FACULTÉ
DEMÉDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
ANNÉE 1898-1899 14
L'OPOTHÉRAPIE CÉRÉBRALE
Transfusion nerveuse de CONSTANTIN PAUL
THÈSE POUR LE DOCTORAT EN MÉDECINE
présentée et soutenue
publiquement le 18 Novembre 1898
PAR
Félix-Pierre
BRIAND
Né à Lorient (Morbihan), le
23 novembre 1875.
ÉlèveduService deSanté de la Marine
Examinateursde laThèse
MM. ARNOZAN professeur.... Président.
VIAULT professeur....
J
RONDOT agrégé
1
Juges.SABRAZÈS agrégé
)
Le Candidat répondra aux questions
qui lui seront faites
surles
diverses parties de l'Enseignement
médical.
BORDEAUX
IMPRIMERIE DU MIDI —
PAUL GASSIGNOL
91 — RUE PORTE-DIJEAUX — 91 189S
Faculté de Médecine et de Pharmacie de Bordeaux
M. DENABIAS, doyen — M. PITRES, doyen honoraire.
pitOFFiSSEUHS
MM. MIGÉ \
DUFRJY
( Pro^esseurs honoraires.
MOUSSOUS...
)
Clinique interne Clinique externe Pathologie et théra¬
peutique générales.
Thérapeutique Médecine opératoire.
Clinique d'accouche¬
ments
Anatomie pathologi¬
que Anatomie
Anatomie générale et histologie
Physiologie Hygiène
A MM.
PICOT.
PITRES.
DEMONS.
LANELONGUE.
VERGELY.
ARNOZAN.
MASSE.
LE-FOUR.
COYNE.
BOUCHARD.
VIAULT.
JOLYET.
LAYET.
GHÉGÉS 13AI
Médecinelégale Physique
Chimie
Histoirenaturelle ...
Pharmacie
Matière médicale....
Médecine expérimen¬
tale
Clinique ophtalmolo¬
gique
Clinique desmaladies chirurgicales des en¬
fants
Clinique gynécologique Clinique médicale des maladies des enfants Chimiebiologique...
.EXEIICICE :
. MM.
MORACHE.
BERGONIÉ.
BLAREZ.
GUILLAUD.
FIGUIER.
de NABIAS.
FERRÉ.
BADAL.
P1ECHAUD.
BOURSIER.
A. MOUSSOUS.
DENIGÈS.
section de médecine(Pathologie interne etMédecine légale.)
MM. CASSAET. | MM. Le DANTEC.
AUCHÉ. | HOBBS.
SABRAZÈS. |
section de chirurgieet accouchements
(MM. BINAUD. I . , . (MM. CHAMBRERENT
^ , , . i imAATinuivi) Accouchements.< UTnnv
Pathologieexlerne< BRAQUEHAYE | I FIEUX.
(
CHAYANNAZ. |section dessciences anatomiques et physiologiques
JMM. PRINGETEAU | Physiologie MM. PAC1ION.
CANNIEU. Histoire naturelle BEILLE.
Anatomie.
Physique.
section des sciences physiques
MM. S1GALAS. I Pharmacie M. BARTHE ( OIKS C©II g» g, B<1 «g 10fliT A I K BOS
Clinique desmaladies cutanées etsyphilitiques Clinique desmaladies des voies urinaires
Maladies dularynx, des oreilles etdu nez Maladies mentales
Pathologie interne Pathologie externe Accouchements
Chimie Physiologie Embryologie Pathologie oculaire
Conférence d'Hydrologie etMinéralogie
Le Secrétaire dela Faculté
MM. DUBREUILH.
POUSSON.
MOURE.
RÉGIS.
RONDOT.
DENUCÉ.
CHAMBRERENT.
DUPOUY.
PACHON.
CANNIEU.
LAGRANGE.
CARRES.
REM AIRE.
Par délibération du 5 août 1879, la Faculté aarrêté que les opinions émises dans les Thèsesqui lui sontprésentéesdoivent être considérées comme propres à leurs auteurs, et qu'elle n'entendleurdonnerniapprobationni improbation.
A MONSIEUR LE
DOCTEUR SABRA ZÈS
PROFESSEUR AGRÉGÉ A LA
FACULTÉ
DEMÉDECINE I)E BORDEAUX
MÉDECIN DES HOPITAUX CHEF DU LABORATOIRE DES
CLINIQUES
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INTRODUCTION
L'opothérapie
adésormais sa place marquée dans la théra¬
peutique clinique.
Mais depuis
le jour où Brown-Séquard en formulait le
principe, apportant à l'appui de son dire son auto-observa¬
tion, d'autres
liquides
quele liquide orcliitique ont été
étudiés.
On s'estvite rendu compte que
les glandes n'étaient pas
les seuls organes à
pouvojrètre utilisés et le développement
de l'idée
première
asuggéré à Brown-Séquard et à d'Àr-
sonvalcette
généralisation
«quechaque tissu et plus générale¬
ment chaque
cellule de l'organisme sécrète pour son propre
compte des
produits et des ferments spéciaux, qui, versés
dans le sang, viennent
influencer
parl'intervention de ce
liquidetoutes les autres cellules, rendues ainsi solidaires les
unes des autres par un
mécanisme autre que celui du
système
nerveux. »Les liquides
cérébral et musculaire ont aujourd'hui leur
place
à côté des liquides thyroïdien, orcliitique et pulmo¬
naire.
En France, on
connaît le liquide cérébral depuis 1892,
c'est-à-dire depuis le
jour où Constantin Paul, s'inspirant
desexpériences
de Babes,en lit l'application à la clinique et
développa
cette nouvelle médication, qu'il baptisa du nom
de transfusion nerveuse.
Les
premiers résultats furent excellents, mais peu à peu
le crédit de la
méthode tomba: et, bien que depuis cette
époque
de nombreuses observations soient venues confirmer
— 10 -
les essais du Dr C. Paul, on ne trouvesurla question aucun travail bien complet.
Il nous a semblé qu'il ne serait peut-être pas inutile
de
présenter
ici, en même temps qu'un résumé de ce qu'ona écrit avant nous, le résultat de quelques
expériences
quinous ontpermis denous faire sur cette
question
uneopinion
personnelle.Nous n'avons pas la
prétention
d'avoir faituntravail abso¬lument complet, mais nosjuges savent que ce ne sont pas des mois, mais des années qu'il faut
dépenser
pour appro¬fondir de pareilles questions.
Quelques-uns cependant
pour¬ront trouver dans ce travail
quelques
documents utiles à consulter.Nous-même y avons gagné de nous familiariser avec une méthode
thérapeutique
appelée, nous n'en doutons pas, .àdonner les plus heureux résultats quand elle sera mieux
connue et quand les procédés
dé
préparation permettront d'obtenir des produits d'une conservation plus facile.M. le professeur agrégé Sabrazès eut le premier l'idée de cette thèse : c'est dansson laboratoire que nous avons
fait
la
plupart
de nos expériences. Les conseils ne nous ont pas manqué ;aussi,
regrettons-nous de ne pouvoir présenter àce maître, dont la science et l'amabilité sont connues de tous, un travail plus
digne
de lui. Des circonstances indé¬pendantes de notre volonté ne nous permettent pas de prolonger notre séjour à Bordeaux, qu'il reste cependant persuadé que nous garderons le meilleur souvenir de notre
passage au Laboratoire des Cliniques.
Nous avons toujours suivi avec attention et un réel plaisir
les
leçons
de thérapeutique de M. le professeur Arnozan, que nous ne saurions trop remercier aujourd'hui de l'hon¬neur qu'il nous fait en acceptant
la
présidencede notre thèse inaugurale.DIVISION DU SUJET
Chapitre
premier.
—Historique de l'opothérapie nerveuse.
Chapitre II. —
Du choix et de la valeur des diverses prépa¬
rations.
Chapitre
III.
—Effets physiologiques chez les animaux
sains :
Composition chimique.
Toxicité de lasubstance nerveuse.
Influence surla
température et la tension artérielle.
Influence dela substancenerveuse sur
le développement
desjeunes
animaux.
Influence sur les
divers appareils de l'économie.
Chapitre IV. —
Résultats thérapeutiques.
Chapitre V. —
Opothérapie nerveuse antitétanique.
ChapitreVI. —
Action de la substance nerveuse.
Conclusions.
CHAPITRE PREMIER
Historique.
On abeaucoup
discuté,
ausujet de la transfusion nerveuse,
la question
de priorité entre Babes, Brown-Séquard et
Constantin Paul.
Brown-Séquard eut,
pournous, le mérite d'avoir posé le
principe
de l'opotliérapie glandulaire; Babes celui d'avoir
prouvé
qu'en dehors des glandes on pouvait attendre
d'heureux résultats de
l'inoculation des divers tissus, et en
particulier du tissu nerveux; C. Paul, enfin, qui a mis en
œuvre et
développé théoriquement et pratiquement la trans¬
fusion nerveuse, peut
être considéré comme le parrain de
cettenouvelle
médication.
Voici dans
quelle circonstance le professeur de Bukarest fut
amené à constater les
effets thérapeutiques de l'inoculation
de substance nerveuse
normale.
Enjanvier
1887. plusieurs paysans mordus à la face par un
loup enragé se
présentèrent à l'Institut de Bukarest pour
être soumis au
traitement antirabique. Ils furent traités
d'une façon
intensive
:pendant les premiers jours, ils rece¬
vaient
jusqu'à 2i
grammesd'émulsion de moelle de lapin.
Après
le traitement,
unde ces malades, atteint delipémanie,
se trouva beaucoup
mieux
aupoint de vue mental.
Quelques
mois après, entrait en traitement un enfant épi-
leptiqueavec
des accès fréquents,quiont cessé après les pre¬
mières inoculations.
_ 14 —
Au mois d'octobre 1887, en inoculant un enfant par la mé¬
thode de Pasteur contre la rage, Babésse
piqua
au doigtavec la seringue de Pravaz. Il se soumit aussitôt au traitementantirabique.
Il souffrait alors d'une neurasthénie cérébro¬spinale assez prononcée qui, sous l'influence du traitement, disparutpour ne plus revenir.
A la même
époque,
un des assistants de l'Institut, neuras¬théniqueà un haut degré, de même qu'un garçon attaché au
service
antirabique,
très affaibli par une pleurésie, anémi¬que et
neurasthénique,
furent traités trois fois de suite contre la rage et se trouvèrent parfaitement guéris après le traitement.De ces expériences, Babes conclut que l'inoculation de substance nerveusenormale devaitdonner debons résultats chez les
neurasthéniques
en particulier et peut-être aussi chez d'autres malades atteints de maladies nerveuses.Aprèsavoir inoculé sans le moindre accident des centaines de per¬
sonnes avecdes masses très considérablesde moelle de la¬
pins morts de la rage,il restait persuadé que le seul danger
de l'inoculation ne pourrait être que l'infection.Les résultats furentexcellents non seulement dans la neurasthénie, mais
encore dans les cas de céphalalgies rebelles, les névralgies, etc.; il obtint, en particulier, un effet remarquable dans beaucoup de cas d'épilepsie essentielle.
C. Paul, de passageà Bukarest, eut l'occasion de prendre
connaissance de ces expériences. De retour à Paris, il en fit l'application et
développa
théoriquement et pratiquement cette nouvelle médication, à laquelle il donna le nom de transfusion nerveuse, et le 16 février1892,après
deux années d'expérimentation, il présentait à l'Académie de médecine de Paris les résultats desa première statistique.On y trouve relatées sinon des guérisons complètes, du moins des améliorations considérables obtenues chez des
neurasthéniques, des
chloro-anémiques,
des at'axiques.L'année suivante, en 1893, dans unchapitre desa thèsesur
l-'ôpothérapie,
le Dr Fournier, ancien interne de C. Paul, ex-— 15 —
posait la nouvelle méthode et apportait les résultats des sta¬
tistiques
nouvelles.
Depuis lors, les observations se sont succédé en nombre
considérable.
En 1894, le Dr
Cullère faisait à la Rochelle, au Congrès des
médecins aliénistes, une
communication importante sur la
transfusion nerveuse
chez les aliénés. La même année, à
Rio-de-Janeiro, Moncorvo,
à propos de maladies très diver¬
ses chez les adultes
et les enfants, signalait les heureux ré¬
sultats
qu'il venait d'obtenir.
Enfin, Althaus,
Felkin
enAngleterre, Hammond, Gibier,
Dana, Queen en
Amérique ont publié un grand nombre d'ob¬
servations assez
concluantes pour que l'efficacité de la nou¬
velle médication ne
puisse être mise en doute.
Mais, depuis
1895, le crédit de la nouvelle méthode avait
sensiblement
diminué
;le liquide cérébral était tout juste
compté au
nombre des liquides organiques : la clinique
l'avait presque
complètement rejeté.
Leschoses en
étaient là quand, cette année, au mois de
janvier
1898, les expériences de Wassermann etTakaki sur le
pouvoir antitétanique de la substance nerveuse vinrent jus¬
tement émouvoir le
monde médical. Cette série de recher¬
ches, qui
auraient
puavoir une importance capitale au point
de vuepratique,
renversait un peu nos idées actuelles sur le
mécanismede
l'immunité artificielle. C'était la confirmation
des idées d'Erlichsur
la production des antitoxines. On ar¬
rivait ainsi à une
véritable opothérapie nerveuse antité¬
tanique.
Ces expériences
avaient besoin de contrôle : partout on se
mit à l'œuvre.
Malheureusement, il fallut se rendre à l'évi¬
dence, l'œuvre
de Wassermann et de Takaki n'avait pas la
portée
qu'on avait voulu lui donner.
Les
premières expériences de Roux,Morax, Marie etMetchn i-
koff
prouvèrent tout d'abord qu'il ne s'agissaitpointlàdepro-
duction d'antitoxine,
mais d'une action antitoxique spéciale
dusystème nerveux
vis-à-vis de certaines substances, action
analogue àcelle queScliiff reconnaissait au foie, Abelous
auxcapsules surrénales.
Thoinot et G. Brouardel montrèrent enfin qu'il s'agissait
d'une simple rétention par l'extrait de la substance toxique.
Telle est, dans la science, l'histoire de
l'opothérapie
ner¬veuse.
Mais les
propriétés de la substance
nerveuseétaient
con¬nuesdepuis fort longtemps dans le peuple. Certains auteurs considèrent mêmecomme le germe de
Topothérapie,
l'habi¬tude qu'avaientjadiscertaines personnes de faire manger à leurs enfants de la cervelle de mouton pour les rendre plus intelligents.
Les Anciens admettaient, avec la légende, que l'héroïsme
d'Achille lui venait en partie dece qu'il avait
été
nourri avecde la moelle de lion et de tigre.
Notons, en terminant, qu'on trouve répandueactuellement
en Afrique une croyance analogue sur le pouvoir de la
moelle des fauves.
CHAPITRE II
Du choix et de la valeur
des diverses préparations.
«En
opothérapie, la question de techniqueestcapitale; nous
pensons que
là
setrouvent les progrès à réaliser pour obte¬
nir des rendements plus
considérables,
uneactivité plus
grande et
partant des effets plus nets (*). »
Il esthors de douteque
si les résultats obtenus par les dif¬
férents
expérimentateurs
nesont
pastoujours comparables,
cela tient à ce que les
produits employés ont été préparés de
façons
différentes.
Il est
indispensable d'avoir
nonseulement une bonne pré¬
paration,
mais
unepréparation toujours identique.
Voici, à propos
de l'opothérapie nerveuse, ceque nous pen¬
sons de la valeur des
préparations employées.
Choix de l'animal
Ici, comme
toujours, quand il s'agit d'une préparation or¬
ganique, il importe
de prendre
unanimal sain et exempt de
tares.
Dans leurs expériences,
Babes et d'autres auteurs se sont
servis du cerveau de lapin;
Brown-Séquard et d'Arsonval
ont
expérimenté
avecdu
cerveaude cobaye; Altliaus, en An-
(Ç Congrès deMontpellier (Rapport
de Gilbert et Carnot).
2
- 18 —
gleterre,
inoculait à
sesmalades du cerveau de bœuf. On
préfère généralement le
cerveaude mouton : il est d'un prix
peu
élevé et
ons'en
procure avecune très grande facilité.
Cerveau frais
Il est
impossible d'employer pratiquement le
cerveauà
l'état cru et frais : le dosage en
serait
peucommode, la
con¬servationdifficile. On ne
pourrait, du reste, triompher de la
répugnance
insurmontable des malades.
D'autre part,
la cuisson altère les composés protéiques et
modifie les enzymes.
C'est donc une méthode à rejeter.
Préparations sèches
Ces
préparations sont aujourd'hui très employées.
La glande et
l'organe sont sécliés à basse température (25° à 35°), pulvérisés et incorporés généralement à une pou¬
dre inerteou à du sucre de lait. On peut en
faire des
com¬primés,
des tablettes et des pilules.
Nous avons cherché s'il y
avait avantage à administrer le
cerveau souscetteforme.
Lapoudre
decerveau,
encoreappelée opocérébrine, est une
poudrejaunâtre, d'odeur forte, caractéristique, et de saveur
peu
agréable. M. Ed. Bazin, pharmacien à Bordeaux, qui a
acquis unegrande expérience
enmatière d'opothérapie, a
bien voulu en préparer pour nous une
certaine quantité.
Nous nous plaisons
ici à rendre hommage à
sonhabileté et
nous ne saurions trop le
remercier de l'amabilité
avec laquelleil
abien voulu
nousseconder. Nous nous sommes
adressé, en outre,
à plusieurs maisons pharmaceutiques
dont la spécialité est
de préparer
cesproduits.
L'emploi de
l'opocérébrine devait offrir l'avantage d'utiliser
— 19 —
toutes les
propriétés de l'organe; malheureusement, on ad¬
ministre ainsi à côté du
principe utile d'autres principes
inutiles, contraires ou
nocifs. Cette préparation, sous ses
diverses formes, offreencore
le grand inconvénient de s'al¬
térer
rapidement
commetoutes les préparations sèches.Voici
les observations sur
lesquelles
nousappuyons notre opi¬
nion :
Le 18 et le 19
juillet,
nous avonsensemencé sur des mi¬
lieuxsolides
gélosés de la poudre et des tablettes de cerveau
préparées
à des époques différentes.
Tous les tubes
placés à Pétuve à 37° ont cultivé, et l'exa¬
men microscopique y
montre plusieurs espèces microbien¬
nesainsi quedes
moisissures.
Le 29juillet,on ensemence
comme précédemment des pré¬
parations
sèches de centres nerveux provenant d'une autre
officine. On obtient les mêmes
résultats.
Mais,
pourrait-on dire, il s'agit de produits par hasard mal
préparés, sans
asepsie suffisante ou conservés dans des
conditions défectueuses?
C'est pour
répondre à cette objection que nous avons
étendu la
question
enexpérimentant sur un grand nombre
de
préparations organiques aujourd'hui très employées et
dont nous ne dressons pas
ici,
pardiscrétion profession¬
nelle,la nomenclature.
Après nous
être entouré de toutes les précautions en
usage, nousavons
ensemencé avec M. Sabrazès les produits
que plusieurs
maisons pharmaceutiques de France et de l'é¬
tranger ont
bien voulu
nousfaire parvenir.
Les poudres ou
comprimés, contenus dans des flacons en
verre ou renfermés sous
forme de capsules dans des en¬
veloppes de
gélatine, ont été ensemencés simplement.
Quant aux
préparations, livrées dans le commerce sous le
nom de
pastilles
oude dragées, nous avons pris la précau¬
tion de stériliser leur
surface extérieure avant de les sec¬
tionner et d'ensemencerle
centre
surles milieux de culture.
Toutesces cultures ont été
positives.
- 20 -
Nous avons obtenu les mômes résultats positifs en expéri¬
mentant à l'aide des
préparations
suivantes :Tliyroïdine, tliymiïne, ovariïne, o'rcliidine, réniïne, médul- line, cérébrine.
Du reste, cesrésultats n'ont rien .qui doivent surprendre
si on songe que ces produits, dont la préparation dure plu¬
sieursjours, se trouvent pendant ce temps exposés à une température de 30°, c'est-à-dire très favorable au
développe¬
ment des agents microbiens. Ce sont ces derniers qui en
décomposant
les matières organiques, éminemment putres¬cibles, donnent naissance aux fermentations et amènent la
production de ptomaïnes. Mais il faut aussi tenir compte d'un autre facteur: l'âge delà
préparation.
11 est certain que la poudre decerveau préparée depuis plusieurs mois peut déterminer chez les animaux desphénomènes d'intoxication.Nous avonspu nousrendre compte qu'administrée àdosenon
toxique chez le chien, la poudre sèche préparée depuisquatre mois amenait d'abord la perte de
l'appétit,
une diarrhée profuse, puis enfin la mort si l'on prolongeait l'expérience.Quantà la poudre fraîchement préparée, et par consé¬
quent non susceptible d'avoir déjà subi un commencement de fermentation, son action paraît être la même que celle des préparations liquides. Cela résulte de nos observations et semble en particulier nettement ressortir d'une de nos
expériences surla croissance. Si l'on veut rapprocherces résultats desobservations danslesquelles les auteurs signa¬
lent, à l'occasion
d'ingestion
de produits secs, de nombreux symptômesd'intoxication,onestnaturellementamené à pen¬ser quecette
thérapeutique
peut devenir non pas un moyen de guérison mais une source de dangers pour les malades.Nous serions d'ailleurs d'autant mieux disposé à rejeter les préparations sèches qu'il est très difficile de reconnaître l'étatd'altération danslequel ellessetrouvent. Quoi qu'on en aitdit, etmalgréles fermentations
qu'elles
auraientpusubir, elles gardent trèslongtemps
leur odeuret leur saveur pre¬mières.
Et
cependant, dans la pratique,
cesont les seuls moyens
dont on
dispose
pourconnaître l'état dons lequel
setrou¬
vent ces
produits.
Il noussemble donc naturel de proscrire
l'emploi de l'opo-
cérébrineou don'employerque
des produits d'une prépara¬
tion toutà fait récente. Nous pensons
qu'il vaut mieux utili¬
ser les
préparations liquides.
Disons cependant
qu'on peut retarder les fermentations
en maintenant la poudre de cerveau
dans
uneatmosphère
de formol. Voici commentTon
procède
:On recouvre lebouchon qui
doit fermer le flacon
avecdu
coton
hydrophile
et, pourle maintenir,
onentoure le tout
dansun double degaze salolêe. On
reçoit la poudre dans le
flacon
préalablement stérilisé et avant de mettre le bouchon
on verse sur le coton quelques
gouttes de formol. On répète
cette
opération chaque fois
quel'on débouche le flacon.
La
préparation n'en retire
aucuneodeur nouvelle et les
fermentations sont
quelquefois retardées.
Préparations liquides
Ce sont des macérations de cerveau
dans
unliquide approprié.
Laglycérine et l'eau, à laquelle on ajoute une
certaine quantité
de chlorure de sodium, sont les seuls
liquides
employés aujourd'hui. Voici comment nous avons
opéré pour préparer
le liquide cérébral
:On choisit le cerveau d'un animal sain
récemment immolé,
on le recueille aussi
aseptiquement
quepossible dans un
flacon stérilisé
après avoir détruit les parties molles et
ouvert le crâne, soit à l'aide
d'un fer
rouge,soit ou moyen
d'instruments stériles. On ajoute
alors
unpoids double de
sérum
physiologique afin d'obtenir une préparation au fiers,
et, cà l'aide d'une baguette
de
verre, ontriture l'organe dans
le liquide. Le cerveau
étant très friable, cette opération est
très facile. Puis on laisse macérer
pendant deux heures
environ. On filtre ensuite sur
papier
Laurent préalablement stérilisé. Le liquide est dès lors prêt à êtreemployé.
C'est d'un
liquide
ainsi préparé que nous nous sommes servi pour rechercher l'action du suc cérébral sur latempé¬
rature et pour mesurer son degré de toxicité.
La conservation en est malheureusement impossible : Dès le
cinquième jour,
il a subi un commencement d'altération. De telle sorte qu'il faut s'en servir dès qu'il vient d'être filtré. C'est pourquoi dansla pratique lui préfère- t-on leliquide glycériné.
En voici la formule
classique
fixée par C. Paul.On sesert du cerveau de mouton :
On prend 15 grammesde substance
cérébrale,
depréférence la substance grise(corps
opto-striés,circonvolutions, cervelet),
et on la divise en petits morceaux. Pendantvingt-quatre
heures, on la fait macérer dans cinq foisson poids de
glycérine
pure; on ajoute une quantité égale d'eau. Ensuite, on verse le tout, après filtration aupapier gris, dans le tube de
l'appareil
d'Arsonval ; la filtra¬tion se fait à la longue sous pression d'acide
carbonique
à 50 ou 60atmosphères.
Grâce à cette formidable pression fournie par l'acide
carbonique liquide,
on obtient 150 grammes de solution à 1/10.Le
liquide
ainsi obtenu est incolore ou légèrement teinté de rose, inodore, à réaction neutre ou plutôt légèrement acide, ainsi que l'ontmontré MM. Sabrazès et Rivière, et sa densité varie de 1080 à 1000. Il ne renferme aucun élément figuré. Enflacon,
il se conserve pendant 10 jours sans s'altérer. « Dans les ampoules remplies suivant les procédés de Chaix etRémy,
il conserve presque indéfiniment sonactivité
(1).
»Si ce procédé présente le grand avantage de retenir les.
germes, il présente aussi l'inconvénient de retenir une
certaine proportion de matières colloïdes.
(1)Arcli. dephysiologienom. et patliol., 1893.
— 23 —
D'Arsonval lui-même
reconnaissait
quedans beaucoup de
cas il y a
avantage à supprimer la bougie filtrante, «j'ai
cherché ces derniers temps,
disait-il
enfévrier 1892, à
simplifier
le maniement des stérilisateurs à acide carbonique
en évitantl'emploi
delà bougie, qui retient toujours certains
principes clu liquide filtré, en raison de la force que Chevreul
appelait affinité capillaire (d).
»Quels
sont les principes retenus dans la bougie? Il est
certain que ce
sont des substances actives, car les résultats
obtenus avec le liquide
à l'autoclave sont tout autres que
ceux que
donnent les
sucspassés à travers l'alumine; ainsi le
suc gastrique
filtré à la bougie perd en grande partie son pouvoir peptonisant.
Ce que nous pouvons
affirmer, c'est que de l'avis général
les liquides
préparés à l'autoclave possèdent une plus
grande puissance
d'action
que ceuxqui ont passé à travers
la bougie
(2).
C'est
pourquoi Brown-Séquard et d'Arsonval ont proposé
de soumettre les liquides
organiques à l'action de l'acide
carbonique
à haute pression
aulieu de les filtrer à la
bougie.
Mais MM. Sabrazès et Bazin
ont démontré,
parune
série d'expériences, que
l'acide carbonique n'était pas un
antiseptique
puissant;
que sonrôle était purement méca¬
nique
(3).
Leurs recherches ont d'abord
porté
surdes bouillons de
culture de
staphylocoque doré, de bacille typliique, de
bactérium coli, de
bactéridie charbonneuse. *
Les pressions
obtenues à l'aide d'acide carbonique ont été
prolongées au
delà de dix heures avec des intensités oscil¬
lant entre 59 et 60
atmosphères, qu'il est d'ailleurs prati¬
quement
difficile de dépasser.
(h Arch. dephysiologienorrn. et
pathol., février 1892.
(2) Arch. dephysiologienorm. et
pathol., février 1892.
(3) Société deBiologie, Paris 1893.
La quantité de
liquide
àstériliser,
placée en.couchemince, n'excédait pas5 millimètres cubes.Dans tous les cas, les
micro-organismes
expérimentésn'ont été modifiés d'une
façon
notable ni dans leurs pro¬priétés
morphologiques,
ni dans leurdéveloppement.
Bien plus, la bactéridie
charbonneuse,
après unecompres¬sion de 60
atmosphères
prolongéependantplusdesixheures,
paraît avoir conservé sa virulence une heure aprèsl'expé¬
rience, ainsi qu'en témoigne l'inoculation positive à la souris.
Dans une nouvelle série
d.'expériences,
ces expérimen¬tateurs ont pu exercer des compressions soutenues de 70 à 73
atmosphères
pendant trois à sixheures,
sur des cultures récentes de bacilletyphique
et destaphylocoque
doré dans dubouillon de bœufpeptonisé.Une demi-heure
après l'expérience,
le bacilletyphique
a été retrouvé mobile et facilement colorablepar les procédéshabituels;
les ensemencements,pratiqués
immédiatement après la compression, l'ont reproduit avec une abondanceégale
à celle des tubes témoins.Les résultats obtenus 'à l'aide du
staphylocoque
ont étéégalement
positifs.On a même pu exercer pendantquinzeà vingt minutes des pressions d'acide carbonique de89 à 94
atmosphères
sur des cultures de charbon bactéridien d'une part, et destaphylo¬
coques dorés d'autre part, dans du bouillon de veau
peptonisé.Lesensemencementsimmédiats,l'examen micros¬
copique des milieux ont prouvé
péremptoirement
que les microbes en expérience ne subissent pas de modifications sensibles.L'inoculation sous-cutanée, une heure après
l'expérience,
de 1 cc. de bouillon de culture de bactérie
sporulèe,
com¬primé à 90
atmosphères,
a produit, chez unlapin
pesant 1.350 grammes, une infectioncharbonneuse.mortelle
aubout detrente-quatre
heures : tous les organes étaient farcis de bactéries.MM. Sabrazès et Bazin en ont
conclu
que «pratiquement,
il pourrait
être dangereux de recourir, pour la stérilisation
des extraits organiques,
à l'autoclave à acide carbonique
privé
delàbougie filtrante; cet appareil ne saurait, en effet,
dansles conditionsde temps et
de pression fixées par d'Ar-
sonval, être
considéré
comme unstérilisateur (1).
»D'autres
expériences sont
venuesconfirmer leurs conclu¬
sions. Celles de M. "Roger
(1894); celles de MM. Nocard et
Roux
(2) qui ont
pudonner la
rageà de nombreux animaux
enleurinoculantdesémulsions de
bulbe rabique qui avaient
supporté
pendant 24, 36, 48 heures des pressions de 50, 60,
80 atmosphères et
plus d'acide carbonique.
Puisquela
bougie filtrante retenait une grande partie de
matières activesetque,
d'autre part, l'acide carbonique même
tà hautepression ne
pouvait donner une sûreté suffisante, il
était intéressantde rechercher
s'il
yavait
unautre moyen
de préparer
les liquides organiques et en particulier le
liquide
cérébral.
Nous avons préparé avec
M. Bazin du liquide cérébral gly-
cérinéen cherchant à obtenir une
solution concentrée.
On recueille comme
précédemment, dans
unflacon stéri¬
lisé, le cerveau
d'un animal récemment immolé et on y
ajoute une
quantité de glycérine égale au poids de l'organe.
On tritureà l'abri de l'air,
puis
onlaisse macérer. La durée
de la macération est de
vingt-quatre heures. Au moment de
la filtration et pour
la faciliter
onjoint demi-partie d'eau sté¬
rilisée. La filtration
opérée
onparfait le volume avec de la
glycérine
préalablement chauffée à 140° et refroidie asepti-
quement
de façon cè obtenir une solution au tiers. Cela fait,
nous conseillons de recueillir et
de
conserverle liquide cé¬
rébral non pas dans
des flacons, comme cela se fait trop
souvent, mais dans
des ampoules de verre de volume varia¬
ble
(1
cc., 3 cc.,5 cc.) et stérilisés.
(9 Société deBiologie.,
Paris 1893.
(2) Sociétéde Biologie.,
Paris 1893.
— 26 —
La stérilisation de ces ampoules est très facile. Puis au moment de
l'emploi,
il n'est pas besoin d'avoirrecoursà unecupuleou à un verre de montre; on évite ainsi de nouvelles causes d'infection. Enfin on a quand on veut s'en servir une
solution
dosée,
cequi permet d'éviter les pertes que l'on fait certainement quandonemploie leliquide
conservé enflacon.On ne peut, en effet,
employer
en une seule fois tout ce quis'y
trouve contenu.Au moment de
l'emploi,
on dilue leliquide
dans unequan¬tité égale de sérum
physiologique
: la douleur est moins forte.Le
.liquide
cérébral ainsi préparé est certainement plusactif quele
liquide filtré,
il estaseptique.
Les ensemencements sur géloseou en bouillon restent sté¬
riles.
Nousavons ensemencé,enmême
temps,
duliquide
cérébral filtré à labougie
et duliquide
cérébral non filtré etpréparé,
comme nous l'avons dit plus
haut, depuis
plusdetrois mois.Toutes les cultures sont restées stériles.
Cela
s'explique
par lesprécautions prises et surtoutpar le rôle
antiseptique
de laglycérine,
ainsi que l'ont montré MM. Sabrazès et Rivière(*),
et parl'aciditélégère
du milieu,défavorable
audéveloppement
d'un bon nombredemicrobes.La
glycérine
est, du reste,depuis
fortlongtemps employée
pour conserver la pulpe vaccinale qui sepurifie dans ce mi¬
lieu tout en conservant sa virulence.
Les injections
hypodermiques
sont venues confirmer cesrésultats. Nous avons fait un
certain nombre
d'injections;
jamais nousn'avons eu
d'abcès,
une seule fois nous avonsobservé un peu de rougeur pendantdeuxou troisjours après
l'injection (Obs.
II).Du reste, le mode de préparation que nous proposons se
rapproche du procédé
employé
par d'autres expérimenta¬teurseten particulierparle Dr Cullère. « Pour la
préparation,
p) Comptes rendusde la Société d'Hygiène deBordeaux, 1893-94.
_ 27 —
ditcedernier,jeprends, suivant
les indications de M. C. Paul
maisenmodifiant les proportions
indiquées
parlui, afin de
n'avoir pas
à
fairedes injections d'un trop fort volume, de
la substancegrise de cerveau de
mouton récemment tué, je
la fais macérerpendant
vingt-quatre heures dans deux fois
son poids
de glycérine
pureet j'ajoute ensuite une quantité
égale d'eau
bouillie,
cequi, après filtration, donne une pré¬
paration au
cinquième.
» La
préparation est renouvelée chaque semaine. Faite avec
toutes les précautions
antiseptiques, elle est filtrée au pa¬
pier,
jusqu'à
cequele liquide soit obtenu clair, limpide et
incolore.
» Mais l'addition d'eau et le filtrage
n'ont lieu
quele jour
même des injections et
le plus près possible d'opérer. La glycérine étant antiseptique,
onévite ainsi le développement
des colonies bacillaires et les
procédés perfectionnés de fil¬
tration ne sont plus
autant nécessaires.
« Bien que
n'ayant
pasemployé le procédé de M. d'Arson-
val, qui
lui-même
nedonne
pas unesécurité parfaite, puis¬
que sur
1.000 injections M. C. Paul, qui l'emploie, a eu trois
abcès, je ne
crois
pasavoir
euproportionnellement plus
d'accidents que ce
dernier.
» Je ferai remarquer
d'ailleurs
queM. Babes, l'initiateur
dela méthode, émet l'avis que
la filtration
parles bougies
enlève au
liquide
unepartie de
sespropriétés et que pour
passer
l'émulsion
nerveusedont il se sert, il emploie sim¬
plement une
étamine
ens'entourant des précautions d'une
minutieuse asepsie
(4).
»Il faut se rappeler que
le liquide cérébral, comme tous les
liquides d'extraits organiques, ne doit son action qu'à sa
vitalité,que par
conséquent plus
celiquide est frais et pur
et plus il est
actif.
Quoi qu'en aient
dit MM. Brown-Séquard et d'Arsonval,
nous pensons
qu'il
y aavantage à employer un liquide fraî-
(') Congrèsannuel de Médecine
mentale, 1894,
p.547.
— 28 —
chôment préparé. « On n'obtient pas, affirme le Dr Paul, les mêmes résultatsavec une
liqueur
fraîchequ'aveccelledatant d'un certaintemps.
»On peut administrer le
liquide
cérébral par voiehypoder¬
mique,
par voie stomacale ou par voie rectale, selon les indications.Quandon injecte le
liquide
cérébral sous la peau, son action est peut-être plus rapide. Mais on a toujours à crain¬dre l'infection. On • ne peut abandonner le traitement aux
mains du malade et
chaque
injection nécessite la présencedu médecin. Ajoutons que, souvent, des malades craintifs repoussent cette méthode de traitement.
L'ingestion permet d'éviter tous ces inconvénients. Il n'est
plus besoin d'une asepsie aussi
minutieuse,
et leliquide
pré¬paré tel que nous le proposons, plus actif que le liquide
filtré,
d'une préparation plus facileet moinscoûteuse,
sem¬ble dès lors remplirtoutes les conditions exigées.
Le suc gastrique et le milieu stomacal altèrent les prin¬
cipes organiques
beaucoup
moins qu'on ne le pensait.Ils les altèrent si peu que la peptonisation des extraits
secs a été érigée en méthode
pharmacologique.
« Le sucgastrique
ne modifie pas de la mêmefaçon
tous les ali¬ments albuminoïdes ingérés: chacun se peptonise à sa
façon;
toutes les peptones ne sont paslesmêmes,quoi
qu'onen dise en
physiologie Q).
Aussi préfère-t-on généralement aujourd'hui administrer lesliquides organiques
par voie gastrique. On peut aussi administrer le liquide cérébral de cettefaçon
: l'action estsimplement
moins rapide et la doseemployée
doit être plus forte.Felkin,
enAngleterre,
a tou¬jours administrén'en son liquide cérébral par voie gastrique: il
a pas moi-ns obtenu d'excellents résultats.
Les injections peuvent se faire en
n'importe
quelle partie du corps. C. Paul conseillait de les faire au niveau desflancs,
à la base delà régiondorsale,
près de larégion
lom-(Û Arnozax, Cours dethérapeutique, 1897.
— 29 —
baire, et, en
général,
dans unpoint aussi rapproché
que possibledu locus dolens. Naturellement,
ondoit prendre les précautions d'asepsie dont
ons'entoure d'ordinaire quand
on faitune injection
hypodermique. Quand
on sesert du
liquidefiltré,
ondoit faire chaque jour
uneinjection de 2
cc.au moins. On peut
aller jusqu'à 8 et 10
cc. parjour
sansaucun inconvénient, dit C. Paul. Mais,
d'ordinaire,
on s'entient à 5 cc.
Ladose peut être
moindre si l'on
sesert du liquide glycé-
rinénon filtré à la bougie; avec 2 cc.
chaque jour,
onobtient
rapidementd'excellents résultats.
La durée du traitement varie considérablement; dans quelques cas
seulement
3 ou-4 injections ont suffi
pouramener les meilleurs résultats, mais dans la majorité des
cas on a dû continuer le traitement jusqu'à quatreou cinq semaines; rarement il a
fallu
untraitement plus long.
Si, aulieu d'injecter le
liquide cérébral,
onpréfère l'admi¬
nistrer par voie
gastrique,
onprescrira 8 à 10
cc.à prendre
le matinà jeun
après
lesavoir dilués dqns de l'eau. Mais
par¬fois le malade en éprouve des nausées
légères, et dans
ces conditions, dit M. Felkin, ilseraitpréférable de l'administrer
après
le repas.CHAPITRE III
Effets
physiologiques chez les animaux sains.
COMPOSITION CHIMIQUE
L'analyse
chimique
duliquide cérébral filtré
àla
bougie, permet des'assurer qu'il
necontient
pasd'éléments
organi¬ques, mais seulement des sels. Ce sont, pour la plupart, des phosphates et des
chlorures.
Leliquide
nonfiltré à la
bougieest certainement plus riche en principes organiques et mi¬
néraux, puisqu'il est obtenu
à l'aide de
la glycérine qui dissout les sels, les lécithines, etpartiellement
les albumi-noïdes.
Nous ne donnons pas ici des analyses deces liquides non filtrés ni de la poudre de cerveau.
Mais voici une étudechimique du tissu nerveux, que nous empruntons
à
la «Chimie
»de Ar. Gautier.
Analyse due à Pétrowsky (Cerveau frais).
Substancegrise. Substance blanche.
Albuminoïdes et collagènes . . 10.19 i,8
Lécithines 3,16 3,14
Cérébrine . . 0,10 3,01
Cholestérineet graisse 3,44 16,04 Kératine et substances diverses .. 1,23 1,07
Sels .. 0.2G 0.18
Analyse due à Baumstark (Etat sec).
Substancegrise. Substanceblanche.
Eau Graisses Protagon
Substances organiques insolubles Cholestérine libre
Cholestérine combinée Nucléine
Neurokératine Sels minéraux
77,00 69,53 23,00 30,47
1,08 2,51
01,07 5,00
0,63 1,82
1,75 2,69
0,20 0,29
1,04 1,89
0,56 0,52
Toxicité
On a cherché depuis
longtemps à
mesurer ledegré
de toxi¬cité du tissu nerveux. Voici d'abord les expériences de Brown-Séquard. qui a injecté dans lesang une macération aqueuse de cerveau.
L'expérience n'a été faite que sur deux lapins :
13 octobre. Lapin, 1920grammes, injection clans la veine auriculaire dusuc d'un cerveau de cobaye, pesant 6 gr. 1/2 (3 gr. 34 de cerveau par kilog. d'animal, délayédans 5cc. d'eau distillée avec 1 cc. de gly¬
cérine). — 17 octobre. Respiration, 108; cœur,240. Poids, 1540 gram¬
mes. — 20 octobre. Respiration, 96; cœur, 176. Poids, 1550grammes.
— 22 octobre. Respiration, 72; cœur, 200. Poids, 1495, diarrhée,ali¬
mentation par avoine seule. —24 octobre. Poids, 1365 grammes, la diarrhéea cessé, mais il y a une très grande faiblesse, pas de fièvre; il s'est un peu amélioré et le 27 octobre il pesait 1150 grammes. Rapide¬
mentaprès cettedate la faiblesse a augmenté, et graduellement mais rapidement l'animalestarrivéànepeser le 8 novembreque 1080gram¬
mes, ayant perdu de sonpoids initial 840grammes ; il n'y apas eu un instant de fièvre.
Expérience
- 33 -
Larespiration etles mouvements
du
cœur, assezrapides parfois,
sesont ralentis graduellement, la mort a eu
lieu
sansconvulsions, le
8 novembre,vingt-six jours
après l'injection.
L'autopsie faite par
M. Henseque n'a
pasdonné l'explication de la
mort, on n'atrouvé ni
embolie, ni thrombose
; cœurnormal,
ensystole,
contenant des caillots, surtout à droite. Poumons, reins, rate,
foie,
cer¬veau, paraissent normaux.
Un
peude congestion de la pie-mère
surla
base de l'encéphale.
Intestin congestionné,
sangà demi fluide dans les
veinescaves.
Expérience
13 octobre. Lapin, 2125grammes,
injection dans la veine auriculaire
desucdecerveau decobaye, pesant 7grammes
(3,3
parkilog.) délayé
dans 4 cc. d'eau distillée.
17octobre. Respiration,
106
; cœur,170. Poids, 2020
grammes.20 octobre. Respiration, 92; cœur,
240. Poids, 2008
grammes,diar¬
rhée, alimentationpar
avoine seule. —24 octobre. La diarrhée
acessé.
Poids, 1880grammes,
grande faiblesse. À partir de
cemoment, il a
gagnéen forceetenpoids. Ainsi il pesait le 27 novembre 2420 grammes
et bien qu'il ait un peu
perdu à cet égard, il paraissait extrêmement bien
le 11 décembre où ilpesait
2280
grammes.Poids, le 18 décembre, 2300
grammes.
Decesexpériences,
Brown-Séquard conclut que l'injection
de substance nerveuse ne
détermine
pasimmédiatement la
mort, et que
celle-ci n'est jamais due à la coagulation du
sang. Il admit
cependant
quele tissu nerveux renfermait
des substances toxiques : le
premier lapin semble,
eneffet,
avoir été tué par
l'injection.
Roger, qui, par
des expériences nombreuses, a déterminé
la toxicitédes divers tissus, est,
à
proposdu tissu
nerveux,en contradiction avec
Brown-Séquard
;il
ainjecté à deux
lapins du sucde
cerveau,et
enquantité plus considérable
que ne
l'avait fait
cedernier
;au lieu de 3 gr. 34 ou 3 gr. 3
Br. 3