans l’Écriture, alors nous serons bien disposés à le recevoir dans l’intimité du sacrement de l’Eucharistie.

Ainsi, tout comme nous prions avant la communion eucharistique, nous devons également prier dès que nous avons communié. Cela pourrait se présenter sous forme d’un hymne ou d’une prière en silence, mais de toute façon, chacune et chacune d’entre nous doit s’arrêter dans un moment d’action de grâce au Seigneur pour le don de l’Eucharistie. Il s’agit vraiment d’un geste d’hospitalité à l’égard du Christ et Seigneur en le recevant en notre corps; l’ignorer une fois que nous l’avons reçu serait plutôt manquer de respect envers cet invité divin.

Notre accueil du Seigneur en son précieux corps et son précieux sang est limité par la conservation du sacrement. En effet, la présence corporelle du Christ dans l’Eucharistie dure aussi longtemps que se maintiennent les accidents (ou les apparences) du sacrement, c’est-à-dire jusqu’à ce que l’hostie soit digérée, détruite ou que, par un processus naturel, elle se décompose. L’Église ne distribue pas toutes les hosties pour la consommation des fidèles à la messe, elle en garde plutôt quelques-unes en réserve afin de pouvoir porter la communion aux malades et aux

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mourants et pour l’adoration de la présence réelle de Jésus Christ dans nos églises.

Dans le tabernacle où l’Eucharistie est conservée, le Christ, en son corps, demeure vivant et présent parmi nous. C’est ainsi que nous pouvons nous rapprocher de Jésus Christ, en son corps, en conversant avec lui dans la prière de dévotion, de la même manière dont nous nous rapprocherions d’un ami, d’une amie ou d’un frère ou d’une sœur. Bien que le Seigneur soit présent partout, il est matériellement et substantiellement présent dans l’Eucharistie, c’est-à-dire dans le Saint Sacrement, réserve qui se retrouve dans les églises catholiques du monde entier.

Depuis le Moyen-Âge, l’Église occidentale a adopté la pratique solennelle de l’exposition et de l’adoration du Saint Sacrement, ainsi que le rite du Salut au Saint Sacrement. Selon ses rites, une hostie de la réserve est exposée dans un vase ad hoc appelé ostensoir. Celui-ci permet aux fidèles de contempler l’hostie et fournit un moyen d’approfondir la dévotion au Seigneur présent en son corps. Selon les circonstances, l’hostie est portée en procession (dans l’ostensoir) et il est normal de conclure des moments d’exposition en bénissant les participants avec l’hostie dans l’ostensoir.

Partout dans le monde, il y a des monastères qui pratiquent

« l’adoration perpétuelle », c’est-à-dire l’adoration 24 heures sur 24 du Saint Sacrement exposé : certains membres de la communauté sont toujours en prière devant le Seigneur. Dans d’autres endroits, il y a des périodes d’exposition et d’adoration prévues au courant de la journée, de la semaine, du mois et de l’année. De nos jours, la pratique de l’exposition et de l’adoration du Saint Sacrement devient de plus en plus populaire dans les paroisses ordinaires, de plus en plus de gens ayant découvert les grâces rattachées au temps passé en présence du Seigneur en son corps.

Certes, devenir familier du Christ par ce recours généreux constitue l’un des meilleurs moyens de se préparer à recevoir dignement et validement l’Eucharistie.

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* * *

« Personne ne mange la Chair à moins de l’avoir d’abord adorée…

et nous péchons en n’adorant pas, »7 écrivait saint Augustin au début du cinquième siècle. Il ne suffit pas de consommer l’Eucharistie ni non plus de participer à l’Eucharistie. Car toutes les personnes valides d’esprit et de cœur se doivent d’adorer et d’accueillir ensemble le Roi de tous, celui qui vient à nous comme notre Seigneur et notre frère dans la même chair qu’il prit de la Vierge Marie. Un tel accueil, dans l’attention, l’adoration et l’amour, nous lie au Christ et nous prépare à affronter le combat de la vie.

De plus, selon saint Jean Chrysostôme, nous en sommes conduits au ciel en triomphe :

Ce que le Christ a réalisé nous mène à un lien d’amitié encore plus intime et manifeste son amour à notre égard, se donnant à ceux qui le désirent, non seulement pour le contempler, mais également pour le toucher, le manger et l’embrasser dans la plénitude de leur cœur.

C’est pourquoi, nous nous levons de cette Table comme des lions au souffle de feu, devenus des objets de terreur pour le démon.8

7 Saint Augustin, Ennaration on Psalm 98, 9, notre traduction à partir du texte anglais tiré d’une citation de J.T. O’Connor dans The Hidden Manna, p. 59.

8 Traduction de la version anglaise de St. John Chrysostom, Homilies on St. John, 46. Citée dans J. Chapin, The Book of Catholic Quotations (New York: Farrar, Strauss and Cudahy, 1956), s.v. “Blessed Sacrament of the Altar”.

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BIBLIOGRAPHIE9

Auer, Johann and Joseph Ratzinger. Dogmatic Theology 6: A General Doctrine of the Sacraments and The Mystery of the Eucharist.

Translated by E. Leiva-Merikakis. Washington, DC: The Catholic University of America Press, 1995.

Britt, Matthew. The Hymns of the Breviary and Missal. New York:

Benziger, 1924.

Clark, Stephen B. Catholics and the Eucharist: A Scriptural Introduction.

Ann Arbor: Charis, 2000.

Donin, Hayim Halevy. To Be a Jew: A Guide to Jewish Observance in Contemporary Life. New York: Basic Books, 1991.

Irwin, Kevin W. Models of the Eucharist. New York: Paulist Press, 2005.

O’Connor, James T. The Hidden Manna: A Theology of the Eucharist. San Francisco: Ignatius, 1988.

United States Conference of Catholic Bishops. “The Real Presence of Jesus Christ in the Sacrament of the Eucharist: Basic Questions and Answers.” Origins 31:7 (June 28, 2001) 121-8.

9 Les ouvrages ci-dessous, en anglais seulement, sont mentionnés dans la version française de cette brochure parce qu’ils ont servi dans la rédaction de la version originale. Certains de nos lecteurs pourraient souhaiter les consulter.

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