Article
Reference
La transition : entre vulnérabilité et résilience
AMBRESIN, Anne-Emmanuelle, NARRING, Françoise
AMBRESIN, Anne-Emmanuelle, NARRING, Françoise. La transition : entre vulnérabilité et résilience. Revue médicale suisse , 2018, vol. 14, no. 603, p. 819-820
PMID : 29668142
Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:128587
Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.
1 / 1
ÉDITORIAL
WWW.REVMED.CH
18 avril 2018
819
La transition : entre vulnérabilité
et résilience
Drs ANNE-EMMANUELLE AMBRESIN et FRANÇOISE NARRING Qu’est-ce que l’adolescence ? L’adolescence
est une étape fondamentale du développement dont les tâches principales sont l’autonomi- sation et la quête identitaire (Erikson). De tout temps, les experts scientifiques ont essayé de définir une tranche d’âge qui permettrait de délimiter l’adolescence. Certains l’ont limitée aux 10-19 ans (OMS), d’autres ont récem- ment plaidé pour une tranche d’âge de 10-25 ans.1 Prenant en compte l’évalua-
tion des besoins de santé des 19-24 ans, plusieurs auteurs ont créé le concept d’adolescent et jeune adulte comme un conti- nuum (AYA – adolescent and young adult), en insistant sur la vulnérabilité du jeune adulte.2,3 En clair, il est difficile de savoir où s’arrête l’adolescence et à quel âge on est un jeune adulte.
Cette question est essentielle car de cette définition va découler des conséquences so- ciales, administratives, légales et de santé pour les adolescents et jeunes adultes.
La communauté scientifique s’accorde à dire que les 10 à 25 ans présentent une vulnérabi- lité particulière en raison des connaissances actuelles sur le développement cérébral à cet âge4 et nécessitent des soins ciblés sur leurs besoins spécifiques.5,6 En effet, la morbidité et la mortalité des 10-25 ans restent trop élevées et n’ont que sensiblement diminué sur les cinq dernières décennies en raison du manque de soins ciblés sur les besoins de cette population.7 L’important est le fait de reconnaître que la vulnérabilité persiste au-delà de 18 ans comme le décrit très bien Depallens et coll. dans leur article publié dans ce numéro de la Revue Médicale Suisse. Les bénéfices que peut apporter un encadrement spécifique et prolongé – tout en favorisant l’autonomisation et la prise de responsabilité – pour certains jeunes adultes atteints de
troubles comportementaux, psychiques ou de l’apprentissage ont largement fait leurs preuves dans les cliniques offrant un suivi pour les 10-25 ans comme c’est le cas à l’Unité santé jeune à Genève (HUG).
Il est cependant nécessaire de penser plus largement les soins aux jeunes adultes étant donné l’important impact des déterminants sociaux sur leur santé. La possi- bilité d’envisager un accompa- gnement des jeunes adultes sur les plans légal, administratif et social jusqu’à 25 ans est une piste d’amélioration importante de la santé de ces jeunes. Il est bien sûr fondamental de prévoir une évaluation des facteurs de vulné- rabilité et de faire le bilan des enjeux du passage à l’âge adulte pour organiser la transition des soins et des suivis sociaux, éducatifs et administratifs au meilleur moment comme le montre Pernin et coll. dans l’article consacré aux jeunes requé- rants d’asile du présent numéro. L’approche interprofessionnelle et le travail en réseau permettent de penser une évolution par étapes de cet accompagnement en fonction de l’âge, bien sûr, mais également de l’acqui- sition des tâches fondamentales de l’adoles- cence afin de favoriser l’émergence d’adultes pleinement responsables.
Mais qu’en est-il de l’exemple donné par les adultes ? Nous vivons dans une société qui véhicule des mythes adolescentaires à tout- va et qui glorifie les comportements tels que les prises de risque et la recherche d’adré- naline. Comment évoluer et forger son iden- tité de jeune adulte dans une société qui nous maintient adolescent ? David Le Breton, professeur de sociologie à l’Université de Strasbourg, décrit bien ce phénomène en disant de l’adolescence qu’elle « a explosé en Articles publiés sous
la direction de
ANNE- EMMANUELLE AMBRESIN Division interdisciplinaire de santé des adolescents, Département femme-mère-enfant CHUV, Lausanne
FRANÇOISE NARRING Unité santé jeunes, Service de pédiatrie générale, Département de l’enfant et de l’adolescent et Département de médecine communautaire, de premier recours et des urgences HUG, Genève
COMMENT ÉVO- LUER ET FORGER
SON IDENTITÉ DE JEUNE ADULTE DANS UNE SOCIÉ-
TÉ QUI NOUS MAINTIENT ADOLESCENT ?
Bibliographie 1
Sawyer SM, Azzopardi PS, Wickremarathne D, Patton GC. The age of adolescence. Lancet Child Adolesc Health 2018;2:223-8.
2
Irwin CE. Young adults are worse off than adolescents. J Adolesc Health 2010;46:405-6.
3
Arnett JJ. Emerging adulthood. A theory of development from the late teens through the twenties. The American psychologist 2000;55:469-80.
4
Giedd JN. Structural magnetic resonance imaging of the adolescent brain. Ann N Y Acad Sci 2004;1021:77-85.
5
Ozer EM, Urquhart JT, Brindis CD, Park MJ, Irwin CE. Young adult preventive health care guidelines : there but can’t be found. Arch Pediatr Adolesc Med 2012;166:240-7.
6
Bauldry S, Shanahan MJ, Boardman JD, Miech RA, Macmillan R. A life course model of self-rated health through adolescence and young adulthood.
Soc Sci Med (1982).
2012;75:1311-20.
7
Patton GC, Coffey C, Sawyer SM, et al. Global patterns of mortality in young people: a systematic analysis of population health data.
Lancet 2009;374:881-92.
REVUE MÉDICALE SUISSE
WWW.REVMED.CH 18 avril 2018
820
amont et en aval, avec l’émergence de la préadolescence et celle des éternels ados ».
Et encore d’ajouter : « L’adolescence attise la nostalgie des classes d’âge les plus âgées ».
Les avancées actuelles de la recherche nous montrent que la plasticité du cerveau dure toute la vie alors est-il bien nécessaire de définir la vulnérabilité sur une période bien déterminée ? Ne devrait-on pas plutôt com-
mencer à penser en termes de trajectoires de vulnérabilité, ce qui permettrait un accompa- gnement des adolescents et jeunes adultes selon leurs besoins développementaux ? Une telle approche serait un vecteur de résilience qui permettrait d’éviter la stigmatisation et soutiendrait un développement optimal en tenant compte des situations et ressources individuelles.