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AMÉRIQUE LATINE DIEGO RIVERA ( )

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Texte intégral

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AMÉRIQUE LATINE

F R A N Ç O I S E R A M B I E R

DIEGO RIVERA (1886-1957)

D

iego Rivera naît le 8 décembre 1886 à Guanajuato. E n 1897, il entre à l'académie de San Carlos pour commencer ses études d'art.

Ses maîtres sont alors soit des Européens qui le formèrent aux techniques de l'académisme classique et néo-classique, soit des Mexi- cains (Rebull, Parra, José Maria Velasco) qui contribuèrent au déve- loppement de son style personnel.

En 1902, il décide de secouer les contraintes de l'enseignement tel qu'il le reçoit. Il quitte l'académie et travaille avec un autre artiste mexicain, le « Docteur Atl ». Par cet ami, qui revient d'Europe, Rivera est touché par les nouveaux modes d'expression picturale.

L'idée lui vient alors de se rendre, lui aussi, sur le vieux continent.

A vingt et un ans, le 6 janvier 1907, Rivera débarque en Espagne.

Il voyage beaucoup : Espagne, Hollande, Angleterre, Italie, où il étudie les grands maîtres : Vélasquez, le Greco et Goya ; Rembrandt et Van Dyck ; Turner et Blake ; Giotto et Uccello...

Mais c'est au quartier Montparnasse qu'il se fixe, dans ce Paris alors foyer mondial de la création artistique.

Il va y vivre une dizaine d'années, avant son retour définitif dans sa patrie, où il mourra le 24 novembre 1957. Ainsi la France et le Mexique sont les deux pays privilégiés où i l vécut.

Du premier, Diego Rivera a reçu une influence certaine sans renier, bien au contraire, son profond enracinement dans le second.

L'INFLUENCE FRANÇAISE SUR DIEGO RIVERA Diego Rivera s'est longuement frotté, selon l'expression de Mon- taigne, aux nombreux mouvements picturaux parisiens de l'époque.

Mais il n'a pas seulement reçu ; il a également donné : son talent

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s'est découvert dès ses premières expositions :

— E n 1910, au Salon d'automne, avec la Maison sur le pont.

— E n 1912, au Salon des Indépendants, avec Portrait d'un Espagnol.

— E n 1913 et 1914, au Salon d'automne, avec la Fillette à l'éventail, œuvre de style pré-cubiste.

Ce n'est pas par hasard que Léonce Rosenberg, possesseur d'une galerie connue, a passé un contrat de 1915 à 1918 avec l'artiste. A u cours de cette période Diego Rivera est très prolifique.

L ' I N F L U E N C E n E L ' I M P R E S S I O N N I S M E

Grâce aux impressionnistes, Diego Rivera capte l'énorme trésor des sensations directes. Il saisit l'instant et représente l'aspect fugitif des choses, en bannissant le contour. Il donne la sensation :

— de la légèreté impalpable du ciel et la densité de l'atmo- sphère (1) ;

— du mouvant scintillement de l'eau (2) ;

— du soleil et de ses vibrations lumineuses (3) ;

— de la neige et de ses jeux d'irisations nacrées (4) ;

— des reflets miroitants sur des robes, des corps (5) et (6) ;

— du velouté d'un regard (7).

Diego Rivera utilise des couleurs claires et gaies pour interpréter les innombrables nuances lumineuses qui animent la nature de leurs perpétuelles variations.

Ainsi, au charme de l'inachevé, de l'éphémère, l'impressionnisme lui a donné une intuition exceptionnelle de la lumière : justesse des effets et délicatesse ou force des tons.

L ' I N F L U E N C E D E C É Z A N N E

A la suite de Cézanne, Diego Rivera décèle la densité des choses.

Il* arrive à concilier les apparences sensibles avec l'éternelle stabilité des formes (8).

Le besoin de solidité se manifeste par une technique particulière où la touche acquiert une fonction constructive (9) et (10).

(1) Paysage en Espagne et Notre-Dame de Paris (1908), collection du Musée national d'art moderne de Mexico.

(2) Maison sur le pont (1909), collection du Musée national d'art moderne de Mexico.

(3) Série de Couchers de soleil, collection particulière, Mexico.

(4) Paysages de Russie, Moscou (1956), collection du Musée national d'art moderne de Mexico.

(5) Deux jeunes filles dans un hamac, collection particulière, Mexico.

(6) La Femme au sac rouge (1919), collection de l'Institut national des beaux-arts de Mexico, depuis septembre 1973.

(7) Portrait d'Angéline Beloff (1909-1910), collection particulière, Mexico.

(8) Paysage de Piquet (1918), collection de l'Institut national des beaux- arts de Mexico, depuis septembre 1973.

(9) Paysage avec fermes (1914), collection particulière, Mexico.

(10) Nature morte espagnole (1918), collection de l'Institut national des beaux-arts de Mexico, depuis septembre 1973.

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Le dessin est ramené à des schémas géométriques simples et intel- ligibles (11). Il crée l'harmonie générale, la couleur étant la clé des plans, des formes, de l'espace même (12) et (13).

Comme Cézanne, Rivera recherche une autre vérité que celle, provisoire, du moment. Il exprime la vie dans ce qu'elle a de défi- nitif, d'essentiel et non d'accidentel (14) et (15). Il trouve la forme des objets dans leur réalité, malgré les déformations des perspec- tives (16) et (17).

Il est, à coup sûr, imprégné de l'œuvre de Cézanne. Un même charme se dégage des œuvres des deux artistes : la noblesse des paysages, la fraîcheur des gammes de vert, la pureté et la profondeur des bleus, la délicatesse des carnations, l'éclat et le velouté des fruits.

L ' I N F L U E N C E D E G A U G U I N

Diego Rivera a mis en application les principes picturaux de Gauguin. Il cerne les formes avec précision, soulignant les corps d'un trait ferme. Il répartit les couleurs hardiment en étendues mono- chromes afin d'accentuer les effets de contraste ; ainsi naît une orchestration flamboyante de couleurs non fondamentales telles que les roses, mauves, oranges et violets.

Les personnages de Rivera, surtout dans l'œuvre postérieure à l'époque parisienne, comme ceux de Gauguin, affichent la même allure hiératique. Leurs gestes paraissent raides. Pourtant les lignes courbes qui dessinent et enveloppent les corps donnent aux person- nages vie et mouvement.

. Immobiles, le visage fermé, l'air lointain et énigmatique, les modèles contribuent à laisser planer une atmosphère mystérieuse. E l c'est justement de cette impassibilité, de ces attitudes figées et son- geuses, que sourdent l'émotion dramatique et le souffle poétique qui nous envoûtent.

En résumé, nous pouvons avancer que Gauguin a servi de révé- lateur pour Diego Rivera et qu'il lui a permis de mieux s'insérer dans l'esprit national mexicain, présent et passé, tandis que Cézanne, lui communiquant l'art du volume délimité par de fortes verticales et horizontales, le conduisait inévitablement vers le cubisme.

L ' I N F L U E N C E D U C U B I S M E

L'influence du cubisme sur l'œuvre de Diego Rivera est de loin la plus importante.

(11) Aqueduc (1918), collection de la galerie Weyhe de New York.

(12) La Femme au châle rouge (1920), collection particulière.

(13) Paysage nocturne (1947), collection du Musée national d'art moderne de Mexico.

(14) Jeune fille bretonne (1908), collection du Musée national d'art moderne de Mexico.

(15) Le Mathématicien et Portrait d'Elie Faure (1918), collections parti- culières.

(16) Le Sculpteur Otero (1911), collection de l'Institut national des beaux- arts de Mexico, depuis septembre 1973.

(17) Les Vendangeurs et les Vendangeuses (1920), collections particulières.

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Il brise l'enchaînement traditionnel des formes (18).

Il fragmente les objets, les percevant de tous les côtés ; il organise l'œuvre comme s'il était possible de voir tous les aspects simultané- ment, défiant ainsi l'espace (19) et (20).

Une main, un œil, une pipe, des cartes, un fragment de bouteille, l'anse d'une cruche, la volute d'un violon, suggèrent une intention, une présence.

Diego Rivera a assimilé toutes les découvertes et les inventions du cubisme. Il a employé le « collage » de papier, de tissu, de bois et de sable (21).

Il va même jusqu'à montrer non l'apparence des objets mais leur réalité profonde ; le Portrait d'un poète (22) en est un bel exemple et représente le portrait de l'essence d'un poète.

Pourtant, à l'intérieur de ce mouvement, Diego Rivera garde une certaine originalité. Il introduit des éléments mexicains : luxuriante végétation, volcans, « sarapes », chapeaux de « charro » (23), (24) et (25). De plus, sa couleur reste personnelle, car, sombre chez les cubistes, sa palette s'éclaire souvent de tons chauds et vifs.

Tout cela contribue à donner à sa peinture une vibration et un effet dynamique extraordinaires.

L E PEINTRE MEXICAIN

Diego Rivera rentre au Mexique en 1921 avec un riche bagage d'études, d'observations et d'expériences artistiques. Cette année est capitale pour lui puisque ce sera le contact conscient avec sa patrie.

Très pénétré du rôle éminemment social de l'art, Diego Rivera veut que sa peinture soit un trait d'union avec le peuple. Il veut aussi renouer avec l'art précolombien (fresques aztèques ou mayas).

Aussi le passage par Paris n'a pas été une rupture : Diego Rivera s'installe dans la continuité historique.

Presque toutes ses fresques affichent un certain symbolisme.

Celles du Palais national à Mexico (1929-1935) et du palais de Cortés à Cuernavaca (1929) glorifient la vie des Indiens heureux et prospères aux temps des divinités pré-hispaniques ou clouent au pilori l'arrivée des conquistadores et la conquête espagnole.

Celles de l'Institut de l'éducation publique à Mexico (1923-1928) et de la chapelle de l'Ecole nationale d'agriculture à Chapingo (1926-

(18) La Tour Eiffel (1912-1914), collection particulière, New York.

(19) Portrait d'un peintre (1913), collection du Musée régional de Guada- lajara (Mexique).

(20) L'Architecte (1916), collection particulière, Mexico.

(21) Portrait de Mme Marcoussis (1915), collection de l'Institut d'art de Chicago.

(22) Portrait d'un poète (1916), collection particulière, Mexicq.

(23) Le Réveil (1914), collection du Musée Frida Kahlo, Mexico.

(24) Fusilier marin (1914), collection de l'Institut national des beaux- arts de Mexico, depuis septembre 1973.

(25) Paysage zapatiste (1915), collection de l'Institut national des beaux- arts de Mexico, depuis septembre 1973.

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1927) affichent, avec une grande maîtrise, la personnalité de l'artiste, ses concepts sur la vie, le travail et les luttes sociales du peuple mexicain.

La composition des fresques est fondée sur une parfaite symétrie dynamique. Le jeu entre les lignes verticales et horizontales, coupées par des diagonales, forge une véritable structure architectonique.

Cela n'empêche pas que tout l'espace est plein. Ce ne sont que têtes de personnages, feuilles... sauf quelquefois un coin de ciel ou une échappée de paysage.

Pour les gestes, Diego Rivera les a captés à des moments précis, et pourtant on en sent la puissance. Cette fausse raideur veut-elle arrêter la marche du temps et traduire l'éternité d'un mouvement de bras, d'une démarche ? Mais, par-delà l'inertie et le côté hiératique des personnages, les lignes courbes donnent vie et attirent l'œil sur les silhouettes d'indigènes, de paysans, de travailleurs, de person- nages connus comme Juarez ou Zapata.

Parfois, Diego Rivera, pour accentuer la répulsion que lui inspire un Cor tés ou un Alvarado, un bourgeois..., ne craint pas de manier la caricature qui rappelle les ce calaveras » de José Guadalupe Posada, le Daumier ou le Goya mexicain.

La gamme des couleurs de Rivera est très variée. Il exprime l'ivresse qu'il en ressent au moyen d'une véritable orgie chromatique où les verts côtoyent les rouges, et les ocres rient aux bleus. Ce rythme coloré alterné aux tons blancs, noirs ou bruns, fait ressortir la luxuriante richesse des costumes d'apparat ou de guerre, les reflets de Tenochtitlân dans la lagune, les étendards des divinités, la transpa- rence du ciel...

Ainsi, nous pouvons dire que la peinture de Diego Rivera est en général descriptive, synthétique, métaphorique, dramatique, et alors les passions atteignent un certain paroxysme. La vigueur des lignes et des tons fait la qualité décorative du peintre. Par ce pouvoir magique, tout vit, revit et vibre.

ette dernière partie de l'œuvre de Diego Rivera a fait de lui le maître incontesté de l'art pictural mexicain.

Mais ce souffle noble et patriotique, cette prodigalité et même ce gigantisme n'ont-ils pas un peu trop atténué les autres aspects des œuvres du peintre, dont beaucoup ont pris racine dans la capitale française ?

Nous espérons avoir montré que l'une et l'autre peinture, l'une et l'autre inspiration, l'une et l'autre influence, sont plus complémen- taires qu'incompatibles.

FRANÇOISE RAMBIER

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