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COURS DE SYSTEME POLITIQUE SENEGALAIS

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FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ET POLITIQUES DEPARTEMENT DE DROIT PUBLIC

COURS DE SYSTEME POLITIQUE SENEGALAIS

SEMESTRE 2 DE LA LICENCE Année universitaire 2019-2020

Par Abdoulaye DIEYE MCT, Département de droit public FSJP UCAD

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CHAPITRE INTRODUCTIF

L’expression système politique désigne "un mode de représentation conceptuelle des interactions politiques et des institutions qui, dans un pays donné, déterminent les décisions auxquelles se soumettent la plupart des personnes ou entités collectives incluses dans ce pays ou ce cadre" (1). Le système politique se trouve ainsi englobé dans un ensemble social avec lequel il entretient des rapports. Il repose sur des interactions. C’est en cela que le système politique diffère du régime politique qui est un ensemble coordonné d’institutions qui sont généralement prévues par la constitution. Une distinction entre ces concepts très voisins s’impose.

Section 1: Distinction entre régime politique et système politique.

Même si l’on a tendance à confondre les deux notions, il existe bel et bien une différence (certains disent même une opposition, voir El Hadj MBODJI, cours de système politique) entre système politique et régime politique. Cette différence se note aussi bien au niveau de leurs sphères d’actions respectives qu’au niveau des interactions avec l’environnement et même des approches méthodologiques.

1. Différence au niveau des sphères d’actions

La principale différence entre système et régime politique réside dans le fait que le système est plus large que le régime. Le système politique est ouvert sur son environnement.

Son étude intègre toutes les institutions constitutionnelles comme non constitutionnelles. En effet, il existe des institutions qui, bien que n’étant pas prévues par la Constitution, occupent une place fondamentale et exercent une influence considérable sur le fonctionnement du régime. Il en est ainsi des Autorités Administratives Indépendantes, des syndicats, des groupes de pression…

Le régime politique se limite quant à lui à l’encadrement formel du jeu politique. C’est un ensemble coordonné d’institutions qui sont généralement prévues par la Constitution… Il relève donc du continent. C’est pourquoi à chaque régime correspond une constitution. La constitution détermine la philosophie du régime, institue les organes de l’Etat, aménage leurs rapports ainsi que les relations entre gouvernants et gouvernés. C’est donc le régime qui permet de rendre compte de la manière spécifique dont sont organisés les pouvoirs publics.

Les règles constitutionnelles qui déterminent un régime politique ont une double contingence : spatiale d’une part (le régime politique sénégalais est à distinguer des régimes politiques français, américain ou burkinabé) ; temporelle d’autre part en ce sens qu’un Etat peut, dans son histoire, avoir expérimenté plusieurs types de régime (le Sénégal a connu plusieurs types de régimes politiques de 1960 à nos jours).

(1) G. Hermet et autres, Dictionnaire de la Science politique, Paris, Armand Collin 1994, p. 263

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Un changement de régime implique nécessairement un changement ou tout au moins une révision en profondeur de la Constitution. Cependant, un changement de constitution n’induit pas forcément un changement de régime.

En tout état de cause, une constitution permet, à partir de sa seule lecture de préciser la nature d’un régime politique mais elle ne renseigne pas suffisamment sur la nature du système politique en place.

II. Différence au niveau de la nature des influences de l’environnement.

Fondé sur un ordonnancement constitutionnel, le régime politique peut être ouvert ou fermé à son environnement. Cette autonomie trouve son fondement dans la Constitution qui est une simple traduction institutionnelle de l’idéologie de ceux qui sont aux commandes de l’appareil d’Etat.

Ainsi, un régime politique peut être articulé autour de l’idéologie marxiste ou libérale en faisant abstraction des valeurs culturelles dominantes dans la société.

Le système politique est en revanche ouvert sur son environnement. Son autonomie vis-à-vis du système social est moindre par rapport à celle dont jouit le régime vis-à-vis de la société.

III. Différence au niveau des approches méthodologiques.

Cette différence résulte de la prise de conscience du décalage entre l’aménagement juridique de l’exercice du pouvoir et la réalité.

Fondé sur un ordonnancement constitutionnel, le régime politique correspond à l’exclusivisme juridique à la différence du système politique dont l’approche englobe les aspects sociologiques, philosophiques ou autres qui se situent au-delà du droit.

Le système politique envisage les phénomènes politiques dans une perspective dynamique. En revanche, dans le régime politique, les relations sont préétablies et forgées par les normes constitutionnelles.

Ainsi, le système politique est l’objet d’étude des politistes (politologues) tandis que le régime politique, l’objet d’étude des juristes.

Section 2 : L’orientation du cours

Le cours de système politique sénégalais figure au programme des étudiants de la Licence 1ère année de la Faculté des Sciences juridiques et politiques de Dakar. Il est dispensé au second semestre.

Ce cours, en dépit de toutes les différences précédemment étudiées2, comporte une dimension largement constitutionnelle à travers l’étude de l’environnement constitutionnel du système politique. Il s’agit d’amener les futurs juristes à bien intégrer dans leur culture juridiques les normes fondamentales organisant le pouvoir politique sénégalais.Cela fait

2 Différences entre régime politique et système politique

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d’ailleurs que le cours porte sur le régime et non sur le système. La dimension science politique apparaît cependant à deux niveaux : d’abord, il ne saurait être question de se limiter à l’exégèse des textes constitutionnels mais à l’analyse de la pratique politique et à l’étude de phénomènes pas toujours formels. Il en est ainsi de l’étude des avatars des différents régimes politiques de l’histoire constitutionnelle du Sénégal.

Ensuite, le deuxième titre du cours, consacré à l’étude des fondements démocratiques du régime politique sénégalais, comporte l’analyse d’éléments ou de phénomènes qui dépassent le droit constitutionnel. Il en est ainsi de l’étude de l’origine des partis politiques, de leur nature, de leur typologie et de leur influence sur le jeu institutionnel contemporain.

En tout état de cause, il est attendu de l’étudiant qu’il puisse maîtriser l’histoire constitutionnelle du Sénégal. Celle-ci doit être étudiée à partir des repères suivants :

- l’autonomie interne ;

- le système constitutionnel actuel : les principes fondamentaux ; la répartition des pouvoirs…

- les forces politiques et le jeu politique : les partis politiques, les syndicats, les forces religieuses.

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CHAPITRE II : LA REPUBLIQUE PARLEMENTAIRE

La constitution du 26 août 1960 trouve sa source d’inspiration dans le parlementarisme de la quatrième république française dont elle emprunte la dénomination de certains organes et des techniques de rationalisation.

Le régime reposait sur le principe de la séparation souple des pouvoirs impliquant une collaboration entre les organes de l’Etat. La disposition des pouvoirs qu’il aménageait devait néanmoins rendre hypothétique le fonctionnement du régime qui n’a pas su gérer et surmonter la crise politique de 1962.

Section 1ère : La disposition des organes du pouvoir d’Etat

La structuration des organes de l’Etat était conforme aux principes organisationnels du régime parlementaire dualiste. Dans sa mise en œuvre institutionnelle, le régime parlementaire se présente sous deux variantes : le régime parlementaire moniste et le régime parlementaire dualiste. Le régime parlementaire est dit moniste parce qu’il n’existe qu’une seule responsabilité politique du gouvernement devant le parlement. Il n’existe qu’une seule source du pouvoir politique, le Parlement, un seul pôle du pouvoir au niveau de l’Exécutif (le gouvernement qui est l’émanation du Parlement). C’est la raison pour laquelle le chef de l’Etat y est effacé.

Dans le régime parlementaire dualiste, il existe deux sources du pouvoir politique : le chef de l’Etat et le Parlement. Voilà ce qui explique la double responsabilité politique du gouvernement devant le chef de l’Etat et le parlement ( de façon générale, la chambre issue du suffrage universel).

La constitution de 1960 faisait procéder le pouvoir de deux sources principales : le Chef de l’Etat et l’Assemblée nationale. Le gouvernement était le trait d’union entre ces deux pouvoirs dans la mesure où il exerçait le pouvoir politique en accord avec le Chef de l’Etat et sous le contrôle de l’Assemblée nationale.

Paragraphe 1er : Le Pouvoir Exécutif

Le Pouvoir exécutif sénégalais était original par rapport à celui des nouveaux Etats africains car l’autorité procédait de deux sources : le Président de la République et le Chef du Gouvernement nommé Président du Conseil.

I. Le Président de la République

A) Statut du Président de la République

Le Président de la 1ère République ne jouissait pas d’une légitimité populaire directe. Il était élu par un collège électoral pour un mandat de 7 ans indéfiniment renouvelable. Le collège électoral était constitué des membres de l’Assemblée nationale, d’un délégué par

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assemblée régionale et d’un délégué par conseil municipal. Ce collège se réunissait en congrès. L’élection présidentielle a lieu au scrutin secret. Pour être élu, le candidat doit obtenir aux deux premiers tours la majorité des deux tiers des membres composant le congrès.

Si cette majorité n’est pas acquise, il est procédé à l’élection à la majorité absolue des membres du congrès.

L’article 22 de la Constitution réglemente la vacance de la Présidence de la République suite au décès, à la démission ou à l’empêchement définitif de son titulaire. Il revient à l’Assemblée nationale de constater l’empêchement temporaire ou définitif du Président de la République (art. 22 al. 2). La suppléance est assurée par le Président du Conseil en attendant que le collège électoral se réunisse dans les trente jours de la vacance pour désigner le successeur du Président de la République (art. 22 al. 4).

Un aspect important de son statut mérite d’être souligné. Il s’agit de l’incompatibilité de la charge de Président de la République avec l’exercice de toute autre fonction publique ou privée. Il s’agit là d’une incompatibilité absolue.

Il faut noter également que le Président de la République était politiquement irresponsable ; ce qui est conforme à la logique du régime parlementaire. L’article 65 ne prévoyait qu’un seul cas de responsabilité : la haute trahison qui ne fait pas l’objet d’une définition légale. Elle est laissée à la libre appréciation des parlementaires qui ont en charge la mise en accusation à travers un vote secret du Parlement à la majorité des deux tiers des membres le composant.

B) Les pouvoirs du Président

Il convient de distinguer les pouvoirs propres et les pouvoirs partagés.

Les pouvoirs propres sont des pouvoirs qui s’attachent au statut du Chef de l’Etat ; considéré comme le gardien de la constitution et l’arbitre entre les pouvoirs publics, ces pouvoirs propres permettent au Président de la République de garantir l’indépendance nationale, l’intégrité du territoire, le respect des engagements internationaux, la continuité des institutions et le bon fonctionnement du régime.

La caractéristique des actes pris dans l’exercice des pouvoirs propres, c’est qu’ils sont dispensés du contreseing ministériel. Il en est ainsi de l’acte de nomination du Gouvernement ou de saisine de la Cour suprême en vue du contrôle de la constitutionnalité des lois. Ainsi, le Président de la République ne disposait, à l’instar de son homologue français ni du pouvoir référendaire, ni des pouvoirs exceptionnels, ni du pouvoir de dissolution (qui ne lui fut octroyé qu’en 1961 à travers la loi n° 61-63 du 12 novembre 1961).

Les pouvoirs partagés sont des pouvoirs reconnus au Président de la République mais qui ne peuvent être exercés sans l’adhésion du Gouvernement. Cette adhésion est matérialisée par le contreseing du Président du conseil ou, le cas échéant, des ministres responsables de leur exécution. Il s’agit en fait de décisions qui sont imposées par le Gouvernement qui endosse la responsabilité de leur exécution devant les parlementaires. Le Chef d’Etat d’un régime parlementaire peut jouir de pouvoirs constitutionnels relativement étendus mais ces pouvoirs sont purement formels. En réalité, le Président de la République n’est que "la main qui signe" des décisions qui s’imposent à lui.

C’est dire donc que le véritable chef de l’Exécutif et du gouvernement était le Président du Conseil.

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II. Le Gouvernement

Le Gouvernement est un organe collégial composé de Ministres et Secrétaires d’Etat placés sous l’autorité d’un chef qui prend la dénomination de Premier Ministre, Président du Conseil ou Chancelier. Il est une pièce maîtresse du régime parlementaire car c’est l’institution à travers laquelle s’opère la collaboration des pouvoirs exécutif et législatif.

Composé d’un président du conseil et de ministre, le gouvernement, sous la 1ère République, était le trait d’union entre le chef de l’Etat et l’Assemblée. Sa désignation faisait intervenir à la fois ces deux organes.

A) La nomination du Gouvernement

Les conditions de désignation varient selon qu’il s’agisse du Président du Conseil ou des autres membres du Gouvernement.

1) La nomination du Président du conseil

La désignation du Chef du gouvernement nécessitait le concours du Chef de l’Etat et de l’Assemblée Nationale. En effet, conformément aux dispositions de l’article 25 al. 1er, le Président du conseil était pressenti et désigné intuitu personae par le Chef de l’Etat. Il devrait se présenter ensuite devant l’Assemblée nationale pour y définir la politique qu’il entendait mettre en œuvre. Les députés pouvaient alors l’investir à la majorité absolue des membres composant l’Assemblée Nationale par un vote au scrutin public.

2) La nomination des autres membres du Gouvernement

Après son investiture parlementaire, le Président du Conseil choisissait les autres membres du Gouvernement qui pouvaient être désignés au sein ou en dehors de l’Assemblée Nationale, l’exercice de la fonction gouvernementale étant compatible avec un mandat parlementaire (Art. 28). Le Président de la République pouvait alors prendre un décret de nomination du Gouvernement.

Conformément à la logique du régime parlementaire, les membres du gouvernement étaient politiquement responsables devant l’Assemblée nationale. Ce qui signifie qu’ils doivent constamment garder la confiance du Parlement.

B) Les pouvoirs du Gouvernement

La Constitution de 1960 avait réservé une place primordiale au gouvernement considéré comme l’institution maîtresse du dispositif constitutionnel. A l’intérieur du Gouvernement, une distinction était faite entre les pouvoirs propres du président du conseil et les pouvoirs du Gouvernement en tant qu’organe collégial.

1) Les pouvoirs propres du Président du Conseil

Aux termes de l’article 26 de la Constitution, le Président du conseil "détermine et conduit la politique de la nation". Ce pouvoir fondamental lui revient à lui tout seul. C’est dire que le constituant sénégalais se distinguait à ce niveau de son homologue français car l’article

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20 de la Constitution de 1958 confie ce pouvoir au Gouvernement en tant qu’organe collégial et non au Premier Ministre français.

En outre, le Président du conseil était responsable de la défense nationale même si le Chef de l’Etat était le chef des armées. Il nommait à tous les emplois civils et militaires sauf ceux des emplois dont le pouvoir de nomination avait été confié au Président de la République par l’art. 24 ; Il disposait de l’Administration et de la force armée, etc.

2) Les prérogatives du Gouvernement

Les pouvoirs fort étendus du Président du conseil expliquent la rareté des prérogatives propres au Gouvernement. C’est surtout dans la procédure législative que les pouvoirs du gouvernement étaient plus visibles. Ainsi, il pouvait convoquer l’Assemblée nationale en session extraordinaire, bénéficier d’une loi d’habilitation l’autorisant à prendre par ordonnance des mesures relevant normalement du domaine de la loi. Le Gouvernement avait également l’initiative en matière législative et constitutionnelle…

Paragraphe 2 : Le Pouvoir législatif

Le Pouvoir législatif était incarné par l’Assemblée nationale dans la Constitution du 26 août 1960. Le Parlement était ainsi monocaméral. Ses membres, les députés, jouissaient d’un statut particulier en raison de leur mode de désignation et de la protection statutaire de leur mandat.

I. Statut des députés

Le député était l’unique représentant de la nation jouissant d’une légitimité populaire.

Les députés étaient élus au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans. Ils étaient au nombre de 80.

Il n’y avait aucune possibilité de représentation plurielle à l’Assemblée compte tenu du mode de scrutin. En effet, le scrutin en vigueur était le scrutin de liste majoritaire à un tour et à l’échelon de la nation. En d’autres termes, le parti qui obtenait la majorité (absolue ou relative) gagnait tous les sièges parlementaires. Le mandat n’était pas révocable du moins jusqu’à l’introduction du droit de dissolution en 1961. Dès lors, ce mandat ne pouvait être écourté que par le décès, la démission ou l’empêchement définitif du titulaire. Même l’entrée au gouvernement ne rendait pas caduc ce mandat, le seul cas d’incompatibilité, à ce niveau, concernait le député membre du bureau de l’Assemblée ou titulaire d’un poste dans les commissions. Même dans ce cas, il lui suffisait de démissionner de ces postes, de demeurer ainsi un député simple pour pouvoir être en même temps, membre du gouvernement.

II. Les Pouvoirs de l’Assemblée nationale

L’Assemblée avait deux prérogatives : l’exercice du pouvoir législatif et le contrôle de l’action du Pouvoir exécutif.

A) Le vote des lois

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C’est la fonction essentielle de tout parlement. L’Assemblée nationale du Sénégal pouvait voter des lois de nature variable : des lois ordinaires (adoptées suivant la procédure traditionnelle), des lois organiques (qui ont pour vocation de compléter ou de préciser, sur certains points, la Constitution), des lois de finances (qui déterminent les ressources et les charges financières de l’Etat), des lois d’approbation ou d’autorisation (qui pouvaient porter sur des engagements internationaux de l’Etat)...

A côté de la fonction d’adoption des lois formelles, l’Assemblée pouvait prendre d’autres actes par exemple, l’acte de prorogation de l’Etat d’urgence ou de l’Etat de siège, l’acte d’autorisation de guerre ou de simples résolutions.

B) Le contrôle de l’action gouvernementale

Dans un régime parlementaire, le gouvernement est l’émanation de la représentation populaire, incarnée au Sénégal en 1960 par l’Assemblée nationale. Il met en œuvre la politique nationale en conformité avec les vœux exprimés par les élus de la nation.

Conformément à cette tradition parlementaire, la constitution de 1960 avait prévu des techniques classiques de contrôle de l’action gouvernementale mais aussi des mécanismes pour permettre au gouvernement d’avoir la certitude qu’il garde la confiance du Parlement.

C’est ainsi que la Constitution avait prévu, entre autres mécanismes d’information, la question écrite, la question orale avec ou sans débat, la commission d’enquête… (article 50).

La Constitution avait également prévu des techniques d’engagement de la responsabilité politique du gouvernement. Ces techniques permettaient au parlement de retirer sa confiance au Gouvernement et de mettre fin à son existence juridique. Il suffisait au Parlement de rejeter une question de confiance (article 51) ou d’adopter une notion de censure (article 52) pour provoquer la démission du Gouvernement.

N.B.: La Constitution de 1960 n’avait pas prévu de Pouvoir Judiciaire. Le titre IX était intitulé "De l’autorité judiciaire". Ces autorités judiciaires avaient à leur tête la Cour Suprême qui jouait (en 1960),

le rôle dévolu en France au Conseil constitutionnel, au Conseil d’Etat, à la Cour de cassation et à la Cour des comptes.

Section 2 : Les rapports entre les organes constitutionnels

Le régime de la séparation des pouvoirs est avant tout, un régime d’équilibre entre les pouvoirs exécutif et législatif. On pouvait noter pourtant que la Constitution du 26 Août 1960 avait aménagé des rapports déséquilibrés entre ces pouvoirs. En effet, alors que le Pouvoir législatif pouvait atteindre l’Exécutif en mettant fin à l’existence juridique du gouvernement, l’Exécutif ne disposait d’aucune prérogative pour abréger le mandat des députés. Le droit de dissolution n’était pas prévu dans la rédaction initiale de la Constitution. Il ne fut introduit que tardivement à travers la loi n° 61-63 du 12 novembre 1961.

En vérité, la Constitution de 1960 cherchait plus à instituer un équilibre entre les deux fractions du Pouvoir exécutif, la Présidence de la république (détenue par M. Léopold Sédar SENGHOR) et la Présidence du Conseil (remise à M. Mamadou DIA) qu’un équilibre entre le Pouvoir exécutif et le Pouvoir législatif.

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Cet équilibre précaire exacerbé par l’ambiguïté de certaines règles de répartition des compétences entre les deux pôles de l’Exécutif allait voler en éclats et déboucher sur une grave crise qui marque la fin de la première République du Sénégal.

Paragraphe 1er : Un équilibre précaire

Le régime parlementaire est une modalité de mise en œuvre du principe de la séparation des Pouvoirs qui a pour finalité, l’équilibre entre les Pouvoirs. C’est l’existence de moyen d’actions réciproques entre le Pouvoir exécutif et le Pouvoir législatif qui garantit cet équilibre dans le régime parlementaire. Or, dans la première république, si le gouvernement était bien responsable devant l’Assemblée qui pouvait le désavouer en rejetant une question de confiance ou en adoptant une motion de censure, le droit de dissolution n’était pas prévu dans la rédaction initiale. Cela instituait du coup un déséquilibre entre les organes.

A) Un déséquilibre initiale entre les organes constitutionnels

Le déséquilibre vient du fait que l’Assemblée nationale pouvait mettre fin à l’existence juridique du Gouvernement tout en étant hors d’atteinte de l’Exécutif.

La question de confiance est un mécanisme par lequel le gouvernement prend l’initiative de demander à l’Assemblée nationale de lui accorder sa confiance sur un texte ou une politique qu’il entend promouvoir. Dans la 1ère République, il appartenait au Président du Conseil de décider en Conseil des Ministres de poser la question de confiance. C’est là une formalité substantielle. Une fois la demande déposée sur le bureau de l’Assemblée, un délai de deux jours devait être respecté avant le vote. La confiance était refusée au scrutin public à la majorité absolue des membres composant l’Assemblée nationale. Le refus de confiance entraînait la démission collective du Gouvernement.

S’agissant de la motion de censure, elle doit, à peine d’irrecevabilité, être signée par le quart au moins des membres composant l’Assemblée nationale. C’est dire donc, qu’il s’agit là d’une prérogative parlementaire. Ici aussi le vote de la motion ne peut intervenir que deux jours francs après son dépôt sur le bureau de l’Assemblée, au scrutin public et à la majorité absolue. Seuls sont recensées les votes favorables à la motion. En d’autres termes, les absents et abstentionnistes sont présumés avoir rejeté la motion. L’adoption de la motion de censure entraîne la démission collective du Gouvernement. Le Président du Conseil devra alors remettre au Chef de l’Etat la démission du Gouvernement et assurer l’exécution des affaires courantes en attendant la désignation de son successeur.

B) Un fonctionnement hypothétique du régime

Le Sénégal faisait œuvre d’exception par rapport aux pratiques politiques en vigueur dans les Etats de l’Afrique noire francophone avec le bicéphalisme de son Exécutif qui contrastait avec la tendance au monocentrisme présidentiel de cette époque.

Le fonctionnement correct d’un régime à exécutif bicéphale repose sur une répartition claire des pouvoirs, une définition précise des attributions entre le Chef de l’Etat et le Chef du Gouvernement. Ce ne fut pas toujours le cas dans la Constitution.

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Dans la Constitution du 26 Août 1960, la répartition des compétences entre le Président de la République et le Président du Conseil était imprécise sur plusieurs points. A titre d’exemple, l’article 24 faisait du Chef de l’Etat, le chef des armées et le Président du conseil supérieur de la Défense. En revanche, l’article 26 faisait du Président du conseil, le responsable de la défense nationale. Il disposait de la force armée.

La ligne de démarcation entre ces pouvoirs n’était pas nette. Tant qu’une harmonie prévalait entre ces deux autorités, la confusion des rôles pouvait être occultée. Mais dans un contexte de rivalité, les conflits deviennent inéluctables. C’est ce qui arriva avec la grave crise de décembre 1962 qui emporta avec elle, la première République du Sénégal.

Paragraphe 2 : La crise de 1962

Au lendemain de son accession à l’indépendance, le Sénégal était dirigé par un triumvirat composé de Léopold Sédar SENGHOR, Chef de l’Etat ; de Mamadou DIA, le Président du Conseil et de Lamine GUEYE, le Président de l’Assemblée Nationale. Une certaine harmonie régnait entre les différentes personnalités en raison de leur appartenance commune au même parti : L’Union Progressiste sénégalaise (UPS), parti dominant mais non unique. Ce parti connut des tensions accrues à partir de 1962 entre le groupe des partisans du Président SENGHOR et ceux du Président DIA.

A- Des tensions politiques annonçant la crise de 1962

L’Union Progressiste sénégalaise (UPS), parti dominant mais non unique, connut des tensions accrues à partir de 1962 entre le groupe des partisans du Président SENGHOR et ceux du Président DIA.

Au-delà des frustrations nées de la signature par le Président DIA des accords de transfert de compétences pour l’indépendance en l’absence du Président SENGHOR (Cet évènement faisait symboliquement du Président DIA, le père de l’indépendance)9, les partisans du Chef de l’Etat ne se retrouvaient pas dans bon nombres d’actions entreprises ou annoncées par le Président du Conseil. Beaucoup de divergences virent alors le jour 10 :

--- des divergences de vue à propos de la politique économique à suivre, de l’annulation par le Président du Conseil de certaines mesures décidées à son insu parmi lesquelles une augmentation du salaire des députés, des pressions exercées sur les députés pour les amener à rembourser effectivement les crédits dans des banques et à renoncer aux actions prises dans des sociétés anonymes, directement ou par l’intermédiaire de prête- noms.

--- des divergences quant au rapprochement opéré par le Président du Conseil du bloc de l’Est et à la politique de diversification des partenaires économiques du Sénégal11

Ces désaccords, divergences ou mésententes vont être amplifiés par les partisans respectifs des deux camps débouchant sur une crise politique. Cette crise politique devint en décembre 1962, une crise institutionnelle.

9 Voir Saliou MBAYE in Histoire des institutions contemporaines du Sénégal, Dakar, 2012, p.96

10 Autres divergences : Divergences quant aux velléités de sortie de l’économie arachidière qui transparaissent du discours prononcé à Dakar, le 8 décembre 1962 sur « les politiques de développement et les diverses voies africaines du socialisme » ; divergences quant au système partisan (multipartisme ou système du parti unique) et à la nature du régime politique (parlementaire ou présidentiel).

11 C’est ce qui fait dire à Jacques Focart, le Monsieur « Afrique » du gaullisme dans ses mémoires : « Dia et Valdiodio étaient dangereux pour la France ». Pour lui, Senghor, l’ami de jeunesse de Georges Pompidou, était le garant des intérêts français

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B La crise institutionnelle

La crise politique devint une crise constitutionnelle avec le dépôt, le 14 décembre 1962 d’une motion de censure sur le bureau de l’Assemblée nationale par 41 députés. Le 15 décembre, le Président DIA demande que la motion de censure soit examinée et discutée dans les instances du parti avant son examen par l’Assemblée nationale12. Devant le refus des députés favorables à la motion, les forces de gendarmerie, sur réquisition du Président du Conseil qui était en même temps le Ministre de la Défense, s’opposèrent le 17 décembre 1962, par la force à la réunion des députés au siège de l’Assemblée Nationale. Quatre députés furent arrêtés13. Les partisans du Président du Conseil estimaient que la motion était irrecevable pour le double motif qu’elle n’a pas été examinée par les instances du Parti et que l’état d’urgence en vigueur interdisait au Parlement de censurer le Gouvernement.

En vérité, aucune disposition constitutionnelle n’autorise cette interprétation.

Les députés favorables à la motion se réunirent alors au domicile de leur Président et votèrent la motion. Elle fut adoptée à la majorité de 51 députés sur 80 soit plus de la majorité absolue exigée par l’art. 52 de la Constitution.

Le Président de la République réquisitionna les forces armées qui lui restèrent fidèles et rétablirent la situation.

Le Président du Conseil sera arrêté le 18 décembre en même temps que les Ministres qui le soutenaient et jugé le 9 mai 1963 par la Haute Cour de Justice. Il sera condamné à perpétuité (14) mais sera gracié le 28 mars 1974. Une amnistie des infractions à caractère politique est intervenue plus tard à travers la loi du 25 mars 1976 (15).

Tirant les leçons de cette expérience malheureuse du régime parlementaire, le Président Senghor décida de tirer un trait sur le passé en instaurant un régime avec un Exécutif monocéphal et un législatif renforcé parce que plus indépendant.

Un projet de constitution, prenant en charge ces aspirations, fut adopté par le Conseil des Ministres. Il fut ensuite soumis à l’approbation du peuple à travers le référendum du 3 mars 1963. Le projet ratifié par le peuple (16) fut promulgué par la loi n° 63-22 du 7 mars 1963. La seconde République du Sénégal était née.

12 Me Doudou Thiam proposa la tenue d’un conseil national à Rufisque le 20 décembre 1962 aux fins de règlement du différend. Les partisans de L.S. Senghor rejetèrent cette proposition et, sous la houlette des députés Magatte Lô et Théophile James, décidèrent de déposer une motion de censure à l’Assemblée nationale avec pour objectif, la destitution du Président du Conseil.

13 Il s’agit de Magatte Lô, Abdoulaye Fofana, Moustapha Cissé et Ousmane Ngom.

(14) Ses compagnons auront des peines moins lourdes : Waldiodio Ndiaye, Ibrahima SARR et Joseph MBaye écoperont 20 ans ; Alioune TALL, 5 ans.

(15) J.O. du 3 avril 1976.

(16) Pour 1.155.077 "oui" contre 6.349 "non" .

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CHAPITRE III – LA CONSTITUTION DU 7 MARS 1963 OU LE REGIME DE TYPE PRESIDENTIEL

Tirant les leçons des effets pervers du bicéphalisme dans le contexte africain, le constituant de 1963 s’est inscrit dans une perspective de rupture. Il procéda à un aménagement organico-fonctionnel des organes de l’Etat en établissant un régime fondé sur la séparation stricte des pouvoirs.

Ce régime qui s’est voulu présidentiel au départ s’écartera progressivement du modèle classique des régimes présidentiels au gré des multiples révisions constitutionnelles qui interviendront.

Section 1ère : Les organes constitutionnels dans le schéma initial

La Constitution du 7 mars 1963 empruntait au régime présidentiel le principe essentiel de la séparation des pouvoirs, principalement l’Exécutif et le législatif.

Paragraphe 1er : Le Pouvoir Exécutif

Il est confié au Président de la République qui l’exerce sans partage. Par son statut et ses pouvoirs, le Président de la République devient la pièce maîtresse du dispositif constitutionnel.

I - Le statut du Président de la République.

Par rapport à la Constitution de la Première République, celle de 1963 introduit des innovations majeures. Celles-ci concernent principalement le mode de désignation du Président de la République, la formalité du serment et l’aménagement de la vacance du pouvoir présidentiel.

S’agissant du mode de désignation, il y a eu l’introduction du suffrage universel direct.

Le Président est désormais élu au scrutin majoritaire à deux tours. Pour être élu au premier tour, le candidat devait obtenir la majorité absolue des suffrages exprimés représentant au moins le tiers des électeurs inscrits. Si aucun candidat n’obtenait cette majorité, il est procédé à un second tour dans les dix jours qui suivent. A ce second tour, la majorité relative suffisait pour être élu (Art. 28).

C’est également en 1963, qu’a été introduit le serment dans la constitution, l’objectif étant d’amener le Président de la République à faire prévaloir la primauté de la Constitution en toute circonstance.

Le Président de la République était élu pour un mandat de quatre ans renouvelables indéfiniment (Art. 22). En cas de vacance du pouvoir, il revenait au Président de l’Assemblée nationale d’assurer la suppléance pour une durée de soixante jours. La constatation de l’empêchement revenait à la Cour suprême mais ne produisait ses effets qu’après un vote de l’Assemblée Nationale à la majorité des 2/3 de ses membres (art. 35).

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II – Les pouvoirs du Président de la République.

Le constituant de 1963 fait du Président de la République le détenteur exclusif du Pouvoir exécutif. Il n’est pas simplement le chef de l’Exécutif ; il est l’Exécutif à lui tout seul. Il dispose de pouvoirs très étendus. Il détermine et conduit la politique de la nation dont il endosse la responsabilité devant le peuple et non devant l’Assemblée. Il est le chef de l’Administration et des Armées. Il nomme à tous les emplois civils et militaires ; dispose de la force armée et est responsable de la défense nationale. Il dispose du pouvoir référendaire et de pouvoirs exceptionnels similaires aux pouvoirs de crise que l’art. 16 de la Constitution française reconnaît au Président français. Il dispose enfin du pouvoir de prendre des ordonnances et d’initier des révisions constitutionnelles.

Paragraphe 2 : Le Pouvoir Législatif.

L’Assemblée nationale n’a pas subi un profond bouleversement constitutionnel en 1963. Le statut de ses membres et ses pouvoirs tels qu’ils étaient aménagés en 1960 ont été pratiquement conservés par le constituant de 1963. Celui-ci avait simplement essayé de les rationaliser afin de renforcer l’indépendance de l’institution parlementaire. Le seul changement notable concerne le mandat des députés qui passe de cinq à quatre ans. Ainsi la durée de la législature coïncide désormais avec la durée du mandat présidentiel.

Paragraphe 3 : Les rapports entre les organes constitutionnels.

La Constitution du 7 mars 1963 empruntait au régime présidentiel le principe essentiel de la séparation rigide des pouvoirs. Les institutions qu’elle met en place sont strictement indépendantes les unes des autres. Les moyens d’action réciproques entre le Parlement et l’Exécutif sont supprimés. Le Président de la République ne pouvait dissoudre l’Assemblée et celle-ci ne pouvait mettre en jeu la responsabilité politique du Président, le gouvernement en tant qu’organe constitutionnel ayant disparu. La Cour suprême, organe judiciaire, avait qualité pour empêcher les empiètements du Pouvoir législatif sur le Pouvoir exécutif et réciproquement.

En vérité, c’est le Président de la République qui tire d’énormes avantages de l’ordonnancement du régime présidentiel instauré. En effet, si le Pouvoir exécutif s’identifie à lui tout seul, l’Assemblée nationale ne détient pas tout le pouvoir législatif. Le Président de la République peut, par le biais des ordonnances, prendre des mesures de nature législative. En outre, son pouvoir référendaire lui permet de soumettre directement un projet de loi à l’approbation populaire.

C’est dire donc que le Président de la République peut intervenir dans le domaine législatif alors que l’Assemblée nationale ne peut pas légiférer dans le domaine du pouvoir réglementaire autonome. Il existe ainsi un véritable déséquilibre entre les organes qui exercent le pouvoir d’Etat. Ce déséquilibre va s’accentuer davantage au gré des multiples révisions que subira la constitution entraînant ainsi une dénaturation complète du régime.

(15)

Section 2 : La dénaturation du régime par les multiples révisions constitutionnelles

La Constitution de 1963 est restée en vigueur jusqu’en janvier 2001 mais elle a fait l’objet de plusieurs modifications surtout à partir des années 80.

Si, en théorie, la révision se justifie par la nécessité d’adapter la constitution aux circonstances changeantes, dans la pratique, il s’est agi parfois d’une simple instrumentalisation de la Constitution au profit d’intérêts purement partisans. La volonté d’assujettir ou de domestiquer les institutions dans un but exclusif de conservation du pouvoir était nette.

Ces révisions sont multiples. Nous n’étudierons que les plus importantes d’entre elles.

Certaines d’entre elles affectent la nature du régime, d’autres touchent à l’équilibre des forces politiques ou rationalisent les pouvoirs publics.

Paragraphe 1 : La dénaturation du schéma initial par les révisions de 1967, 1970, 1983 et 1991

C’est en 1967 que la Constitution de 1963 va connaître sa première modification. Alors que le régime présidentiel repose sur le principe de l’irrévocabilité mutuelle, la nouvelle rédaction de l’article 75 bis introduit en faveur du Chef de l’Etat un droit de dissolution de l’Assemblée nationale. Ce pouvoir est une hérésie dans un régime présidentiel car il porte atteinte à l’indépendance du pouvoir législatif. En fait ce pouvoir était une arme pour répondre à l’indiscipline parlementaire mais aussi aux turbulences politiques de l’année 1967 (Un député, Demba DIOP, a été assassiné ; une tentative d’assassinat du Président Senghor a été déjouée).

La dissolution entraînait, aux termes de l’art. 75 Bis al. 3, la démission du Chef de l’Etat qui devait se présenter en même temps que les députés devant le corps des électeurs. Le peuple était ainsi appelé à arbitrer un éventuel conflit entre le Président de la République et les députés.

Le renforcement du statut du pouvoir exécutif pouvait également être noté à travers le passage de la durée du mandat du Chef de l’Etat de quatre à cinq ans.

Cette concentration du pouvoir présidentiel va connaître un relâchement en 1970 (17) avec la constitutionnalisation d’un gouvernement collégial et solidaire dirigé par un Premier Ministre. Les membres du gouvernement, choisis par le Président de la République et responsables devant lui, doivent contresigner les actes du Président pris en dehors de son domaine réservé et de ses pouvoirs propres.

Le gouvernement est contrôlé par l’Assemblée nationale qui peut voter une motion de censure. C’est dans ce cas, et dans ce cas seulement, que le Président de la République peut dissoudre l’Assemblée nationale, sans mettre fin à son propre mandat.

Ce modèle constitutionnel s’apparente, à n’en pas douter, au régime parlementaire dualiste. Il durera jusqu’en 1983 avec la suppression du poste de Premier Ministre et la restauration du schéma présidentiel initial de 1963. En vérité, la suppression de l’institution gouvernementale à travers la loi constitutionnelle 83-34 du 1 mai 1983 (18) s’inscrivait dans le

(17) Loi du 26 février 1970 (approuvée par référendum le 22 février 1970) portant révision de la Constitution. J.O. du 28 février 1972, p. 230.

(18) J.O. du 1er mai 1983, pp.363-367.

(16)

cadre de la consolidation du pouvoir présidentiel hérité par l’ancien Premier Ministre par la grâce de l’article 35 de la Constitution.

Le constituant sénégalais devait rétablir l’institution gouvernementale avec le vote de la loi constitutionnelle 91-25 du 5 avril 1991. En fait, la réforme de 1991 réintroduit des mécanismes parlementaires dans une Constitution dite présidentielle avec l’existence d’un gouvernement responsable devant l’Assemblée Nationale, disposant du pouvoir de voter une motion de censure. Il faut cependant noter que malgré l’adoption en 1970 et 1991 de techniques empruntées au régime parlementaire et notamment l’existence d’un chef de gouvernement, le retour à la dyarchie au sein de l’Exécutif a toujours été évitée19.

Le constituant n’a entendu procéder qu’à une simple décongestion de la fonction présidentielle en faveur d’une Institution qui contribue au renforcement même du Président de la République. En effet, l’absence d’un chef de gouvernement expose trop le Chef de l’Etat qui est dépourvu, comme le pense M. El Hadji MBODJ, d’un "paratonnerre lui permettant d’amortir les critiques qui lui sont adressées".20

Paragraphe 2 – L’ adaptation de la Constitution aux exigences politiques

Certaines révisions n’affectent pas la nature du régime mais s’inscrivent dans la perspective d’une adaptation des organes étatiques aux circonstances changeantes, aux exigences politiques.

Entrent dans cette rubrique, les révisions de 1976, 1981, 1992, 1998.

● Les révisions constitutionnelles de 1976 (Loi 76-01 du 19 mars et Loi 76-27 du 6 avril 1976) ont apporté les innovations suivantes :

- instauration de trois courants politiques auxquels doivent impérativement s’identifier les partis politiques (le courant libéral, le courant socialiste et le courant marxiste- léniniste) ;

N.B : La loi constitutionnelle n° 78-60 du 28 décembre 1978 allait substituer un quadripartisme au tripartisme. Un courant conservateur fut reconnu et pris en charge par le Mouvement Républicain Sénégalais M.R.S.

- suppression du principe de la limitation du mandat présidentiel ;

- constitutionnalisation du "dauphinat". L’article 35, al. 2 faisait du Premier Ministre le successeur constitutionnel du Chef de l’Etat. Aux termes de cette disposition, « en cas de

décès ou de démission du Président, ou lorsque l’empêchement est déclaré définitif par la Cour Suprême, le Premier ministre exerce les fonctions du Président de la République jusqu’à l’expiration normale du mandat en cours. Il nomme un Premier ministre et un nouveau

19 Le poste de PM fut à nouveau supprimé en 2019 faisant disparaitre la motion de censure, la question de confiance et le droit de dissolution. Cette révision constitutionnelle a la particularité de maintenir le gouvernement en tant qu’organe constitutionnel et institution de la République et de laisser en place les instruments du contrôle-information : questions écrites, questions orales, questions d’actualité, commissions d’enquête…

(20 ) Cours de système politique sénégalais.

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Gouvernement. Cette réforme qui organisait la succession de manière monarchique écartait le peuple de la désignation du successeur du Chef de l’Etat. Elle avait été vivement critiquée par l’opposition.

● La révision de 1981. Elle a procédé à la suppression de la limitation de courants pour instaurer le principe du multipartisme intégral. La loi 81-16 du 6 mai 1981 portant révision de la Constitution et la loi 81-17 du 6 mai 1981 relative aux partis politiques vont bouleverser profondément le paysage juridique des partis politiques avec l’établissement du multipartisme intégral. Sur les partis politiques, ne pèse plus l’obligation de se réclamer d’une idéologie quelconque. Les seules clauses contraignantes prévues sont celles portant sur le respect des principes de la démocratie libérales et la non identification des partis politiques à une religion, une ethnie, un sexe, une secte, une langue, une région et une race

● Les révisions de 1992. Elles portent principalement sur l’organisation judiciaire du Sénégal. A travers la loi 92-22 du 30 mai 1992, le constituant procède à l’éclatement de la Cour suprême qui est désormais remplacée par trois juridictions spécialisées : le Conseil constitutionnel, le conseil d’Etat et la Cour de cassation.

● Les révisions de 1998. Trois innovations majeures sont sorties de ces révisions.

-L’instauration d’un Sénat faisant du parlement sénégalais, un parlement bicaméral

- suppression du principe de la limitation des mandats à deux septennats, principe introduit en 1992

- suppression du quart bloquant des conditions d’élection d’un candidat à la présidentielle au 1er tour.

Références

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