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La commercialisation des informations étatiques

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Proceedings Chapter

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La commercialisation des informations étatiques

BELLANGER, François

BELLANGER, François. La commercialisation des informations étatiques. In: Tanquerel, Thierry

; Bellanger, François. L'administration transparente : Actes de la 4ème Journée de droit administratif . Bâle : Helbing & Lichtenhahn, 2002. p. 69-90

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:41432

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La commercialisation des informations étatiques

par FRANÇOIS BELLANGER

Avocat, professeur à l'Université de Genève

1. Introduction

Dans le cadre de l'exécution de ses tâches publiques, l'Etat traite un nombre important d'informations. Il les utilise comme éléments d'une politique de communication ou de prévention ou encore comme instrument d'une politique publique1 En patticulier, l'administration est amenée à récolter et à traiter des données techniques ou des informations détaillées relatives à des biens ou des personnes physiques ou morales dont l'utilisation suscite souvent ! 'intérêt, voire la convoitise, d'entreprises privées. L'information étatique devient alors un élément commercial. Deux exemples illustrent cette situation.

D'une part, les tâches étatiques en matière de mensuration cadastrale imposent à l'administration de procéder à un relevé topographique complet de l'ensemble du territoire par les moyens les plus modernes. Le fruit de ce travail est potentiellement d'une très grande utilité pour de nombreux acteurs de l'économie, les architectes, les géomètres, les urbanistes, les concepteurs de cartes ou de système de navigation, etc.

D'autre part, le contrôle de la population résidente permet aux autorités cantonales de détenir une base de donnée complète et surtout régulière- ment mise à jour comprenant notamment des informations sur le domicile et la profession des citoyens. Dans le domaine du marketing ou de la publicité, la maîtrise de fichiers d'adresse complets et récents est nécessaire pour atteindre les meilleurs résultats. Les fichiers étatiques suscitent donc la convoitise.

RAINER J. SCHWEIZER, HERBERT BURCKERT, «Verwaltungsinformationsrecht» in:

KOLLER/MüLLER/RHJNOW /ZIMMERLI (éd.), Schweizeriches Bundesverwaltungs- recht, Bâle/Francfort-sur-le-Main, 1996, n° 9 ss.

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FRANÇOIS BELLANGER

Dans une période où les privatisations sont à la mode et où l'Etat est parfois tenté d'oublier l'intérêt public pour se conduire en entrepreneur afin de dégager des ressources supplémentaires, se pose naturellement la question de la commercialisation de ces informations par l'Etat. Est-elle envisageable et, dans l'affinnative, à quelles conditions? De plus, lorsque l'Etat met des informations à disposition de personnes privées dans le cadre de ses tâches administratives, ces dernières ont-elles le droit de les commercialiser et de retirer de la sorte le profit du travail de l'Etat? Ne faudrait-il pas dans ce cas prévoir un partage du bénéfice réalisé entre 1 'Etat et les personnes privées?

Pour tenter de répondre à ces interrogations, il convient de distinguer les types d'informations détenues par l'Etat, notamment celles que seule l'administration peut obtenir car elle dispose de la puissance publique ou les obtient dans le cadre de l'exercice d'une tâche étatique et les infonnations qui seraient librement accessibles à toute personne publique ou privée. Une fois les critères de distinction entre ces deux types d'informations posés (II), nous pourrons examiner les modalités de leur commercialisation par l'Etat ou des tiers (III).

II. Les types d'informations détenues par l'Etat

Pour définir les types d'informations dont dispose l'Etat, il faut commencer par cerner le sens du terme «information», avant de déterminer dans quelle mesure l'Etat dispose ou non d'une position privilégiée par rapport à ces informations.

A. La notion d'information

L'information est un «élément de connaissance, susceptible d'être codé pour être conservé, traité ou communiqué»2Il peut s'agir de données directement perceptibles comme des écrits, des photos ou des plans, ou de données perceptibles par des moyens techniques, notamment toutes les données immatérielles accessibles par un système informatique. Cette notion est extrêmement large et recouvre de multiples éléments.

Il n'existe pas de définition juridique générale du terme «information». Ce concept est repris dans de nombreux textes légaux visant à définir le devoir

2 Le Petit Larousse, I 996 .

. =:~\.

· .. .

... · ·:

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d'information de l'Etat vis-à-vis des autres autorités ou du public3 ou encore de l'obligation d'information d'agents économiques en raison de leur activité4-5

En revanche, plus rares sont les définitions précises du terme «information». L'ordonnance sur la classification et le traitement d'informations de l'administration civile du 10 décembre 19906, qui règle les dispositions du maintien du secret applicables aux informations de

4

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6

Il peut s'agir d'obligations précises ou d'un mandat. Par exemple, dans le premier cas, les art. 10, 34 et 40 de la loi sur l'organisation du gouvernement et de l'administration du 21 mars 1997 (LOGA; RS 172.010) fixent un devoir étendu d'infonnation du public pour toutes les autorités administratives de la Confédération. Dans un domaine plus précis, l'art. 22a de la loi fédérale sur la pêche du 21 juin 1991 (RS 923.0) prévoit que la Confédération et les cantons veillent à infonner et à conseiller les autorités et le public sur l'état et l'importance des eaux poissonneuses. Les mandats définissent une mission plus large. Ainsi, l'art. 12 de la loi fédérale sur les denrées alimentaires et les objets usuels du 9 octobre 1992 (RS 817.0) impose à la Confédération de veiller à ce que le public soit informé des événements particuliers notables touchant la protection de la santé et l'autorise à informer le public des connaissances scientifiques d'intérêt général en matière de nutrition, utiles notamment à la prévention des maladies et à la protection de la santé. De même, la loi fédérale sur l'information des consommatrices et des consommateurs du 5 octobre 1990 (RS 944.0) vise à encourager une information objective des consommateurs en édictant des prescriptions concernant la déclaration sur les biens et les services et en soutenant les activités des organisations de consommatrices et de consommateurs (ci-après

«organisations») par des aides financières.

La loi fédérale sur les voyages à forfait du 18 juin 1993 (RS 944.3) impose par exemple aux organisateurs de tels voyages un devoir d'information de leurs clients. Des obligations plus précises existent dans des domaines plus techniques.

Ainsi, l'ordonnance sur l'utilisation d'organismes dans l'environnement du 25 août 1999 (RS 814.911) prévoit à son art. 6 l'obligation pour toute personne mettant dans le commerce des organismes ou les exportant en vue d'une utilisation dans l'environnement d'informer le preneur de la dénomination ainsi que des propriétés des organismes en matière de santé et d'environnement afin de garantir une utilisation, conforme aux prescriptions et aux instructions, de ces organismes. De même, l'ordonnance sur le contrôle du sang, des produits sanguins et des transplants du 26 juin 1996 (RS 818.111.3) contient à ses art. 28 ss des règles détaillées sur les informations devant être fournies aux autorités ou particuliers.

Sur la question plus générale de la politique d'information de l'Etat, voir notamment BLAISE KNAPP, <<lnformation et persuasion», in: Les instruments d'action de l'Etat, Bâle/Francfort-sur-le-Main, 1991, p. 45 et 56 ss et PATRICK NÜTZ!, Rechtsfragen verhaltenslenkender staatlicher Information, Berne, 1995.

RS 172.015.

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l'administration civile, définît à son article 2 ces dernières comme «les données que les autorités ou que les services de la Confédération ont consignées sur le papier ou sur tout autre support et qui doivent faire l'objet d'une protection spéciale dépassant le cadre du secret de fonction.»

A l'inverse, certaines réglementations utilisent le terme «information>>

comme un élément de définition du mot «donnée». L'article 3, lettre a, de la loi fédérale sur la protection des données du 19 juin 1992 (LPD)7 définit les données personnelles comme «toutes les informations qui se rapportent à une personne identifiée ou identifiable». De même, l'article 3 de l'ordonnance sur le système de traitement des données relatives à la protection de l'Etat du 1er décembre 19998 distingue notamment les indications principales sur la personne9, les informations sur les antécé- dents, les documents qui sont consultés sous forme d'image et les données statistiques. Cette démarche tient au fait qu'une donnée est en principe la représentation conventionnelle d'une information sous une forme pennettant son traitement par un système informatique. La donnée est donc une information traitée de façon à pouvoir être gérée automatiquement.

L'avant-projet de loi fédérale sur la transparence (LTrans/AP)10 comme la loi genevoise sur l'information du public et l'accès aux documents du 5 octobre 2000 (LIPAD)11 ne définissent pas le terme «information>>. Ils délimitent uniquement la notion de «documents», qui sont des supports d'information. Selon l'article 3 LTrans/AP, constitue ainsi un document

«toute infonnation enregistrée sur quelque support que ce soit». De même, l'article 25, alinéa 1, LIP AD précise que «les documents sont tous les supports d'informations détenus par une institution contenant des renseignements relatifs à l'accomplissement d'une tâche publique.» Au regard de ces deux lois, les informations seraient soit orales, soit documentées sur un support.

JO

Il

RS 235.1.

RS 120.3 (Ordonnance ISIS).

Elles comprennent les données suivantes: <<nom(s), prénom(s), ou organisation ou entreprise; nom(s) d'emprunt; année de naissance; année de naissance d'emprunt;

date de naissance; date de naissance d'emprunt; écriture phonétique de tous les noms et prénoms; nationalité, lieu d'origine pour les Suisses.l>

L'avant-projet est disponible sur le site Internet de ! 'Office fédéral de la justice (www.ofj.admin.ch sous le lien «principe de transparence» dans la rubrique «Etat

& Constitutioml).

RS/GE A 2 08.

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Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il est possible

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notion d'information. De manière générale, l'infonnation ser~ cô.§posé~.< >

de tous les éléments de connaissance collectés, élaborés et/ou

di~fti~~.Sipàr.

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l'administration dans l'exercice de ses tâches publiques. Ces élélllertts

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présentent parfois uniquement sous une forme orale, fugace p~fhàfürê[) \,. =' ' Généralement, ils seront incorporés sur un support. Si ce deniiêI:/~sF ·.·. · destiné à permettre un traitement systématique des informations,

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ment sous la forme de fichiers informatisés ou pas, l'informatiC>h:$éâ/ " ... =.

qualifiée de donnée12; dans les autres cas, l'infom1ation deviendra unctdtfü'"/ /(.

~:~~rans/AP

pose comme principe le droit de toute personne

d'avoirtl~

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accès généralisé aux documents officiels produits ou établis par l'admini'" .. \."

stration sans devoir justifier un intérêt particulier (art. 4). Cette règle est tempérée par des exceptions, notamment l'existence d'intérêts publics ou privés prépondérants. Le même principe est repris aux articles 25 et 26 LIPAD13

A priori, ] 'existence d'un droit d'accès aux documents semble exclure la question d'une éventuelle commercialisation des informations par l'admi- nistration, dans la mesure où la plupart des informations se trouvent sur un support. En effet, dans la mesure où l'accès aux documents serait libre, une entreprise n'aurait plus d'intérêt à les acquérir. Cette analyse est probable- ment fondée s'agissant de documents simples ou d'informations uniques existant sur un support informatique. En revanche, elle ne peut s'appliquer à des ensembles complexes d'information, notamment à des bases de données14. L'article 3, alinéa 2, LTrans/AP confère un droit à obtenir un extrait spécifique d'une base de donnée et non l'ensemble de la base de données. L'article 25, alinéa 3, LIPAD a un contenu similaire en prévoyant. que «pour les informations n'existant que sous forme électronique sur le

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Cette définition de la «donnée» correspond à celle utilisée par la LPD, qui traitement des données de manière infonnatique ou physique soit «toute opérahon ...

relative à des données personnelles - quels que soient les moyens et orc1céciéS utilisés - notamment la collecte, la conservation, l'exploitation, la 1u~1uu ... a .. v1'"''«>·:. communication, l'archivage ou la destruction de données.» (art. 1 et

LPD).

Voir, dans ce volume, les contributions d'ALEXANDRE FLÜCKIGER HE Y ER.

BERTIL CornER cite l'exemple de la Suède, où de nombreuses à des services publics portent sur des fichiers entiers et ... , ... , ...

commerciales (La publicité des documents administratifs, Genève,

··. : ...

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serveur d'une institution, seule l'impression qui peut en être obtenue sur un support papier par un traitement informatique simple est un document».

En conséquence, la question de la commercialisation éventuelle des informations étatiques conserve sa pertinence dans deux domaines. D'une part, pour toutes les informations détenues par l'Etat sous la forme d'une base de données dans la mesure où des entreprises sont intéressées à accéder à l'ensemble de la base et non à des extraits de celle-ci. D'autre part, pour les informations détenues par l'Etat dans le cadre de ses tâches publiques mais valorisées de manière à leur donner un intérêt commercial en raison de la réunion d'informations sur un support et/ou des moyens additionnels proposés pour consulter ou utiliser les informations.

Il convient maintenant de distinguer les types d'informations détenues par l'Etat en fonction de la capacité de tiers d'obtenir des données identiques ou similaires15

B. Une information privilégiée

L'Etat recueille des informations lors de l'accomplissement de ses tâches publiques. Le caractère privilégié de ces informations résulte soit du rôle de l'Etat, qui est seul en mesure de recueillir de telles informations, soit des modalités de financement de la collecte des informations. L'Etat dispose d'un droit exclusif sur les informations équivalant à un monopole.

La doctrine distingue généralement deux sortes de monopoles16

D'une part, l'État bénéficie d'un monopole de droit lorsqu'il se réserve par une base constitutionnelle ou légale expresse l'exercice d'une activité lucrative. D'autre part, sans base légale particulière, l'Etat peut disposer de

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Nous ne traiterons pas dans ce cadre de la question de l'accès aux archives d'Etat et de leur éventuelle utilisation commerciale. Elle fait l'objet d'une réglementation spécifique tant au niveau fédéral (loi fédérale sur l'archivage du 26 juin 1998, RS 152.1) que cantonal (loi genevoise sur les archives publiques du 1 cr décembre 2000, RS/GE B 2 15).

Voir notamment sur la distinction entre les différents types de monopoles:

ETIENNE GRJSEL, Liberté du commerce et de /'industrie, vol. Il «Partie spéciale», Berne, 1995, 942-945; FRITZ ÜYGI, PAUL R.!CHLI, Wirtschaftsverfassungsrecht,

2ème éd., Berne, 1997, p. 70 ss; ULRICH HAFELIN, WALTER HALLER, Schweizeri- sches Bundesstaatsrecht, 5ème éd., Zurich, 2001, n° 713 et 714; LEO SCHÜR..MANN,

Wirtschaflsverwaltungsrecht, 3ème éd., Berne, 1994, p. 71 ss; KARIN SUTTER- SOMM, Das Monopol im schweizerischen Verwaltungs- und Verfassungsrecht, Bâle/Francfort-sur-le-Main, 1989, p. 10 ss; FELIX UHLMANN, Gewinnorientiertes Staatshandeln, Bâle, 1997, p. 59 ss.

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ressources lui permettant de contrôler une activité économique dans des conditions telles que les particuliers en sont exclus. Il bénéficie alors d'un monopole de fait. L'Etat a un tel monopole sur toutes les activités économiques déployées sur le domaine public en raison de sa souveraineté sur celui-ci17 Il peut également développer une activité économique concurrentielle à celle du secteur privé en bénéficiant des prérogatives liées à sa puissance publique. Dans cette hypothèse, les moyens de

! 'administration, notamment financiers, lui permettent d'offrir des biens et services à des conditions plus avantageuses que celles du marché18Les concurrents éventuels peuvent exercer leur activité, mais sont confrontés à un acteur économique offrant des prestations excluant la viabilité de leurs propres produits ou services.

A notre avis, dans le domaine de la gestion de l'information, l'Etat dispose à tout le moins d'un monopole virtuel sur les informations privilégiées.

L'administration recueille des informations dans l'exercice de la puissance publique, soit de manière exclusive lorsqu'elle contraint les citoyens à les fournir, soit à des conditions économiques excluant toute concurrence de la part d'entreprises privées.

1. Les informations obtenues sous ! 'égide de la puissance publique L'exercice d'une tâche publique est parfois synonyme d'obligation pour les citoyens de fournir des informations à l'administration. L'Etat inter- vient dans un rapport de puissance publique qui le distingue d'une entre- prise privée. Il est en mesure d'exiger la fourniture d'informations d'office et dispose donc d'éléments que le secteur privé soit ne pourrait pas obtenir, soit ne pourrait obtenir que de manière plus tardive ou plus fragmentaire.

Par exemple, selon l'article 1, lettre c, de la loi fédérale sur la statistique fédérale du 9 octobre 1992 (LSF)19, l'administration fédérale est chargée d'organiser un service de statistique de manière à assurer une collecte et un traitement efficaces des données. Afin que l'Office fédéral de la statistique puisse mener efficacement sa mission, l'article 6 LSF autorise le Conseil

17 18

19

Voir, par exemple, l'ATF 125119991209, JC Decau:x: mobilier urbain suisse SA. Ce monopole est parfois qualifié de monopole virtuel, le terme <<monopole de fait»

étant alors réservé à la situation juridique résultant du contrôle du domaine public.

Voir notamment PIERRE MooR, Droit administratif, vol. III, «L'organisation des activités administratives. Les biens de l'Etat », Berne, 1992, p. 335-336; CLAUDE RUEY, Monopoles cantonaux et liberté économique, Lausanne, 1988, p. I 54 ss.

RS 431.01.

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fédéral, si l'exhaustivité, la représentativité, la comparabilité ou l'actualité d'une statistique l'exigent absolument, à obliger des personnes physiques ou morales, de droit public ou de droit privé, à répondre. Dans ce cas, les personnes concernées doivent fournir des informations véridiques, dans le délai imparti, gratuitement et sous la forme prescrite. L'administration obtient de la sorte des infom1ations qu'elle n'aurait probablement pas eu si elle avait uniquement sollicité la fourniture volontaire d'éléments de connaissance.

De même, dans les cantons, les fichiers relatifs à la population constituent un exemple intéressant d'informations privilégiées. Etant donné l'ampleur de ses tâches de contrôle et de son pouvoir d'autorité, l'administration est seule en mesure de disposer de données relatives à l'ensemble des habitants du canton. Ainsi, selon l'article 1, alinéa 2, de la loi genevoise sur le séjour et l'établissement des Confédérés du 16 septembre 1983 (LSEEC)2°, «tout Confédéré non domicilié dans le canton, qui entend s'y établir, y séjourner ou y exercer une activité lucrative doit s'annoncer au département de justice et police et des transports (ci-après: le département) dans les 15 jours qui· suivent son arrivée.» Lors de l'annonce, les personnes concernées ont l'obligation de «fournir au département tous les rensei- gnements personnels ou professionnels qui sont nécessaires pour détermi- ner leur statut au sens de la présente loi» (ait. 3 LSEEC). Une entreprise privée ne dispose manifestement pas des moyens lui permettant d'obtenir des informations aussi étendues et complètes. Elle ne peut obtenir les don- nées relatives aux habitants que de l'Etat ou, de manière plus fragmentaire, d'autres entités publiques comme la Poste, qui enregistre certains change- ments d'adresse. Même dans ce cas, l'information reçue de la Poste ne sera pas aussi détaillée que celle dont dispose l'administration.

Dans ces situations, l'administration bénéficie du pouvoir d'astreindre tout ou partie des citoyens à lui fournir des informations. L'acquisition des éléments de connaissance est liée à l'exercice de prérogatives de droit public par une administration souveraine21

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RS/GE F 2 05.

ANDRE GRISEL, Traité de droit administratif, Vol. I, Neuchâtel, 1984, p. 115;

BLAISE KNAPP, Précis de droit administratif, 4tlne éd., Bâle/Francfort-sur-le-Main, 1991, 113; ULRICH HAFELIN, GEORG MÜLLER, Grundriss des Allgemeinen Verwaltungsrechts, 3ème éd., Zurich, 1998, n° 16-17; CHARLES-ALBERT MORAND, Le droit néo-moderne des politiques publiques, Paris, 1999, p. 38-40.

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La commercialisation des informations étatiques

L'Etat bénéficie d'une position de monopole sur ces informations en raison du caractère souverain de leur mode d'acquisition.

2. Les informations obtenues à des conditions plus favorables

L'Etat recueille également des informations dans l'exercice de ses tâches publiques sans user d'un pouvoir de contrainte. En matière de statistique, la Confédération utilise en premier lieu les données fournies par les services des cantons, des communes ou d'autres personnes morales de droit public. La collecte directe de données auprès de personnes privées est plus rare. Lorsqu'elle est nécessaire, le principe est la libre collaboration des personnes consultées, dont les obligations se limitent à fournir des informations véridiques22.

Dans ce cas, le droit exclusif de l'Etat et donc le caractère privilégié de

l 'infonnation résulte des conditions économiques de la collecte: l'Etat

obtient les éléments de connaissance dans le cadre de son activité ordinaire sans se soucier de son coût réel, la volonté d'exécuter une mission d'intérêt public primant les préoccupations relatives au prix du travail.

Certes, le prix d'une tâche administrative peut faire l'objet d'un examen détaillé lors de la préparation et du vote du budget. Toutefois, à la différence d'une entreprise, l'Etat ne doit pas déterminer un prix de ses prestations qui serait supportable par ses clients. Il intervient en dehors de tout marché et dispose de ressources indépendantes de la vente éventuelle d'un produit. L'Etat peut donc investir des sommes considérables pour obtenir des informations alors même qu'une entreprise privée renoncerait à accomplir un travail analogue en raison de l'impossibilité de le rentabiliser.

Tel est le cas, par exemple, dans le domaine de la cartographie et, de manière plus générale, de la gestion des données relatives au sol. La Confédération a reçu en 1935 pour mission d'établir, de publier et de conserver des cartes nationales pour remplacer les cartes fédérales qui existaient à l'époque23Dès 1953, les originaux ont été gravés sur du verre, qui a remplacé le cuivre utilisé jusqu'alors. A partir de 1994, l'Office fédéral de la cartographie a mis en place un système digital, qui a

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23 Articles 4, al. 3, et 6, al. 3, LStat.

Voir la loi fédérale concernant l'établissement de nouvelles cartes nationales du 21juin1935 (RS 510.62) ainsi que l'ordonnance du Département militaire fédéral concernant le programme d'établissement des nouvelles cartes nationales du 9 décembre 1936 (RS 510.621).

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totalement remplacé les supports analogiques au printemps 2001. Cette transition n'aurait pas été possible sans un travail parallèle de digitalisation des données de mensuration cadastrale et de cartographie24. La Confédé- ration dispose d'un outil de gestion extrêmement performant que des entreprises privées n'auraient probablement jamais pu réaliser: l'ampleur de l'investissement est disproportionnée par rapport aux débouchés du marché et aux perspectives éventuelles de rentabilisation de celui-ci.

Dans une telle situation, l'Etat acquiert des informations de manière privilégiée dès lors que ses moyens, notamment financiers, lui permettent de travailler sans prendre en considération un revenu éventuel. Les entre- prises privées ne pourraient parvenir à un résultat analogue. L'Etat dispose également d'un monopole de fait sur ces données.

C. Les informations libres

Les informations libres comprennent toutes les informations non privilé- giées acquises par l'Etat dans le cadre de l'exécution de ses tâches et au prix du marché. Cette catégorie résiduelle est donc limitée à des éléments de connaissance que l'administration pourrait collecter ou traiter en réalisant des prestations particulières.

A titre d'exemple, la Confédération dispose de compétences étendues en matière de météorologie et de climatologie25 Les articles 3 et 4 LMét distinguent les prestations de base des prestations complémentaires.

Les premières consistent dans la mise à disposition du public des données et informations recueillies dans le cadre des tâches de la Confédération, ainsi que dans la fourniture de renseignements et de conseils, en contre- partie du paiement d'émoluments. Ces derniers sont calculés en fonction de l'utilité publique des informations météorologiques et climatologiques ainsi que des besoins des cantons et des milieux scientifiques26 Ces infom1ations, recueillies dans le cadre d'une mission étatique, revêtent un caractère privilégié.

24

25

26

78

Voir l'ensemble des prestations offertes par !'Office fédéral de la cartographie sur son site Internet «www.swisstopo.ch».

Article 1 de la loi fédérale sur la météorologie et la climatologie du 18 juin 1999 (LMét; RS 429.1).

Le mode d'évaluation des émoluments, leur remise éventuelle et leur recouvrement sont réglés aux art. 8 à 18 de !'Ordonnance sur la météorologie et la climatologie (OMét; RS 429.11).

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En revanche, les secondes résultent d'un traitement des données ou des résultats météorologiques et climatologiques afin de répondre à des demandes particulières. Dans ce cas, les prestations sont offertes de manière commerciale sur la base de contrats de droit privé. La capacité de l'administration d'offrir de telles prestations est limitée par trois contraintes. En premier lieu, l'activité commerciale n'entrave pas la fourniture des prestations de base. En deuxième lieu, le volet commercial conserve un lien étroit avec la mission légale. Enfin, pour éviter des distorsions de concurrence, les prix pratiqués ne doivent pas être inférieurs au prix de revient ni réduits grâce aux recettes des prestations de base.

Dans ce cas, l'administration agit comme le ferait n'importe quelle personne privée.

III. La commercialisation d'informations par l'Etat

A. Le champ des informations commercialisables

Les informations collectées et enregistrées par l'administration dans l'exercice de ses tâches constituent une ressource devant être gérée en conformité avec les principes régissant le droit administratif. La faculté de l'administration de déterminer les conditions de diffusion des données et, en particulier, leur coût, dépendra, d'une part, de la capacité des citoyens d'obtenir les infonnations auprès d'une autre source, et, d'autre part, de

! 'incorporation éventuelle par le législateur de la mise à disposition de données par un service administratif dans les tâches d'intérêt public incombant à l'administration.

1. L'obligation d'acquérir les données auprès de l'Etat

a. Le principe général

Les informations privilégiées comprennent les informations obtenues sous l'égide de la puissance publique et celles acquises à des conditions économiques avantageuses par l'Etat. Les premières ne peuvent être récoltées que par l'Etat, alors que les secondes sont accessibles aussi bien par l'administration que par des personnes privées. Toutefois, l'Etat dispose d'une position de monopole virtuel sur ces informations, car il peut les acquérir sans prendre en considération le coût de la collecte comme un élément primordial de son activité. L'Etat se trouve donc dans une position similaire à celle de l'exercice de la puissance publique.

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En conséquence, pour disposer des informations privilégiées, les personnes privées ont l'obligation de s'adresser à l'administration. Ne disposant d'aucune source alternative, elles doivent utiliser les services de l'Etat et accepter ses conditions27Cette relation a quatre conséquences majeures.

En premier lieu, en contrepartie de l'obligation d'usage imposée aux citoyens, l'administration a le devoir d'accorder un accès égal à ses données et de leur appliquer des conditions identiques, hormis des cas exceptionnels28Le contrôle absolu de l'Etat sur ces données permettrait à une entreprise d'invoquer un «droit conditionnel» à obtenir des informa- tions privilégiées29 Un refus de l'Etat de fournir les données requises constituerait une atteinte à la liberté économique et ne serait admissible que si les conditions usuelles de limitation des libertés individuelles étaient réalisées.

En deuxième lieu, dans la mesure où les demandeurs d'informations peuvent invoquer la liberté économique, l'Etat doit impérativement respecter l'exigence d'égalité de traitement entre les concurrents. Cette égalité se fonde sur le principe de neutralité concurrentielle des mesures étatiques qui touchent des entreprises directement concurrentes. Sont de tels concurrents directs les entreprises appartenant à la même branche, qui s'adressent au même public avec les mêmes offres, pour satisfaire les mêmes besoins30Constituent notamment des concurrents directs tous les taxis au bénéfice d'un permis de stationnement31, les boulangeries-pâtis- series et les boulangeries pâtisseries exploitant un café restaurant32 ou les débits de boissons alcooliques33. En revanche ne se trouvent pas dans un rapport de concurrence directe les pham1aciens et les médecins en ce qui concerne la vente de médicaments34, un cirque traditionnel et un cirque de jeunes35 ou encore les dentistes et les techniciens dentistes36

27

28 29

30 3 l 32 33 34 35

Comparer les ATF 83/I 957 I 1 I 9, Ville de Neuchâtel; l 03/1977 II 314, Commune de Villars-sur-Glâne; 105/1979 II 234, Gemeinde Davos.

Voir par exemple ZBl 1971 365, 367 (TA/BE, 29.06.1970).

Comparer les ATF 121/1995 I 279, Circus Gasser Olympia AG; 119/1993 Ia 445 c. la, Circus Gasser Olympia AG; 108/1982 Ia 135 c. 3, Hosig; IO 1/1975 la 473 c.

5, R. et consorts.

ATF 121/1995 Ia 279, 285, Circus Gasser Olympia AG et les références citées.

ATF 121/1995 Ia 129, 1~6-137, Margot Knecht.

ATF 120/1994 Ia 236, Gemeinde V ATF 108/1982 la 221, 227, Marclaire SA.

ATF I 19/1993 la 433, B.

ATF 121/1995 Ia 279, 285, Circus Gasser.

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La commercialisation des informations étatiques

La définition du rapport de concurrence est importante dans la mesure où l'article 27 Cst. féd. confère une protection supérieure aux concurrents directs. En effet, le principe ordinaire d'égalité de traitement interdit les distinctions qui ne sont pas fondées sur un motif raisonnable ou pertinent37.

Un tel motif peut relever notamment de la politique économique. En revanche, le principe de l'égalité de traitement entre concurrents directs interdit des distinctions ne respectant pas le principe de la neutralité dans le jeu de la concurrence38

En conséquence, l'égalité de traitement entre les concurrents signifie que tous les demandeurs d'information se trouvant dans un rapport de concur- rence doivent être traités de manière égale. L'administration ne peut privilégier un demandeur à un autre sauf si un intérêt public prépondérant le justifie. Ainsi, l'administration devrait imposer à toutes les entreprises qui requièrent l'accès à des données à caractère personnel, comme les fichiers de la population, des exigences garantissant que la vie privée des personnes concernées ne soit pas indûment affectée.

A notre avis, l'application de ce principe, plutôt que la loi fédérale sur les cartels du 6 octobre 1995 (LCart)39, aurait permis de résoudre le litige relatif à la vente par MétéoSuisse de données météorologiques de base à des conditions plus favorables à la Société suisse de radiodiffusion et télévision (SSR) qu'à des entreprises privées. En effet, dans la mesure où les entreprises privées et la SSR seraient considérées comme des concur- rents directs sur le marché de l'information météorologique au public, une

36 37 38 39

ATF 124/1998 II 193, 212, Eidgenossiche Steuerverwaltung.

SJ 2001 I p. 65, 75 (TF 25.05.2000).

SJ 1995 p. 724.

La Commission de la concurrence a décidé le 6 septembre 1999 que MétéoSuisse a commis une discrimination inadmissible à l'encontre de partenaires commer- ciaux au sens de l'art. 7, al. 2, let. b, LCart en accordant pour la livraison de prestations météorologiques à la Société suisse de radiodiffusion et télévision des conditions plus favorables qu'aux services privés de météo. Suite à un recours de MétéoSuisse, le Tribunal fédéral a estimé que MétéoSuisse n'avait pas la légitimation active et, qu'en toute hypothèse, la LCart ne serait pas applicable car la fourniture d'informations météorologiques faisant partie des prestations de base prévues par la loi et entrerait dans un domaine réservé au sens de l'art. 3 LCart (ATF 127/2001 II 32, Schweizerische Meteorologische Anstalt). Voir à ce sujet l'article de STEFAN VOGEL, <<Staatliche Wirtschaftstatigkeitund Wettbewerbsrecht Bemerkungen zu drei Entscheidungen der Weko, der Reko/Wef und des Bundesgerichts betreffend die Schweizerische Meteorologische Anstalt (SMA)», AJP 2001 1028.

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discrimination en faveur de la SSR serait contraire à l'égalité de traitement entre les concurrents à moins qu'elle ne puisse être justifiée par un intérêt public pertinent.

En troisième lieu, l'activité des autorités et juridictions administratives est régie par le principe de la légalité qui comprend deux sous-principes40: la suprématie de la loi et l'exigence de la base légale41. Le premier impose aux autorités de respecter toutes les lois quelle que soit la collectivité dont elles émanent pour autant qu'elles soient valables. Le second ne permet à une autorité d'agir que si et dans la mesure où une loi l'y autorise. De plus, la loi doit présenter une certaine «densité normative», soit être suffisam- ment précise, claire et transparente42. Partant, une éventuelle diffusion des infonnations détenues par l'Etat devra être prévue par une norme légale.

Une exception à ce principe concerne le domaine public. Selon la juris- prudence du Tribunal fédéral, l'usage accru du domaine public peut être soumis à autorisation sans base légale spéciale43, même s'il est souhaitable qu'une loi fonnelle prévoit une procédure d'autorisation et en fixe les cri- tères d'octroi, afin d'assurer l'égalité de traitement et la prévisibilité des décisions44

En l'espèce, le monopole de fait dont dispose l'administration sur les informations récoltées dans l'exercice de la puissance publique crée une situation analogue à la gestion du domaine public. A notre avis, même s'il serait préférable que les conditions de diffusion de l'information soient prévues dans une loi fonnelle, une base légale matérielle pourrait suffire.

Enfin, le fait que la relation entre l'administration détentrice des informa- tions et les personnes privées relève intégralement du droit public exclut une véritable commercialisation des données. Certes, l'administration a un intérêt public à disposer de ressources suffisantes pour assumer ses tâ-

40

41

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GRISEL (n. 21), p. 305 ss; HAFELINIMÜLLER (n. 21), p. 72 ss; KNAPP (n. 21), p.

453 ss; PIERRE MooR, Droit administratif, Vol. I «Les fondements généraux>l, 2ème éd., Berne, 1994, p. 309 SS.

Nous optons ici pour la terminologie proposée par ANDREAS AUER, GIORGIO MALINVERN!, MICHEL HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, Vol. I «L'Etat», Berne, 2000, n° 1733 SS, qui proposent de remplacer les termes de «réserve de la loi» utilisés traditionnellement par la doctrine par l'expression «exigence de la base légale».

ATF 11711991 Ia341,346,MeB.

ATF I 1911993 la 445 c. 2a, Circus Gasser Olympia AG.

ATF 12l/1995 I 279, Circus Gasser Olympia AG.

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ches45Toutefois, dès que l'autorité accomplit ses tâches en usant de la puissance publique, elle ne peut les financer qu'au moyen des impôts et taxes prévus par la loi46. La diffusion d'information ne peut intervenir dans ce cas qu'en contrepartie du paiement d'un émolument dont le montant respecte les principes de l'équivalence et de la couverture des frais.

Le principe de la couverture des frais signifie que le montant total des recettes provenant de la contribution publique ne doit pas dépasser la charge financière globale du service en cause. Le principe d'équivalence, qui concrétise ceux de la proportionnalité et de l'interdiction de l 'arbi- traire, impose une correspondance entre le montant de l'émolument et les avantages économiques et juridiques objectifs dont le contribuable bénéficie47Selon le Tribunal fédéral, pour que le principe de l'équivalence soit respecté, il faut au surplus que l'émolument soit raisonnablement proportionné à la prestation de l'administration48. La valeur de cette dernière s'apprécie selon son utilité pour le contribuable, ou selon son coût par rapport à l'ensemble des dépenses administratives en cause. Cette évaluation n'exclut ni un certain schématisme ni l'usage de moyennes d'expérience49.

Selon la jurisprudence, le principe de la légalité implique que la perception de contributions publiques soit prévue, quant à son principe, dans une loi au sens formel; lorsque la loi délègue à l'organe exécutif la compétence d'établir une contribution, elle doit au moins indiquer le cercle des contribuables, l'objet et la base de calcul de cette contribution afin que le pouvoir de l'organe exécutif ne soit pas trop étendu50.

Compte tenu de ces principes, l'Etat a le droit de facturer des émoluments différents selon que l'acquéreur des informations est un utilisateur final ou qu'il entend les utiliser à des fins commerciales, notamment pour développer son propre produit, car l'avantage économique retiré par l'acquéreur est différent. En agissant de la sorte, l'administration peut garantir un accès égal à tous les utilisateurs individuels à un coût corres-

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48 49 50

XAVIER ÜBERSON, Droit fiscal suisse, Bâle/Francfort-sur-le-Main, 1998, n° 45.

MOOR (n. 40), p. 409.

XAVIER ÜBERSON, «Le principe de la légalité en droit des contributions publiques», RDAF 1996 p. 265 ss, 271.

ATF 12011994 la 171-174, C. P.

ATF 126/20001180,188,X, et les références citées.

ATF 125/1999 1173,179, H. und Mitbeteiligte; 124/1998 I 247, 249, T., et les arrêts cités.

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pondant à un montant supportable pour ces derniers, tout en bénéficiant d'un revenu additionnel justifié par l'intérêt commercial des données. Dans ces deux cas, les principes de calcul des émoluments devraient figurer dans une base légale formelle.

L'analyse des dispositions applicables au niveau fédéral démontre que ces règles générales ne sont pas toujours respectées.

b. La mise en œuvre au niveau fédéral aa. La vente de supports d'infmmations

L'Office central fédéral des imprimés et du matériel (OCFIM) assure la diffusion des supports d'informations de la Confédération51, soit les imprimés, les photocopies, les supports d'images photochimiques et les informations standards mémorisées électroniquement52. D'autres services de l'administration fédérale ne peuvent remettre au public de tels supports que s'ils sont au bénéfice d'une dérogation accordée par l'OCFIM et appliquent les mêmes règles que ce dernier (art. 14 OEmoluments).

La vente de ces supports intervient moyennant la perception d'émolu- ments. Il en va de même en cas d'utilisation par un tiers d'œuvres protégées de la Confédération ou de fourniture de prestations particulières par l'OCFIM.

Selon l'article 6, alinéa 1, OEmoluments, pour la vente de supports d'informations, les émoluments perçus résultent en principe d'une moyen- ne lissée tenant compte des coûts de production, de matériel et de diffusion, taxe sur la valeur ajoutée incluse, sans prise en considération des éventuels frais de rédaction. L'annexe 2 de l'OEmoluments contient les tarifs maximaux, qui sont revus tous les deux ans. De plus, l'OCFIM peut procéder à des remises lors de vente à des institutions publiques (art. 7 OEmoluments), voire fournir gratuitement des informations dont la large diffusion est d'intérêt politique majeur (art. 8 OEmolurnents).

Le mode de calcul de l'émolument respecte les principes d'équivalence et de couverture des frais. En revanche, la question du respect des exigences posées par le Tribunal fédéral en matière de légalité est plus délicate.

L'OEmoluments se fonde sur l'article 4 de la loi fédérale instituant des mesures destinées à améliorer les finances fédérales du 4 octobre 1974

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Art. 1, al. 1, de J'ordonnance sur les émoluments de !'Office central fédéral des imprimés et du matériel du 21 décembre 1994 (OEmoluments; RS 172.041.l l).

Art. 3 OEmoluments.

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(LMAF)53 qui se limite à indiquer que «le Conseil fédéral édicte des dispositions prévoyant la perception d'émoluments appropriés pour les décisions et les autres prestations de l'administration fédérale». Cette disposition très générale délègue au Conseil fédéral la compétence d'établir une contribution, sans indiquer de manière précise le cercle des contribuables, l'objet et la base de calcul de cette contribution.

Les émoluments sont facturés et payables à trente jours. En cas de défaut de paiement, l'OCFIM est habilité à prendre une décision d'émolument susceptible de recours dans un délai de trente jours auprès de la Chancellerie fédérale (art. 10 et 12 OEmoluments).

ab. La diffusion de données sur support électronique

La Confédération diffuse de façon de plus en plus étendue des données juridiques sous la forme électronique par des moyens électroniques comme Internet ou sur des supports informatiques, notamment des CD-ROM54 Sont qualifiées de «données juridiques» la législation et les traités internationaux (y compris les travaux préparatoires et les procès-verbaux des Chambres y afférents), la jurisprudence, la doctrine des autorités fédérales et les données émanant de registres ayant une portée juridique (art. 3, al. 1, OPublication). Ces informations n'ont en principe pas de force obligatoire, à la différence de celles diffusées sur des supports papiers traditionnels55. La version électronique ne pourrait faire foi que si une disposition légale le prévoyait expressément ou si les données juridiques n'étaient publiées que sous forme électronique (art. 1, al. 2,

OPublication).

La Confédération diffuse gratuitement ces données sur son site Internet et peut les remettre à des tiers sous une autre forme de support électronique moyennant paiement d'un émolument. Ce dernier correspond à un tarif calculé en fonction du nombre de documents ou à une taxe fixée en fonction du temps consacré pour les prestations de l'administration56Le

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RS 611.010.

Article 1 de l'ordonnance concernant la publication électronique de données juridiques du 8 avril 1998, (OPublication; RS 170.512.2).

Voir l'art. 10, al. 2 de la loi fédérale sur les recueils de lois et la Feuille fédérale du 21 mars 1986 (LPubl; RS 170.512), qui exclut la force obligatoire d'actes législatifs n'ayant pas été publiés dans la version papier du Recueil officiel des lois fédérales.

Article 5 de l'ordonnance de la Chancellerie fédérale concernant les taxes de transmission des données juridiques du 24 juin 1999, RS 172.041.12.

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détail des taxes est fixé par la Chancellerie fédérale dans une ordonnance concernant les taxes de transmission de donnéés juridiques du 24 juin 1999 (0Taxes)57

En contrepartie du paiement de l'émolument, l'acquéreur obtient un droit d'usage personnel des données dont la Confédération reste propriétaire (art. 2 OTaxes). Il n'a pas le droit de les céder telles quelles à des tiers; une transmission contre rémunération à des tiers n'est admise que si les données sont «valorisées», c'est-à-dire assorties de commentaires, interconnectées avec d'autres publications du secteur privé ou intégrées dans une banque de donnée ou un système d'aide à la décision (art. 3, al. 2 et 3, OTaxes). Dans ce cas, l'acquéreur des données a l'obligation de préciser leur source et d'éviter toute présentation de nature à créer une confusion entre ses données et les sources officielles (art. 4 OTaxes).

A nouveau, la légalité des émoluments est discutable dans la mesure où l'OTaxes se fonde sur les articles 4 et 5 de l'OPublication, qui elle-même ne repose que sur l'article 15, alinéa 1, de la LPubl qui prévoit uniquement une compétence d'exécution en faveur du Conseil fédéral et sur l'article 4 LMAF. De plus, la sous-délégation du Conseil fédéral en faveur de la Chancellerie paraît contraire à l'article 48, alinéa 1, LOGA qui autorise le transfert de compétences législatives du Conseil fédéral aux Départements sans mentionner la Chancellerie.

ac. Les avis juridiques

L'Office fédéral de la justice et le Ministère public de la Confédération peuvent fournir des avis de droit, des expertises ou des renseignements tirés de registres ou d'autres répertoires analogues58

Dans les deux cas, ces prestations sont fournies contre un émolument calculé en fonction d'un taux horaire, tenant compte de la nature de la prestation, de l'ampleur du travail et de l'urgence (art. 5 OPOFJ, 4 et 5 OPMP), plus le paiement des éventuels débours. Les autorités de la Confédération, des cantons et des communes sont exonérées d'émolument lorsque les prestations sont destinées à leur propre usage (art. 4 OPOFJ et

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RS 172.041.12.

Article 1 de J'ordonnance instituant des émoluments pour les prestations de J'Office fédéral de la justice du 30 octobre 1985 (OPOFJ; RS 172.04!.14) et art. 1 de l'ordonnance régissant les émoluments pour les expertises et les renseignements juridiques fournis par le Ministère public de la Confédération du 12 février 1986 (OPMP; RS 172.041.16).

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La commercialisation des infonnations étatiques

6 OPMP). En outre, des personnes privées peuvent obtenir une réduction, voire une remise de l'émolument si elles n'ont que peu ou pas de moyens.

Pour les prestations du Ministère public, cette réduction ou remise intervient aussi pour les prestations de peu d'importance ou si un intérêt public le justifie (art 6 OPMP). S'agissant de l'Office fédéral de Iajustice, l'éventuelle expérience utile acquise par l'Office lors de la réalisation des prestations est prise en compte (art. 8 OPOFJ).

La légalité de ces deux ordonnances prête également à discussion dans la mesure où elles se fondent uniquement sur le très général article 4 de la LMAF.

ad. Les statistiques

L'Office fédéral de la statistique publie les bases et les principaux résultats statistiques. Il met également à disposition des utilisateurs les données non publiées sous une forme appropriée (art. 19 LSF).

L'accès aux données diffusées par !'Office sur un support librement acces- sible est gratuit. Il s'agit de la banque de données générale (ST A TINF), accessible en ligne, qui contient uniquement des données statistiques, et d'un système d'information géographique (GEOSTAT). En revanche, les autres prestations de! 'Office font l'objet de la facturation d'un émolument et des débours selon un tarif fixé par le Conseil fédéral (art. 3 à 12 OEStat59) conformément aux articles 18 à 21 LSF.

En principe, l'utilisation des infommtions publiées par !'Office est libre.

L'article 20, alinéa 1, LSF autorise «l'utilisation ou la reproduction de résultats publiés, rendus accessibles ou élaborés à partir de données de la statistique fédérale» pour autant que la source soit mentionnée. Toutefois, le Conseil fédéral a fixé une limitation en cas d'utilisation à des fins lucratives (art. 20, al. 2, LSF). Dans ce cas, l'utilisateur a l'obligation de conclure un contrat avec !'Office, voire avec une autre unité de l'adminis- tration chargée d'un travail statistique particulier, prévoyant notamment une indemnité forfaitaire, des droits de licence ou une participation aux bénéfices (art. 15 OEStat et ch. 25 du Barème des émoluments).

S9 Ordonnance sur les émoluments pour les prestations de services statistiques des unités administratives fédérales du 30 juin 1993 (OEStat; RS 431.09).

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ae. Les données météorologiques

La Confédération dispose de compétences étendues en matière de météorologie et de climatologie60. Les articles 3 et 4 LMét distinguent les prestations de base des prestations complémentaires61 L'article 3 LMét autorise le Conseil fédéral à définir les prestations de base ainsi que leurs conditions d'utilisation et fixe les principes généraux de calcul des émoluments. Il constitue à ce titre une base légale suffisante pour les articles 3 et ss OMét qui précisent ces éléments.

La situation est similaire pour l'utilisation commerciale par des tiers des données météorologiques diffusées par ! 'administration. Les données fournies dans le cadre des prestations de base ne peuvent être transmises à des tiers ou commercialisées de toute autre manière sans l'approbation préalable de !'Office fédéral de météorologie et de climatologie, sous la fom1e d'une décision ou d'un contrat (art. 4, al. 1, 0Mét)62

af. Les données cadastrales et cartographiques

L'article 2, alinéa 2, de la loi fédérale concernant l'établissement de nouvelles cartes nationales du 21 juin 193563 autorise la Confédération à utiliser à des fins commerciales les cartes fédérales et des plans des mensurations cadastrales comme leurs éléments et bases. Il autorise la Confédération à percevoir des émoluments en précisant que Je taux doit correspondre à l'ampleur et à l'importance de la reproduction. Cette disposition constitue une base légale suffisante pour les trois ordonnances adoptées par le Conseil fédéral64 et soumettant l'utilisation des données par les tiers à autorisation et au paiement d'un émolument. Celui-ci est fixé à un taux maximal applicable à une utilisation commerciale par le tiers, il peut être réduit par l'autorité pour tenir compte des différents types d'usages commerciaux des données, voire d'une utilisation non commer- ciale.

60 61 62

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LMét et son ordonnance du 23 février 2000 (OMét; RS 429.11).

Voir, supra, le point II.C.

L'art. 4, al. 2, OMét pennet toutefois sans autorisation préalable la commercia- lisation de données dont la diffusion est déjà autorisée au plan international.

RS 510.62.

Voir l'ordonnance réglant l'utilisation des cartes fédérales du 24 mai 1995 (RS 510.622.1), l'ordonnance sur la reproduction de données de la mensuration officielle du 9 septembre 1998 (RS S 10.622) et l'ordonnance du DFJP sur la reproduction de données dans la mensuration officielle du 9 septembre 1998 (RS

s

10.622.2).

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