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Droits de pêche

Ouverture de la tragédie ?

En matière de droits de pêche, notamment dans les pays en développement, il serait indispensable de procéder à des

réformes institutionnelles et à une répartition différente des permis

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ans les deux derniers numéros de la revue Samudra, nous avons été témoins d’un débat intéressant portant sur l’attribution des droits de pêche.

Derek Johnson a fait part de ses réflexions sur la conférence Sharing the Fish 2006 qui s’est tenue en Australie, notant la prépondérance traditionnelle des pays riches et « tempérés » (une minorité) sur les pays en développement du Sud dans les communications, les débats et les solutions proposées (voir Samudra nº 43, mars 2006, p. 11).

Dans le numéro suivant (Samudra nº 44, juillet 2006, p. 25), Ichiro Namuro, Directeur général adjoint du Département des pêches de la FAO, a réagi en affirmant que les pêcheries fondées sur des droits constituent la solution par excellence, tout en admettant que ce n’est pas la solution unique, tout le monde ne chaussant pas la même pointure.

Il termine sa lettre en lançant l’idée d’une conférence qui aurait pour thème central l’attribution des droits de pêche dans les pays en développement.

Je voudrais aborder ici les dilemmes qui accompagnent une telle approche. Avant de commencer cependant, clarifions un peu les choses en matière de gestion des pêcheries fondées sur des droits dans les pays du Nord.

Ce type de régime peut revêtir plusieurs formes : permis de pêche, quotas (ou contingents) individuels ou communautaires, etc. Les quotas individuels peuvent être de plusieurs sortes : quota de pêche individuel (IFQ), quota individuel de navire (IVQ), quota individuel transférable (ITQ/QIT).

Chaque type a ses caractéristiques et implications particulières. Toutes ces solutions sont bien connues dans le Nord (et dans le Sud « down under », c’est-à-dire aux antipodes). Mais au cours de la dernière décennie, il a surtout été question de ITQ/QIT. Cela était très manifeste lors de la première conférence Sharing the Fish en 1999, où la

Nouvelle-Zélande et l’Australie occupaient une place prépondérante.

Je pense qu’on peut honnêtement dire que les systèmes de QIT, nés d’abord en Nouvelle-Zélande et en Islande puis ensuite copiés dans une quinzaine de pays, ont connu des fortunes diverses. Le plus souvent ils ont amélioré les performances économiques des pêcheries et les paramètres biologiques, contribuant ainsi à l’instauration d’une pêche plus durable (bien qu’il manque souvent des preuves irréfutables de cette assertion). Ils ont généralement péché sur le plan de l’équité, ne prenant guère en compte le sort des membres d’équipage et des populations locales. Certains pays, dont les Etats-Unis en Alaska, ont instauré des quotas communautaires, mais ces initiatives ont été rares et marginales comparé à la poussée massive des quotas individuels transférables (QIT) ou de systèmes très ressemblants, par exemple les quotas individuels de navire (IVQ) en Norvège. Ces pays disposent généralement des ressources humaines et économiques indispensables pour la gestion de leur régime à QIT. Et, ce qui est encore plus important, ils peuvent à des degrés divers reclasser les pêcheurs qui doivent quitter le métier. Ainsi, la Norvège, qui comptait 115 000 pêcheurs en 1946, en a moins de 15 000 à l’heure actuelle, sans que cela ait posé de gros problèmes de chômage.

Le problème se pose, comme le fait remarquer John Kurien dans son étude sur Les gens et la mer : point de vue de la « majorité tropicale », lorsque les missionnaires des QIT se mettent à prêcher leur évangile dans de grands pays en développement où il y a des milliers et des milliers de petits pêcheurs (Chine, Inde, Indonésie, Vietnam...) et dans des pays plus petits (en Afrique, en Amérique latine).

Prudence

La FAO est un peu plus prudente et préconise une gestion des pêches fondée sur des droits (mais pas nécessairement des QIT), ajoutant en guise de conclusion rhétorique que tous

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les pêcheurs finiront pauvres si la durabilité biologique n’est pas assurée... Citons M.

Nomura : « La panoplie actuelle des systèmes d’attribution des droits est très variée et on peut y trouver ce qui peut convenir à toutes sortes de pêcheries, toutes sortes de contextes, aux gros et aux petits bateaux. Ils sont, de loin, le meilleur outil pour réhabiliter et officialiser les droits traditionnels, et donc protéger les droits des pêcheurs. Même les QIT, s’ils sont bien conçus, ne devraient pas menacer les moyens d’existence des petits pêcheurs ou accroître les inégalités. »

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omme l’a noté Derek Johnson dans son article paru dans Samudra nº 43, il y a de bonnes raisons d’être sceptique vis-à-vis de certaines solutions trop simples. Les organismes donateurs ont graduellement modifié leurs priorités, plus en faveur des petits pêcheurs, en ciblant particulièrement les pauvres (et pour un temps « les plus pauvres parmi les pauvres »), mais la pensée sous-jacente a toujours été que les pêcheurs des pays en développement sont généralement pauvres, quels que soient les critères retenus. Or, comme le fait remarquer C.

Béné (Lorsque pêche rime avec pauvreté - Premier pas au-delà de la vieille théorie de la pauvreté dans la petite pêche, in World Development 31, nº 6, 2003), dans la documentation disponible relative à la pauvreté, on constate une absence quasi-complète de références pour des études de cas relatives à la pêche. Bédé explique cela non pas par le petit nombre d’études sectorielles sur la pêche traitant aussi de la pauvreté mais par la nature de la production scientifique et la façon dont la

documentation disponible tente d’expliquer la cause (ou les causes) et l’origine (ou les origines) de la pauvreté dans la pêche.

Il semble qu’il y ait habituellement deux interprétations différentes du couple pêche-pauvreté. La première dit : « Ils sont pauvres parce qu’ils sont pêcheurs ». Dans cette tradition intellectuelle, il y a deux types de raisonnement. L’un trouve son origine dans l’étude devenue classique de H. S.

Gordon sur les pêcheries libres d’accès : Théorie économique d’une ressource communautaire : la pêche, in Journal of Political Economy 62, 1954. Cette idée a été vigoureusement interprétée dans un article de Hardin qui fera date : La tragédie des biens communautaires, Science 162, 1968). A cause du libre accès, de plus en plus de gens arrivent dans la pêche, ce qui entraîne une surexploitation de la ressource, une élimination de la rente procurée par cette ressource, et finalement l’appauvrissement des pêcheurs et de leurs communautés.

Cette pensée intellectuelle a la vie dure, et un grand nombre de contributions émanant de scientifiques et d’organismes donateurs s’y réfèrent. Il est certain que la surexploitation de la ressource est une cause majeure de l’appauvrissement, mais pas nécessairement la cause majeure.

Origine exogène

Dans cette tradition, la pauvreté est considérée comme un effet endogène. Pour expliquer l’origine exogène de la pauvreté, on met en avant le faible coût d’opportunité de l’emploi dans la pêche. Traitant des problèmes particuliers de la petite pêche, T.

Panayotou fait remarquer que pour la plupart des pêcheurs (en Asie), le coût

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Tableau 1 : schéma d’identification des manifestations de la pauvreté (Béné 2004)

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d’opportunité de l’emploi est bien faible ; et disposant d’un accès facile mais privés d’une sortie facile, ils sont piégés dans leur activité présente (Concepts de gestion applicables à la petite pêche : considérations économiques et sociales, Document technique 228, FAO Pêche, 1982).

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utrement dit, la situation en dehors de la pêche est un facteur fort important. Certains auteurs combinent les deux explications sans faire la distinction indispensable, ce qui brouille l’analyse et la compréhension des causes de la pauvreté dans la pêche.

L’autre grande idée (« Ils sont pêcheurs parce qu’ils sont pauvres ») veut dire que la pêche est un employeur de la dernière chance, où ceux qui sont obligés d’abandonner l’agriculture espèrent trouver un moyen de subsistance. Les ressources communautaires sont donc extrêmement importantes pour les pauvres. Toute mesure visant à les empêcher d’y accéder aggraverait encore leur état de précarité.

La pêche côtière du Mozambique fournit un bon exemple. Un grand nombre de gens ont quitté les campagnes pour aller sur la côte à cause de la guerre civile et de la situation problématique du secteur agricole. Ils pratiquent une pêche de subsistance où ils sont en concurrence avec ceux qui étaient déjà dans le métier. L’accès à la ressource est pour eux affaire de survie.

Les deux solutions (limiter l’accès et proposer d’autres emplois) ont été utilisées par divers projets bénéficiant du soutien de donateurs, avec des résultats mitigés. La seconde approche ouvre la voir à une politique diamétralement différente de la première. Si on considère la pêche comme un employeur de dernier recours, essentiel mais seulement un élément parmi d’autres dans la gamme des créations de moyens d’existence fondés sur diverses ressources et divers emplois, on peut difficilement continuer à parler de développement sectoriel.

Il est encore plus compliqué de limiter l’accès de la manière pratiquée habituellement dans les pêcheries des pays développés occidentaux.

Mais l’accès libre peut provoquer de gros dégâts dans une pêcherie en développement. Alors que faire ? Si on limite l’accès à la ressource pour les

« pêcheurs traditionnels », les « pêcheurs d’origine » ou les « pêcheurs en activité », on court le risque d’enlever un moyen d’existence essentiel à des populations côtières déjà démunies. Et si l’accès aux ressources communautaires reste libre, celles-ci seront épuisées tôt ou tard. Certains

auteurs tentent d’échapper au dilemme en faisant remarquer que l’accès libre ne débouche pas obligatoirement sur une tragédie.

D’après une étude (Gestion, cogestion ou pas de gestion ? Les grands dilemmes des pêches en eau douce de l’Afrique australe, Document technique 426/1, FAO Pêche, 2004), les méthodes de gestion classiques appliquées aux pêcheries des lacs de l’intérieur dans cette région étaient inappropriées, étant basées sur des informations parcellaires ou même erronées concernant l’effort de pêche (capacités de capture).

L’idée principale mise en avant est que les capacités de capture de ces pêcheries ont été extrêmement variables, évoluant non seulement avec les quantités de poissons disponibles (suivant des modifications naturelles) mais aussi sous l’influence des mouvements macro-économiques, lesquels créent une augmentation ou une diminution des opportunités dans d’autres activités.

Pendant des périodes de grosse sécheresse, beaucoup de gens sont naturellement attirés par la pêche ; et lorsque la situation redevient plus ou moins normale, ils reprennent leurs occupations habituelles.

Les capacités de capture augmentent ou diminuent suivant le nombre de participants car peu de pêcheurs investissent dans du matériel (bateau ou engins de capture) plus performant.

En Afrique australe, la plupart des gens qui pêchent en eau douce ne sont pas des pêcheurs de métier. Pour eux, la pêche est un moyen de subsistance parmi d’autres. Même si l’effort total a augmenté dans toutes les pêcheries lacustres de l’intérieur, on ne pense pas toujours que la situation nécessite une limitation de l’accès. Compte tenu des circonstances, une telle mesure provoquerait une aggravation des conditions de vie pour les plus démunis.

Dans certains cas, l’absence de toute mesure de gestion est préférable au système en place !

Mobilité dans les pêches maritimes

Ceci constitue sans doute une conclusion importante, qui a des conséquences profondes pour la gestion de la pêche dans ces lacs. Mais il est difficile de généraliser et d’appliquer cela à d’autres pêcheries artisanales, notamment maritimes, et pour plusieurs raisons. Tout d’abord, du fait d’une plus grande mobilité dans la pêche maritime, il est bien plus difficile de faire respecter le principe de croissance lente. Des bateaux de pays voisins et aussi des navires de pêche lointaine pourraient facilement arriver dans des pêcheries qui paraissent prometteuses et profitables, d’autant plus

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que, dans la plupart des pays en développement, il n’existe pas de système de suivi et de contrôle vraiment efficace.

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euxièmement, il semble que les améliorations techniques se répandent bien plus facilement dans les pêches maritimes. Cela est dû en partie au fait que les pêches maritimes, surtout dans certains pays asiatiques, sont extrêmement dynamiques, avec des possibilités d’accès à diverses sources de capital et, sans trop de difficultés, de matériel plus performant.

Troisièmement, une bonne partie de la production des pêches maritimes est maintenant destinée au marché mondial, pour des destinations relativement faciles à atteindre, avec des produits répondant aux normes exigées. Les débouchés sont nettement plus importants que pour la production des lacs africains.

Enfin, il y a de bonnes raisons de revenir au raisonnement de Panayotou sur l’accès facile et la sortie difficile ou à la notion de

« pêche malthusienne » de Daniel Pauly (Du sexe des poissons et du genre des scientifiques I Essais en science halieutique, Chapmann et Hall, 1994). Si cela ne s’applique peut-être pas aux pêcheries en eau douce de l’Afrique australe, c’est assurément le cas dans un certain nombre de pays asiatiques. L’effort de pêche croît à la fois verticalement (par des améliorations technologiques) et horizontalement (par le nombre de pêcheurs).

Au total, ces facteurs font apparaître qu’on ne peut être très optimiste sur le problème

des capacités de capture des pêches maritimes. Si les estimations des stocks sont rares, on en sait suffisamment pour affirmer que, dans un certain nombre de pays grands producteurs de poisson du Tiers Monde, et particulièrement en Asie, la pression sur les ressources côtières n’est pas durable, compte tenu des critères biologiques actuels.

Pourtant, nous devons maintenir la perspective institutionnelle, pour

« réorienter la recherche, pour qu’elle ne se concentre pas uniquement sur les questions d’accès aux ressources naturelles mais considère aussi les aspects sociaux, culturels et politiques qui conditionnent la relation entre les pauvres et ces ressources, entre les pauvres et les moins pauvres » (Béné, 2003).

Il n’y a pas de solution clairement définie à ce dilemme. Mais on pourrait commencer à explorer davantage du côté des réformes des politiques, c’est-à-dire envisager une nouvelle répartition de la ressource. Les économistes des pêches s’empressent de faire un distinguo entre gestion et répartition ; pour ma part, je pense au contraire qu’il y a un lien évident.

Une gestion efficace

Sans une meilleure et plus légitime répartition de la ressource, il sera impossible d’instaurer et de maintenir un système de gestion efficace. A nouveau, il est intéressant de reprendre un thème développé par Béné (Gérer la petite pêche dans une perspective de lutte contre la pauvreté : un défi, in Neiland, A.

et C. Béné, coord. : Pauvreté et petite pêche en Afrique de l’Ouest, Kluwer Academic Publishers, Dordrecht, 2004). L’une des routes vers la pauvreté c’est l’incapacité à

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générer des surplus, parce qu’on manque de matériel efficace ou qu’on subit une crise écologique (par exemple la disparition temporaire du stock exploité).

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ais même s’il y a génération de surplus, il peut y avoir pauvreté, à cause de ce qu’on appelle « l’échec des dotations institutionnelles ». Citons Béné : « Autrement dit, se conformer à certains critères pour assurer la viabilité écologique et économique est une condition nécessaire mais pas suffisante pour réduire ou prévenir la pauvreté dans la pêche. Il est une autre condition nécessaire, à savoir l’existence d’un mécanisme de (re)distribution qui permette une répartition (directe ou indirecte) de la rente générée par les activités de pêche au bénéfice de la communauté et de la société. En l’absence d’un tel mécanisme, la rente sera probablement captée par les plus forts, et il y aura de la pauvreté. »

Béné conclut en disant : « La pauvreté dans la pêche [est peut-être] davantage dépendante de facteurs institutionnels que de causes naturelles. » Si c’est effectivement le cas (et je considère que l’analyse de Béné est également juste en dehors du contexte ouest-africain), il faut consacrer plus d’attention et plus d’efforts aux réformes institutionnelles. Les choses sont simples : une gestion des pêcheries fondée sur des droits peut offrir un certain type de propriété, individuelle ou collective, mais nous devons surtout donner des droits à ceux qui en ont besoin. Cela ne peut se faire que par des réformes institutionnelles, en accordant un accès préférentiel aux pêcheurs pauvres. Il y a plusieurs façons de procéder. En Indonésie, l’usage du chalut a été interdit dans la zone côtière, et cela a été bénéfique.

Dans certains cas, il faudra procéder à une réattribution des droits de pêche. Inutile de dire que ce sera une procédure difficile.

Même dans les pays développés, il est extrêmement malaisé de mener à bien des réformes de cette nature. Il faut pourtant que cet aspect institutionnel trouve une place dans les programmes d’action ; et les organismes donateurs impliqués dans le secteur de la pêche pourraient commencer à racheter des droits à de gros opérateurs. Par le passé, les réformes foncières ont souvent procédé à des confiscations, mais de nos jours on préfère avoir affaire à un « acheteur consentant » et à un « vendeur consentant ».

Autrement dit, mettre en œuvre une nouvelle politique des pêches en commençant par confisquer les droits des plus forts aurait sans doute des effets contraires au but recherché. Je ne suis pas en train de dire qu’une réattribution directe de

droits et de quotas est réalisable dans toutes les pêcheries des pays en développement.

J’affirme cependant que nous devons nous mettre à étudier de telles réformes. Sinon nous verrons se répéter ce qui s’est passé en Afrique du Sud, où un grand nombre d’authentiques pêcheurs ont été rejetés par la nouvelle législation qui répondait essentiellement aux intérêts des plus forts.

Réforme institutionnelle et répartition différente des droits d’accès sont deux points qui doivent impérativement figurer en bonne place dans la politique des pêches ; et une prochaine conférence sur une pêche fondée sur des droits pourrait peut-être avoir pour thème « Fishing Rights to the Right People » (les droits de pêche qu’il faut aux gens qu’il faut). Même si tout le monde n’a pas la même pointure, une réattribution des droits d’accès ferait sans doute plaisir à la plupart des pêcheurs pauvres.

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Cet article a été écrit par Bjørn Hersoug (bjorn.hersoug@ nfh.uit.no), Institut des sciences de la pêche, Université de Tromsø, Norvège

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Aquaculture

Crevettes du désert

La Société nationale de crevetticulture espère bien devenir, au plan mondial, le plus grand

établissement crevetticole totalement intégré en milieu désertique

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e long de ses 1 600 km de côtes sur la mer Rouge et ses 500 km sur le golfe Arabique, l’Arabie saoudite dispose de vastes ressources halieutiques. Pourtant le pays n’est pas parvenu à faire face à la demande de la population : citoyens saoudiens, travailleurs migrants, résidents étrangers. De grandes quantités de poisson et autres produits de la mer sont importées pour satisfaire en partie cette demande intérieure. Afin d’accroître la production locale, et aussi de mieux gérer les pêches de capture saoudiennes, de réduire la facture des importations, le gouvernement incite le secteur privé à développer l’élevage de poissons et de crevettes. Sur la mer Rouge, à 60 km de Jeddah, il avait créé le Centre d’aquaculture (FFC) qui devait servir de point focal à cette politique.

Le FFC a démarré en 1982, dans le cadre d’un accord UTF (Fonds fiduciaire international) passé entre le Ministère de l’agriculture et de l’eau du Royaume et la FAO. L’activité essentielle du FFC concernait la recherche et le développement sur les poissons et crevettes qui pourraient se reproduire à grande échelle en captivité et créer ainsi un secteur aquacole local.

Ces efforts ont porté leurs fruits. Au cours des récentes années, une centaine de projets ont vu le jour en divers endroits du pays pour l’élevage du poisson, surtout le tilapia du Nil (Oreochromis niloticus), le tilapia bleu (O. aureus), le tilapia rouge (hybride), la carpe commune (Cyprinues carpio) et le poisson-chat africain (Clarias gariepinus).

Trois grosses fermes aquacoles ont également été établies sur la mer Rouge pour produire de la crevette tigre (Penaeus monodon) et la crevette blanche (Penaeus indicus).

L’entreprise qui a le plus fait œuvre de pionnier en matière de crevette est la NPC (Société nationale de crevetticulture) qui espère bien devenir à terme le plus grand établissement crevetticole totalement intégré en milieu désertique et fera référence sur le plan mondial dans ce

domaine. Le site, qui s’étend sur 128,4 hectares, est situé dans une zone désertique, à 15 km au sud de Al Leith, à environ 180 km au sud de Jeddah, la plus importante cité commerçante de l’Arabie saoudite.

La NPC a commencé par la construction d’une première station de recherche qui s’inspirait des techniques aquacoles expérimentées dans divers pays : Chine, Indonésie, Inde, Vietnam, Equateur, etc. Elle a aussi bénéficié d’un appui technique du

FFC. La NPC a veillé au respect de critères écologiques en choisissant d’établir ses sites au bord des eaux non polluées de la mer Rouge. Elle dit aussi respecter les critères de responsabilité sociale en tenant compte des intérêts des pêcheurs et des communautés de la région et en créant des emplois, en offrant des formations à ces gens.

Pour maintenir un processus de production durable, le NPC a utilisé des géniteurs issus d’espèces indigènes ; elle a évité l’usage d’antibiotiques et interdit l’intégration de produits chimiques dans l’alimentation. Elle a aussi évité d’utiliser l’eau douce et le mélange entre influent et effluent d’eau.

Viabilité économique

Grâce à la mise en œuvre de ces principes et critères, la NPC est parvenue à démontrer la viabilité économique de la crevetticulture sur la mer Rouge. L’entreprise est passée par trois grandes étapes de développement.

Entre 1982 et 1987, elle a investi environ 200 millions de dollars en recherche et développement et elle est parvenue à maîtriser le processus de ponte de P. indicus.

En 1985, elle a aussi réalisé avec succès la reproduction de P. semisilcatus, en 1987 celle de P. monodon.

Dans la seconde étape expérimentale (1988-1995), elle a mené à bien dix cycles d’élevage complets de P. monodon, et effectué une première exportation de cette espèce vers l’Europe (France plus précisément) en avril 1992. Au cours de cette période expérimentale, la NPC a produit un total de 2 245 kg de crevette.

A rabi e sa ou dit e

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La troisième étape des opérations commerciales a débuté en 1996 avec le développement d’une exploitation semi-intensive pleinement intégrée, comprenant des écloseries, 110 bassins de croissance (10 ha par bassin en moyenne), un atelier de transformation, des bassins de géniteurs, un laboratoire. Jusqu’en 2006, la

NPC a centré ses activités sur la reproduction, l’élevage larvaire, la fabrication d’aliments (50 000 tonnes/jour). Avec 11 fermes aquacoles totalisant 2 500 hectares, les capacités de production ont atteint 12 500 tonnes/jour.

Au cours de la Phase II des activités prévues pour la période 2006-2011, la NPC espère consacrer 150 millions de dollars à la construction de 15 nouveaux sites, ce qui représenterait une surface d’exploitation de 3 500 hectares, une production de 17 500 tonnes de crevette, devant atteindre à terme les 30 000 tonnes. La NPC emploie actuellement une main-d’œuvre internationale de 2 000 spécialistes et travailleurs divers originaires de 25 pays différents. Pour mettre en œuvre la Phase II du développement des écloseries, bassins, ateliers de transformation, ses responsables espèrent pouvoir recruter du personnel de haut niveau à travers le monde. Elle a déjà construit une mini-ville pour loger cette main-d’œuvre culturellement bien diverse.

En collaboration avec l’Université du Roi Abdulaziz, l’entreprise a aussi lancé un programme de formation pour de jeunes Saoudiens qui seront incités à rejoindre son personnel. Elle a aussi passé des accords exclusifs pour la distribution internationale

(Moyen-Orient, Etats-Unis, Europe) de ses produits sous la marque Al Watania.

A rab ie sao ud ite

Ce profil de la société NPC a été rédigé par Izzat Feidi

(ifeidi@thewayout.net), consultant des pêches basé au Caire, Egypte, auparavant à la FAO

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Pollution marine

Après la bataille, la guerre continue

Les communautés chiliennes se rassemblent

pour défendre leurs moyens d’existence contre le grand capital, représenté par une grosse fabrique de pâte à papier

L

e samedi 9 septembre 2006 aurait dû être jour de grande fête à Mehuin, une localité située sur la côte, au sud du Chili, et où vit une population de pêcheurs d’environ 1 700 âmes. Mais le mauvais temps allait changer tout le programme.

L’Union syndicale des travailleurs de Méhuin s’est alors contentée d’une petite réunion dans les locaux du syndicat des pêcheurs.

Quelques semaines auparavant, le mardi 15 août, des pêcheurs de Mehuin avaient, dans leurs petits bateaux (launches) bravé une mer agitée pour aller barrer la route à des navires affrétés par un géant de l’industrie chilienne, Celco (Celulosa Arauco Company). Ces navires avaient pour mission de réaliser une étude d’impact environnementale indispensable pour avoir l’autorisation de déverser les effluents de l’usine de cellulose de Valdivia dans la mer.

Selon la Marine chilienne, chargée

« d’assurer la sécurité des vies humaines en mer, de maintenir l’ordre dans la zone maritime », ... les conditions, avec des vagues de plus de 2 m, ne permettaient pas le bon déroulement de ces études. » Le rapport de la Marine note la présence de

« plusieurs bateaux de pêche, ayant à bord divers projectiles. Ces deux éléments créent un risque pour les vies humaines. Il est donc décidé d’annuler les opérations prévues jusqu’à l’amélioration des conditions. » La « bataille de Mehuin » n’était qu’une escarmouche dans une guerre engagée sur plusieurs fronts et qui durait depuis plus de dix ans. De gros intérêts étaient en jeu, et il y avait déjà eu de sérieux dégâts collatéraux.

La situation était envenimée par des accusations de complicité, de corruption, d’intimidation. Actuellement il y a un cessez-le-feu mais l’atmosphère est tendue et les hostilités pourraient reprendre à tout moment. D’après Juan Carlos Cardenas, directeur d’Ecoceanos, qui est une

organisation non gouvernementale indépendante basée au Chili et qui milite pour la préservation et une gestion durable des écosystèmes côtiers et marins, « les communautés locales sont confrontées à une situation désespérée due au mauvais fonctionnement des institutions, car les pouvoirs publics n’ont pas respecté le principe d’équité. » Comme il ne faut pas espérer que la réglementation en matière environnementale sera respectée, Cardenas estime qu’il est indispensable de changer de stratégie, et il met en garde : « L’activité de Celco est tournée vers l’exportation : elle a besoin du marché international. Nous faisons donc appel à l’opinion internationale pour qu’on arrête ce projet barbare qui consiste à déverser des déchets toxiques en pleine zone de pêche. La sanction politique pourrait être lourde. »

Le scénario qui se déroule dans le Sud-Chili met donc aux prises les populations locales de pêcheurs et d’autochtones et la puissante Celco. Cette entreprise, dont les ventes consolidées représentent 5% du PIB chilien, fait partie des activités forestières de la famille Angelini et du Groupe pétrolier Copec Oil (www.copec.cl), lequel est la plus importante entreprise privée du pays. Avec un actif consolidé se montant à 6,4 milliards de dollars (dont 68 % pour les activités forestières), il contrôle environ 70 % de la pâte à papier chilienne.

L’empreinte écologique

Son usine de Valdivia est située sur la petite commune de San José de la Mariquina, à environ 800 km au sud de Santiago, mais son empreinte écologique est vaste et profonde.

Elle a besoin de milliers d’hectares de plantations de pin et d’eucalyptus : les besoins annuels représentent la production de 2 000 hectares.

Elle utilise 950 litres d’eau par seconde pour blanchir la fibre et rejette une quantité égale de résidus et sous-produits liquides. Cela pourrait avoir des conséquences énormes sur les communautés locales, en particulier

Ch ilI

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les Mapuches qui tirent traditionnellement leurs moyens d’existence des ressources naturelles, aquatiques et forestières.

S

ur place, on estime que l’usine de Valdivia n’est que la pointe de l’iceberg dans un projet de développement qui produira beaucoup de misère, la destruction de l’environnement et la dislocation des communautés Mapuches.

Des milliers de gens (populations autochtones et campesinos pauvres) seront obligés de déguerpir. Dans les années 1980, Celco a conçu le Projet Valdivia, c’est-à-dire la construction d’une nouvelle usine de cellulose, soit un investissement de 1,3 milliard de dollars. Selon Ecoceanos, l’installation de cet établissement industriel a été facilitée par les facteurs suivants : les politiques publiques visant à encourager l’exportation de matière première à faible valeur ajoutée, à subventionner la plantation d’essences exotiques, à protéger les investissements privés, tout en ignorant les droits historiques des peuples indigènes dans les régions où ont été faites les

plantations monospécifiques de pin et d’eucalyptus, en ne tenant aucun compte de l’importance des zones forestières indigènes.

S’adressant à l’IPS (Inter Press Service), Lucio Cuenca, directeur de l’OLCA (Observatoire latino-américain des conflits environnementaux), a dit ceci : « Au Chili, les décisions politiques continuent à prédominer sur les considérations techniques, environnementales et sociales.

Ce que nous observons ici c’est la dictature des investisseurs, le pouvoir des grosses entreprises, avec la complicité du gouvernement. »

Ce projet a finalement été approuvé en 1996.

Celco pouvait se débarrasser de ses effluents soit en les déversant dans la rivière Cruces, soit en les conduisant jusqu’à la mer, 35 km plus loin. Avec la première option, il fallait prévoir des stations d’épuration qui coûteraient cher. La solution la plus simple pour l’entreprise c’était donc de construire une conduite jusqu’à la mer. Celco a jeté son

Ch ili

La bataille de Mehuín

A 8 h du matin, le mardi 15 août 2006, Mehuin est réveillé par les appels des veilleurs postés sur les hauteurs : les bateaux affrétés par Celco arrivent.

Vingt minutes plus tard, les pêcheurs sont dans leurs launchas et sur les lieux. Ils sont rejoints par 30 autres embarcations de la caleta de Queule (sud de la Région IX) où l’on est également contre la conduite d’évacuation de l’usine.

En face des pêcheurs, il y a les deux gros remorqueurs, les patrouilleurs Chiloé et Antofagasta et un navire de guerre avec une centaine de marines, dont certains sont cagoulés et près à tirer. Tout cela a été filmé en vidéo par les pêcheurs (voir sur

http://www.mehuin-Celco.blogspot.com) et montré à la population locale, ce qui a provoqué des sentiments d’indignation à cause de l’appui apporté par la Marine aux opérations de Celco.

Les récits de la bataille varient. Les pêcheurs reprochent à la Marine des tactiques brutales, des manœuvres d’intimidation. Des militaires encagoulés auraient tiré de façon indiscriminée.

Toujours est-il que vers 17 h, grâce à la détermination des pêcheurs, les deux remorqueurs repartaient vers le Nord et les navires de la Marine rejoignaient Valdivia.

La Marine dit qu’elle a été appelée à intervenir par les autorités de San José de la Mariquina pour maintenir l’ordre en mer. Un communiqué officiel déclare qu’on a demandé à la Marine « d’assurer la sécurité du personnel et du matériel de

Ultragas SA pendant le déroulement des relevés techniques nécessaires à l’enquête d’impact environnemental. »

Eliab Viguera, porte-parole du Comité de défense de la mer, s’interroge sur le rôle joué par la Marine dans ce conflit et relève le manque de transparence, l’absence de tout avertissement officiel avant cette intervention surprise.

Joaquín Vargas, président de la Fédération des pêcheurs de Mehuin, note que la réaction rapide des pêcheurs a permis d’empêcher la réalisation de l’enquête d’impact environnemental.

« Les bateaux loués par Celco étaient à 3-5 milles en dehors de la zone à étudier. Il ne faut pas les laisser entrer là parce qu’il s’agit d’une « aire de gestion » qui appartient aux pêcheurs. Nous défendons nos droits pour pouvoir travailler dans un environnement non pollué. C’est le rôle de l’Etat de veiller à cela, de protéger le patrimoine de tous les Chiliens, comme c’est dit dans la Constitution. »

Pour Vargas, l’étude d’impact ne protège en rien la communauté des pêcheurs car les projets sont toujours approuvés. « Là où il y a des usines de cellulose, malgré le feu vert environnemental, il faut voir les résultats ! Tout à côté, voyons ce qui se passe dans la rivière de Cruces à Valdivia. Il y avait là des cygnes à col noir, mais ils ont fui.

Nous, les pêcheurs, n’avons pas d’ailes pour aller ailleurs. »

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dévolu sur la baie de Maiquillahue. A Mehuin, environ 600 familles vivent de la pêche.

I

l y a aussi treize autres communautés dans les environs, composées essentiellement de Mapuches et de Lafkenches vivant de pêche et d’agriculture, soit environ 3 000 personnes.

La baie est aussi un endroit touristique bien fréquenté. L’avenir de ces deux activités importantes est directement menacé si les effluents toxiques de l’usine se déverseront dans ces lieux.

Le tracé de la conduite passe carrément à travers les zones utilisées par les autochtones, leur territoire traditionnel.

Prévoyant une opposition de la part de groupes locaux, Celco a fait une demande de prospection minière, ce qui lui accorde un droit d’accès privilégié sur les territoires concernés et empêche toute autre intrusion (activité économique, culturelle, construction d’infrastructures). Les propriétaires du terrain doivent faciliter les opérations des attributaires de tels droits.

L’objectif de Celco est de prévenir toute initiative de blocage venant des communautés locales.

Grâce aux actions et campagnes d’opinion initiées par les communautés locales, les populations autochtones, les associations et les écologistes, l’étude d’impact environnemental est pour le moment bloquée et le projet de construction de la canalisation n’a pas pu progresser.

Le 16 octobre 2006, Fernando Meza, président de la Commission parlementaire pour l’environnement, a déclaré : « La

compagnie (Celco) est venue dans cette région en promettant de créer des emplois avec une activité industrielle propre et génératrice de développement... Or elle a causé des dégâts considérables dans les zones humides de la rivière Cruces. Ils ont tenté non seulement de déverser leurs déchets dans la mer mais aussi voulu construire un égout sur 30-40 km à travers le territoire d’une communauté autochtone. Ils avaient pris cette décision sans même procéder à une étude d’impact qui prévoit une consultation de tous les gens concernés.

Selon les défenseurs de l’environnement de la région, les déchets de l’usine qui iraient à la mer contiennent des taux élevés d’organochlorés, hautement cancérigènes et non biodégradables. » Ils s’accumuleront dans les coquillages filtrants et les poissons, d’où ils passeront dans l’organisme des consommateurs. Du fait de leur toxicité, persistance et bio-accumulation, ils sont en tête de liste des substances particulièrement nocives pour l’environnement marin. » Fernando Meza ajoute : « Nous savons qu’il existe des techniques de purification en circuit fermé qui permettent de réutiliser l’eau aussi souvent que nécessaire. Cela supprime le danger mais exige des investissements plus importants. Je ne comprends pas comment une société dont les profits s’élèvent chaque jour à 200 000 dollars (100 millions de pesos) ne trouve pas les moyens de tels investissements pour éviter d’empoisonner l’existence des autres en essayant de se débarrasser de ses saletés dans la mer.

Je suis persuadé que cela va déstabiliser l’écosystème. On a trouvé des métaux lourds

Ch ili

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dans l’organisme des cygnes des zones humides ; il est évident que cela se produira aussi avec la faune marine. Nous devons absolument protéger la ressource. »

L

a pollution atmosphérique générée par l’usine est également considérable.

Ecoceanos signale que ses incinérateurs à Valdivia rejettent 12 tonnes de dioxyde de souffre chaque jour. Avec les précipitations constantes de la région, cela produit des pluies acides qui attaquent les forêts indigènes, les plantations, les animaux et les gens qui consomment la nourriture produite dans le secteur.

Selon Ecoceanos, « les enquêtes faites par les autorités ont révélé que les mauvaises odeurs viennent de ce que l’usine est dépourvue de tout système de contrôle, de réduction, de surveillance des gaz produits.

Elle a commencé à fonctionner en 2004, sans inspection préalable de la Direction de l’Equipement, sans versement de la moindre taxe, sans autorisation de la Direction de la santé, bref en pleine contravention avec la réglementation officielle. « Citons une autre source : « Celco a essayé de pénétrer dans Mehuin par terre et par mer pour réaliser ses études, mais a trouvé en face une communauté organisée qui était parvenue à informer une bonne partie du public sur cette affaire. L’attitude du gouvernement était exposée au regard de tout le pays, d’une bonne partie de l’opinion publique internationale. En matière d’environnement et de respect des populations indigènes, de fortes préoccupations apparaissent, d’autant plus que dans certaines zones Mapuches, de vigoureuses actions répressives avaient eu lieu. Sentant venir la défaite, la société et le gouvernement ont négocié une sortie : le projet serait approuvé et on retenait la première option, à savoir rejeter les effluents dans la rivière Cruces en utilisant un système de traitement plus moderne qui limiterait la pollution. » Puis il est apparu que l’usine disposait de plusieurs autres conduites d’évacuation qui n’étaient pas prévues dans l’étude d’impact d’origine. Les enquêtes réalisées par l’Université australe du Chili pour la

CONAMA (Commission nationale pour l’environnement) ont révélé que ces émissaires étaient responsables de la mort de centaines de cygnes à col noir, de divers autres animaux, poissons et plantes aquatiques dans la réserve naturelle Carlos Anwandter.

Ce sanctuaire s’étend sur environ 5 000 hectares de zones humides le long de la rivière Cruces ; il est classé comme Zone humide d’importance internationale (site nº 222) dans le cadre de la Convention de

Ramsar. La position de la présidente du Chili, Michelle Bachelet, élue en décembre 2005, n’est pas encore claire. Son conseiller en matière d’environnement, Manuel Baquedano, a qualifié le projet de conduite d’évacuation de « inévitable » ; mais les activités de Celco sont devenues une affaire nationale et seront examinées par la Chambre des députés.

Fernando Meza s’interroge : « Comment quelqu’un peut-il décréter que les dioxines et toutes sortes de produits chimiques et autres déchets dangereux peuvent fort bien être déversés dans cet endroit mais pas ailleurs ? L’environnement constitue un tout, et ce qui se passe au Nord peut avoir des conséquences au Sud. Les autorités locales ne veulent pas comprendre qu’il s’agit là d’un problème national... Nous ne sommes pas des ennemis personnels et enragés de Celco. Nous aurions eu la même attitude vis-à-vis de toute autre entreprise qui ne respecterait pas la réglementation en matière d’environnement ou les populations locales et leurs modes de vie. »

Sur place, les combattants se préparent pour la prochaine confrontation, mais Juan Carlos Cardenas, d’Ecoceanos, pense que la campagne d’opinion doit aussi se porter en Europe : « Nous travaillons avec l’ICSF, un organisme qui a des liens étroits avec les populations de pêcheurs et CONAPACH

(Fédération nationale des pêcheurs du Chili). Nous allons fournir des informations au Parlement européen et à d’autres structures démocratiques qui, via les clauses de l’Accord d’association UE-Chili et les forces du marché, pourront servir à faire pression sur Celco.

Citons l’article 28, Titre I, Partie III (Coopération) : « Coopération en matière d’environnement - 1. Le but de la coopération est de promouvoir la conservation et l’amélioration de l’environnement, la prévention de la contamination et de la détérioration des ressources naturelles et des écosystèmes, ainsi que l’utilisation rationnelle de ces derniers dans l’optique d’un développement durable. » Cardenas envisage donc d’établir un processus de dialogue officiel entre les communautés côtières, la pêche artisanale, les associations et les populations autochtones du Chili et les organisations de la société civile européenne.

Ce dialogue s’intégrerait aux travaux de la Commission parlementaire mixte UE-Chili.

Le comportement de Celco fait obstacle aux objectifs précités, ce qui pourrait conduire à mettre ses produits sur la liste noire et à faire l’objet d’un boycott, ce qui aurait sans doute quelque effet, vu que la production de Celco est essentiellement destinée à l’exportation.

Ch ili

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Au Chili même, les travaux de la Commission sur l’environnement de la Chambre des députés pourraient également avoir une forte influence sur les actions envisageables dans le pays et en Europe.

Cardenas pense qu’il serait aussi possible de trouver une aide auprès de l’OCDE.

« L’OCDE a été très critique sur les performances environnementales du Chili.

Le Chili ne respecte pas les critères de l’OCDE

en matière d’environnement et de travail.

Nous envisageons de soumettre ce dossier Celco aux instances de l’OCDE. » On verra si les processus en cours au niveau national et les pressions internationales peuvent se combiner pour protéger le milieu marin sur les côtes chiliennes et les moyens d’existence et la qualité de vie des populations concernées, aujourd’hui et dans l’avenir.

Ch ili

Ce compte-rendu a été rédigé par Brian O’Riordan (briano@scarlet.be) à partir de diverses sources : le site Internet du Rain Forest Movement (http://www.americas.org/item_2919, de Ecoceanos (http://www.

ecoceanos.cl), de Mawida Ngen (http://mawidangen.

blogspot.com), de José Araya Cornejo (http://www.wri-irg.org/

nonviolence/nvse23-es.htm) et

CONAPACH (www.conapach.cl)

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Communautés côtières

Scruter l’avenir

Lors d’une récente conférence à Anchorage, Alaska, les participants ont axé les débats sur l’avenir des communautés de petits pêcheurs

L

’Alaska est bien le quarante-neuvième Etat des Etats-Unis d’Amérique, mais son isolement géographique, sa diversité culturelle et la dépendance de ses habitants vis-à-vis de la pêche et de la chasse font qu’il ne ressemble à aucun autre Etat de la Fédération. Dans les communautés côtières proches de la frontière canadienne, dans les communautés situées au-dessus du cercle Arctique, l’ économie rurale repose essentiellement sur une pêche de subsistance ou commerciale. A bien des égards, les gens de l’Alaska ressemblent fort aux populations des régions arctiques et des pays en développement qui tirent nourriture et moyens d’existence de la chasse et de la pêche.

Récemment s’est tenue à Anchorage une conférence de deux jours sur le thème suivant : Les communautés de pêcheurs de l’Alaska—Assurer la production pour l’avenir.

Il s’agissait de voir comment les pêcheurs, les habitants, les autorités locales et autres parties concernées pourraient œuvrer ensemble afin de préserver le dynamisme actuel de la pêche au profit des générations futures.

Plus de 150 Alaskiens venus de 29 communautés étaient à Anchorage pour participer aux débats. La plupart ont pris l’avion car on ne peut atteindre Anchorage par voie de terre à partir de chez eux.

Chandrika Sharma, secrétaire exécutive du Collectif international d’appui aux travailleurs de la pêche (ICSF) a prononcé l’allocution d’ouverture à l’invitation du Comité organisateur, composé de représentants des pouvoirs publics, du milieu universitaire, des professionnels de la pêche et d’associations diverses. Sa communication, portant sur Communautés rurales et marché mondial I La pêche peut-elle contribuer à perpétuer ces communautés ?, a fait apparaître un surprenant degré de similitudes entre les problèmes des pêcheurs alaskiens et ceux des autres pêcheurs à travers le monde.

L’Alaska est le seul territoire des Etats-Unis situé dans l’Arctique. Sa superficie est de 1 482 970 km, soit la moitié de l’Inde, et sa façade maritime est de 10 686 km. L’Alaska compte 660 000 habitants, dont 18 pour cent appartenant à 11 groupes ethniques différents. Environ la moitié des Alaskiens vivent à Anchorage, le reste étant réparti entre les villes plus modestes de Juneau et Fairbanks et plus de quatre-vingt villes et villages isolés, de Ketchikan au Sud jusqu’à Borrow au-dessus du Cercle Arctique. Dans ces localités rurales, on dispose certes de ressources naturelles pour se nourrir, mais le coût de l’énergie pour chauffer les habitations, fournir l’électricité et le carburant pour aller chercher la ressource alentour constitue souvent le problème majeur des communautés. Dans ces villages, le prix du carburant est fréquemment quatre fois plus élevé que dans les centres urbains.

La pêche, de subsistance ou commerciale, est le premier employeur de cet Etat, un secteur d’activité essentiel pour l’économie. Les Alaskiens consomment en moyenne plus de 650 kg de poisson et viande sauvage par an.

La valeur au débarquement de la pêche commerciale est estimée à plus de 1 milliard de dollars/an. Les espèces principales sont : saumon, crabe, flétan, cabillaud, lieu et divers poissons de fond. Les pêcheries de saumon sauvage, auxquelles participent chaque année des milliers d’Alaskiens, ont en 2006 produit 140 millions de saumons, soit une valeur de 300 millions de dollars.

Cinq différentes espèces font l’objet d’une exploitation dans 26 zones de pêche.

Thème principal

L’un des principaux objectifs de la conférence était de mieux cerner les moyens de préserver l’accès à la ressource pour les résidents des communautés locales et les générations futures. En Alaska, la pêche est réglementée par les autorités locales ou les lois fédérales, car la ressource située hors de la bande côtière des 3 milles est du ressort des autorités fédérales, considérée comme bien public.

Co m p te -r e n d u

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L

a législation fédérale exige que, lors de l’élaboration de la réglementation pour la gestion, il soit tenu compte des répercussions éventuelles sur les communautés de pêcheurs, tandis que la Constitution de l’Etat de l’Alaska dit qu’aucune préférence ne peut être accordée à des individus, des groupes ou des communautés dans les pêcheries gérées par l’Administration locale. Dans le système fédéral, un certain nombre de programmes fondés sur un partage de quota ont été mis en œuvre. Pour sa part, l’Administration locale gère l’accès à la ressource essentiellement par un système de permis qui peuvent se transmettre librement sur le marché entre pêcheurs. Cette dualité dans les eaux de l’Alaska peut être source de confusion et de contradictions.

Les gestionnaires des pêches ont constaté dans les deux systèmes un recul de la propriété locale pour l’accès à la ressource au cours des dernières décennies. Dans le même temps, la valeur des droits d’accès a augmenté de façon importante, de sorte que les jeunes ont bien plus de mal à se lancer dans la pêche. Les responsables des communautés locales et des tribus ont compris que la perte d’un droit d’accès communautaire c’est comme la fermeture d’une petite entreprise locale. Depuis quelque temps, ils essaient de trouver les moyens de garantir un accès à la ressource sur le long terme pour les communautés.

Au cours de la conférence, les participants ont examiné deux approches générales possibles sur cette question : 1) des mesures directes mises en œuvre par le gouvernement, 2) des formations et des

outils qui permettront à des propriétaires d’entreprise de céder leur patrimoine professionnel au sein de la communauté. Les systèmes fondés sur le partage d’un quota ou l’octroi de permis ont été spécifiquement traités dans la première démarche, car de nombreux participants ont constaté que la valeur des parts de quota ou d’un permis a augmenté de façon considérable au fil du temps, ce qui rend d’autant plus difficile l’entrée dans la pêcherie concernée. On a aussi fait remarquer que, dans un système fondé sur le partage d’un quota, il fallait faire une place aux communautés dès le processus d’élaboration du programme initial, cela afin que l’augmentation du prix d’entrée dans une pêcherie ne puisse rendre impossible à l’avenir l’acquisition ou l’utilisation de parts communautaires. En limitant la durée des parts de quota, au lieu d’accorder des droits à perpétuité, on permettra peut-être aux gestionnaires de procéder à des réajustements périodiques du programme pour s’assurer que l’accès communautaire et d’autres objectifs soient effectivement concrétisés.

L’éducation et des financements créatifs ont été les facteurs les plus cités pour ce qui concerne la seconde démarche, à savoir favoriser un accès communautaire continu à des droits de pêche. Bruce Jones, responsable des services municipaux de Petersburg, Alaska, a dit que sa communauté étudiait les moyens d’informer les jeunes sur les débouchés disponibles dans la pêche et sur les stratégies d’investissement dans une entreprise de pêche.

Il existe aussi des outils financiers et des services qui peuvent aider le propriétaire d’entreprise à céder son affaire au moment du départ en retraite. Linda Behnken de Sitka et Eric Rosvold de Petersburg ont proposé quelques idées qui pourraient s’avérer utiles pour permettre à de simples membres d’équipage de devenir à terme propriétaires d’une entreprise de pêche.

Une plus large place pour les artisans Behnken a suggéré l’adoption de systèmes de gestion « visant à assurer durablement ou plus largement la participation des pêcheurs artisans membres de la communauté. » Elle a dit que la clause du « propriétaire embarqué » reste indispensable pour atteindre cet objectif, pour faire en sorte que la ressource soit effectivement exploitée par des pêcheurs « résidents ».

Une bonne partie du temps a été consacrée à des discussions de groupe auxquelles ont participé des habitants de la côte, des pêcheurs et des gestionnaires de la pêche.

Ces discussions ont fait ressortir la nécessité,

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commune à tous, de travailler ensemble au niveau local pour définir les objectifs de pêche des diverses communautés, cela afin de créer un système de gestion ascendant, qui soit donc l’émanation de la base.

Beaucoup de problèmes sont communs à tout l’Alaska, mais il y a aussi de grandes différences en termes de géographie, de culture, de ressource, de sorte qu’il est impossible d’appliquer partout la même démarche : tout le monde ne chausse pas la même pointure.

Les participants ont analysé les méthodes pouvant être utilisées pour identifier les priorités et les opportunités à saisir et les capacités de la communauté, cela afin d’élaborer un plan visant à concrétiser les objectifs communautaires. Au cours de ce processus, il importe que les besoins des pêcheurs, des membres d’équipage, des employés de la transformation et des petites entreprises de service soient bien exprimés et représentés, et pris en compte. La Convention des Nations unies sur le droit de la mer (UNCLOS) et le Code de conduite pour une pêche responsable de la FAO disent qu’il faut prendre en considération les intérêts économiques des communautés côtières et accorder à ces populations un accès

privilégié aux zones de pêche traditionnelles. De nombreux participants ont souhaité que soient mis en place des systèmes de gestion et des démarches qui tiennent pleinement compte de l’importance des questions d’accès à la ressource pour les petits pêcheurs, qui permettent à ces communautés de participer officiellement aux mécanismes décisionnels et de gestion.

Nous en Alaska, nous prenons nos responsabilités et nous souhaitons inclure les petites communautés côtières dans l’élaboration des politiques des pêches, tant au niveau local que national.

Pour plus ample information sur cette conférence, voir http://seagrant.uaf.edu/

conferences/fish-com2/agenda.html, où l’on trouvera également des liens vers les diverses communications qui ont été faites.

Une autre conférence semblable est prévue pour le début de 2008.

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Ce compte-rendu a été rédigé par Paula Cullenberg (pcullenberg@

uaa.alaska.edu), professeur des sciences de la pêche (www.marine advisory.org), Université de l’Alaska, Fairbanks, Alaska, Etats-Unis, et Nicole Kimball (Nicole.

Kimball@noaa.gov), analyste des pêches, Comité de gestion des pêches du Pacifique-Nord (www.fakr.noaa.gov/npfmc/), Anchorage, Alaska

Programme de quotas communautaires

• Le régime actuel de quotas individuels (IFQ) pour le flétan et la morue charbonnière a été mis en place en 1995 ; les parts de quota (QS) utilisables par les bateaux de pêche étaient d’abord limitées à des personnes réellement embarquées.

• Depuis on a observé un regroupement d’une bonne partie des QS, certaines petites communautés rurales ayant laissé partir leurs parts.

• En 2004, le Programme de quotas communautaires (CQP) est venu modifier quelque peu le système précédent (IFQ).

• Le CQP permet à 42 communautés côtières du Golfe de l’Alaska de constituer des sociétés à but non lucratif pour acheter, détenir et gérer des parts de quotas pour les bateaux de pêche.

• La part de quota achetée donne lieu à l’attribution d’un permis IFQ (quota individuel) qui donne au détenteur le droit de pêcher un certain nombre de livres de poisson dans la zone concernée.

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Médias

Construire le dialogue

Professionnels de la pêche et journalistes en provenance de quatre pays ouest-africains ont décidé de faire converger leurs efforts vers un but commun : le développement durable de la pêche artisanale

N

ouadhibou, c’est la capitale du poisson en Mauritanie. La pêche artisanale y est particulièrement dynamique : la ville dispose d’un port artisanal où, en fin d’après-midi, se pressent des équipages fatigués débarquant leurs cargaisons de poulpes ou d’énormes courbines. Une grande partie est destinée aux usines de transformation toutes proches qui exportent vers le Japon ou l’Europe. Au port, on aperçoit aussi des femmes marchandant quelques kilos de poissons auprès des pêcheurs.

C’est à l’Ecole d’Enseignement Maritime et des Pêches de Nouadhibou, toute proche, que s’est déroulée, du 4 au 7 septembre, la rencontre d’une cinquantaine de représentants de la pêche artisanale, des journalistes et des médias du Sénégal, de Guinée, de Mauritanie et du Bénin, ainsi que des ONG et représentants d’organisations internationales. Le but : établir un dialogue pour améliorer la sensibilisation aux enjeux de pêche responsable.

Cette rencontre était initiée par les organisations professionnelles de pêche artisanale de Guinée (UNPAG), du Sénégal (CONIPAS), de Mauritanie (FNP-section artisanale), avec le concours de Jade-Sénégal et de Proximités Sarl, toutes deux agences de presse membres du réseau Syfia International (www.syfia.info), et de

CAPE (Coalition pour des Accords de Pêche Equitables).

Elle partait de ce double constat : l’information sur les enjeux de la pêche reflète peu le point de vue des communautés côtières ouest-africaines. Les relations entre communautés côtières et médias, généralement positives, sont trop souvent ponctuelles et rares. D’autre part, les communautés de pêche sont mal informées, tant par leurs organisations que par les médias, de leur rôle dans le développement d’une pêche durable. Ces quatre jours de discussions et d’échanges ont été centrés sur trois sujets, liés aux

perceptions du monde des médias par les communautés de pêche artisanale, aux perceptions de ces communautés par les médias puis au rôle que les journalistes ouest-africains ont à jouer pour mieux informer les différents acteurs concernés par la mise en place d’une pêche responsable.

Les dimensions de la communication tant à l’intérieur des organisations professionnelles qu’avec l’extérieur ont été envisagées.

Les débats ont été alimentés par une série de communications, notamment celle sur le Code de conduite pour une pêche responsable de la FAO. Des films sur la pollution marine, les ravages causés par les monofilaments, la pêche pirate en Guinée ont été visionnés.

L’intervention de l’association mauritanienne de lutte contre le VIH/SIDA a aussi rappelé aux participants que la santé au sein des communautés côtières est aussi un enjeu de pêche durable.

Sur la perception des médias, les représentant(e)s des communautés de pêche ont exprimé des points de vue généralement positifs : lorsque, par exemple, les communautés sont face à un problème et que l’administration les ignore, les médias peuvent les aider à faire entendre leur point de vue par l’administration.

Des responsabilités partagées

Un reproche majeur des pêcheurs et femmes transformatrices présentes : parfois la presse parle ou écrit sans savoir. Nécessité donc pour la presse de se professionnaliser pour comprendre la particularité du secteur.

Certains ont aussi dénoncé la condescendance de certains journalistes par rapport aux membres des communautés de pêcheurs, celle de l’intellectuel par rapport à celui ou celle qui travaille de ses mains, et qui est en particulier le cas des femmes transformatrices, encore souvent illettrées.

Mais le déficit de communication entre les organisations professionnelles et leurs

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membres a aussi été pointé du doigt comme un obstacle à une bonne information des communautés côtières de pêche artisanale.

Du côté des médias, il faut tenir compte d’une série de facteurs qui peuvent expliquer leur manque d’intérêt pour ce secteur. Tout d’abord, les communautés de pêche artisanale sont souvent des sociétés traditionnelles, qui n’ont pas l’attrait de la nouveauté ; il est donc difficile d’y intéresser des médias. Ensuite, les journalistes remarquent que les professionnels, souvent, ne veulent pas leur parler : il y a une certaine méfiance.

Les professionnels ont expliqué qu’ils avaient aussi parfois peur de parler, notamment de sujets sensibles derrière lesquels se cachent d’importants enjeux

politiques et économiques, comme les ravages de la pêche illégale dans la zone côtière. « Tout le monde pêche : l’armée pêche, les fonctionnaires pêchent, les ministres pêchent », dénonce ainsi dans la salle un responsable d’une organisation professionnelle de pêche artisanale.

Les représentants des médias ont insisté sur le fait qu’il existe un déficit structurel au niveau de la presse : il n’y a pas de réseau entre journalistes, pas suffisamment de moyens, surtout pour la presse privée, ce qui peut en partie être responsable du manque de formation et de spécialisation des médias sur les sujets de la pêche. Le besoin pour les médias de rentabiliser leurs activités a aussi été évoqué. Or, les communautés de pêche artisanale ne peuvent souvent pas participer financièrement à la prise en charge des

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Suivi et recommandations

Les participants des « Rencontres

Médias-Professionnels de la pêche artisanale d’Afrique de l’Ouest pour la sensibilisation vers une gestion responsable des ressources halieutiques », tenues à Nouadhibou du 04 au 07 septembre 2006, recommandent :

Concernant la préservation de la ressource, les participants à la rencontre demandent aux Etats :

• De faire respecter les bonnes pratiques pour une pêche responsable et durable

conformément au Code de conduite pour une pêche responsable (FAO) et de bannir le chalutage, le dragage en zone côtière, l’utilisation du monofilament, etc ;

• De prendre toutes les mesures de préservation de l’environnement et de l’écosystème côtier et marin ;

• De prendre toutes les dispositions de transparence, de surveillance et de répression contre la pêche illicite ;

• De rendre publiques, via les médias, les informations (navire, équipage, pavillon, amende, armateur, etc...) concernant les infractions commises et de diffuser les résultats des sanctions.

Les participants à la rencontre recommandent à la Commission sous-régionale des Pêches (CSRP)

• d’associer et d’impliquer les organisations professionnelles de la pêche artisanale dans les activités, les prises de décisions et le suivi de ses programmes. (A noter que peu de temps après cet atelier, les organisations professionnelles qui l’avaient initié ont été,

pour la première fois, invitées à participer à une réunion du CSRP pour débattre de la gestion des pêches artisanales).

Les participants à la rencontre appellent les Organisations Professionnelles de pêche artisanale :

• A consolider la démocratie interne et à assurer la bonne gouvernance (transparence) dans leurs activités ;

• A renforcer la participation des femmes dans les prises de décisions ;

• A se doter d’outils de communication (centre d’échanges, etc..) pour la sensibilisation, l’éducation, l’information et la formation des communautés de pêcheurs artisans.

Les participants à la rencontre suggèrent une mise en place d’une stratégie de communication pour chacune des activités menées dans le secteur pêche et propose :

• La création de radios communautaires destinées à l’information du public sur les activités de pêche ;

• La mise en place d’une revue régionale consacrée à tous les aspects de la pêche ;

• L’organisation de sessions de formations spécialisées au bénéfice des médias couvrant les activités du secteur pêche ;

• La vulgarisation par les institutions de recherche (océanographique/halieutique) des résultats des travaux menés dans le secteur.

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journalistes. Des solutions doivent être trouvées à ce niveau, soit à l’intérieur des communautés, soit en dehors. Cependant, malgré ces obstacles, parler de la pêche artisanale reste, ainsi que l’a évoqué un participant, un combat pour la démocratie, car c’est donner la parole à ceux qui ne l’ont pas.

L

a question a été posée de savoir qui doit aller vers l’autre, les professionnels ou les médias ? Si les médias doivent venir sur le terrain, il est aussi important aussi que les communautés créent l’intérêt des médias. Pour cela, la pêche artisanale doit montrer que son avenir concerne la société tout entière, en particulier les consommateurs.

Ainsi que cela a été rappelé lors de la conclusion de la rencontre : « Dans cinq ans, dans dix ans, lorsque nous nous retrouverons seuls ou ensemble, nous voudrions bien continuer à manger de ces poissons-là, qui nous ont été servis pendant le séjour à Nouadhibou, sans qu’on nous dise que les prix ont augmenté parce qu’il n’y en a plus, sans qu’on nous dise que les espèces commandées n’existent plus... La question de la durabilité de l’exploitation des ressources halieutiques ne concerne pas que les communautés de pêche artisanale. C’est d’une question de survie et de souveraineté qu’il s’agit.»

Quant au rôle des médias pour sensibiliser à la nécessité d’une pêche responsable, plusieurs pistes ont été évoquées, comme la nécessité d’utiliser un langage approprié dans leurs interactions avec les communautés côtières (utilisation des langues locales, plus grande utilisation de la radio qui peut diffuser un message y compris aux personnes illettrées).

Sur le fond, quelques sujets ont été proposés pour traitement par les médias, comme la dualité entre pêche artisanale, en particulier l’exportation et la gestion des ressources pour la sauvegarde de l’environnement. La presse peut jouer un rôle sur le réajustement des comportements au sein des communautés pour privilégier ce qui est compatible avec une pêche durable. Elle a aussi un rôle positif à jouer pour mettre en avant l’importance de la pêche artisanale dans la création d’emplois pour des catégories sociales démunies qui n’ont pas de formation particulière, ou encore dans la capitalisation et la vulgarisation des expériences, les bonnes pratiques et les innovations. Sur des enjeux techniques complexes, comme l’agrément d’hygiène ou la mise aux normes sanitaires, les journalistes ont aussi un rôle à jouer pour mieux faire comprendre aux professionnels les enjeux qui se cachent derrière ces

questions techniques. Enfin, un vibrant plaidoyer a été délivré pour qu’un accent particulier soit mis sur les jeunes et les enfants au niveau de la collecte et de la diffusion de l’information, car ils sont l’avenir du secteur.

Au terme de ces quatre journées de rencontre, la création d’un réseau des journalistes ouest-africains pour une pêche durable a été le premier acte de cet engagement des participants pour la sensibilisation à une pêche durable.

C o mp te -r en du

Ce compte-rendu a été communiqué par Fernand Nouwligbèto, journaliste à Proximités, Bénin, Madieng Seck, journaliste à Jade, Sénégal, et Béatrice Gorez

(cffa.cape@scarlet.be), coordinatrice de CAPE, Belgique

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