2412 Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 12 décembre 2012
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2012 : on meurt de moins en moins du sida dans les pays occidentaux
Les données qui suivent concernent la France.
Mais on peut raisonnablement penser qu’elles reflètent les tendances observées dans une majorité des pays d’Amérique du Nord et de l’ouest du Vieux continent : les pays qui ont été les premiers à être touchés par l’épidémie de sida et qui disposent de systèmes collec
tifs comparables de prise en charge médico
sociale. Le temps passant, il n’est peutêtre pas inutile de rappeler qu’il y aura bientôt trente ans cette maladie est apparue comme une infection virale d’évolution rapide et tou jours mortelle en dépit de la prise en charge adaptée du cortège des infections opportunistes.
Combien de temps, le sida atil conservé cette image dans l’opinion ? Sans doute plu
sieurs années après l’apparition (en 1995) puis le rapide développement de thérapies antirétrovirales. On a, pour faire court, pro
gressivement appris à associer ces nouvelles spécialités pharmaceutiques. Dans le même temps ou presque, on les a prescrites à un stade de plus en plus précoce de l’infection ; au point de commencer à les utiliser aujour
d’hui en thérapie préventive face à un ris
que potentiel de contamination sexuelle.
2012. Etre infecté par le VIH n’est plus, dans le meilleur des cas, une condamnation
à une mort assez rapide ; loin s’en faut. Le constat chiffré vient d’en être fait en France.
Il a été publié 1 à l’occasion de la Journée mondiale contre le sida au travers de l’en
quête «Mortalité 2010» de l’Agence nationale française de recherche contre le sida et les hépatites virales (ANRS). Ce travail décrit la répartition des causes de décès en France en 2010 chez les adultes infectés par le VIH (VIH+) et leur évolution depuis 2000. Com
ment les auteurs ontils procédé ? Pour des raisons de simplification logistique, ils ont travaillé à partir d’un échantillon national de quatrevingtdix services impliqués dans la prise en charge du VIH. Ces centres repré
sentent une file active de 82 000 per
sonnes infectées par ce virus. La do
cumentation a alors été constituée à partir des décès survenus chez les patients VIH+ en 2010 et ce grâce à un questionnaire standardisé. Les quatre
vingtdix centres participants ont, au total, notifié 728 décès.
«L’âge médian des patients au moment du décès était de 50 ans et 75% étaient des hommes, résument les auteurs. Les princi
pales causes initiales de décès étaient : sida (25% vs 36% en 2005 et 47% en 2000), cancer non sida non lié aux hépatites (22% vs 17%
et 11%), atteinte hépatique (11% vs 15% et 13%), atteinte cardiovasculaire (10% vs 8%
et 7%), infection non classant sida (9% vs 4%
et 7%). Les cancers toutes catégories con
fondues représentaient au total un tiers des
causes de mortalité. Le sida (36%) et les in
fections non classant sida (15%) étaient les principales causes de décès dans les dépar
tements d’outremer.» On a aussi dénombré 34 suicides.
En conclusion, «le sida ne représentait plus en 2010 qu’un quart des causes de décès des patients VIH+ mais plus d’un tiers dans les départements français d’outremer». On peut le dire autrement : la majorité des patients décède désormais de causes diverses alors que leur infection VIH est contrôlée sous traitement. Aussi pour les auteurs, une prise en charge pluridisciplinaire (en particulier oncologique) des patients VIH+ paraîtelle désormais indispensable.
Précisions : la cause initiale était définie par la maladie ou le traumatisme ayant dé
clenché l’évolution morbide conduisant au décès. Ajoutons que l’algorithme de déter
mination de la cause initiale de décès a été adapté aux questions spécifiques posées dans le cadre de l’infection par le VIH. Lorsque le diagnostic de la cause initiale de décès retenu comportait la notion de «causes multiples», avancée thérapeutique
… les patients décédés d’une cause sida avaient un diagnostic VIH connu depuis moins de six mois …
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Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 12 décembre 2012 2413 chacune de ces causes était individualisée
afin de pouvoir faire une analyse descrip
tive supplémentaire détaillée des causes ini
tiales de décès. Les principales catégories étaient : sida, cancer non classant sida et non lié aux hépatites, atteinte hépatique, cardio
vasculaire. Les résultats ont pu être com
parés : entre 2000, 2005 et 2010 ; entre les pa
tients coinfectés VIH hépatites virales et les non coinfectés. La durée médiane connue de l’infection par le VIH était de 14,5 ans (12 en 2005 et 8 en 2000). «Au total, 91% des pa
tients avaient déjà reçu un traitement anti
rétroviral (87% en 2005 et 86% en 2000), 9%
avaient une infection à VIH connue depuis moins de six mois, 70% avaient une dernière mesure d’ARN VIH plasmatique inférieure à 500 copies/ml (47% en 2005 et 33% en 2000) et la médiane des lymphocytes CD4+
était de 243/mm3 (161 en 2005 et 94 en 2000)»
précisent les auteurs.
Ils ajoutent que 220 maladies «classant sida» étaient en cause chez les 182 patients décédés d’une «cause sida». Les plus fréquen
tes étaient le lymphome malin non hodgki
nien (LMNH) (n = 53, 24% des causes sida), la pneumocystose pulmonaire (n = 29, 13%) et la leucoencéphalopathie multifocale pro
gressive (n = 23, 10%).
Parmi les 165 cancers responsables du dé
cès des 161 patients morts d’un cancer «non sida – non hépatites» figuraient principale
ment : cancers bronchopulmonaires, diges
tifs, cancers otorhinolaryngologiques, de l’anus et urogénitaux. Parmi les 77 décès de cause hépatique, on trouve par ordre dé
croissant : hépatocarcinomes (VHC, VHB, VHB/VHC, cirrhose d’origine non virale et un cas d’hyperplasie nodulaire régénéra
tive). Les 73 causes de décès cardiovascu
laire étaient principalement des cardiopa
thies ischémiques (40%), des accidents vas
culaires cérébraux (26%) et des insuffisances cardiaques (11%). Au total, les morts subites inexpliquées et les causes inconnues repré
sentaient respectivement 4 et 5% des cau ses de décès.
Le fait que les patients décédés d’une cause sida avaient un diagnostic VIH connu de
puis moins de six mois dans 26% des cas (contre 4% pour les patients décédés d’une cause non sida) est un élément important qui devrait être largement utilisé par les pouvoirs publics pour mobiliser en faveur d’un dépistage des personnes a priori les plus exposées au risque infectieux. On es
time aujourd’hui à 30 000 le nombre des per
sonnes qui, en France, sont infectées par le VIH et qui l’ignorent. Sans surprise, ces per
sonnes avaient au moment du diagnostic un moins bon contrôle immunovirologique que les patients décédés d’une cause non sida : médiane des lymphocytes CD4+ 66/mm3 (vs 307/mm3).
Pour leur part, les associations de défense des personnes infectées observent que si cet allongement de l’espérance de vie est por
teur d’espoir, il ne va cependant pas sans poser de nouvelles et lourdes interrogations.
En France, entre 5 et 6% des près de 110 000
patients répertoriés ont plus de 60 ans. Et on estime qu’environ un quart des 150 000 per
sonnes infectées par le VIH ont plus de 50 ans.
«Les difficultés rencontrées par ces ma
lades sont souvent les mêmes que celles de patients atteints d’autres maladies chroni
ques ayant un impact sur le maintien à do
micile, analyse le Dr Bernard ProuvostKeller, coordinateur du réseau villehôpital VIH au sein du CHU de Nice. Mais d’un point de vue symbolique, cela interroge sur notre ca
pacité collective à prendre en compte les be
soins des personnes du troisième âge, socia
lement, psychologiquement et physiquement affaiblies tout en respectant les spécificités de leur parcours de vie.»
Jean-Yves Nau jeanyves.nau@gmail.com
1 Roussillon C, Hénard S, Hardel L, et al ; et le groupe Mortalité 2010. Causes de décès des patients infectés par le VIH en France en 2010. Etude ANRS EN20 Mor
talité 2010». Bulletin épidémiologique hebdomadaire (Institut national français de veille sanitaire) 1er décem
bre 2012 / n° 4647. Numéro thématique – VIH/sida en France : données de surveillance et études.
DSM-5 enfin validé
Le conseil de l’Association américaine de psy chiatrie (APA) a validé le 1er décembre dernier le Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM5), fruit du travail de plus de 1500 experts de 39 pays pen
dant une décennie.1
Attendu pour le printemps 2013 dans sa version anglaise, le DSM5 inclura approxi
mativement le même nombre de troubles que le DSMIV. «Nous avons cherché à être très prudents dans notre approche de la ré
vision du DSM. Notre travail a été de définir plus précisément les troubles mentaux ayant un impact réel sur la vie des gens, pas d’élar
gir le champ de la psychiatrie», précise David Kupfer, président du DSM5 Task force.
L’APA a annoncé que cette édition com
prendra une restructuration des vingt cha
pitres «basés sur les rapports apparents des troubles entre eux, reflétés par des similarités dans les vulnérabilités sousjacentes et les caractéristiques des symptômes». La Section 1 sera introductive et explicative ; la Sec tion 2 comprendra les diagnostics catégoriques selon la nouvelle organisation, la Section 3 inclura les conditions requérant des recher
ches complémentaires avant leur prise en compte en tant que troubles formels, ainsi qu’un glossaire. Seuls la dépression anxieuse,
le trouble hypersexuel, le syndrome d’alié
nation parentale et le trouble sensoriel n’ap
partiendront pas à l’une ou l’autre de ces sections.
Parmi les nouveautés, se trouvent le trou
ble de l’acné excoriée (dermatillomanie) et le trouble de l’accumulation compulsive (syl
logomanie) ; s’élargissent les critères des troubles de l’autisme et des troubles de l’ap
prentissage ; les troubles liés à l’usage de substance combineront les catégories du DSMIV de l’abus et de la dépendance. Le nouveau manuel délimite les différences entre la douleur morale et la dépression, et reconnaît que le deuil est un facteur de stress psychosocial sévère pouvant précipi
ter un épisode dépressif majeur. Le trouble pédophile remplace la pédophilie, les cri
tères restant inchangés.
«A chaque étape du développement, nous avons travaillé à rendre le processus aussi ouvert et inclusif que possible. Le niveau de transparence auquel nous nous sommes ef
forcés ne se retrouve dans aucun autre do
maine de la médecine», a déclaré James Scully, directeur médical et chef de la direc
tion de l’APA.
Marina Casselyn 1 Voir le site de l’APA : www.psych.org
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