REVUE MÉDICALE SUISSE
WWW.REVMED.CH 16 décembre 2015
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Les nouveaux médicaments antitubercuLeux ne sont pas Là où L’on a besoin d’eux
La bédaquiline et le délamanide re
présentent, depuis peu, un nouvel espoir dans le traitement des cas de tuberculose résistante. Nouvel espoir, vraiment ? Mé
decins Sans Frontières (MSF) fait état de nouvelles et sérieuses inquiétudes quant à leur disponibilité là où ces deux médica
ments seraient les plus utiles.
Début 2014, le laboratoire Janssen annonçait avoir obtenu une première autorisation de mise sur le marché euro
péenne pour la bédaquiline dans le traite
ment des tuberculoses pulmonaires mul ti
résistantes. Il s’agissait alors du premier nouveau médicament antituberculeux dis
ponible en Europe depuis plus de quarante ans. La bédaquiline avait été enregistrée en décembre 2012 aux EtatsUnis. Cette spécialité est indiquée chez l’adulte, dans le cadre d’associations appropriées avec d’autres médicaments antituberculeux, et ce en cas de résistance ou d’intolérance à d’autres schémas thérapeutiques. Précisons que la bédaquiline agit en inhibant spécifi
quement l’ATP (adénosine5’triphosphate) synthase mycobactérienne, une enzyme indispensable à l’approvisionnement éner
gétique de Mycobacterium tuberculosis.
Fin 2013, le Comité des médicaments à usage humain de l’Agence européenne des médicaments avait également rendu un avis favorable pour le délamanide, un autre traitement de la tuberculose multi
résistante. Le délamanide est un dérivé nitroimidazolé qui inhibe la synthèse de l’acide mycolique. Développé par Otsuka Pharmaceutical, très bactéricide à faible concentration, il présente une excellente activité sur Mycobacterium tuberculosis sen
sible et résistant.
En 2013, MSF lançait une première mise en garde concernant la bédaquiline dans le cadre de la 44e Conférence mondiale sur la santé respiratoire alors organisée à Paris.
« Sans une nouvelle approche au dévelop
pement et à la tarification de nouveaux médicaments contre la tuberculose, la ré
ponse mondiale contre cette maladie sera incapable de délivrer les nouvelles combi
naisons de médicaments nécessaires pour combler les besoins dans le traitement de la tuberculose résistant aux médicaments » alertait alors MSF.
« Il faut que la recherche se fasse de façon participative et dès le début, au lieu d’avoir des sociétés qui travaillent chacune dans leur coin, expliquait, à Paris, Sharo
nann Lynch, chargée du dossier Tuber
culose à la “ Campagne d’accès aux médi
caments essentiels ” de MSF.1 Nous devons également travailler dès au
jourd’hui pour que les prix des nouveaux traitements soient accessibles. La structure de prix prévue pour la bédaquiline par Johnson & Johnson oblige les pays à revenu intermédiai re, dont certains sont parmi les plus durement frappés par la tuberculose résistant aux mé
dicaments (TBDR), à payer 3000 dollars pour un traite
ment de six mois. Si les nou
velles combinaisons de traite
ment à venir coûtent plusieurs milliers de dollars dans les pays les plus pauvres, comme c’est le cas aujourd’hui, comment ces pays pourrontils améliorer l’accès à ces médicaments et augmenter le nombre de patients soignés ? »
C’était une bonne question. Où en est
on fin 2015 ? « Près de trois ans après leur arrivée sur le marché, les deux premiers médicaments antituberculeux développés depuis cinquante ans n’ont été administrés qu’à 2 % des patients atteints de tuber
culose multirésistante (TBMDR) dans le monde, vient de faire savoir MSF, depuis Le Cap et Paris. MSF appelle les labora
toires Johnson & Johnson et Otsuka (qui produisent respectivement la bédaquiline et le délamanide) à accélérer la mise à dis
position de ces médicaments, par l’enre
gistrement dans les pays les plus touchés par la TBMDR et une politique de prix acces
sibles aux pays en développe
ment. »
Il faut ici rappeler que, selon les dernières estimations de l’OMS, seul un quart des quelque 500 000 personnes at teintes de TBMDR ont été mises sous traitement en 2014.
Et que seule la moitié de ces patients a pu être guérie. Pour les patients atteints de formes ultrarésistantes de la maladie (TBXDR), ce pourcentage est de 25 %. On sait d’autre part que le recours à la bédaquiline, en complément de traitements existants, a montré des résultats encourageants dans des projets menés par MSF (ou par d’autres acteurs) en Arménie, en France, en Russie (Tchétchénie) et en Afrique du Sud. Après six mois de traitement, le bacille de la TB n’était plus présent dans le crachat (après mise en culture) chez, respectivement, 84 %, 97 %, 75 % et 77 % des patients.
Jean-Yves nau jeanyves.nau@gmail.com
La bédaqui- Line et Le déLamanide
n’ont pas encore totaLement compLété Leur
processus de déveLoppement
cLinique
D.R.
avancée thérapeutique
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ActuAlité
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« L’accès à la bédaquiline et au déla
manide est aujourd’hui extrêmement res
treint, regretteton amèrement chez MSF.
En novembre 2015, moins de 3000 per
sonnes dans le monde avaient eu accès à la bédaquiline, et seulement une centaine au délamanide, dans le cadre d’un usage dit compassionnel. Ce chiffre est à compa
rer aux quelque 150 000 personnes qu’on estime être atteintes de TBMDR ou XDR dans le monde, et pour lesquelles l’Orga
nisation mondiale de la santé préconise un traitement par ces nouveaux médica
ments. »
Selon l’ONG, un premier obstacle à l’utilisation des deux nouvelles molécules est l’absence de son enregistrement dans les pays : seulement sept pays parmi les vingtsept les plus touchés par la TBMDR ont enregistré la bédaquiline, tandis que le délamanide n’est enregistré que dans quatre pays (Japon, Allemagne, RoyaumeUni et Corée du Sud) dont aucun ne présente des taux importants de TBMDR.
« Johnson & Johnson et Otsuka ont certes mis en place des systèmes de do
nation, mais ces dispositifs présentent d’importantes limites : le nombre de trai
tements offerts est en deçà des besoins, et certains pays en sont exclus » explique encore MSF. Il faut en outre savoir que le prix des deux nouveaux médicaments dans les pays qui ne bénéficient pas des dona
tions est très élevé. Pour six mois de trai
tement, la bédaquiline coûte entre 900 et 30 000 dollars, selon les revenus des pays, tandis que le délamanide coûte 33 600 dollars au Japon. Ces médicaments sont utilisés en complément de traitements existants, qui coûtent déjà entre 1800 et 5000 dollars par patient.
« Nous avons de plus en plus d’élé
ments permettant d’apprécier le potentiel de ces deux nouveaux médicaments dans le traitement de la TBMDR. Pour amélio
rer les chances de survie des patients, il faut que les médecins puissent prescrire le traitement le mieux adapté à chacun d’entre eux. Pour cela, il faut qu’ils aient accès à tous les médicaments – nouveaux et existants – explique le Dr Grania Brid gen, spécialiste de la tuberculose à la Campagne d’accès aux médicaments essentiels de MSF. Johnson & Johnson et Otsuka doi vent s’engager à rendre leurs médicaments accessibles et abordables dans tous les pays qui en ont besoin. Le coût total d’un traitement ne devrait pas dépasser les 500 dollars par patient, nouveaux médicaments inclus. »
La bédaquiline et le délamanide n’ont pas encore totalement complété leur pro
cessus de développement clinique. Ils ont reçu des autorisations de mise sur le mar
ché sur la base d’essais cliniques dits de phase IIb, et conditionnées à la tenue d’essais de phase III. Dans le cas du déla
manide, un essai de ce type a commencé, et les résultats devraient être connus en 2017. L’essai de phase III de la bédaquiline n’est pas encore commencé.
Usage compassionnel ? On sait qu’il permet l’accès à un médicament dont le processus de développement clinique et règlementaire n’est pas terminé, et ce pour les patients chez qui toutes les options thérapeutiques ont été épuisées. Cette pratique n’est toutefois possible que dans les pays disposant d’un cadre juridique adéquat ; et l’accès compassionnel demeure soumis à l’acceptation de la part des labo
ratoires pharmaceutiques producteurs.
Selon MSF, Janssen (Johnson & Johnson)
autorise l’usage compassionnel de la bé da
quiline depuis 2011, mais est aujourd’hui en train de l’arrêter progressivement.
Otsuka fournit pour sa part un accès en usage compassionnel au délamanide depuis 2014.
Quant à Médecins Sans Frontières, l’ONG a ouvert son premier projet de prise en charge de la tuberculose résis
tante en 1999, et représente aujourd’hui l’un des principaux fournisseurs privés de soins pour la TBMDR au monde. En 2014, MSF a fourni un traitement contre la TB à 21 500 patients, dont 1800 atteints de TB
MDR, et ce dans plus de vingt pays. Com
ment sortir des impasses actuelles ?
lu pour vous
Les gonalgies sont un motif fréquent de con
sultation en médecine de premier recours. Face à un genou douloureux, le médecin se pose souvent les questions suivantes : y atil des lésions intraarticulaires ? Puisje commencer avec un traitement conservateur ? Doisje référer pour une imagerie ou un avis spécialisé ? Des chercheurs des PaysBas ont souhaité aider le médecin dans sa démarche décisionnelle en proposant un score clinique pour le diagnostic (ou son exclusion) des déchirures méniscales.
Suite à une revue de la littérature, les auteurs ont dressé la liste des éléments d’anamnèse et d’examen clinique habituellement associés aux déchirures méniscales. Ils ont ensuite évalué, au sein d’une consultation de médecine de premier recours, 121 patients, âgés de 18 à 65 ans, avec une douleur au genou depuis moins
de six mois. Chaque patient a eu une anamnèse standardisée, un examen clinique (comprenant un test méniscal nommé le deep squat test correspondant au fait de s’accroupir) et une imagerie par résonance magnétique (IRM) pour poser le diagnostic de déchirure méniscale. Les chercheurs ont ensuite sélectionné la meilleure combinaison de facteurs prédictifs, associés à ces déchirures méniscales. Huit items ont été retenus pour créer le score clinique : le sexe masculin (84 points), l’âge (moins de 28 ans 0 point, puis 30 points pour chaque intervalle de 10 ans jusqu’à 58 ans, 108 points pour les 5965 ans), le port de charge lors du trauma
tisme (49 points), la pratique d’un sport (15 points), la présence d’un épanchement (60 points), la chaleur de l’articulation à la palpation (4 points), la discoloration rouge ou bleue cutanée (30 points) et la douleur lors du deep squat test (3 points). Ils ont déterminé que par rapport à l’IRM, une valeur seuil de 150 points donne les valeurs prédictives suivantes : une sensibilité de 86 %, une spécificité de 45 %, une valeur prédictive positive de 55 % et une valeur prédictive négative de 81 %. La discrimi
nation du score est bonne avec une aire sous la courbe de 0,76 (IC 95 % : 0,720,80).
commentaire : Un score de plus, direzvous ? Basé sur une évaluation clinique simple, le score proposé pourrait être utile pour exclure une déchirure méniscale, mais certaines étapes de validation du score sont encore nécessaires pour entrer dans la pratique quotidienne.
dr emilie Fasel
Policlinique médicale universitaire, Lausanne snoeker ba, et al. a clinical prediction rule for meniscal tears in primary care : development and internal validation using a multicentre study. br J Gen pract 2015;65:e523-9.
D.R.
un score clinique prédictif des déchirures méniscales ?
1 nau JY. Questions sur la bivalirudine (infarctus) et la bédaquiline (tuberculose). rev med suisse 2013;9:2130-1.
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