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Analyse de l’implémentation du nouvel instrument de cofinancement des ONG belges, la demande groupée, et de son appropriation par les acteurs concernés Mémoire

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Academic year: 2021

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NOM : LECROART Prénom : Estelle Matricule : S142313

Filière d’études : Master en Sciences de la Population et du Développement

Mémoire

En vue de l'obtention du grade de Master en Sciences de la Population et du Développement, à finalité spécialisée Coopération Nord-Sud

Analyse de l’implémentation du nouvel instrument de cofinancement des ONG belges, la demande groupée, et de son

appropriation par les acteurs concernés

Promoteur : M. Gautier PIROTTE Lecteur : Mlle Justine CONTOR Lecteur : M. Arnaud ZACHARIE

Année académique 2018-2019

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REMERCIEMENTS

Je voudrais avant tout remercier mon promoteur, Monsieur Gautier Pirotte qui s’est montré extrêmement disponible, m’a aidée à alimenter continuellement la réflexion et l’a faite évoluer lors de nos discussions. Ensuite, je souhaiterais remercier Mademoiselle Justine Contor qui m’a guidée tout au long de l’analyse du sujet sans jamais compter ses heures et sans qui je ne serais pas parvenue à ce cheminement de pensée. Enfin, je remercie aussi Monsieur Arnaud Zacharie qui, malgré son emploi du temps chargé, a tout de suite accepté d’être lecteur de ce mémoire et s’est montré disponible à chacune de mes sollicitations.

Je suis également extrêmement reconnaissante envers toutes les personnes du secteur de la coopération belge au développement qui ont accepté de m’accorder de leur temps précieux pour une interview. Ces échanges ont permis de nourrir mes connaissances du secteur et d’éclairer les différentes perspectives de la situation étudiée. Sans leur disponibilité et la transmission de leurs expériences, ce travail n’aurait pas pu être réalisé. De plus, j’ai été touchée par les nombreuses réponses positives à mes requêtes d’interview ainsi que l’accueil chaleureux que chacun des interlocuteurs m’a réservé lors de nos rencontres.

Enfin, je remercie chaleureusement ma famille et mes amis pour leur soutien sans faille tout au long du processus de ce mémoire et pour leurs encouragements lorsque certains doutes m’envahissaient.

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TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION ... 1

PARTIE 1 : CONTEXTUALISATION, PROBLÉMATIQUE ET CONCEPTUALISATION ... 3

1. CONTEXTUALISATION ... 3

1.1. Les acteurs du secteur de la coopération belge au développement ... 3

1.1.1. L’administration centrale : la Direction générale du Développement (DGD) ... 3

1.1.2. L’Agence belge de développement : Enabel ... 4

1.1.3. Les ONG belges ... 4

1.1.4. Les fédérations et les coupoles, des acteurs devenus incontournables ... 7

1.1.5. Les coupoles universitaires ... 8

1.1.6. Les « autres acteurs » ... 10

1.2. Le secteur de la coopération belge dans un contexte néolibéral ... 11

1.2.1. Le néolibéralisme substitué au libéralisme ... 11

1.2.2. Le néolibéralisme incarné par le « new public management » et introduit dans l’administration belge à travers la réforme Copernic ... 12

1.2.3. Le secteur de la coopération belge au prisme du « new public management » ... 14

Introduction d’une culture de la performance ... 14

La prépondérance des dispositifs d’évaluation ... 16

La mise en concurrence au sein du secteur de la coopération au développement ... 18

La réorganisation des services publics ... 20

1.3. La demande groupée ... 21

1.3.1. Un bref aperçu des réformes de cofinancement ... 21

1.3.2. La naissance de la demande groupée ... 22

1.3.3. Les ONG concernées par la demande groupée ... 25

1.3.4. Le fonctionnement de la demande groupée ... 26

1.3.5. La demande groupée analysée au prisme de l’incrémentalisme disjoint ... 27

2. PROBLÉMATIQUE ET CONCEPTUALISATION ... 30

2.1. Problématique ... 30

2.2. Conceptualisation ... 31

2.2.1. La décharge de Hibou ... 31

2.2.2. Les modes de résistance de Lascoumes et Le Bourhis ... 33

PARTIE 2 : MÉTHODOLOGIE, ANALYSE DES DONNÉES EMPIRIQUES ET DISCUSSION .... 35

3. MÉTHODOLOGIE ... 35

3.1. Les différentes étapes de la recherche ... 35

3.1.1. Choix de la problématique étudiée ... 35

3.1.2. Recherches bibliographiques et analyse documentaire ... 35

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3.1.3. Les entretiens ... 36

3.1.4. Production et analyse de données empiriques ... 37

3.2. Les limites de la recherche ... 38

4. ANALYSE DES DONNÉES EMPIRIQUES ... 39

4.1. La décharge effectuée à travers la demande groupée ... 39

4.2. Les défaillances de la demande groupée ... 40

4.3. Une décharge incohérente ... 43

4.4. Les résistances au sein de la demande groupée ... 44

4.4.1. Les résistances manifestées lors de la conception ... 44

4.4.2. Les résistances manifestées lors de la mise en œuvre ... 46

4.4.3. Les résistances manifestées lors de l’appropriation ... 48

5. DISCUSSION ... 50

5.1. Le rôle ambigu des fédérations ... 50

5.2. Les résistances ne viennent pas seulement de là où on les attend ... 52

5.3. Le fonctionnement intéressant des coupoles universitaires ... 54

CONCLUSION GÉNÉRALE ... 56

BIBLIOGRAPHIE ... 59

ANNEXES ... 62

Annexe 1 : Guide d’entretien adressé aux employés de la DGD ... 62

Annexe 2 : Guide d’entretien adressé aux ONG concernées par la demande groupée ... 64

Annexe 3 : Guide d’entretien adressé aux employés des fédérations d’ONG ... 65

Annexe 4 : Guide d’entretien adressé à la coupole universitaire VLIR-UOS ... 67

Annexe 5 : Guide d’entretien adressé à un ancien membre du cabinet ... 68

Annexe 6 : Tableau des modes de résistance ... 69

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LISTE DES ACRONYMES

ACC Analyse Contextuelle Commune ADA Auto-développement Afrique

AGCD Administration générale de la Coopération au développement ACNG Acteur de la Coopération non gouvernementale

AICD Association interuniversitaire pour la coopération au développement APEFE Association pour la promotion de l’éducation et la formation à l’étranger

AR Arrêté royal

ARES-CDD Académie de recherche et d’enseignement supérieur ASBL Association sans but lucratif

BM Banque mondiale

CA Conseil d’administration

CAD Comité d’aide au développement

CADTM Comité pour l’Abolition des Dettes illégitimes CDE Chaîne de l’Espoir

CD&V Vlaamse christendemocraten

CEC Coopération pour l’éducation et la culture

CIUF Communauté interuniversitaire de la Communauté française CNCD Centre national de coopération au développement

CSA Collectif stratégie alimentaire CSC Cadre Stratégique Commun CTB Coopération Technique Belge

CUI Coopération universitaire institutionnelle

CV Curriculum Vitae

DBA Défi Belgique alimentaires

DGD Direction générale Coopération au développement et Aide humanitaire DGCD Direction générale Coopération au développement

FIAN FoodFirst Information and Action Network IAP Instrument d’action publique

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IMT Institut de médecine tropicale

IRSNB Institut royal des sciences naturelles de Belgique

MR Mouvement Réformateur

MRAC Musée royal de l’Afrique centrale MSF Médecins Sans Frontières

NPM New public management

N-VA Nieuw-Vlaamse Alliantie

OCDE Organisation de coopération et de développement économique ONG Organisation non gouvernementale

Open VLD Open Vlaamse Liberalen en Democraten OSC Organisation de la société civile

PNUD Programme des Nations unies pour le développement SCI Service civil international

SHC Sensorial handicap cooperation SPF Service public fédéral

ToC Theory of Change

UCOS Universitair centrum voor ontwikkelingssamenwerking

UE Union européenne

VLIR-UOS Vlaamse Interuniversitaire raad

VVOB Vlaamse Vereniging voor Ontwikkelingssamenwerking en Technische Bijstand

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1 INTRODUCTION

« L’efficience d’une entreprise est une construction sociale qui change avec les transformations de ses modes de gestion et plus largement ceux du capitalisme »

(Hibou, 2012 : 27).

A travers cette phrase, Béatrice Hibou met en avant le fait que l’efficience est une donnée variable en fonction de l’environnement dans lequel une entreprise se trouve. Si une nouvelle technologie apparaît aujourd’hui, une entreprise considérée hier comme très efficiente, peut ne plus l’être du tout demain. La considération portée aux organisations, à leur efficience et à leur efficacité, évolue chaque jour, influencée par le contexte et les idéologies prédominantes du moment.

Finalement, quand on parle de l’efficience d’une organisation, il serait intéressant de se demander par rapport à quoi et à quand. Couprie nous indique que les ONG, acteurs au cœur de notre sujet, peuvent être comparées à des entreprises : « (…) lorsqu’on envisage l’implantation internationale des ONG, indispensable à leur fonctionnement, on s’aperçoit qu’elles sont soumises aux mêmes impératifs que les entreprises multinationales en termes d’efficacité, de professionnalisme et d’adaptation aux différents contextes économiques, politiques, législatifs et culturels des pays dans lesquels elles interviennent » (2012 : 59). On comprend dès lors que les nombreuses organisations composant le secteur de la coopération belge au développement n’échappent pas à ces injonctions, toujours plus d’efficience et d’efficacité, devenues des principes de base pour la coopération internationale au développement depuis la Déclaration de Paris en 2005 (Saliba-Couture, 2011).

Lors de notre terrain au sein de l’administration fédérale belge du Développement, la DGD, nos entretiens avec les acteurs nous ont confirmé ces injonctions de toujours plus d’efficacité au sein du secteur de la coopération mais surtout avec un élément supplémentaire non négligeable : la réduction constante de moyens financiers et humains. Un membre de l’administration nous explique :

« (…) il faut constamment faire mieux avec moins de moyens, sauf que maintenant, nous sentons que nous arrivons à la limite du faisable en termes de ratio charge de travail et ressources humaines disponibles (…) » (propos d’interview). Nous apprenons à travers cet entretien une réduction du personnel se soldant par la naissance de difficultés à gérer la masse de travail. Cette information nous a semblée intéressante à analyser selon le cadre conceptuel du « new public management ». Étant donné que le sujet est vaste et qu’une multitude d’aspects peuvent être abordés, nous avons décidé de nous focaliser sur une nouvelle règle concernant le cofinancement des ONG belges de développement, établie par le dernier Arrêté royal entré en vigueur en septembre 2016.

La présente analyse porte donc sur le secteur belge de la coopération au développement dans le cadre de la réforme du cofinancement instaurée en 2016. Notre étude a été réalisée entre septembre 2018 et août 2019 et s’inscrit dans le mandat du cabinet d’Alexander De Croo, membre de l’Open VLD, devenu Ministre de la Coopération au développement en octobre 2014. Dans le cadre de cette

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2 dernière réforme de cofinancement réalisée au regard des injonctions poussant à toujours plus d’efficience et d’efficacité, nous nous intéresserons particulièrement à un nouvel outil de politique publique mis en place par l’Arrêté Royal du 11 septembre 2016, la demande groupée. Cette dernière a pour but de regrouper, à travers les fédérations d’ONG belges, l’ensemble des programmes n’atteignant pas un budget annuel de 2.000.000 d’euros et de 750.000 d’euros pour ceux relatifs à l’éducation au développement. En tentant de comprendre la genèse et les objectifs de ce nouvel instrument de politique publique, nous nous sommes aperçus que pour certains acteurs, ce mécanisme présentait différentes défaillances. Nous avons voulu en savoir plus concernant ses impacts au sein du secteur de la coopération belge.

Dès lors, la question de départ que nous nous sommes posée a été la suivante : dans le contexte de la réforme actuelle du cofinancement des acteurs de la coopération belge et de la mise en place du nouvel instrument de politique publique, la demande groupée, comment les acteurs du secteur concernés, c’est-à-dire l’administration centrale, les ONG de développement concernées et les fédérations d’ONG, ont-ils appréhendé ce nouvel outil et se le sont-ils appropriés ? Cette question de recherche amène par la suite d’autres sous-questions plus précises telles que : des résistances à la mise en place de ce nouveau mécanisme sont-elles apparues chez les différents acteurs ? Ont-ils considéré ce nouvel instrument efficace ? Ce dernier a-t-il répondu aux besoins initiaux lors de sa mise en place ? C’est à toutes ces questions que nous allons tenter de répondre au sein de la présente étude.

Notre présent travail se divisera en deux grandes parties avec cinq chapitres en tout. Dans la première partie, le premier chapitre sera consacré à la contextualisation du secteur étudié, à savoir celui de la coopération belge au développement, ses acteurs ainsi que les idéologies par lesquelles le monde de la coopération est traversé actuellement et leurs influences sur celui-ci. Nous décrirons ensuite précisément l’instrument de politique publique étudié, c’est-à-dire la demande groupée. Le deuxième chapitre, sera consacré à l’exposition de la problématique observée ainsi que la conceptualisation des théories que nous avons décidé d’utiliser pour mettre en lumière les propos recueillis lors des interviews. Nous entamerons ensuite la deuxième partie, composée des trois autres chapitres. Le troisième chapitre est consacré à la méthodologie scientifique utilisée pour la présente étude. Ensuite, lors du quatrième chapitre, nous analyserons les données empiriques récoltées lors de nos différentes interviews menées auprès des divers acteurs clés étant liés au mécanisme de la demande groupée. Il s’agira alors de confronter les théories mobilisées aux données empiriques afin de pouvoir confirmer ou infirmer notre hypothèse. Viendra alors le cinquième chapitre qui nous permettra de discuter les résultats obtenus afin d’en faire une mise en perspective réflexive. Enfin, nous terminerons par notre conclusion générale qui aura pour but d’une part, de résumer notre recherche et d’y apporter une réponse finale et d’autre part, d’envisager différentes ouvertures pour de futures études sur le présent sujet.

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3 PARTIE 1 : CONTEXTUALISATION, PROBLÉMATIQUE ET CONCEPTUALISATION 1. CONTEXTUALISATION

1.1. Les acteurs du secteur de la coopération belge au développement

Le secteur belge de la coopération au développement, véritable microcosme, compte une multitude d’acteurs de natures diverses, ayant chacun un rôle particulier. Nous allons tenter de dessiner un bref paysage de tous les protagonistes impliqués dans notre analyse de la demande groupée afin de permettre au lecteur une compréhension maximale du contexte de cette étude. La coopération belge au développement possède un cadre juridique depuis 1999 définissant, entre autres, les trois piliers de la coopération belge au développement. D’abord, il y a la coopération multilatérale, réalisée par les agences internationales telles que la Banque mondiale (BM), l’Union européenne (UE) ou encore le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). Ensuite, il existe la coopération bilatérale dite directe ou gouvernementale, s’opérant directement entre l’État belge et les États partenaires1. Enfin, le troisième pilier est la coopération bilatérale indirecte ou non gouvernementale, mise en œuvre par les différentes organisations de la société civile (OSC) belge (Contor, 2017b). La loi définissant ces trois piliers de la coopération belge au développement avait, avant tout, pour but d’avoir une vision politique à long terme, en créant deux structures administratives que nous allons aborder. La première de celles-ci est la Direction général du Développement (DGD), nommée à l’époque AGCD, Direction Générale de la Coopération au Développement (Contor, 2016).

1.1.1. L’administration centrale : la Direction générale du Développement (DGD)

La DGD est l’acteur fédéral central de la coopération belge au développement. Ce dernier fait partie du SPF Affaires étrangères, Commerce extérieur et Coopération au développement. Son rôle est

« l’élaboration et la coordination budgétaire et statistique des programmes de coopération » (OCDE, 2005 : 243). Comme mentionné dans notre introduction, le Ministre fédéral en charge de la Coopération au développement durant la période pendant laquelle nous avons réalisé notre étude est Alexander De Croo (Open VLD), qui est aussi Vice-Premier Ministre et Ministre des Finances.

Suite à une réorganisation interne, la DGD compte à présent cinq grandes directions (Contor, 2017b). Il y a la Direction géographique (D1) qui travaille selon une approche géographique en analysant les besoins des pays partenaires, par une étude de la spécificité du contexte régional.

Ensuite, la Direction thématique (D2) est chargée de définir les stratégies et le suivi des outils belges de développement thématique en vue des résultats visés. La Direction Société civile (D3) est la troisième direction de la DGD et s’occupe des relations avec les acteurs la coopération bilatérale indirecte, c’est-à-dire les OSC. Etant donné que la DGD subsidie les acteurs accrédités dont le

1 Les États partenaires de la Belgique sont au nombre de 14 et ont été sélectionnés en fonction de leur niveau de pauvreté, des aspects de bonne gouvernance et surtout selon les possibilités pour la Belgique d’offrir une aide significative.

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4 programme a été approuvé, D3 organise le suivi de ces acteurs. Vient ensuite la Direction gestion de l’organisation (D4) qui « soutient la mission stratégique de la DGD et se concentre sur la qualité et sur l’efficacité de l’aide, ainsi que sur la communication et la redevabilité » (ibid., 2017b : 24). Enfin, la Direction Aide humanitaire et transition (D5) est la dernière direction composant la DGD et s’occupe de l’action humanitaire et du développement transitionnel. En plus de ces cinq directions, un comité stratégique existe au sein de la DGD et a pour objectif de veiller à la cohérence interne de la politique belge de développement.

1.1.2. L’Agence belge de développement : Enabel

L’Agence belge de développement, anciennement nommée la Coopération Technique Belge (CTB) et renommée Enabel en 2018, a été créée en 1998 en tant que société anonyme de droit public à finalité sociale. Celle-ci est en charge de la mise en œuvre des programmes de coopération bilatérale directe belge (Develtere et Michel, 2010). Enabel est ainsi liée à l’État belge par un contrat de gestion définissant leurs relations (ibid., 2010 ; Contor, 2017b). La naissance de cette agence de développement est une conséquence de la réforme de la coopération bilatérale belge qui a profondément transformé « l’ensemble du dispositif de mise en œuvre de l’aide gouvernementale » (OCDE, 2005 : 247). Suite à un scandale touchant le secteur de la coopération survenu au cours des années ’90 que nous aborderons plus tard, cette réforme avait pour objectif la séparation de la conception des politiques et des stratégies de coopération, de l’exécution de la mise en œuvre des programmes d’aide bilatérale directe. Avant la création de la CTB, aujourd’hui nommée Enabel, la DGD était donc responsable de toutes les phases des projets de coopération au développement, de la conception à la mise en œuvre. Cette réforme du système a donc eu comme conséquence la séparation de la politique et du terrain (Contor, 2016).

1.1.3. Les ONG belges

Les ONG belges font partie de ce que l’on nomme « la coopération non gouvernementale » qui est « la coopération financée ou cofinancée par la coopération belge au développement, dans laquelle un tiers qui n’est pas un État étranger ni une organisation multilatérale, répond de l’exécution des interventions de coopération au développement, sur la base d’un système réglementaire de subventions ou d’une convention » (Moniteur belge cité dans Contor, 2017b). Cette coopération non gouvernementale est réalisée par divers acteurs comme les ONG, les fédérations et les coupoles, les confédérations syndicales, les villes et communes, les institutions scientifiques et les établissements d’enseignement supérieur. L’ensemble de ces acteurs se nomme les « organisations de la société civile », c’est-à-dire les OSC. Les ONG représentent l’acteur le plus important de la coopération belge indirecte. En effet, elles bénéficient de plus de 50% du budget de la coopération non gouvernementale (Contor, 2017b). Celles-ci sont centrales dans notre étude car une partie d’entre elles

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5 est directement concernée par l’outil de politique publique étudié, c’est-à-dire la demande groupée.

Pour être reconnues comme ONG en Belgique et ainsi pouvoir prétendre à un cofinancement de l’État belge à travers des subsides publics, celles-ci doivent remplir deux conditions, la première étant d’avoir le statut d’ASBL et la seconde d’obtenir l’accréditation (appelée agrément jusqu’en 2016). Au fil du temps et des différentes réformes de cofinancement des acteurs non gouvernementaux de la coopération, les conditions d’octroi de l’accréditation sont devenues de plus en plus complexes.

De ce fait, le nombre d’ONG belges, environ deux cents organisations en 2004 (Develtere, Fonteneau et Pollet, 2004) a diminué au fil des années et avoisine la septantaine aujourd’hui. Dans le cadre de notre analyse, nous laisserons de côté les ONG à visée humanitaire et nous nous intéresserons exclusivement aux ONG de développement. Celles-ci réalisent trois types d’activités : le plaidoyer politique, la mise en œuvre de projets de développement au Sud et l’éducation à la citoyenneté mondiale et solidaire (Contor, 2017b). De plus, de manière générale, nous apprenons d’une part, par Develtere et Michel, que « les ONG belges assurent une importante fonction de maintien, d’élargissement et de renforcement de l’assise de la coopération au développement en Belgique. » (2010 : 51) et d’autre part, par Contor, que « la légitimité sociale des ONG repose sur leurs contacts avec les acteurs locaux au Nord et au Sud » (2017b : 30).

Une des principales caractéristiques du secteur belge des ONG est sans nul doute sa fragmentation. Ce secteur « est composé d'un ensemble d'organisations qui ont été créées à des périodes différentes, pour des motifs divers et ont, par conséquent, des raisons d'être aussi très différentes » (Stangherlin, 2001 cité par Develtere et al., 2004 : 802). Beaucoup d’auteurs ont déjà disserté quant aux raisons de cette fragmentation. Nous avons essayé de les synthétiser.

D’abord, de nombreux auteurs (Develtere et al., 2004 ; Molenaers, Nijs et Huyse, 2011 ; Lambert et Smedt, 2006) s’accordent à dire que la période de genèse d’une ONG est un facteur influençant leur nature et impliquant dès lors un certain morcellement du secteur au regard des différentes générations d’ONG existantes. Stangherlin (2001) en a dégagées et définies quatre qui sont aujourd’hui utilisées comme références pour retracer l’historique du secteur de la coopération belge au développement. Le but de notre analyse n’étant pas de retracer en profondeur les différentes générations, bien qu’il y ait beaucoup d’éléments à citer sur chacune d’elle, nous effectuerons simplement un bref rappel afin de contextualiser nos propos. La première génération, dite “la génération précurseur” est née durant la période coloniale à travers l’initiative du monde social- chrétien et à la suite des deux Guerres mondiales, afin de faire face à la misère des peuples européens.

Ensuite, la deuxième génération d’ONG s’est formée lors de la période de décolonisation, suite à un sentiment collectif de responsabilité envers les anciennes colonies mais aussi une volonté de maintenir un lien avec ces dernières. La troisième génération, appelée “génération des ONG tiers-mondistes”, s’ancre dans le climat de la Guerre froide et considère le système socio-économique responsable de l’inégalité entre les hommes. Finalement, la quatrième génération, nommée “génération des techniciens sans frontières”, est marquée par la fin de la Guerre froide et décide de se délester de

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6 l’idéologie tiers-mondiste pour développer un nouveau paradigme apolitique et professionnel (Stangherlin, 2001). Pour Develtere et al., ces différents contextes de naissance des ONG expliquent les différences idéologiques au sein du secteur des ONG ainsi que la multitude de visions existantes (2004). Contor postule l’existence d’une cinquième génération pouvant se nommer « génération d’ONG gestionnaire » et ayant comme caractéristiques le recrutement d’un type de profil de travailleur différent, davantage qualifié, ainsi que de nouvelles pratiques managériales pour le monde de la coopération, orientées “vers la gestion, le marketing ou la communication, mais qui transforme aussi profondément le secteur en tant que tel” (Contor, 2017b : 46).

Ensuite, cette fragmentation du secteur peut s’expliquer à travers la pilarisation idéologique dans laquelle s’ancrent les ONG, à savoir les catholiques, les socialistes et les libéraux (Molenaers et al., 2011). Molenaers, Nijs et Huise définissent la pilarisation par “the dominance of vertical ideological pillars who managed their own social institutions (political parties, unions, women’s groups, the provision of certain social services, etc.)” (2011 : 12). La pilarisation signifie qu’une idéologie dominante influence et façonne toutes les institutions sociales composant la vie d’une personne. Cette pilarisation existe encore au sein des deux régions linguistiques mais a nettement perdu sa prédominance.

Enfin, Lambert et Smedt ajoutent deux éléments renforçant cette hétérogénéité au sein du secteur. Le premier élément, “le degré de connexion à la mondialisation très variable” (2006 : 10), souligne la différence entre une ONG étant une ramification d’un réseau international et une ONG s’enracinant dans un contexte local et s’y limitant. Le deuxième élément se base sur la dualité linguistique des régions accentuant le morcellement du secteur avec, comme exemple concret, la coexistence de deux fédérations d’ONG et de deux coupoles de membres du secteur de la coopération.

Il est d’ailleurs établi que les paysages ONG sont très différents au sein des régions wallonne et flamande : les ONG francophones sont plus nombreuses que les ONG néerlandophones et sont également de moindre taille par rapport à ces dernières (Develtere et Michel, 2010 ; Molenaers et al., 2011 ; Contor, 2017b).

Develtere et Michel soulignent qu’un “tel foisonnement d’acteurs conduit inévitablement à la question de l’efficacité de l’aide, telle qu’elle a été évoquée dans la “Déclaration de Paris” en 2005”

et bien que la Belgique ait souscrit aux recommandations de cette déclaration et qu’un “mouvement de réflexion ait été entamé, les décisions sont lentes à se matérialiser dans des résolutions concrètes”

(2010 : 124). Molenaers et al. (2011) appuient ces propos en soulignant que malgré le but de réduire la fragmentation du paysage de la coopération belge, par les précédentes réformes du système de cofinancement des ONG belges, cela n’a jamais abouti à un réel progrès. Cependant, ils ajoutent qu’aussi bien les ONG que le gouvernement mettent en avant les importants progrès en termes de professionnalisation réalisés par les ONG belges.

Au cours de notre analyse, nous qualifierons certaines ONG de « grandes ONG » et a contrario, d’autres de « petites ONG ». Nous choisissons de nommer « petites ONG », les ONG

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7 faisant partie de la demande groupée et « grandes ONG », les ONG ayant un financement en accès direct avec la DGD. Nous expliquerons plus tard ces différentes modalités de cofinancement. Ce choix est arbitraire car il est difficile de classer les ONG belges dans des catégories. Il existe une multitude de facteurs pouvant être pris en compte tels que leur budget, leurs ressources humaines ou encore leur légitimité auprès du grand public. De plus, quand on qualifie une ONG belge de « grande ONG » il faut garder en tête qu’à quelques exceptions près telles que Médecins Sans Frontière (MSF) par exemple, toutes les ONG belges sont très petites à l’échelle internationale (Molenaers et al., 2011).

1.1.4. Les fédérations et les coupoles, des acteurs devenus incontournables

Le monde de la coopération belge au développement compte actuellement cinq structures rassemblant les acteurs belges de la coopération. Ces structures ont des rôles différents mais sont complémentaires (Contor, 2017b). Les fédérations d’ONG ainsi que les coupoles peuvent être considérées aujourd’hui comme des acteurs incontournables du secteur de la coopération belge dans la mesure où environ 80% des ONG belges sont membres d’au moins une des quatre organisations non gouvernementales coordinatrices (Molenaers et al., 2011).

D’une part, il existe les fédérations qui sont au nombre de trois, à savoir : Acodev, la Fédération des ONG francophones, Ngo-federatie, la Fédération des ONG néerlandophones et Fiabel, la Fédération des acteurs institutionnels belges. Celles-ci ont deux fonctions. La première est le renforcement de capacités de leurs membres et la seconde est la défense des intérêts de ces derniers face à l’administration (ibid., 2011). Les deux fédérations d’ONG, Acodev et Ngo-federatie travaillent très conjointement et se montrent solidaires entre elles en ce qui concerne la répartition de la charge de travail, comme nous le verrons plus tard dans le cadre de la demande groupée. Comme le soulignent Lambert et de Smedt, ces deux rôles sont parfois difficiles à concilier pour les fédérations. En effet, elles « jouent un rôle syndical vis-à-vis de l’État pour les organisations, mais doivent en même temps essayer de faire avancer les ONG » (2006 : 105). Il s’agit donc pour elles de devoir défendre leurs membres face à l’administration, tout en les poussant continuellement à s’améliorer.

D’autre part, il existe également les coupoles des ONG et des ASBL belges actives dans le secteur de la coopération. Nées à la suite d’une campagne d’éradication de la faim dans le monde (Develtere et Michel, 2010) et issues d’une ancienne entité commune appelée le CNCD, c’est-à-dire le Centre national de coopération au développement, elles sont aujourd’hui au nombre de deux (Contor, 2017b). Nous avons 11.11.11 du côté néerlandophone et le CNCD 11.11.11 du côté francophone. Le rôle des coupoles est de représenter le secteur de la coopération et ses enjeux face aux autorités belges ainsi que sensibiliser le grand public concernant les problèmes de développement et la cause des relations équitables Nord-Sud. Pour ce faire, les coupoles pratiquent le lobbying, rédigent des plaidoyers, soutiennent des partenaires au Sud et assurent la coordination de la grande campagne annuelle de récolte de fonds, l’opération 11.11.11 (Molenaers et al., 2011).

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8 Lors de nos discussions de terrain, un membre d’ONG résumait assez bien le rôle de chacun en expliquant que si une organisation particulière se pose des questions quant à une réglementation, souhaite adresser une plainte contre l’administration ou a besoin d’outils pour améliorer ses pratiques, c’est vers les fédérations qu’elle va se tourner. Quant aux coupoles, elles se chargent de défendre le secteur dans sa globalité et de plaider « la défense des droits humains dans toutes leurs dimensions » (Develtere et Michel, 2010 : 54) mais n’a pas pour objectif de prendre la défense de membres de façon individuelle.

1.1.5. Les coupoles universitaires

Les deux coupoles universitaires belges, l’Académie de recherche et d’enseignement supérieur, anciennement dénommée Conseil interuniversitaire de la Communauté française (CIUF) et aujourd’hui communément appelée ARES du côté francophone d’une part, et le Vlaamse interuniversitaire Raad, couramment appelé VLIR-UOS du côté néerlandophone d’autre part, sont tous deux issus de l’ancienne Association interuniversitaire pour la coopération au développement (AICD) dont le rôle était de coordonner les projets facultaires s’inscrivant dans la coopération bilatérale et ce, afin de rationaliser la coopération universitaire (Develtere et Michel, 2010). L’AICD a disparu dans les années ’80 et ses compétences ont été attribuées aux coupoles universitaires. Ces dernières qui

« assurent le rôle d’interface entre celle-ci (l’administration) qui accorde les subsides et les universités qui les reçoivent » (Develtere et Michel, 2010 : 56), ont alors gagné en autonomie concernant la gestion des fonds de la coopération. Contor souligne que la coopération universitaire représente « le deuxième acteur de la coopération non gouvernementale après les ONG » (2017 : 41) avec un budget total d’à peu près 60 millions d’euros répartis entre les deux coupoles universitaires, soit près de 30% du budget de la coopération non gouvernementale indirecte (Contor, 2017b).

Lors d’une discussion avec un acteur du secteur, ancien membre du cabinet ayant participé à l’élaboration de l’outil de la demande groupée, celui-ci nous a expliqué que le principe de la demande groupée s’inspirait du système de fonctionnement des coupoles universitaires. C’est pourquoi ces dernières représentent des acteurs particulièrement intéressants dans le cadre de notre analyse. Une interview avec un membre du VLIR-UOS nous a alors permis de mieux comprendre les rouages du fonctionnement de l’organisation, afin de saisir exactement à quel modèle la demande groupée est censée ressembler.

Comme toutes les organisations de la société civile de développement belges, les coupoles universitaires doivent avoir le statut d’ASBL et obtenir leur accréditation afin d’être éligibles au cofinancement. Une fois ces formalités administratives remplies, les coupoles universitaires rentrent à l’administration un programme complet décrivant ce qu’elles prévoient d’accomplir, quels résultats sont escomptés et quels indicateurs vont permettre de les mesurer. Lorsque les programmes des coupoles ont été acceptés et que celles-ci ont reçu leur subside, elles peuvent alors à leur tour procéder au processus d’appréciation des projets de développement universitaires qui leur sont soumis.

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9 Une fois par an, des propositions de projets universitaires sont donc introduites auprès de l’ARES-CDD et du VLIR-UOS. Ces propositions sont analysées par les secrétariats respectifs des deux organisations afin de s’assurer qu’elles répondent à toutes les conditions d’éligibilité. Les propositions en ordre et donc éligibles sont alors dispatchées aux différents experts externes, engagés par l’ARES et le VLIR-UOS, pour l’appréciation du contenu du programme soit faite. Ces experts sont regroupés en commissions régionales et analysent l’ensemble des dossiers se rattachant à une région. Il est intéressant de noter que, bien qu’il y ait un léger renouvellement chaque année au sein du groupe des experts, le VLIR-UOS essaie d’assurer une continuité au sein des commissions régionales de sélection en travaillant durant plusieurs années avec les mêmes experts. Ces derniers ne sont pas uniquement Belges mais proviennent du monde entier. En effet, notre interlocuteur nous explique que le VLIR-UOS recherche des experts extrêmement qualifiés même si cela représente un budget très important pour l’organisation. De plus, cette dernière organise chaque année une formation à destination de ses experts afin de les informer des priorités de l’organisation et de les familiariser avec les cadres analytiques utilisés dans les programmes, comme par exemple la théorie du changement (ToC). Chaque projet est jugé selon les cinq critères du Comité d’aide au développement (CAD) : l’efficience, l’efficacité, la pertinence, l’impact et la viabilité. Le VLIR-UOS en ajoute un sixième qui est la qualité scientifique du projet. Une fois que les experts ont effectué leur évaluation, une réunion par commission régionale est organisée et tous les projets y sont discutés, sauf dans le cas où certains font l’objet d’emblée d’un consensus au sein de la commission des experts. Un ranking est alors établi selon les scores de chaque projet.

Contrairement au mode de fonctionnement de cofinancement des OSC par la DGD, le montant des subsides n’est pas pondéré en fonction du score obtenu par le programme. Les projets sont classés selon un ranking et le premier obtient la totalité du financement demandé. Ensuite, s’il reste du budget pour cette même thématique, le deuxième projet est financé et ainsi de suite. Le nombre de programmes financés dépend donc du budget cumulé des financements demandés par rapport au budget prévu pour la thématique. De ce fait, très peu de projets sont financés, à peine un quart de la totalité des demandes introduites. Même en cas de refus, chaque projet reçoit un feedback de la part du VLIR-UOS afin de pouvoir s’améliorer et éventuellement représenter le projet l’année suivante (à noter qu’un même projet ne peut être présenté que deux fois au maximum).

En ce qui concerne les évaluations, ce sont des évaluateurs externes qui sont engagés, différents des experts ayant procédé à l’appréciation des projets. Notre interlocuteur nous explique que le VLIR-UOS, ayant énormément d’évaluations à réaliser, conclut des accords-cadres, établis pour cinq ans, respectivement avec quatre entreprises d’évaluation qui soumettent les CV de leurs experts en fonction de la demande d’évaluation introduite par le VLIR-UOS. La procédure est simplifiée et il s’agit alors uniquement de trouver un expert répondant aux besoins de l’évaluation et au budget prévu à cet effet. Cependant, il est important de noter que tous les projets ne sont pas évalués. Seuls les projets à long terme (dix ans) de type Coopération universitaire institutionnelle (CUI), sont

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10 systématiquement évalués. Pour les petits projets de deux, trois ou quatre ans, un échantillon thématique est défini et évalué. Pour des raisons d’impartialité, le VLIR-UOS remet la liste de la génération de projets qu’il faut évaluer aux évaluateurs et ce sont eux qui décident lesquels vont être sélectionnés pour l’évaluation.

1.1.6. Les « autres acteurs »

Outre l’administration centrale, les ONG, les fédérations et les coupoles, nous pouvons encore parler de quatre autres types d’acteurs du secteur de la coopération belge au développement. Le but de notre analyse n’étant pas d’établir un paysage complet et détaillé de ces derniers, nous réaliserons un résumé de l’étude menée par Contor (2017b) pour les citer et en donner une brève explication.

D’abord, il existe en tant qu’acteurs de la coopération non gouvernementale indirecte, les instituts de formation : la Vlaamse Vereniging voor Ontwikkelingssamenwerking en Technische Bijstand (VVOB) et l’Association pour la promotion de l’éducation et de la formation à l’étranger (APEFE). Leur objectif global est « la lutte contre la pauvreté par le renforcement (institutionnel, technique, administratif et de gestion) d’institutions étatiques, paraétatiques ou multilatérales localisées dans un pays en voie de développement à travers la formation » (ibid., 2017b : 41). Ensuite, les institutions scientifiques sont d’autres acteurs de la coopération belge, à savoir : l’Institut de médecine tropicale (IMT), le Musée royal de l’Afrique centrale (MRAC) et l’Institut royal des sciences naturelles de Belgique (IRSNB). Globalement, ces institutions participent à la coopération au développement à travers des projets de développement au Sud et à travers des recherches scientifiques pouvant servir à la coopération au développement. Les villes et communes, constituant un autre acteur moins connu de la coopération au développement, réalisent des partenariats locaux avec des communes du Sud afin de les renforcer. Enfin, nous finissons avec les confédérations syndicales qui sont, depuis 2002, des partenaires de développement de l’État belge. L’objectif de cette coopération entre ce dernier et les confédérations syndicales « vise principalement le renforcement des organisations syndicales sur le plan du développement institutionnel, de l’indépendance, de la démocratie, et dans le but de faire progresser la justice sociale » (ibid., 2017b : 42).

Maintenant que les acteurs en lien avec notre thématique, la demande groupée, ont été présentés, nous allons procéder à la contextualisation du secteur de la coopération belge de façon plus globale.

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11 1.2. Le secteur de la coopération belge dans un contexte néolibéral

1.2.1. Le néolibéralisme substitué au libéralisme

La pensée libérale, née sous le mouvement des philosophes des Lumières entre le XVIIe et le XVIIIe siècle, s’oppose à l’absolutisme2 politique justifié par des conceptions religieuses. On peut considérer que John Locke, philosophe anglais du XVIIe siècle, a posé les principes de la philosophie libérale moderne à travers sa théorie de l’« État de droit » avec comme lignes directrices : la théorie des droits naturels (tels que le droit à la vie, le droit à la santé, le droit à la liberté ou encore le droit de propriété), la limitation et la séparation des pouvoirs, la séparation de l’Église et l’État ou encore la justification de la désobéissance civile3. D’autres théoriciens économiques comme David Hume, Adam Smith ou encore Montesquieu, étendront ces principes à l’économie et créeront ainsi le libéralisme économique. Ce dernier, devenu au fil du temps l’idéologie dominante occidentale, a ainsi grandement influencé l’économie et la politique européennes (Chopin, 2006).

C’est en 1938, à Paris, que le colloque Walter Lippman, rassemblant vingt-six penseurs libéraux reconnus tels que von Hayek, von Mises et Rüstow, remet en question la doctrine libérale et sa capacité à faire face aux problèmes de l’époque. On reproche en partie au libéralisme sa croyance métaphysique du laisser-faire, incitant les pouvoirs publics à intervenir le moins possible dans l’économie, afin de laisser l’initiative aux agents économiques privés. Ceux-ci seraient à l’origine d’effets négatifs, comme les inégalités sociales, poussant peu à peu la société vers le communisme et le totalitarisme (Dardot et Laval, 2009). Lippman explique dans son livre « La cité libre » que, peu à peu, le libéralisme et le progressisme4 se sont séparés, ce qui aurait eu pour conséquence le gel du libéralisme. Le prétexte du fonctionnement autonome du marché a alors profité essentiellement aux groupes dominants d’un point de vue économique. Bien que certains soient en faveur d’une simple restauration de la doctrine du laissez-faire lors du colloque, d’autres participants voudraient refonder une politique libérale active dans laquelle la vie économique est encadrée par un cadre juridique fixé par le législateur. Cependant, tous s’accordent pour dire que le libéralisme classique est à l’origine de la crise qu’il subit et que les effets négatifs qu’il a causés sont à l’origine du succès grandissant de la théorie du planisme5 (ibid., 2009). Pour Lippman, le néolibéralisme doit façonner la vie individuelle et sociale tout entière et doit « aider à la redéfinition d’un cadre nouveau qui soit compatible avec la nouvelle structure économique. Plus encore, la politique néolibérale doit changer l’homme même. » (ibid., 2009 : 176).

2 Système de gouvernement où le pouvoir du chef de l’État est sans limite, ne comportant aucune restriction ni réserve.

3 Refus assumé et public de se soumettre à une loi, un règlement, une organisation ou un pouvoir jugé inique par ceux qui le contestent, tout en faisant de ce refus une arme de combat pacifique.

4 Volonté d’instaurer des avancées sociales à travers des réformes.

5 Théorie économique née dans les années ’30 considérant que la planification peut modifier la société en profondeur ou du moins, contrer les “effets pervers” du marché. Ce concept a influencé les mouvements socialistes et syndicalistes.

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12 Ces idées ont ainsi constitué les principes fondateurs du néolibéralisme. Depuis la fin des années ’70, l’expression « néolibéralisme » désigne les politiques libérales économiques, en opposition aux idées keynésiennes6 et, d’une façon plus globale, à l’intervention de l’État.

Aujourd’hui, les politiques dites « néolibérales » préconisent la protection des libertés individuelles face à l’État et visent à réduire l’influence du secteur public sur l’économie, en faveur du secteur privé. Le postulat étant qu’il en découlerait une administration davantage efficace et une économie plus forte (ibid., 2009).

1.2.2. Le néolibéralisme incarné par le « new public management » et introduit dans l’administration belge à travers la réforme Copernic

Né dans les années ’80, le « new public management » (NPM) s’inspire des principes néolibéraux et recommande plus de pragmatisme7 de gestion au sein des administrations publiques. La bureaucratie wébérienne8, jusque-là dominante est désormais considérée comme inefficace face aux crises financières et au besoin de rationaliser les coûts du secteur public (Amar et Berthier, 2007). Les méthodes de gestion du secteur privé, considérées comme performantes, deviennent alors les modèles à suivre pour le secteur public jugé rigide, trop coûteux, inefficace et centré sur lui-même. La logique du « new public management », s’opposant à celle de la bureaucratie wébérienne, vise à augmenter la marge de manœuvre des gestionnaires afin de mieux répondre et à moindre coût aux demandes des citoyens, désormais considérés comme des clients. Le « new public management » considère les administrateurs comme de véritables managers (ibid., 2007). Dorénavant, le principe des trois E devient élémentaire au sein de l’administration publique : économie, efficacité et efficience (Van Haeperen, 2012). Le « new public management » préconise de séparer le rôle de pilotage, c’est-à-dire le pouvoir politique prenant les décisions stratégiques et fixant les objectifs, du rôle d’exécution, c’est- à-dire le gestionnaire prenant les décisions opérationnelles, afin d’obtenir une approche davantage pragmatique. Cette séparation des rôles a également pour objectif d’améliorer le rapport coût/efficacité du service aux citoyens, devenus des clients (ibid., 2012). De plus, l’imprégnation du « new public management » modifie l’organisation et le fonctionnement des administrations publiques à différents degrés, toujours avec comme objectif de les améliorer. Politt et Bouckaert écrivent à ce sujet : « (...) we could say that public management reform consists of deliberate changes to the structures and processes of public sector organizations with the objective of getting them (in some sense) to run better. » (2000 : 8). L’introduction progressive en Europe d’un nouveau cadre de gestion publique à

6 Le keynésianisme est une école de pensée économique fondée par Keynes. Pour lui, l’autonomie des marchés ne mène pas forcément aux situations économiques les plus optimales. L’État a donc un rôle à jouer dans le domaine économique, notamment dans un cadre de politique de relance.

7 Attitude de quelqu’un qui s’adapte à toute situation, qui est orienté vers l’action pratique.

8 Pour Max Weber, la bureaucratie est un type d’organisation général marqué par la primauté des règles et de procédures qui sont appliquées de manière impersonnelle par des agents spécialisés. Ces derniers exécutent les règles sans discuter des objectifs ou des raisons qui les motivent. On attend d’eux qu’ils soient neutres et qu’ils oublient leurs intérêts personnels au profit de l’intérêt général.

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13 travers le « new public management » s’est donc justifiée par la volonté d’améliorer la performance du secteur public : « faire mieux avec moins de moyens » (Contor, 2016 : 10) et ce, aux différents échelons de l’organisation.

Ainsi, depuis les années ’80, différents pays de l’OCDE ont réformé leur système de gestion publique, en partie sous l’impulsion des organisations internationales et de l’Union Européenne (Lamarche, 2011). Bien qu’il semble y avoir une homogénéisation des pratiques du « new public management » à l’échelle européenne (ibid., 2011) et que celui-ci soit considéré comme un cadre de gestion publique valable « for all seasons » (Hood veut dire par là en toutes circonstances) d’une part, par sa neutralité politique et d’autre part, par sa « portabilité », c’est-à-dire sa diffusion possible dans tout type de contexte (Hood, 1991), chaque État européen a aménagé la réforme de son secteur public en fonction de son contexte et de ses spécificités, sans quoi son succès aurait été compromis (Amar et Berthier, 2007 ; Lamarzelle, 2008). Politt et Bouckaert insistent également sur le fait qu’il n’y ait pas un modèle de réforme prédéfini qui puisse convenir à l’ensemble des pays appliquant les principes du

« new public management » : « (…) thus the management reforms in any particular country will almost certainly be shaped by the local preoccupations and priorities of the politicians and private actors most concerned. These local frames of reference are likely to vary a good deal. The successful application of a single template for reforme right across the globe (or even across the liberal democracies of Western Europe, North America and Australasia) is therefore inherently improbable. » (2000 : 18).

En Belgique, c’est à travers la réforme « Copernic », entamée en 1999 sous le Gouvernement Verhofstadt (Open VLD), que les principes du NPM ont été intégrés au sein du secteur public (Amar et Berthier, 2007). Cette réforme de l’Administration fédérale belge a eu pour objectifs de

« transformer les administrations publiques en une organisation moderne orientée vers la performance et le service au citoyen » (Quertainmont, 2010 : 2), en plus d’offrir un meilleur cadre de travail pour ses fonctionnaires (Copernicus, 2002). Ainsi, la réforme Copernic avait deux destinataires : les fonctionnaires et les citoyens. Pour coller à ces deux objectifs, cette réforme s’est construite autour de quatre lignes directrices, à savoir : une nouvelle structure organisationnelle, une nouvelle culture de management, une nouvelle vision des ressources et finalement une nouvelle méthode de travail (ibid., 2002). La réorganisation des services publics est en partie due, d’une part, au besoin de réduire la croissance des dépenses publiques et d’autre part, à la volonté d’améliorer la performance du secteur public belge afin de gagner en efficacité, en efficience et en qualité (Normand, 2011). Le but était donc de répondre aux critiques d’inefficience qui lui étaient adressées jusqu’alors (Hibou, 2012) en remédiant « aux dysfonctionnements de l’administration publique fédérale fondée sur le constat que la fonction publique est paralysée par une structure formelle, rigide, inefficace et gaspilleuse de deniers publics et d’énergie » (Quertainmont, 2010 : 1). Bien que Drumeaux considère que l’assimilation complète de la réforme Copernic au NPM est à nuancer (Piraux, 2010 ; Contor, 2016), nous considérons dans le cadre de notre analyse, comme Piraux (2010), cette réforme telle une

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14 représentation majeure de l’arrivée des principes du « new public management » au sein de l’Administration fédérale belge.

1.2.3. Le secteur de la coopération belge au prisme du « new public management »

Au cours des années ’90, le secteur belge de la coopération au développement a connu une importante crise institutionnelle remettant en cause la pertinence de ses projets (Contor, 2016). Cette crise, couplée à l’avancée internationale des normes du NPM, a induit une progression de celles-ci au sein de l’Administration générale de la Coopération au développement (à l’époque AGCD). De nombreux auteurs (Hood, 1991 ; Amar et Berthier, 2007 ; Piraux, 2010 ; Lamarche, 2011 ; Van Haeperen 2012) ont traité des nombreuses caractéristiques du « new public management » et de ses différentes limites et critiques. Nous allons à présent exemplifier quelques implications significatives des différentes caractéristiques du NPM dans le cadre du secteur belge de la coopération au développement.

Introduction d’une culture de la performance

Comme nous l’avons préalablement expliqué, l’introduction des normes du « new public management » au sein de l’administration belge se justifie par une performance défaillante du système de gestion du secteur public jusqu’alors appliqué. Or, cette recherche de performance est en partie justifiée par le fait que l’administration publique fonctionne avec l’argent des contribuables : « La notion même de performance s’impose comme une évidence et apparaît comme étant au service de la collectivité. « Bien gérer les fonds publics » est une idée simple, une évidence, que nul ne peut vraiment contester. Établir des critères de performance devient ainsi décisif pour l’action publique. » (Lamarche, 2011 : 15). Ainsi pour améliorer les administrations publiques, le NPM entend les rendre davantage performantes à travers une décentralisation des différents pouvoirs, politique et opérationnel (Van Haeperen, 2012).

D’abord, comme mentionné précédemment, cette décentralisation a pour objectif de séparer les rôles relevant du domaine politique de ceux relevant du domaine administratif afin de « permettre aux structures de gagner en autonomie, en flexibilité et en réactivité. Le partage des responsabilités gagne également en clarté. » (Amar et Berthier, 2007 : 3). Ainsi, cela s’est traduit dans le domaine de la coopération belge par la réforme Moreels de 1997 instituant la création de deux structures administratives distinctes, remplaçant l’AGCD : la DGCD chargée d’élaborer la politique de la coopération belge au développement et la CTB chargée de l’exécution de la politique de coopération au développement pour le compte de l’État belge. Dorénavant, les responsabilités stratégiques se trouvent au centre, c’est-à-dire l’administration centrale, la DGCD, et l’exécution opérationnelle se situe au niveau d’entités autonomes telles que la CTB et les agences belges de la coopération au développement (Van Haeperen, 2012). Par agence, nous entendons « des organismes autonomes

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15 auxquels sont confiées des fonctions d’exécution et de gestion des politiques, en réponse à la volonté de dissocier responsabilités stratégiques, conservées par l’administration centrale, et fonctions opérationnelles, confiées à ces structures » (ibid., 2012 : 86). Ainsi, dans le cas de la coopération belge au développement, le terme agence peut être assimilé d’une part à Enabel, et d’autre part, à toute OSC belge recevant des subsides étatiques pour la réalisation de missions de développement. En outre, ce phénomène d’« agencification » s’est vu se renforcer avec le changement de statut en 2016 de la CTB en Agence belge de Développement rebaptisée Enabel. Cette dernière a alors été chargée de la mise en œuvre de la coopération au développement pour le compte de l’État belge et s’est vu confier davantage « d’autonomies financière et opérationnelle tant sur le terrain qu’en Belgique » (Contor, 2016 : 8-9).

D’une part, la séparation des rôles entre la DGCD et la CTB n’a cependant pas été évidente.

En effet, au départ, des responsables de projet ayant l’habitude d’œuvrer sur le terrain se sont soudainement retrouvés dans les bureaux à Bruxelles dans des fonctions administratives et, a contrario, des gestionnaires de dossiers du niveau central se sont vus envoyés sur le terrain. Ces mutations ont engendré beaucoup de frustration (Contor, 2016). De plus, « les relations entre l’administration et la CTB demeurent difficiles, des logiques organisationnelles diffèrent. D’un côté, la CTB opère davantage sur un modèle d’entreprise privée avec une grande flexibilité dans la manière d’organiser son travail. De l’autre côté, la DGCD travaille sur un modèle plus bureaucratique et donc moins flexible. » (ibid., 2016 : 8). Ainsi, la décentralisation a rencontré des difficultés organisationnelles dues à différentes logiques dans le cadre du secteur de la coopération belge.

D’autre part, la coordination entre l’administration et ses agences telles que les ONG belges de développement bute également contre quelques obstacles. Van Haeperen met en avant le manque général de coordination entre les agences lorsque celles-ci tentent de mettre en œuvre une politique sectorielle ou transversale dont la complication du pilotage entraine une perte d’efficience de l’aide (2012). Nous définissons cette efficience comme le rapport entre les résultats obtenus au sein des missions de développement et les ressources utilisées pour les atteindre, c’est-à-dire le budget alloué à ces missions. Cette coordination complexe s’explique donc non seulement par le manque de communication entre ces entités autonomes, dû à leur multiplication provoquant une « ‘siloisation’, c’est-à-dire une fragmentation du système organisationnel » (ibid., 2012 : 88), mais aussi par l’absence d’« un organisme chargé, stricto sensu, de la coordination des politiques publiques confiées aux agences. En effet, l’administration centrale n’exerce aucune tutelle sur les agences » (ibid., 2012 : 93). Comme nous l’avons précédemment relevé, le paysage des ONG belges est particulièrement concerné par cette « siloisation ». Ensuite, le manque de ressources humaines au sein de l’actuelle DGD (OCDE, 2015) complique cette coordination chronophage. Pour tenter de résoudre ce problème de coordination des OSC, un outil a récemment vu le jour. Ce dernier, d’abord nommé « analyse contextuelle commune » (ACC) par l’Arrêté royal du 24 avril 2014, a été modifié lors de la dernière réforme de 2016, pour devenir le « cadre stratégique commun » (CSC). Cet exercice rassemble autour

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16 de la table les OSC travaillant au sein d’un même pays afin qu’elles présentent un cadre stratégique commun du pays : présentation des cibles stratégiques visées par ces OSC, identification des risques majeurs et des opportunités de complémentarité entre organisations accréditées (Arrêté royal du 11 septembre 2016). L’objectif est la création de synergies au sein du secteur. Du point de vue de la direction de la DGD, le pari semble réussi, bien que le départ ait été difficile : « Quelque chose a bougé dans le secteur… Ce n’est pas que les OSC ne voulaient pas le faire auparavant, mais le fait qu’on les encourage à le faire concrètement, on a obtenu un résultat… Certes, peut-être à leur corps défendant au départ mais une fois qu’elles ont vu ce que cela pouvait donner, il y a eu une réelle prise de conscience des éléments positifs et des synergies possibles… » (propos d’interview). Cependant, une employée de la DGD ajoute que cet exercice a dû être réalisé en très peu de temps, étant donné l’année chargée pendant laquelle sa réalisation s’est déroulée et les autres échéances auxquelles les ONG étaient tenues (l’audit du screening ainsi que la rédaction de leur programme). Elle nuance cette réussite : « Étant donné qu’il fallait avoir travaillé à l’élaboration d’un CSC pour pouvoir introduire un volet dans le pays concerné, mais que les OSC n’avaient ni obtenu leur accréditation ni commencé l’écriture de leur programme, beaucoup d’entre elles ont participé à l’écriture de tous les CSC pour ne se fermer aucune porte et donc, quand on a reçu les programmes, les CSC ne donnaient pas du tout une vue fidèle de quelles OSC allaient réellement y travailler. Le CSC Belgique par exemple était incroyable car toutes les OSC avaient participé à sa rédaction et ça ne ressemblait à rien… » (propos d’interview). Nous observons donc la mise en place progressive d’outils visant à améliorer la coordination entre les OSC belges.

La prépondérance des dispositifs d’évaluation

Une autre caractéristique majeure du « new public management » est la présence de nombreux dispositifs d’évaluation, de rapports, de contre-rapports et l’implication d’experts et de consultants (Van Haeperen, 2012 ; Hibou, 2012). Comme nous venons de le voir, l’État qui délègue de plus en plus, gouverne en quelque sorte à distance. Cela nécessite d’une part, la définition de directives, de procédures et de principes directeurs et d’autre part, des procédures d’identification et d’évaluation des résultats (Hibou, 2012). Hibou ajoute que le « new public management » correspond à un modèle gestionnaire d’exercice du pouvoir d’État « où l’information est intégrée, les activités décomposées et décrites le plus finement possible avant d’être mesurées, les objectifs fixés et quantifiés, les indicateurs de performance définis, de sorte que soit évalué le degré de réalisation des fins identifiées et qu’un benchmark soit établi. » (2012 : 87). Ainsi, il y a une véritable volonté de la part de l’État d’être en mesure de tout quantifier pour ensuite pouvoir mesurer les résultats obtenus et établir des comparaisons. De plus, on estime que c’est au citoyen, dorénavant vu comme un client, que les performances doivent être justifiées : « c’est au nom du citoyen imposable que sont mises en place des mesures d’accroissement de la productivité » (Lamarche, 2011 : 21). Nous comprenons donc que

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17 l’arrivée des normes du NPM au sein des administrations publiques implique une série de procédures d’évaluation très détaillées.

Suite à la crise institutionnelle du secteur des ONG dans les années ’90, le « Rapport de suivi des problèmes de l’Administration Générale de la Coopération au Développement », rédigé en 1997, a établi que l’évaluation est essentielle car « (…) la coopération est d’abord un projet politique et ne s’inscrit pas dans un marché classique dans lequel l’offre et la demande l’organisent » (Contor, 2016 : 7). Ainsi, le secteur de la coopération belge au développement a vu fleurir divers types d’évaluations. Cependant, Amar et Berthier expliquent que l’évaluation est un aspect difficile dans le secteur public dû à la multiplicité des objectifs et des acteurs (2007), ce à quoi Piraux ajoute que « le service public délivre souvent des produits intangibles difficilement quantifiables et pour lesquels la performance individuelle s’avère difficile à mesurer. » (2010 : 3). Cela se confirme particulièrement dans le cadre du secteur de la coopération au développement qui a majoritairement pour objectifs des changements sociaux difficilement mesurables. Un membre d’une ONG nous explique : « (…) il est impossible de faire rentrer la réalité de terrain dans les petites cases prévues lors des évaluations…

On devrait expliquer le déroulement de notre programme selon des scores de performance. Or la réalité est bien plus complexe que ça et ne correspond à aucune des lettres ‘A, B, C ou D’ devant être attribuées selon la réussite des opérations » (propos d’interview). Ainsi, bien que les programmes de développement ne soient pas simples à évaluer dû à leur objectif de changement social, on observe une culture de l’évaluation poussée, ayant pour but de rendre des comptes à l’administration concernant l’usage des financements reçus.

En outre, Hibou explique que des caractéristiques de la bureaucratisation néolibérale sont la recherche de certification, avec la proéminence de normes de management et de nombreux partenariats entre public et privé, la quête d’efficacité et de professionnalisation et la formalisation de dispositifs, de règles et de procédures du privé. Cette recherche de certification, pour être légitime, doit être obtenue lors d’un audit par une entreprise tierce devant « certifier la conformité des pratiques de l’entreprise à la norme édictée. Cette certification exige un audit du système de management et vérifie qu’il est conforme aux exigences spécifiées dans la norme » (Hibou, 2012 : 96). Un Arrêté royal du 14 décembre 2005 relatif aux accréditations d’ONG de développement modifie la procédure concernant son obtention. Désormais, deux des conditions pour obtenir l’agrément pour une ONG de développement sont de « pouvoir démontrer sa capacité à préparer, exécuter et assurer le suivi d’un ensemble de projets de coopération et démontrer l’efficacité de ses actions sur le terrain » (DGCD, 2006). Ainsi, un audit appelé « screening » a été réalisé par l’agence de consultance privée

« PriceWaterhouseCoopers » en 2006 afin de procéder à cette évaluation. Dix ans plus tard, en 2016, un deuxième screening des OSC belges de développement a eu lieu. Celui-ci, contrairement au premier en 2006, devait être réussi par les OSC pour obtenir l’accréditation les rendant éligibles au cofinancement. L’administration a cette fois décidé de le faire porter uniquement sur les capacités de gestion des OSC. Un membre de l’administration explique : « C’est un autre aspect que nous avons

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