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ÉTHIQUE ET MALADIES À TRANSMISSION VECTORIELLE

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Academic year: 2022

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(1)

ÉTHIQUE ET

MALADIES À TRANSMISSION VECTORIELLE

ORIENTATIONS

DE L’OMS

(2)
(3)

Éthique et maladies

à transmission vectorielle :

Orientations de l’OMS

(4)

Certains droits réservés. La présente publication est disponible sous la licence Creative Commons Attribution – Pas d’utilisation commerciale – Partage dans les mêmes conditions 3.0 IGO (CC BY NC-SA 3.0 IGO ; https://creativecommons.org/licenses/by- nc-sa/3.0/igo/deed.fr).

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Citation suggérée. Éthique et maladies à transmission vectorielle : orientations de l’OMS [Ethics and vector-borne diseases: WHO guidance].

Genève : Organisation mondiale de la Santé ; 2021. Licence : CC BY-NC-SA 3.0 IGO.

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(5)

iii

Table des matières

REMERCIEMENTS ...V

1. INTRODUCTION ... 1

2. CONTEXTE ... 4

2.1 Principaux faits concernant les maladies à transmission vectorielle ...5

2.2 Déterminants sociaux des maladies à transmission vectorielle ...5

2.3 Déterminants environnementaux des maladies à transmission vectorielle ...8

3. QUESTIONS ET VALEURS ÉTHIQUES PERTINENTES ... 10

4. PRISE EN COMPTE DES DÉTERMINANTS SOCIAUX ET ENVIRONNEMENTAUX ... 12

5. CONSIDÉRATIONS ÉTHIQUES GÉNÉRALES POUR LES INTERVENTIONS DE SANTÉ PUBLIQUE ... 15

6. MÉTHODES DE LUTTE ANTIVECTORIELLE ...20

7. CAMPAGNES DE VACCINATION ET ADMINISTRATION DE MASSE DE MÉDICAMENTS ... 30

8. DÉPISTAGE ET SURVEILLANCE ...35

9. RECHERCHE ...43

10. MOBILISATION COMMUNAUTAIRE ...54

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ...59

(6)

Boxes

ENCADRÉ 1. ÉTUDE COMPARATIVE DE DEUX VILLES : DÉTERMINANTS SOCIAUX ET MALADIE À TRANSMISSION VECTORIELLE À BROWNSVILLE, TEXAS (ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE) ET À MATAMOROS, TAMAULIPAS

(ÉTATS-UNIS DU MEXIQUE) ...7 ENCADRÉ 2. DÉFORESTATION ET URBANISATION DANS LA PROVINCE

DU GUANGDONG (RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE) ...9 ENCADRÉ 3. ÉLIMINATION DU PALUDISME DANS LA RÉGION DE

LA MÉDITERRANÉE ORIENTALE ...26 ENCADRÉ 4. DÉSAPPROBATION D’UNE INTERVENTION DE SANTÉ PUBLIQUE

PAR LA POPULATION : APPLICATION PAR VOIE AÉRIENNE D’INSECTICIDE POUR LUTTER CONTRE LA MALADIE À VIRUS

ZIKA (PUERTO RICO) ...27 ENCADRÉ 5. ADMINISTRATION DE MASSE DE MÉDICAMENTS CONTRE

LA FILARIOSE LYMPHATIQUE DANS L’ÉTAT D’ASSAM,

RÉPUBLIQUE DE L’INDE ...32 ENCADRÉ 6. CONTROVERSE ÉTHIQUE AUTOUR DE L’UTILISATION

DU VACCIN CONTRE LA DENGUE CYD-TDV ...33 ENCADRÉ 7. MEILLEURES PRATIQUES POUR UN STOCKAGE PLUS SÛR

DE L’EAU : MESURES DE LUTTE ANTIVECTORIELLE OBLIGATOIRES

ET SURVEILLANCE CIBLÉE DANS LA RÉPUBLIQUE DE L’INDE ...37 ENCADRÉ 8. UN ŒIL DANS LE CIEL : UTILISATION DE LA TECHNOLOGIE DES

DRONES AÉRIENS POUR SURVEILLER LES MALADIES DANS

LA RÉPUBLIQUE DE SINGAPOUR ...38 ENCADRÉ 9. UTILISATION DE DONNÉES SUR LES MOUVEMENTS HUMAINS

POUR DÉMONTRER LA PROPAGATION DU VIRUS ZIKA DANS

LA RÉPUBLIQUE DE SINGAPOUR ...39 ENCADRÉ 10. WORLD MOSQUITO PROGRAMME : CONSENTEMENT ÉCLAIRÉ

DANS LES ESSAIS DE TERRAIN ...49 ENCADRÉ 11. ÉTUDE CLINIQUE D’INOCULATION D’ÉPREUVE DU

PALUDISME À NAIROBI (RÉPUBLIQUE DU KENYA) ...52 ENCADRÉ 12. CONFLITS RELATIFS AU LÂCHER DE MOUSTIQUES

GÉNÉTIQUEMENT MODIFIÉS AU BURKINA FASO ...58

(7)

v REMERCIEMENTS

Remerciements

Urbanisation et inégalités sanitaires mondiales.

Une fille se repose dans un hamac dans une rue de Manille, Philippines.

Source : OMS / Anna Kari

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Ce document d’orientation a été rédigé sous la direction d’Andreas Reis (codirigeant de l’unité Éthique et gouvernance en matière de santé du Département Recherche pour la santé) et de Raman Velayudhan (chef de l’unité Santé publique vétérinaire, lutte antivectorielle et environnement du Département Maladies tropicales négligées), en collaboration étroite avec Jan Kolaczinski (chef de l’unité Lutte antivectorielle et résistance aux insecticides du Programme mondial de lutte antipaludique) et Mariam Otmani del Barrio (scientifique, Programme spécial de recherche et de formation sur les maladies tropicales), sous la supervision de John Reeder (directeur, Programme spécial de recherche et de formation sur les maladies tropicales) et de Soumya Swaminathan (spécialiste scientifique principale).

Carl Coleman (Seton Hall University School of Law, Newark, New Jersey, États-Unis d’Amérique) était le rédacteur principal et Jerome Singh (University of KwaZulu-Natal, République sud-africaine, et Université de Toronto, Canada) a contribué à la rédaction de parties du rapport. Zeb Jamrozik (Monash University, Australie), Florencia Luna (Université latino-américaine de sciences sociales, République argentine), Carla Saenz (Organisation panaméricaine de la Santé, Washington, États-Unis d’Amérique) et Michael Selgelid (Monash University, Australie) ont assuré la supervision du projet de rapport.

L’OMS remercie les personnes suivantes, qui ont contribué à l’élaboration de ces orientations :

Experts externes

Joel Aik, Environmental Health Institute, National Environment Agency (République de Singapour) Rafael Argilés, Division mixte FAO/AIEA des techniques nucléaires dans l’alimentation et l’agriculture (République d’Autriche)

Bernard Baertschi, Université de Genève (Confédération suisse)

Konstantinos (Kostas) Bourtzis, Division mixte FAO/

AIEA des techniques nucléaires dans l’alimentation et l’agriculture (République d’Autriche)

Jérémy Bouyer, Division mixte FAO/AIEA des techniques nucléaires dans l’alimentation et l’agriculture (République d’Autriche)

Christiane Druml, Faculté de médecine de Vienne (République d’Autriche)

Vijayaprasad Gopichandran, ESIC Medical College and Post Graduate Institute of Medical Sciences and Research (République de l’Inde)

François Hirsch, INSERM (République française) Aamir Jafarey, Centre of Biomedical Ethics and Culture, Sindh Institute of Urology and

Transplantation (République islamique du Pakistan) Zeb Jamrozik, Monash University (Australie)

Patricia Kingori, Ethox, University of Oxford, Nuffield Department of Population Health (Royaume-Uni) Bocar Kouyaté, Centre de recherche en santé Nouna (Burkina Faso)

Peter G. Kremsner, Université de Tübingen (République fédérale d’Allemagne)

Florencia Luna, Conseil scientifique et de recherche technologique national, Université latino-américaine de sciences sociales (République argentine)

Cheryl Cox Macpherson, St. George’s University (Grenade)

Lee Ching Ng, National Environment Agency (République de Singapour)

Francine Ntoumi, Fondation congolaise de la recherche médicale, Université Marien Ngouabi (République du Congo) et Université de Tübingen (République fédérale d’Allemagne)

Ron Rosenberg, Centers for Disease Control and Prevention (États-Unis d’Amérique)

Thomas Scott, University of California (Davis, États- Unis d’Amérique)

Michael Selgelid, Monash University (Australie) Seema Shah, Lurie Children’s Hospital of Chicago et Northwestern University (États-Unis d’Amérique)

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vii REMERCIEMENTS

Jerome Singh, University of KwaZulu-Natal (République sud-africaine) et Université de Toronto (Canada)

Hanano Yamada, Division mixte FAO/AIEA des techniques nucléaires dans l’alimentation et l’agriculture (République d’Autriche)

Évaluateurs externes

Ronald Bayer, Columbia University Mailman School of Public Health (États-Unis d’Amérique)

Salome R. A. Bukachi, University of Nairobi (République du Kenya)

Claudia Emerson, Institute on Ethics and Policy for Innovation, McMaster University (Canada)

Stephanie James, Fondation pour les Instituts nationaux de la santé (États-Unis d’Amérique) Michael Penkunas, Institut international de l’Université des Nations Unies pour la santé mondiale (Malaisie)

Karen Tountas, Fondation pour les Instituts nationaux de la Santé, Bethesda, Maryland (États-Unis d’Amérique)

Personnel de l’OMS

Tasnim Azim, responsable régionale chargée des activités d’éthique, Bureau régional de l’Asie du Sud-Est, New Delhi

Ties Boerma, directeur (à la retraite), Systèmes de santé et innovation, Information, bases factuelles et recherche, Genève

Lauren Carrington, Santé publique vétérinaire, unité Lutte antivectorielle et environnement, Département Maladies tropicales négligées, Genève

Anna Drexler, administratrice technique, Gestion des vecteurs et de l’écologie, Genève

Gaya Gamhewage, directrice, Programme OMS de gestion des situations d’urgence sanitaire, Gestion des risques infectieux, Réseaux d’experts et interventions, Genève

Ki-Hyun Hahm, administrateur technique, Bureau régional OMS du Pacifique occidental, Division des systèmes de santé, Manille

Margaret Harris, Programme OMS de gestion des situations d’urgence sanitaire, Gestion des risques infectieux, Genève

Patrik Hummel, consultant, Recherche, éthique et gestion des connaissances, Éthique en santé à l’échelle mondiale, Genève

Ronnie Johnson, scientifique, Santé de la famille, de la femme et de l’enfant, Santé reproductive et recherche, Santé maternelle et périnatale, Prévention des avortements non sécurisés, Genève

Vannda Kab, administrateur technique, bureau de l’OMS dans le pays (Royaume du Cambodge) Jan Kolaczinski, chef de l’unité Lutte antivectorielle et résistance aux insecticides du Programme mondial de lutte antipaludique, Genève

Marion Law, unité Préqualification, Département Réglementation et préqualification, Division Accès aux médicaments et aux produits de santé, Genève Katherine Littler, codirigeante, unité Éthique et gouvernance en matière de santé, Genève Ahmed Mandil, coordonnateur, Recherche et innovation, Bureau régional de l’OMS pour la Méditerranée orientale, Le Caire

Jeannette Martinez, unité Préqualification, Département Réglementation et préqualification, Division Accès aux médicaments et aux produits de santé, Genève

Vasee Moorthy, coordonnateur, Systèmes de santé et innovation, Information, bases factuelles et recherche, Recherche, éthique et gestion des connaissances, Genève

(10)

Mariam Otmani del Barrio, administratrice technique, VIH/SIDA, tuberculose, paludisme et maladies tropicales négligées, Programme spécial de recherche et de formation sur les maladies tropicales de l’OMS, Vecteurs, environnement et société, Genève

Lee-Anne Pascoe, consultante, unité Éthique et gouvernance en matière de santé, Genève

Martha Quinones Pinzon, administratrice technique, VIH/SIDA, tuberculose, paludisme et maladies tropicales négligées, Programme mondial de lutte antipaludique, Entomologie et lutte antivectorielle, Genève

Caron Rahn Kim, médecin, Santé de la famille, de la femme et de l’enfant, Santé reproductive et recherche, Santé maternelle et périnatale, Prévention des avortements non sécurisés, Genève

Nigel Rollins, médecin, Santé de la famille, de la femme et de l’enfant, Santé de la mère, du nouveau- né, de l’enfant et de l’adolescent, Recherche et développement, Genève

Carla Saenz, conseillère régionale en bioéthique, Organisation panaméricaine de la santé, Washington

Abha Saxena, coordonnatrice (à la retraite), Recherche, éthique et gestion des connaissances, Éthique en santé à l’échelle mondiale, Genève Dominic Schuler, Évaluation des produits de lutte antivectorielle, Département Préqualification, Genève

Soumya Swaminathan, spécialiste scientifique principale, Genève

Rajpal Singh Yadav, scientifique, unité Santé publique vétérinaire, lutte antivectorielle et environnement, Département Maladies tropicales négligées, Genève

Kirsten Vannice, scientifique, Santé de la famille, de la femme et de l’enfant, Vaccination, vaccins et produits biologiques, initiative pour la recherche sur les vaccins, Genève

Raman Velayudhan, chef, unité Santé publique vétérinaire, lutte antivectorielle et environnement, Département Maladies tropicales négligées, Genève Sina Zintzmeyer, spécialiste de la gestion de projets, Poliomyélite, situations d’urgence et collaboration avec les pays, Fonctions d’appui, Réaction d’urgence à la maladie à virus Zika, Genève

Organismes de financement

João Rangel de Almeida, Wellcome Trust (Royaume-Uni)

Susanna Hausmann Muela, Département fédéral des affaires étrangères, Direction du développement et de la coopération (Confédération suisse)

Le projet a été partiellement financé par une subvention du Wellcome Trust.

(11)

1 1. INTRODUCTION

1. Introduction

Le triatome, responsable de la transmission de la maladie de Chagas, Bolivie.

Source : OMS / Fernando G. Revilla

(12)

Depuis les premiers établissements humains il y a 15 000 ans, les maladies à transmission vectorielle jouent un rôle majeur dans la morbidité et la mortalité mondiales. En 2017, consciente de la menace et du fardeau croissants que constituent les maladies à transmission vectorielle pour les individus, les familles et les sociétés, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) publiait une vaste stratégie d’action mondiale de lutte antivectorielle pour la période 2017–2030 (1).

Cette stratégie propose divers plans pour soutenir la lutte antivectorielle dans le monde. Ces plans reposent sur un renforcement des capacités, une amélioration de la surveillance et de la coordination ainsi qu’une action intégrée multisectorielle ciblant plusieurs maladies. Peu après la publication de cette stratégie en 2017, l’Assemblée mondiale de la Santé adoptait la résolution WHA70.16, qui demandait notamment à l’OMS de fournir des orientations sur les questions d’éthique associées à la mise en œuvre de la lutte antivectorielle (2).

Consciente du manque d’attention précédemment porté aux questions d’éthique soulevées par la prise en charge des maladies à transmission vectorielle, l’OMS a organisé une réunion, qui s’est tenue à Genève les 23 et 24 février 2017, afin d’identifier les considérations éthiques pertinentes et de préparer les prochaines orientations. Cette réunion a rassemblé les principales parties prenantes en matière de lutte antivectorielle, de santé maternelle et infantile, d’écologie et de changements climatiques, de recherche et développement de vaccins, et de communications pour la santé publique.

La réunion a permis d’identifier divers aspects des maladies à transmission vectorielle soulevant d’importantes questions d’éthique. Premièrement, nombre de ces maladies sont des maladies négligées, avec un impact disproportionné sur les populations les plus démunies. Ceci se manifeste par un manque de ressources destinées à la lutte contre ces maladies et à leur surveillance, notamment un soutien insuffisant à la recherche et au développement de médicaments, de vaccins, de nouvelles méthodes de lutte antivectorielle et d’autres interventions potentiellement bénéfiques.

Les maladies à transmission vectorielle entraînent ainsi des problèmes fondamentaux de justice sociale dans le monde.

Deuxièmement, contrairement à d’autres maladies infectieuses, les maladies à transmission vectorielle sont transmises d’une personne à l’autre par l’intermédiaire d’autres êtres vivants, les vecteurs.

Étant donné que des vaccins ou des traitements médicamenteux ne sont disponibles que pour un petit nombre des agents pathogènes transmis par les vecteurs, la principale méthode de lutte contre les maladies à transmission vectorielle consiste à éliminer les vecteurs par des interventions menées directement auprès des populations concernées.

La réussite de ces interventions dépend de l’action collective entreprise par une grande partie ou la totalité des membres de la communauté, sans que le consentement de chacun puisse toujours être sollicité. Même si ces mesures doivent bénéficier à l’ensemble de la communauté, elles ne se traduisent pas nécessairement par des bénéfices comparables ou par une exposition à des fardeaux ou risques équivalents pour tous ses membres.

Enfin, certaines méthodes de lutte antivectorielle en cours d’étude reposent sur des modifications génétiques de moustiques et d’autres vecteurs. Ces interventions, susceptibles d’entraîner d’importants bénéfices pour la santé publique, peuvent toutefois comporter des risques ou avoir des conséquences incertaines pour la santé humaine et l’environnement.

Certaines interventions de lutte antivectorielle de nature génétique, en particulier le forçage génétique, pourraient conduire à des modifications potentiellement irréversibles des populations de vecteurs, susceptibles de se propager au-delà des frontières nationales.

Après avoir publié un rapport de synthèse des discussions tenues lors de la réunion (3), l’OMS a constitué un groupe consultatif rassemblant un nombre plus important d’experts, qui ont contribué à l’élaboration de ces orientations. Ce groupe s’est réuni à Vienne du 7 au 9 mai 2018 afin d’identifier les principales questions à inclure dans les orientations, puis un sous-groupe s’est réuni à Washington, DC, les 4 et 5 février 2019 pour commencer à travailler sur le premier projet. Le groupe consultatif au complet s’est à nouveau rassemblé à Genève du 23 au 25 juillet 2019 pour examiner et améliorer la version de travail.

Celle-ci a ensuite été envoyée pour commentaire à un groupe rassemblant divers experts techniques

(13)

3 1. INTRODUCTION

internationaux. Le présent document tient compte des observations de tous ces contributeurs.

Ces orientations s’adressent en premier lieu aux personnes intervenant directement dans la prévention et la lutte contre les maladies à transmission vectorielle, notamment les directeurs de programme, les chercheurs et les acteurs de terrain. Un bref rappel technique est proposé pour les personnes non expertes en maladies à transmission vectorielle ; les lecteurs travaillant dans ce domaine peuvent passer

directement à la discussion sur les questions et les valeurs éthiques, au Chapitre 3. Ces orientations ne peuvent ni apporter des réponses universelles aux complexes questions d’éthique qui sont soulevées ni proposer une liste type de questions qui seraient pertinentes dans tous les cas de figure. Elles ont plutôt pour objectif d’aider les lecteurs à identifier les aspects de leur travail qui sont associés à des enjeux éthiques importants et à y répondre en tenant compte des valeurs et normes internationales.

(14)

2. Contexte

Urbanisation et inégalités en matière de santé.

Lavage et séchage de vêtements à côté d’un ruisseau qui est désormais un égout à ciel ouvert à Yaoundé, Cameroun.

Source : OMS / Anna Kari

(15)

5 2. CONTExTE

2.1 Principaux faits concernant les maladies à transmission vectorielle

Les maladies à transmission vectorielle sont des maladies humaines provoquées par des parasites, des virus et des bactéries qui sont transmises par divers vecteurs, notamment les moustiques, les phlébotomes, les triatomes, les simulies, les tiques, les mouches tsé-tsé, les acariens et les poux. Les principales maladies à transmission vectorielle représentent près de 17 % du fardeau des maladies infectieuses dans le monde. Plus de 700 000 décès par an sont attribuables à des maladies à transmission vectorielle.

Parmi toutes les maladies à transmission vectorielle, le paludisme entraîne la charge de morbidité mondiale la plus élevée, avec environ 405 000 décès en 2018, la plupart chez des enfants âgés de moins de 5 ans. La maladie de Chagas, l’infection à virus Chikungunya, la dengue, la leishmaniose, la schistosomiase, la fièvre jaune et la maladie à virus Zika sont d’autres exemples de maladies à transmission vectorielle importantes. Nombre de ces maladies ont été à l’origine de récentes flambées épidémiques majeures

associées à une morbidité et une mortalité élevées, surchargeant parfois les systèmes de santé locaux.

Parmi les maladies à transmission vectorielle, la dengue est celle qui se propage le plus rapidement.

Son incidence a été multipliée par 15 depuis l’an 2000 et elle est présente dans plus de 129 pays.

Les agents pathogènes à l’origine des maladies à transmission vectorielle présentent un cycle biologique complexe, impliquant les humains, des vecteurs et parfois des hôtes intermédiaires animaux.

Les arthropodes hématophages, en particulier les moustiques, en sont les principaux vecteurs. D’autres maladies à transmission vectorielles majeures, telles que la schistosomiase, sont toutefois transmises par d’autres types de vecteurs. L’épidémiologie des maladies à transmission vectorielle dépend de la nature de la transmission : essentiellement entre êtres humains (comme pour le paludisme et la dengue) ou exclusivement de l’animal à l’être humain (comme pour la fièvre à virus West Nile) (3).

2.2 Déterminants sociaux des maladies à transmission vectorielle

Certains individus ou groupes sont plus exposés aux maladies à transmission vectorielle en raison des circonstances dans lesquelles ils naissent, grandissent, vivent, travaillent et vieillissent, et donc des forces et des systèmes dont ces circonstances dépendent. Ces « déterminants sociaux de la santé » peuvent avoir une incidence sur les risques d’exposition aux maladies à transmission vectorielle, d’infection consécutive à une telle exposition et d’issue défavorable de l’infection (4). Une riposte mondiale efficace aux maladies à transmission vectorielle doit donc reposer sur un examen attentif de ces circonstances sociales (1).

La prédisposition et la vulnérabilité aux maladies à transmission vectorielle dépendent de divers facteurs sociaux, tels que le genre, l’âge, la situation socio- économique, la situation migratoire et l’appartenance à une population autochtone. Des interactions entre divers facteurs biologiques et socioculturels, qui varient au fil du temps et selon le lieu, façonnent des inégalités spécifiques du contexte, avec un impact sur la santé et le bien-être (5, 6). Le point de rencontre entre ces différents facteurs détermine les vulnérabilités et le ressenti des personnes vis-à- vis de certaines affections, ainsi que leur capacité d’accès aux soins de santé et aux traitements (7).

(16)

Genre

Les normes, rôles et relations de genre se conjuguent avec d’autres axes d’inégalité, tels que l’âge, la situation socio-économique, la capacité ou l’incapacité ou encore la situation géographique, pour influer sur les risques de maladies à transmission vectorielle et sur le vécu personnel de la maladie. Les rôles professionnels dépendants du genre peuvent par exemple avoir un impact sur la probabilité d’être exposé à un vecteur.

Dans certaines communautés de pêcheurs et d’agriculteurs, la schistosomiase touche plus souvent les hommes que les femmes. À l’inverse, dans les communautés où les femmes lavent les ustensiles et les vêtements dans des eaux infectées par des gastéropodes, les femmes peuvent être plus exposées à la schistosomiase que les hommes (8, 9). De même, dans de nombreuses zones d’endémie du paludisme, certaines activités traditionnellement réservées aux hommes peuvent augmenter leur exposition aux vecteurs du paludisme, en particulier dans les zones rurales ou en cas de travail de nuit (10). Les inégalités dans les relations de pouvoir entre les genres peuvent également influer sur les stratégies de lutte contre les maladies employées, par exemple lorsque les décisions prises au sein du ménage concernant l’attribution de moustiquaires disponibles en nombre restreint dépendent des rôles, normes et relations de genre (10). En outre, des facteurs liés au genre peuvent influer sur l’issue d’une infection, que ce soit en raison d’un accès différencié au traitement médical ou d’usages socioculturels associés aux schémas de travail au sein du ménage susceptibles d’augmenter la probabilité de malnutrition chez les femmes (11).

Âge

De nombreuses maladies à transmission vectorielle pèsent de manière disproportionnée sur les enfants et les personnes âgées. Par exemple, la mortalité liée au paludisme touche essentiellement les enfants âgés de moins de 5 ans (12). Si certaines différences liées à l’âge dépendent de facteurs biologiques, les facteurs sociaux jouent également un rôle important. Ainsi, les normes sociales concernant l’horaire du coucher peuvent augmenter le risque d’exposition des enfants aux vecteurs qui piquent essentiellement en début de soirée (3). De même, les usages sociaux en matière de stockage de l’eau et

de gestion des déchets peuvent accroître l’exposition aux moustiques dans les zones de jeu probables des enfants (3). Ceux-ci, tout comme certaines personnes âgées et certaines personnes présentant une altération des facultés mentales, sont en outre exposés à des risques inhérents compte tenu de leur dépendance à des tiers. Dans la plupart des cas, ils n’auront accès à des mesures de prévention ou au traitement des maladies à transmission vectorielle que si la personne qui s’occupe d’eux s’en préoccupe.

Situation socio-économique

La situation socio-économique, notamment le niveau d’études, la profession et les revenus, peut influer sur les résultats escomptés en matière de santé et désavantager ou privilégier ainsi certains segments de la population (13). Le travail est un facteur de risque majeur d’exposition aux maladies à transmission vectorielle ; par exemple, les éleveurs nomades de la vallée du Grand Rift sont particulièrement exposés aux maladies transmises par les tiques, telles que la fièvre pourprée (14). La pauvreté constitue également un facteur de risque majeur. En effet, les personnes vivant dans la pauvreté ont moins souvent accès à de l’eau potable et à un assainissement. Les ménages peuvent en conséquence stocker l’eau dans des récipients conservés au domicile, créant ainsi des gîtes larvaires pour les vecteurs (en particulier les moustiques Aedes). Des efforts visant à promouvoir des méthodes plus sûres de recueil et de stockage de l’eau, ainsi qu’un développement des infrastructures sur le long terme, qui évitera aux familles de devoir stocker de l’eau chez elles, sont nécessaires pour venir à bout de ce problème.

En outre, les personnes vivant dans la pauvreté ont moins souvent accès aux mesures de prévention (moustiquaires imprégnées d’insecticide ou pulvérisation d’insecticide à effet rémanent à l’intérieur des habitations, par exemple) ou aux traitements de l’infection, car elles sont essentiellement tributaires des services fournis par les pouvoirs publics. Elles sont par ailleurs plus exposées aux comorbidités (dont la malnutrition), qui aggravent les conséquences d’une infection.

L’Encadré 1 présente une étude de cas illustrant le lien entre les déterminants sociaux de la santé et une maladie à transmission vectorielle.

(17)

7 2. CONTExTE

Encadré 1. Étude comparative de deux villes : déterminants sociaux et maladie à transmission vectorielle à Brownsville, Texas (États-Unis d’Amérique) et à Matamoros, Tamaulipas (États-Unis du Mexique)

Brownsville et Matamoros sont des villes sœurs séparées par le fleuve Rio Grande, la frontière internationale entre les États-Unis d’Amérique et les États-Unis du Mexique, d’un point de vue géopolitique. Ces deux villes présentent néanmoins le même climat et de nombreuses similitudes sur les plans commercial et culturel. La population de Brownsville est majoritairement hispanique et les membres de nombreuses familles sont répartis de part et d’autre de la frontière. Près de 15 000 personnes traversent chaque jour les trois ponts internationaux qui relient les deux villes pour travailler, faire des achats et rendre visite à leurs proches. Il existe cependant une différence de prédisposition à la dengue malgré la présence du moustique vecteur, Aedes aegypti, dans les deux villes. Des épidémies se déclenchent régulièrement à Matamoros, alors que seuls quelques cas contractés localement sont enregistrés à Brownsville.

Divers facteurs augmentent le risque d’infection par le virus de la dengue à Matamoros. Si les deux villes sont dotées d’équipements comparables pour l’approvisionnement en eau et la gestion des eaux usées, le drainage des rues est moins efficace à Matamoros, entraînant parfois la fermeture de routes et empêchant la collecte régulière des ordures.

En outre, le revenu par habitant est nettement plus faible à Matamoros. Bien moins de domiciles sont équipés de l’air conditionné ou d’écrans moustiquaires pour fenêtres en bon état, ce qui facilite l’invasion par les moustiques. La suroccupation des logements et la forte densité de population augmentent la probabilité que des moustiques porteurs de l’agent infectieux rencontrent un hôte humain. Enfin, le fort taux de natalité à Matamoros accroît rapidement le nombre des personnes sensibles en apportant de nouveaux hôtes immunologiquement naïfs (15–17).

Situation migratoire

La migration peut parfois contribuer à l’introduction ou à la réintroduction de maladies à transmission vectorielle. Par exemple, une résurgence du paludisme en Grèce a été associée à la hausse de l’immigration (18) et un lien a été mis en évidence entre des flambées épidémiques de leishmaniose et la migration due à la guerre en Syrie (19). Aucune corrélation systématique n’a toutefois pu être établie entre la migration et la transmission des maladies à transmission vectorielle. Les voyageurs réguliers, les touristes ou les agents de santé sont plus susceptibles d’importer une maladie dans un pays que les migrants ou les réfugiés (20). (Pour plus d’informations, voir la section sur le dépistage des voyageurs au Chapitre 8.)

Toutefois, même si la migration ne contribue pas nécessairement aux flambées épidémiques de maladies à transmission vectorielle de manière directe, les migrants peuvent être plus exposés aux infections ou à des issues défavorables dans les zones où de telles maladies sont présentes. Les facteurs qui touchent d’autres communautés défavorisées, comme le manque d’accès à un logement sûr ou stable, à l’eau potable, ou encore à l’alimentation et

aux soins de santé, expliquent un grand nombre de ces risques. Les migrants constituent une grande part des pauvres de nombreuses villes, qui sont confrontés à des difficultés financières et de diverses natures, notamment en ce qui concerne l’accès à un logement décent et aux services sociaux. Les restrictions juridiques appliquées aux migrants peuvent exacerber ces risques, par exemple, dans certains pays, en limitant l’accès des immigrants sans papiers aux soins de santé (21).

Peuples et communautés autochtones

Nombre de maladies à transmission vectorielle touchent de manière disproportionnée les membres des populations autochtones. Les communautés autochtones vivent essentiellement dans des zones rurales isolées, en général fortement touchées par la pauvreté et avec un accès limité aux services de santé. Ces zones abritent souvent des vecteurs absents du milieu urbain, auxquels les individus sont plus facilement exposés, du fait d’activités telles que l’agriculture, la pêche et la chasse, ou en raison du partage des espaces de vie avec des animaux.

(18)

Cependant, la pauvreté et ses conséquences n’expliquent pas à elles seules le taux élevé des maladies à transmission vectorielle au sein des communautés autochtones. La langue et des spécificités culturelles peuvent aggraver les difficultés d’accès à la prévention et au traitement, tout comme

certains facteurs tels que l’éloignement physique des établissements de soins et la discrimination par des membres du groupe majoritaire. En outre, au sein des communautés autochtones, différents sous- groupes peuvent être soumis à des niveaux variables d’exposition aux risques.

2.3 Déterminants environnementaux des maladies à transmission vectorielle

L’épidémiologie des maladies à transmission vectorielle dépend grandement de l’environnement.

Outre l’impact de l’environnement sur les vecteurs en tant que tels, les interactions humaines avec ou dans les environnements et écosystèmes naturels influent sur l’exposition aux vecteurs (22). Par exemple, les activités industrielles contribuant à la pollution, aux émissions de carbone et à la dégradation des terres, ainsi que l’empiètement de l’homme sur le milieu sauvage, peuvent augmenter l’exposition de l’homme aux vecteurs. De même, une urbanisation anarchique peut générer des zones de forte densité de population dépourvues d’un assainissement adéquat ou d’un accès à l’eau potable, conditions qui favorisent la multiplication des populations de vecteurs et la transmission des maladies. Les autres facteurs de causalité liés aux activités humaines incluent les îlots de chaleur urbains (agglomérations plus chaudes que les zones rurales voisines) et la construction dans les zones côtières ou d’autres écosystèmes fragiles (23, 24).

Une corrélation a été établie entre les changements climatiques et des résultats sanitaires défavorables.

Ces changements influeraient en outre sur les modes de transmission des maladies à transmission vectorielle (25, 26). Les variations de la température, des précipitations et de l’humidité peuvent influer

sur les taux de piqûres, de survie et de reproduction des vecteurs ainsi que sur leur distribution. Une augmentation de la température ambiante accroît souvent le taux d’agents pathogènes chez les vecteurs ou favorise la reproduction de ces derniers.

Les conditions climatiques et météorologiques peuvent avoir d’autres conséquences, notamment en raison de l’impact de la sécheresse sur les systèmes de stockage de l’eau, les pratiques d’irrigation et l’utilisation des sols. Par ailleurs, les mouvements de population liés au climat peuvent influer sur l’écologie des vecteurs et l’exposition humaine aux infections (27). Toutefois, les interactions entre facteurs climatiques et non climatiques sont complexes et encore mal comprises. Des recherches complémentaires sur les liens entre des manifestations particulières des changements climatiques et les maladies à transmission vectorielle doivent être réalisées de toute urgence, en étant particulièrement attentif à l’impact des risques liés au climat sur des mesures spécifiques de lutte contre les maladies.

L’Encadré 2 illustre certains facteurs de risque environnementaux susceptibles d’être associés à des maladies à transmission vectorielle, notamment la déforestation et l’urbanisation.

(19)

9 2. CONTExTE

Encadré 2. Déforestation et urbanisation dans la province du Guangdong (République populaire de Chine)

En 2014, la province du Guangdong a connu sa pire flambée épidémique de dengue depuis la réapparition de la maladie en République populaire de Chine à la fin des années 1970. Plus de 45 000 cas et six décès ont été signalés, l’incidence la plus forte étant enregistrée à Guangzhou, la capitale provinciale. La flambée épidémique du Guangdong illustre le rôle joué par l’urbanisation, la déforestation et les mouvements de population dans la propagation de la dengue et l’influence des changements socio-économiques sur les épidémies. Les facteurs de risque suivants ont contribué à la flambée épidémique :

• Le delta du fleuve Pearl River, dans le Guangdong, foyer de l’épidémie, a un climat subtropical chaud et humide qui favorise la prolifération d’Aedes albopictus. L’année 2014 a connu des températures et des précipitations moyennes supérieures à celles des années précédentes, ce qui a probablement contribué à la survie du vecteur dans cette zone.

• La province du Guangdong a fait face à une urbanisation galopante, en particulier dans les zones où la dengue était la plus répandue, à savoir les villes densément peuplées de Guangzhou et Foshan et les villes voisines, où des grappes de cas ont été recensées, notamment Zhongshan et Zhuhai.

• L’urbanisation et le développement économique ont engendré une modification de l’utilisation des sols et une déforestation. Les eaux de pluie, auparavant absorbées et stockées dans les forêts, ont entraîné des ruissellements, qui ont formé des zones d’eau stagnante propices à la prolifération des moustiques.

• Les villages urbains à la périphérie des villes du delta du fleuve Pearl River se sont multipliés, avec une urbanisation rapide, peu planifiée et souvent menée sans autorisation ; les défaillances en matière d’infrastructure et

d’assainissement qui en résultent créent un environnement favorable aux moustiques.

• L’urbanisation est aggravée par un influx de travailleurs migrants en provenance des zones rurales vers les centres urbains. Cette évolution a engendré des conditions de surpopulation dans le Guangdong pour les migrants, avec d’importants mouvements de population. Certains d’entre eux, n’ayant jamais été exposés à la dengue, y sont particulièrement sensibles.

• Le delta du fleuve Pearl River est une plate-forme d’interconnexion majeure, avec des centres urbains bien connectés qui favorisent la propagation de la dengue lors des épidémies.

Ces facteurs de risque existent également dans d’autres pays et régions en rapide développement. La déforestation, l’urbanisation et la migration compliquent la lutte gouvernementale contre les maladies à transmission vectorielle (28–32).

(20)

3. Questions et valeurs éthiques pertinentes

Urbanisation et inégalités sanitaires mondiales. Un homme transporte de l’eau à Jakarta, Indonésie.

Source : OMS/Anna Kari

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11 3. QUESTIONS ET VALEURS ÉTHIQUES pERTINENTES

L’éthique consiste à sélectionner une action ou une politique appropriée, c’est-à-dire qui concorde avec des intérêts légitimes (33). Pour procéder à des analyses éthiques, il convient donc d’identifier au préalable les intérêts en jeu dans le contexte étudié. Bien qu’aucune liste consensuelle de valeurs éthiques applicables dans toutes les situations n’existe, certaines valeurs reviennent fréquemment dans les discussions relatives à la santé publique. Ces valeurs doivent être placées dans le contexte de la mission globale de santé publique : protéger et améliorer l’état de santé général des personnes et des communautés auxquelles elles appartiennent (34). Cette attention portée à l’impact des actions et des politiques sur la population générale est au cœur de la discipline désormais connue sous le nom « d’éthique en santé publique » (35).

L’éthique en santé publique vise tout d’abord essentiellement à promouvoir le bien-être des personnes et des communautés. Optimiser le bien-être repose sur la probabilité qu’une politique donnée atteigne ses objectifs en matière de bénéfices pour la santé publique (l’« efficacité ») et de coûts associés à l’obtention d’un certain niveau de bénéfice (l’« efficience ») par rapport aux bénéfices et aux coûts des autres politiques possibles.

Une évaluation éthique des activités de santé publique doit en outre s’intéresser à l’impact potentiel d’une action sur la justice sociale. La justice sociale désigne l’équité en matière de distribution des ressources, des opportunités et des résultats, que ce soit au niveau sociétal au sens large ou au sein d’unités distinctes, telles que les ménages. Les activités de santé publique peuvent aussi bien promouvoir que restreindre la justice sociale. Par exemple, les mesures visant à améliorer les systèmes d’approvisionnement en eau et d’assainissement d’une ville peuvent contribuer à la justice sociale en réduisant une cause importante de mauvaise santé chez les habitants vivant dans la pauvreté.

À l’inverse, une campagne d’information publique qui ne serait pas traduite dans la langue d’une minorité du pays pourrait accroître les injustices, certains membres des groupes minoritaires ne recevant pas des informations importantes pour la santé, telles que les mesures à prendre pour éviter l’exposition aux maladies.

Une autre valeur essentielle à prendre en compte lors de l’évaluation des activités de santé publique est le respect des personnes. Celui-ci impose de traiter les individus comme des entités autonomes et indépendantes et d’éviter d’imposer des contraintes externes inutiles. Les activités de santé publique peuvent promouvoir le respect des personnes en levant les obstacles qui empêchent les individus de vivre en bonne santé et de mener une vie productive.

À l’inverse, elles peuvent aussi porter atteinte au respect des personnes, par exemple lorsque les mesures prises pour lutter contre une maladie entraînent des restrictions non justifiées de la liberté de circulation ou de rassemblement des individus.

De nombreuses autres valeurs sont fréquemment évoquées au cours des débats sur l’éthique en santé publique. Celles-ci incluent la solidarité (agir ensemble pour le bénéfice mutuel d’un groupe), la réciprocité (fournir quelque chose en échange des contributions d’autres personnes), la responsabilisation (désigner les personnes responsables des décisions et faire appliquer ces responsabilités) et les garanties d’une procédure régulière (avertir les personnes qui seront concernées par une décision et leur donner la possibilité d’être entendues).

Certains pays, groupes religieux et autres communautés peuvent également s’inspirer d’autres valeurs.

La plupart des questions abordées dans ces orientations concernent des situations dans lesquelles plusieurs valeurs éthiques sont pertinentes. Ces valeurs pointent souvent dans des directions différentes, donnant lieu à des conflits ou dilemmes éthiques. Prenons l’exemple d’un organisme de santé publique qui décide si l’on doit imposer aux ménages d’éliminer les sources d’eau stagnante afin de lutter contre les vecteurs. Une évaluation préliminaire de cette intervention suggère qu’elle pourrait être efficace et efficiente ; par conséquent, si l’on considère uniquement la promotion du bien-être, cette activité semble n’engendrer aucune préoccupation éthique particulière. D’un autre côté, imposer aux ménages de modifier leur environnement de vie privée, avec potentiellement des inspections gouvernementales intrusives dans le but de faire observer ces dispositions, remet en cause la valeur éthique de respect des personnes. Par ailleurs, du point de vue de la justice sociale, le fardeau de l’intervention a de fortes chances de retomber majoritairement sur des membres vulnérables de la communauté, les ménages pauvres dépendant plus couramment d’un approvisionnement en eau manuel, l’eau étant ensuite stockée dans des points d’eau stagnante. Dans ces circonstances, pour qu’une telle intervention soit considérée comme opportune, les bénéfices potentiels en matière de bien-être doivent être suffisamment importants pour l’emporter sur le fardeau éthique en jeu.

Enfin, un processus de décision éthique satisfaisant impose un processus de délibération soigneux, partagé et transparent. L’importance d’un processus de décision partagé est l’une des raisons pour lesquelles la mobilisation communautaire est autant mise en avant dans ce document.

(22)

4. Prise en compte des déterminants sociaux et environnementaux

Une femme travaille dans une rizière près de Luang Namtha, Laos. Le changement climatique influence l’étendue géographique et la saisonnalité de certaines maladies infectieuses.

Source : OMS / Diego Rodriguez

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13 4. pRISE EN COMpTE DES DÉTERMINANTS SOCIAUx ET ENVIRONNEMENTAUx

Les conséquences du manque d’approvisionnement en eau, d’assainissement et d’hygiène à Mumbai, Inde.

Source : OMS / Diego Rodriguez

Par souci de justice sociale, les actions portant sur les déterminants sociaux et environnementaux des maladies à transmission vectorielle doivent être au cœur des stratégies de prévention et de lutte contre les maladies. Ceci est particulièrement important dans un contexte mondialisé, où les changements climatiques influent sur les principaux déterminants sociaux et environnementaux de la santé (36).

Premièrement, comme exposé précédemment, des facteurs tels que la pauvreté, l’inégalité et la dégradation de l’environnement contribuent directement à l’impact des maladies à transmission vectorielle, en augmentant le risque d’exposition aux vecteurs et le risque d’infection par les vecteurs et en aggravant les conséquences de l’infection pour les individus et les communautés. Il est donc essentiel d’agir sur ces facteurs pour que les interventions de santé publique soient efficaces. Deuxièmement, l’éthique s’intéresse non seulement au niveau de santé global de la société, mais aussi au profil de distribution de la bonne santé chez les individus et les groupes. Compte tenu de la valeur de justice sociale, la communauté internationale doit s’assurer que le fardeau des maladies à transmission vectorielle

ne repose pas de manière disproportionnée sur les membres les plus vulnérables de la société.

Comment les parties concernées par la planification et le contrôle peuvent-elles s’attaquer au fardeau disproportionné des maladies à transmission vectorielle qui pèse sur les personnes et les communautés vulnérables ? Auparavant, l’analyse du concept de vulnérabilité s’intéressait essentiellement à des sous-populations ou des groupes particuliers, et ce concept était défini selon des facteurs tels que le genre, l’âge ou l’appartenance à une minorité. Cette conception de la vulnérabilité supposait une certaine homogénéité chez les membres de ces groupes, quel que soit le contexte, ce qui a nourri les stéréotypes, la stigmatisation et la discrimination (37). En réalité, plusieurs facteurs ou couches de vulnérabilité interagissent et pourraient augmenter la vulnérabilité de certaines personnes au sein d’un sous-groupe de population particulier (38).

En lieu et place de l’approche par sous-populations, une analyse intersectionnelle tient compte des

(24)

relations et des interactions entre divers stratificateurs sociaux intégrés dans les processus et les systèmes de pouvoir au niveau individuel, institutionnel et mondial (39, 40). Une telle analyse reconnaît qu’il peut exister des différences importantes au sein de groupes parfois perçus comme relativement homogènes et que l’association de plusieurs facteurs peut avoir des effets synergiques (40). En attirant l’attention sur les nombreux facteurs d’inégalité, une analyse intersectionnelle permet de mettre en place des interventions et des politiques plus ciblées et nuancées dans des situations concrètes complexes.

Les décideurs doivent se sensibiliser aux facteurs sociaux pertinents pour les risques d’exposition aux maladies à transmission vectorielle, d’infection par ces maladies ou de conséquences délétères de ces maladies, et prendre connaissance des interactions entre ces facteurs dans des zones géographiques particulières. Dans certains cas, seuls les processus de mobilisation communautaire permettront de mettre en évidence ces vulnérabilités, ce qui plaide en faveur de la mise en place aussi précoce que possible de ces initiatives. En outre, les programmes de santé publique et de recherche doivent inclure des garanties et des mesures de protection afin de minimiser l’impact des vulnérabilités et d’éviter de les aggraver.

Ceci peut parfois nécessiter l’investissement de ressources additionnelles. Par exemple, dans certains cas, il peut être nécessaire de recruter du personnel supplémentaire pour prendre contact avec les personnes dont les moyens de déplacement sont limités ou pour traduire les informations dans la langue des groupes minoritaires.

Si la balance entre les bénéfices et les fardeaux associés à une proposition d’intervention de santé publique penche nettement en la défaveur de segments vulnérables de la société, d’autres stratégies doivent être envisagées pour répondre au problème.

Dans tous les cas, des mesures doivent être prises pour minimiser autant que possible l’impact négatif des interventions sur les personnes vulnérables.

Comment la communauté internationale peut-elle minimiser l’impact environnemental des maladies à transmission vectorielle ? Il est urgent de mettre fin aux actions humaines qui contribuent à l’apparition de maladies à transmission vectorielle. Avant d’entreprendre des projets importants de construction ou de développement, les

responsables de l’élaboration des politiques doivent lancer des évaluations de l’impact environnemental et sanitaire tenant explicitement compte du risque d’augmentation du fardeau des maladies à transmission vectorielle. Des experts en maladies à transmission vectorielle doivent participer à ces évaluations. En outre, les gouvernements et d’autres bailleurs de fonds doivent soutenir la recherche sur les liens entre les maladies à transmission vectorielle et des facteurs tels que le climat, l’industrialisation, l’urbanisation et le tourisme.

Les effets des changements climatiques sur les maladies à transmission vectorielle doivent être davantage pris en compte lors des discussions mondiales sur l’environnement. Bien que les pays à revenu faible ou intermédiaire n’aient que peu contribué aux causes des changements climatiques, le fardeau des maladies à transmission vectorielle sensibles au climat retombe essentiellement sur ces pays. Cela s’explique en partie par le climat tropical de nombreux pays en développement, particulièrement favorable à certains vecteurs (27), mais aussi par le fait que des segments importants de la population vivent dans des conditions socio-économiques difficiles et ont moins accès aux services de santé dans nombre de pays à revenu faible ou intermédiaire situés dans des régions tropicales. Par ailleurs, les personnes qui vivent dans des populations présentant des niveaux élevés de pauvreté sont plus susceptibles d’être infectées par des maladies à transmission vectorielle, puis de subir des conséquences négatives en matière de santé.

La distribution inéquitable du fardeau des maladies à transmission vectorielle doit être prise en compte dans la définition des stratégies de prévention et de lutte prioritaires. Comme le reconnaît la Déclaration de principes éthiques en rapport avec les changements climatiques de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), le principe de solidarité implique que les pays riches ont une obligation morale de coopérer avec les pays en développement dans la lutte contre les changements climatiques dans les domaines « du développement et du transfert de technologies, du soutien à la synthèse d’informations et connaissances pertinentes, du renforcement des capacités, et de l’offre de moyens et de ressources financières » (41). Pour satisfaire cette obligation, les pays riches peuvent imposer que les projets liés à la santé, à la recherche, à l’éducation, à la politique et au développement incluent explicitement des plans visant à atteindre ces objectifs (42).

(25)

15 5. CONSIDÉRATIONS ÉTHIQUES gÉNÉRALES pOUR LES INTERVENTIONS DE SANTÉ pUbLIQUE

5. Considérations

éthiques générales

pour les interventions de santé publique

Vaccination contre la fièvre jaune dans une école de Kara, nord du Togo.

Source : OMS / Olivier Asselin

(26)

Dans certains cas, les interventions de santé publique visant à lutter contre les maladies à transmission vectorielle peuvent conduire à des violations inévitables de l’autonomie des personnes ou entrer en conflit avec d’autres valeurs éthiques. Une analyse éthique de ces situations permet d’éviter qu’une valeur éthique particulière prime sur toutes les autres considérations. Une analyse éthique doit ainsi inclure des facteurs tels que les bénéfices anticipés pour le bien-être des personnes et des communautés, les fardeaux ou risques potentiels, les fardeaux et risques en cas de non-application de l’action suggérée, et la distribution des bénéfices, fardeaux et risques pertinents dans les différents segments de la société. Il est également primordial de déterminer si l’intervention pourrait être exécutée différemment afin d’augmenter les bénéfices, de réduire les fardeaux ou les risques, ou encore de conduire à une distribution plus équitable des bénéfices, des fardeaux et des risques.

Quels facteurs doivent être pris en compte lors de l’évaluation des risques, des fardeaux et des bénéfices potentiels des interventions de santé publique ?

Lors de l’évaluation éthique d’une suggestion d’intervention de santé publique, il est essentiel de déterminer si le rapport risques/bénéfices de cette intervention est plus favorable que celui des autres interventions possibles. Certaines des questions qui permettent d’identifier les facteurs pertinents pour le déterminer sont détaillées ci-dessous.

Facteurs relatifs aux bénéfices

Quelle est la réduction attendue de la charge de morbidité liée à l’intervention concernée ? La réponse à cette question dépend de la charge de morbidité existante et du risque ultérieur de maladie dans la population concernée, ainsi que des données factuelles sur l’utilité de l’intervention

proposée.

Quelle est la durabilité des bénéfices ? Les interventions permettant d’éliminer définitivement une maladie apportent des bénéfices plus marqués qu’un contrôle temporaire de la maladie. En outre, il convient

de noter que la probabilité d’une élimination durable de la maladie est souvent limitée dans le cas des maladies à transmission vectorielle en raison de l’impact potentiel de facteurs tels que les changements climatiques et les migrations. Si les bénéfices ne peuvent être maintenus sur le long terme, des interventions répétées sur une courte période pourraient être plus réalistes.

L’intervention est-elle réalisable ? Les éléments à prendre en compte incluent le coût, la disponibilité des équipements et ressources humaines nécessaires et, dans le cas des vaccins et des médicaments, la facilité d’administration, de transport et de stockage.

Facteurs relatifs aux risques et aux fardeaux

Quels sont les effets négatifs potentiels pour les personnes qui reçoivent

l’intervention ou qui y sont soumises (ou pour les communautés auxquelles elles appartiennent), aussi bien à court qu’à long terme ? Les risques pertinents ne se limitent pas à des dommages corporels potentiels, mais incluent également des conséquences telles que les méfaits économiques, la violation de la vie privée ou la stigmatisation.

Outre les risques connus, les conséquences incertaines mais plausibles d’après les enseignements tirés d’interventions

comparables doivent également être prises en compte.

Existe-t-il un risque que l’intervention contribue à la résistance aux médicaments ou aux insecticides utilisés comme

moyens de lutte ? Certains programmes d’administration de masse de médicaments, par exemple, sont susceptibles de favoriser la résistance, comme cela a été observé lors de précédents programmes d’élimination du paludisme (43).

À quel point l’exécution de l’intervention porterait-elle atteinte à l’autonomie des personnes ? Même si une intervention n’est pas prescrite par la loi, les mesures prises pour favoriser l’application de cette

(27)

17 5. CONSIDÉRATIONS ÉTHIQUES gÉNÉRALES pOUR LES INTERVENTIONS DE SANTÉ pUbLIQUE

intervention pourraient être perçues comme coercitives, en particulier par les individus et groupes privés de leurs droits.

Quels sont les coûts d’opportunité associés à l’intervention, en termes de ressources humaines comme financières ? Dans certaines situations, les ressources affectées à une intervention pourraient être exploitées de manière plus efficace par d’autres interventions plus susceptibles d’aboutir à des bénéfices durables. Par exemple, les ressources affectées à une intervention coûteuse faisant appel à des technologies de pointe pourraient être employées de manière plus productive pour moderniser des systèmes d’approvisionnement en eau et d’assainissement insuffisants.

Est-il probable que l’intervention

rencontre l’opposition de la communauté ? Dans certains contextes, l’opposition

communautaire peut remettre en question la volonté des individus à participer à d’autres initiatives de santé publique importantes. (Il est souvent possible de minimiser ce risque à l’aide d’une stratégie efficace de mobilisation communautaire, comme cela sera développé ultérieurement.)

Il est important de reconnaître que les réponses aux questions précédentes dépendent en partie de la manière dont la population cible de l’intervention est définie. Dans certains cas, une intervention ciblant des groupes à haut risque pourrait offrir un rapport bénéfices/fardeaux plus favorable qu’une intervention prévue pour l’ensemble de la population.

Les programmes qui n’ont pas été conçus pour couvrir de manière universelle l’ensemble de la population peuvent néanmoins entraîner des problèmes de justice sociale si les membres de groupes défavorisés sont moins susceptibles d’en tirer des bénéfices ou sont plus exposés aux fardeaux ou aux effets négatifs.

Quels sont les facteurs à prendre en compte pour déterminer le degré de volontariat approprié concernant une intervention donnée ?

Les interventions de santé publique peuvent conduire à des restrictions plus ou moins importantes de l’autonomie individuelle. À une extrémité du panel d’interventions se trouvent des interventions telles que les campagnes d’administration de masse de médicaments, durant lesquelles les personnes sont informées des bénéfices et risques potentiels et sont libres de décider de leur participation. Le libre choix peut être protégé soit en demandant à la personne d’exprimer explicitement son consentement à

Participation de la communauté Massaï à la recherche sur les maladies à transmission vectorielle et le changement climatique dans le cadre du partenariat entre le « Programme TDR » et le CRDI, Tanzanie.

Source : OMS / Andy Craggs

(28)

participer (« adhésion »), soit en informant sur la nature volontaire de l’activité et sur la possibilité de s’y opposer (« retrait »).

À l’autre extrémité se trouvent les actions prises à l’échelle communautaire, sans possibilité d’objection individuelle (par exemple, pulvérisation aérienne des récoltes) et les dispositions légales imposées aux individus, assorties d’amendes en cas de non- respect. Par exemple, certains pays infligent des amendes ou d’autres sanctions pécuniaires aux personnes ou entités qui n’agissent pas pour limiter la prolifération des moustiques sur leur propriété (44–46). Même lorsque les mesures de lutte antivectorielle ne sont pas obligatoires, les actions visant à favoriser le respect de ces mesures peuvent être perçues comme coercitives.

En règle générale, tant sur le plan éthique que du point de vue des droits de l’homme, les interventions de santé publique doivent restreindre les libertés individuelles le moins possible et/ou uniquement dans la mesure nécessaire (47). Ainsi, toutes choses égales par ailleurs, les mesures volontaires sont généralement préférables aux obligations légales (48). Cependant, des mesures plus restrictives peuvent être justifiées sur le plan éthique lorsque les efforts volontaires ne seraient pas aussi efficaces ou utiles compte tenu des circonstances.

Étant donné l’importance d’une action collective dans la lutte contre les maladies à transmission vectorielle, des restrictions des choix individuels peuvent parfois être justifiées s’il est raisonnable de penser que des mesures peu restrictives sont moins susceptibles que d’autres mesures d’aboutir à l’objectif de santé publique souhaité (49, 50). L’opportunité de restreindre l’autonomie individuelle dépend de l’importance de l’intervention pour la réduction du risque de maladie, en tenant compte des autres mécanismes de lutte également disponibles ; du degré d’impact possible des choix individuels sur la réussite du programme, si de tels choix sont autorisés ; et du fardeau de la maladie concernée, ainsi que des fardeaux liés à l’intervention, pour les personnes infectées et la population dans son ensemble.

1 L’éventail d’options qui s’offrent au gouvernement et aux responsables de l’élaboration des politiques peut être considéré comme une échelle d’interventions, dont les échelons progressent, de bas en haut, des libertés et responsabilités individuelles jusqu’à l’intervention de l’État. Afin d’identifier l’échelon approprié pour atteindre un objectif de santé publique particulier, les bénéfices pour les individus et la société doivent être mis en balance avec l’atteinte aux libertés individuelles (51).

Il importe également de réfléchir aux conséquences négatives potentielles des interventions de santé publique qui impliquent des restrictions de l’autonomie individuelle (51).1 Celles-ci incluent un affaiblissement de la confiance de la communauté, une réduction du sentiment de solidarité au sein de la communauté et une baisse potentielle de la volonté des individus de coopérer avec d’autres mesures de santé publique.

Dans certains cas, ces conséquences peuvent dépasser les bénéfices en matière de réduction de la maladie obtenus par l’usage de mesures obligatoires.

Peut-il être éthiquement acceptable d’offrir une compensation financière ou d’autres mesures incitatives pour encourager des personnes à participer aux interventions de santé publique ?

Les responsables de l’élaboration des politiques peuvent parfois chercher à motiver la participation à des interventions de santé publique en proposant divers types de paiements ou de rémunérations.

Dans certains cas, ils peuvent se limiter à rembourser les dépenses engagées lors de la participation aux programmes de santé publique, notamment les frais de transport vers un établissement médical dans le cadre d’une campagne de vaccination ou d’administration de masse de médicaments.

Dans d’autres cas, ils peuvent offrir des sources supplémentaires de compensation en dehors du remboursement des dépenses. Des données factuelles montrent que ces offres peuvent s’avérer efficaces pour encourager la participation. Par exemple, une nette augmentation de l’adhésion à certains programmes de vaccination nationaux a été observée après que des bons d’alimentation ont été proposés aux participants (52).

Lorsque l’efficacité des interventions de santé publique repose sur une large participation, offrir une compensation peut s’avérer une méthode acceptable sur le plan éthique d’œuvrer pour le bien de tous.

Contrairement à la stratégie consistant à infliger des sanctions pécuniaires en cas de non-respect, le recours à des mesures incitatives positives ne

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